IV. ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE : UN AVENIR À SURVEILLER

A. UNE CROISSANCE DES CRÉDITS DE L'ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE DANS UN CONTEXTE DE FORTES TENSIONS

La croissance des crédits destinés à l'archéologie préventive (+ 10 millions d'euros, soit 6 %) apparait justifiée au regard de la hausse des coûts d'intervention subie par les opérateurs pour la réalisation des diagnostics ces dernières années - qui pourrait atteindre jusqu'à 30 % selon l'Association nationale pour l'archéologie de collectivité territoriale (ANACT). Depuis 2018, les crédits de l'action 9 ont été revalorisés de 21 %.

Plusieurs facteurs sont à l'origine de cette flambée des coûts :

ü le contexte global inflationniste (hausse des coûts de l'énergie, renchérissement du coût d'achat et de location du matériel) ;

ü les revalorisations salariales et indiciaires (point d'indice, prime de précarité) intervenues depuis 2021 ;

ü les changements notables mis en place dans la politique d'aménagement du territoire : le déploiement des schémas de cohérence territoriale (SCOT), des grandes opérations d'urbanisme (GOU) et des opérations de revitalisation du territoire (ORT), ainsi que la mise en place du zéro artificialisation nette (ZAN) se traduisent par une réorientation des opérations d'aménagement des zones rurales en direction des zones urbaines (comblement des dents creuses) et périurbaines (friches industrielles). Cette nouvelle dynamique en matière d'aménagement se traduit par une réduction de la taille des projets, ainsi qu'un accroissement du coût et de la complexité technique des opérations de diagnostic (enjeu de la dépollution préalable des sols, par exemple), dont le niveau devrait encore s'amplifier dans les années à venir.

Le ralentissement de l'activité du secteur de la construction crée aussi un climat de forte incertitude. Il pourrait peser sur le fonctionnement de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) et des services d'archéologie de collectivités territoriales s'il devait se poursuivre en 2024, dans la mesure où les recettes qu'ils touchent dans le champ concurrentiel (fouilles) permettent de compenser le faible niveau de leurs dotations au titre de leur activité dans le champ non concurrentiel (diagnostics).

B. UNE VIGILANCE NÉCESSAIRE CONCERNANT LES SERVICES D'ARCHÉOLOGIE DE COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

L'essentiel de ces nouveaux crédits (+ 8,9M€) se porte sur l'INRAP. Les crédits inscrits pour compenser les opérations de diagnostics réalisés par les collectivités territoriales restent stables, à 14,2 millions d'euros.

Si la dotation destinée aux collectivités territoriales avait été fortement revalorisée en 2023 (+ 20 %) suite à l'adoption de nouvelles modalités de calcul7(*) de leurs indemnités, cet effort budgétaire n'a résorbé qu'en partie l'accroissement des coûts subis par les collectivités territoriales et n'a pas permis de corriger l'écart de niveau d'indemnisation entre elles et l'INRAP, de près de 50 % inférieur à l'hectare sondé d'après l'ANACT.

La situation de ces acteurs n'est pas totalement comparable, dans la mesure où les 62 services de collectivités habilités peuvent choisir les opérations qu'ils réalisent, tandis que l'INRAP a l'obligation d'intervenir en dernier ressort en sa qualité d'opérateur national, ce qui suppose qu'il soit présent sur tout le territoire et qu'il dispose des compétences scientifiques lui permettant d'intervenir en tous milieux (terrestre, subaquatique, sous-marin). Le code du patrimoine n'impose par ailleurs pas à l'État de compensation intégrale des frais engagés par les collectivités pour la réalisation des diagnostics : son article L. 524-11 prévoit seulement la possibilité d'une subvention de l'État.

 
 

Source : Commission de la culture (chiffres du ministère de la culture)

Compte tenu des risques que pourrait présenter à terme cette sous-compensation pour l'avenir de certains services de collectivités, il parait essentiel qu'un travail approfondi soit engagé par le ministère de la culture autour de cette question. Le maintien de ces services est un enjeu important :

· pour les collectivités territoriales, pour lesquelles ils constituent un moyen de mieux maîtriser les délais des opérations d'aménagement et d'encourager le dialogue entre les archéologues et les aménageurs ;

· pour l'État, puisque les services de collectivités territoriales se chargent aujourd'hui de traiter environ 25 % des surfaces soumises à diagnostic.

 

Les collectivités évaluent l'effort budgétaire pour résorber l'écart avec l'INRAP à 10 millions d'euros.

Elles font observer que ce surcoût pourrait facilement être supporté par l'État, sans porter atteinte aux subventions de l'INRAP, s'il utilisait une partie des excédents qu'il perçoit sur le produit de la redevance d'archéologie préventive8(*) (RAP).

Source : Commission de la culture (chiffres de l'ANACT)

Il ne serait d'aucune utilité de relever le montant de la subvention destinée aux collectivités territoriales par amendement dans le cadre du présent projet de loi de finances, puisque la dotation inscrite n'est pas automatiquement reversée aux collectivités : le montant de la subvention dépend chaque année de la surface couverte par les diagnostics effectivement réalisés et de leur complexité. L'enjeu est donc l'ouverture de discussions pour permettre une révision des modalités de calcul de la subvention prévue par arrêté garantissant une meilleure compensation des dépenses des collectivités territoriales au titre de la mission de service public qu'elles rendent.

La commission note avec satisfaction que la ministre de la culture s'est montrée ouverte, lors de son audition du 24 octobre dernier, à la possibilité d'une concertation avec les collectivités territoriales à ce sujet. Le ministère de la culture a précisé qu'une telle démarche devrait reposer sur une évaluation préalable des dépenses réellement engagées par les collectivités dans cette mission de diagnostics en comparaison des subventions qu'elles ont perçues ces dernières années.

La commission considère que des réflexions pourraient par ailleurs être menées, entre les services de collectivités territoriales d'une part, et entre ceux-ci et l'INRAP d'autre part, pour faciliter à l'avenir davantage les mutualisations et les regroupements.

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La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis, lors de sa réunion plénière du 8 novembre 2023, un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 175 « Patrimoines » du projet de loi de finances pour 2024.


* 7 Arrêté du 6 décembre 2022 portant revalorisation de la valeur par mètre carré et modifiant les critères de majoration en fonction du niveau de complexité des opérations de diagnostic d'archéologie préventive.

* 8 Depuis 2016, la redevance d'archéologie préventive n'est plus une taxe affectée : elle est reversée au budget général de l'État et le montant des subventions à l'INRAP et aux collectivités est décorrélé de son rendement.

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