B. L'AVENIR INCERTAIN DE L'AME NE DOIT PAS FAIRE OBSTACLE À LA LEVÉE DES CONTRAINTES ACTUELLES QUI PÈSENT SUR LES ACTEURS DU SOIN
1. Des procédures administratives toujours complexes et chronophages
Les établissements de santé relèvent les difficultés persistantes en matière d'ouverture des droits à l'AME pour les patients qu'ils accueillent ; l'envoi d'un courrier pour notifier l'octroi ou le refus de l'AME au domicile de la personne n'apparaît pas pleinement adapté, s'agissant de situations individuelles souvent instables et précaires. La complexité du circuit de traitement des factures pour les soins urgents doit également être soulignée, malgré l'amélioration notable permise par la dématérialisation de la facturation.
Concernant les soins de ville, les difficultés de recouvrement des frais sont liées à l'absence de facturation dématérialisée, imposant un traitement manuel des dossiers.
Face à ce constat, dans la continuité des mesures déjà adoptées, il est recommandé de poursuivre les efforts permettant de simplifier et de fluidifier le processus de facturation des soins8(*).
51,5%
L'AME représente un montant de recettes non négligeable pour les établissements de santé. Entre 2012 et 2021, le montant des recettes associées aux prestations de l'AME est ainsi passé de 282,5 millions d'euros à 393,2 millions d'euros soit une augmentation de 39 %. Cette évolution suit la même dynamique que celle des recettes issues de l'Assurance maladie (+37 % sur la même période). C'est la raison pour laquelle la Fédération hospitalière de France et la Fédération de l'hospitalisation privée se sont inquiétées d'une fragilisation de la situation financière de leurs établissements en cas de suppression de l'AME. La prise en charge de patients insolvables et dépourvus de droits est une réalité quotidienne des établissements, à laquelle il conviendra d'être attentif dans la perspective d'une évolution du dispositif de l'AME.
2. L'AME : des évolutions passées, et à venir ?
Dans le cadre de l'examen du projet de loi Immigration, le Sénat a adopté le 7 novembre par amendement la suppression de l'AME, remplacée par une aide médicale d'urgence (AMU)9(*). Celle-ci serait accessible après acquittement d'un droit annuel, dont le montant serait fixé par décret, et restreindrait le périmètre des soins accessibles à la prophylaxie, aux maladies graves et aux soins urgents et vitaux, aux soins liés à la grossesse, aux vaccinations réglementaires et aux examens de médecine prédictive. Après une lecture par l'Assemblée nationale et le Sénat et engagement de la procédure accélérée par le gouvernement, le texte a été transmis à l'Assemblée nationale le 14 novembre 2023.
L'AME de droit commun, instaurée en janvier 2000, a connu plusieurs évolutions. La condition d'une durée minimale de séjour irrégulier de trois mois pour l'obtention du bénéfice de l'AME est en vigueur depuis le 1er janvier 2020. De même, depuis janvier 2020, la prise en charge de certaines prestations programmées et non urgentes pour les majeurs est soumis à un délai d'ancienneté de bénéfice de l'AME fixé à 9 mois10(*). Il ne peut être dérogé à ce délai qu'après accord du service du contrôle médical de l'assurance maladie, sollicité au cas par cas. De plus, pour mémoire, la loi de finances pour 2011 avait créé un droit d'entrée à l'AME de 30 € à compter du 1er mars 2011 ; ce droit a été supprimé par la loi de finances rectificative du 16 août 2012. Si cette contribution a permis de générer des recettes fiscales supplémentaires, elle a également conduit à une augmentation du coût moyen des soins par bénéficiaire de l'AME et à un constat de report des prises en charge sur les soins urgents.
Établir des estimations chiffrées d'une économie potentielle générée par la restriction du panier de soins accessible sans frais aux personnes en situation irrégulière relève d'un exercice complexe, compte tenu des effets de bord qu'une telle évolution peut engendrer, en particulier les retards de prise en charge et le report sur les soins urgents.
Dès à présent, la commission des finances a souhaité tirer les conséquences de l'adoption de l'AMU et proposé, dans le cadre de l'examen de la présente mission, un amendement tendant à réduire de 410 millions d'euros le montant des crédits alloués au programme 183 en 2024.
Extrait du texte adopté par le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi Immigration (article 1er I) « Art. L. 251-1. - Tout étranger résidant en France sans remplir la condition de régularité mentionnée à l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale depuis plus de trois mois et dont les ressources ne dépassent pas le plafond mentionné au 1° de l'article L. 861-1 du même code a droit, pour lui-même et les personnes à sa charge, à l'aide médicale d'urgence, sous réserve, s'il est majeur, de s'être acquitté, à son propre titre et au titre des personnes majeures à sa charge, d'un droit annuel dont le montant est fixé par décret. « En outre, toute personne qui, ne résidant pas en France, est présente sur le territoire français, et dont l'état de santé le justifie, peut, par décision individuelle prise par le ministre chargé de l'action sociale, bénéficier de l'aide médicale d'urgence dans les conditions prévues à l'article L. 251-2 du présent code. Dans ce cas, la prise en charge des dépenses mentionnées au même article L. 251-2 peut être partielle. [...] « Art. L. 251-2. - I. - La prise en charge, assortie de la dispense d'avance des frais, concerne : « 1° La prophylaxie et le traitement des maladies graves et les soins urgents dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître ; « 2° Les soins liés à la grossesse et ses suites ; « 3° Les vaccinations réglementaires ; « 4° Les examens de médecine préventive. |
* 8 Plusieurs pistes de travail ont pu être évoquées, notamment : communication aux hôpitaux des décisions des CPAM d'ouverture des droits ; création d'une carte à puce de type carte Vitale en substitution à la carte d'AME.
* 9 Amendement n° 624 de Muriel Jourda et amendement n° 358 rect. bis de Christian Klinger.
* 10 La liste de ces prestations réalisées en établissement de santé et liées à des pathologies non sévères est précisée dans le décret n° 2020-1325 du 30 octobre 2020