Avis n° 373 (2022-2023) de Mme Sylvie VERMEILLET , fait au nom de la commission des finances, déposé le 28 février 2023

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N° 373

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 février 2023

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale , dont le Sénat est saisi en application de l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution, pour 2023 ,

Par Mme Sylvie VERMEILLET,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) :

760 , 771 , 814 et 819

Sénat :

368 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Réunie le 28 février 2023 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a adopté l'avis de Mme Sylvie Vermeillet sur le projet de loi n° 368 (2022-2023) de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 , déposé à l'Assemblée nationale le 23 janvier 2023. Ce projet de loi n'a pas été adopté par l'Assemblée nationale et a été transmis au Sénat, en application de l'article 47-1 de la Constitution, le 18 février 2023 .

Le Gouvernement a présenté, le 23 janvier dernier, un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, visant à mettre en oeuvre une réforme paramétrique du système de retraites. Au regard de ses effets certains sur les finances publiques, la commission des finances a souhaité se saisir pour avis de l'ensemble du texte.

I. UNE RÉFORME PARAMÉTRIQUE DESTINÉE À RÉPONDRE À LA DÉGRADATION ATTENDUE DU SOLDE DU SYSTÈME DES RETRAITES

Le système des retraites est composé en France des régimes obligatoires d'assurance-vieillesse, du Fonds de solidarité vieillesse et des régimes complémentaires. Les dépenses de retraites se sont élevées, en 2021, à 345,1 milliards d'euros, les recettes du système atteignant 346 milliards d'euros. Le financement public des régimes - hors cotisations des agents et des employeurs publics - a atteint 129,7 milliards d'euros en 2021 et représente 34,4 % des ressources du système des retraites. Sur 1 000 euros de prélèvements obligatoires perçus en 2021, 248 euros ont été fléchés vers le financement des retraites.

Le système des retraites repose sur le principe de répartition . Aux termes de celui-ci, les cotisations prélevées sur les actifs financent les pensions versées aux retraités . Dans ces conditions, la part des ressources du système rapportée au produit intérieur brut (PIB) permet d'évaluer la soutenabilité du système des retraites. Ce taux de prélèvement, qui a atteint 13,8 % en 2021, équivalait quasiment au poids des dépenses de retraites rapportées au PIB et a donc permis au système des retraites de dégager un excédent de 900 millions d'euros. L'exercice 2022 confirme cette tendance avec un excédent annoncé de 3,2 milliards d'euros.

A. LE SYSTÈME SERA DÉFICITAIRE DÈS 2023

Dans le scenario central retenu par le Gouvernement pour sa réforme (convention EPR, croissance de la productivité du travail à long terme de 1 % et taux de chômage à long terme fixé à 4,5 %), le déficit du système des retraites atteindrait 1,8 milliard d'euros à la fin 2023 et pourrait s'élever à législation inchangée, à 13,5 milliards d'euros à l'horizon 2030.

Évolution prévisionnelle du solde du système des retraites 2020-2030

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport du Conseil d'orientation des retraites de septembre 2022

Cette perspective négative ne semble pouvoir être inversée à long terme.

Solde prévisionnel du système des retraites

(en % du PIB)

Source : Conseil d'orientation des retraites, rapport de septembre 2022. Données obtenues en appliquant la convention EPR, un taux de croissance de la productivité annuelle à long terme de 1 % et un taux de chômage à long terme de 4,5 %

B. LA STABILISATION RELATIVE DES DÉPENSES NE COMPENSE PAS UNE BAISSE ATTENDUE DES RESSOURCES

Le Conseil d'orientation des retraites met en avant dans ses travaux une stabilisation, voire une baisse, du niveau des retraites rapporté au PIB - 13,9 % du PIB en 2027 contre 13,5 % du PB en 2070, en dépit d'une augmentation du nombre de pensionnés (19,9 millions en 2021 contre 23,1 millions attendus en 2027). Cette diminution relative en dépenses ne compense pas, pour autant une baisse des ressources liée à une réduction du nombre de cotisants (1,7 cotisant pour 1 retraité aujourd'hui contre 1,2 cotisant pour 1 retraité à l'horizon 2070) conjuguée à une réduction de l'assiette de cotisation (diminution de l'emploi public et réduction des transferts en provenance des branches chômage et famille).

Évolution des dépenses et des ressources du système des retraites
rapportées au PIB ( en % du PIB)

Source : commission des finances d'après les données du COR

En dépit de leur stabilité relative, les dépenses de retraite restent un enjeu en termes de finances publiques. L'absence de dérapage ne saurait, en effet, occulter l'évolution naturelle de ces dépenses, estimée à + 1,8 % en volume par an sur le quinquennat actuel . Elle semble incompatible avec l'objectif affiché par ailleurs par le Gouvernement de réduction du déficit public à l'horizon 2027 , sauf à encadrer sévèrement le reste de la dépense publique, toutes administrations publiques confondues.

C. UNE RÉFORME CENTRÉE SUR L'ÂGE DE DÉPART ET LA DURÉE D'ASSURANCE

La réforme paramétrique présentée par le présent projet de loi de financement rectificative repose sur une majoration de l'âge d'ouverture des droits (AOD) qui passerait de 62 à 64 ans, à raison d'un trimestre par an à compter du 1 er septembre prochain. Les natifs du second semestre 1961 seraient les premiers concernés. À cette mesure d'âge s'ajoute une accélération de l'allongement de la durée de cotisation , portée à 43 annuités dès 2027, contre 2035 comme prévu dans la réforme dite « Touraine » de 2014. Le Gouvernement a écarté toute mesure d'augmentation des cotisations afin de ne pas majorer le coût du travail (442 euros annuels par cotisant nécessaires en 2030 pour équilibrer le système) ou de diminution des pensions , afin de ne pas accélérer la baisse de niveau des retraites déjà inévitable à moyen terme (719 euros annuels par retraité nécessaires en 2030 pour équilibrer le système).

II. UNE RÉFORME QUI REPOSE SUR PLUSIEURS PARIS

A. UN CADRAGE MACRO-ÉCONOMIQUE TROP OPTIMISTE

Le scénario macroéconomique retenu pour l'amorçage de cette réforme paramétrique en septembre 2023 serait inchangé par rapport à celui retenu pour les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2023. La commission des finances a déjà émis des réserves sur celui-ci qu'il s'agisse du taux de croissance (1 %) ou du taux de chômage à l'horizon 2027 (5 %) qui apparaissent trop optimistes. Les hypothèses de long terme (croissance de la productivité du travail de 1 % par an et taux de chômage à long terme de 4,5 %) suscitent les mêmes réserves.

B. LA QUESTION DE L'EMPLOI DES SENIORS

La majoration de l'âge légal de départ en retraite suscite des questions au regard du faible taux d'emploi des plus de 50 ans . Même s'il est en très nette hausse depuis 2003, le taux d'emploi des 55-64 ans - 53,8 % - reste inférieur à la moyenne européenne, établie à 59,6 % au sein de l'Union européenne. Le décrochage est particulièrement patent pour la classe d'âge 60-64 ans. Le Gouvernement prévoit néanmoins une progression un taux d'emploi majoré de 2 % pour la population âgée de 60 à 64 ans en 2025 puis de 6 % en 2030 en se fondant sur les données issues de la réforme de 2010 qui avait également décalé de deux ans l'âge légal de départ en retraite. Deux études de l'INSEE et de l'UNEDIC sur la réforme des retraites de 2010 soulignent pourtant que l'accroissement de l'emploi lié au relèvement des âges légaux ne saurait occulter une progression du chômage pour cette classe d'âge. Cette donnée est également mise en avant par la Caisse nationale d'assurance-vieillesse (CNAV) dans son estimation de l'évolution de l'emploi induite par une majoration de l'âge de départ d'un trimestre par génération (+ 27 000 personnes en 2027 et + 48 000 personnes en 2032).

C. L'ABSENCE DE STRATÉGIE AMBITIEUSE EN MATIÈRE DE RÉSERVES

Le montant total des réserves placées par les régimes de retraites atteignait fin 2021, 180,4 milliards d'euros, soit 7,2 % du PIB. 86,5 milliards d'euros appartiennent ainsi à l'AGIRC-ARRCO. A l'inverse, les régimes de base, à l'instar de la CNAV, du régime de la fonction publique ou des régimes spéciaux comme ceux des industries électriques et gazières, de la RATP ou la SNCF, ne disposent pas de tels matelas.

La perspective de recettes supplémentaires pour le système des retraites mais également pour les autres branches de la sécurité sociale et le budget de l'État, induites par le cercle vertueux qu'initierait en principe la réforme paramétrique proposée, aurait dû inciter le Gouvernement à réviser sa stratégie s'agissant du Fonds de réserve pour les retraites (FRR). Sa trajectoire a, en effet, été remise en question par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 aux termes de laquelle le Fonds n'est plus réellement abondé et sa mission réorientée vers le financement de la dette sociale, gérée par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).

III. UNE RÉFORME COÛTEUSE ?

A. UN IMPACT INCERTAIN SUR LE SOLDE PUBLIC

Le Gouvernement ne cible, dans les études d'impact rattachées au présent projet de loi de financement rectificative, que l'impact sur l'activité, sans toutefois définir une véritable trajectoire. Il table ainsi sur une augmentation du taux d'emploi des 15-74 ans de 0,3 % en 2027 puis de 0,5 % en 2030, réfutant tout risque d'effet de substitution entre jeunes et seniors. Dans ces conditions, il envisage un surcroît de PIB de l'ordre de 0,7 % en 2027 puis de 1,1 % en 2030. Cette progression devrait générer des recettes supplémentaires pour les comptes publics : 9 milliards d'euros, soit 0,3 % de PIB, sont ainsi attendus en 2027 .

Le modèle Mésange, utilisé jusqu'en 2016 par la direction générale du Trésor, conduit à d'autres résultats : aucune augmentation du PIB n'est à attendre d'ici à 2027, l'impact sur le solde public étant chiffré à 0,1 point à cette date. Ces chiffres rejoignent ceux de l'OFCE, qui illustrent, quant à eux, un effet potentiellement récessif de la réforme proposée et pointent notamment un risque d'effet de substitution au détriment, notamment, de l'emploi des jeunes . Ainsi là où la direction générale du Trésor indique au COR un gain potentiel de 390 000 emplois en cas de décalage de l'AOD de deux ans au rythme d'un trimestre par an, l'OFCE limite cette création nette à 60 000 emplois.

Évolution du PIB, du solde public et du solde du système des retraites après mise en oeuvre de la majoration de deux ans de l'âge d'ouverture des droits

(en % du PIB)

Source : commission des finances d'après les données transmises au COR par la direction générale du Trésor et l'OFCE

Le projet de loi initial présente plusieurs dispositions destinées à accompagner la mise en oeuvre de l'allongement de la durée d'activité en visant certaines situations particulières. Le coût de l'ensemble de ces mesures est estimé à 4,1 milliards d'euros en 2027 puis à 5,9 milliards d'euros en 2030 . Le solde du système des retraites devrait, dans ces conditions rester négatif à l'issue du présent quinquennat. Le Gouvernement table ainsi sur un déficit de 4,6 milliards d'euros en 2027. L'équilibre ne serait atteint qu'en 2030, à la condition, bien évidemment, que le scénario macro-économique soit respecté.

Cet équilibre est cependant fragilisé par les amendements déposés par le Gouvernement en première lecture à l'Assemblée nationale , qui, s'ils n'ont pu être examinés avant la transmission du texte au Sénat, ont vocation à être déposés à nouveau. L'ensemble des mesures est estimé à 800 millions d'euros à l'horizon 2030.

B. LA SUPPRESSION DES RÉGIMES SPÉCIAUX RESTE À PRÉCISER

Le projet de loi de financement rectificative prévoit, qu'à compter du 1 er septembre 2023, les régimes des retraites des industries électriques et gazières, de la RATP, de la Banque de France, des clercs et employés de notaire (CRPCEN) et des élus du Conseil économique, social et environnemental (CESE) n'affilient plus de nouveaux cotisants. La rapporteure pour avis comprend les motivations entourant la fermeture de ces régimes spéciaux de retraite. Le maintien d'un statut dérogatoire pour des régimes largement financés par des fonds publics (subvention ou taxe affectée) n'apparaît pas cohérent. Les cinq caisses se caractérisent, en effet, par des conditions d'âge s'éloignant du droit commun et par conséquent des durées de versement plus longues. Or, la solidarité nationale, initialement dédiée à la compensation des déséquilibres démographiques, ne peut conduire à financer des avantages spécifiques .

Montant des cotisations perçues, des financements de l'État et des compensations démographiques rapportés à celui des prestations versées par les régimes
des IEG, de la RATP, de la CRPCEN et de la Banque de France en 2021 1 ( * )

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2022 et le rapport d'activité 2021 de la Banque de France

La rapporteure pour avis s'étonne néanmoins que les conséquences financières de l'attrition du nombre de cotisants pour ces régimes ne soient pas d'ores et déjà prévues et que le Gouvernement reporte aux textes financiers de 2024 la mise en place de dispositifs adaptés (convention avec la CNAV et l'AGIRC-ARRCO, utilisation des réserves des régimes). Elle sera par ailleurs vigilante sur les négociations entourant l'alignement à venir sur le droit commun au sein de ces régimes spéciaux, à la lumière du triple exemple de la RATP, de la SNCF et des IEG. Les réformes de 2008 et 2010 ont en effet débouché sur l'octroi de bonification majorant les droits à pension des assurés concernés.

C. QUELLES CONSÉQUENCES POUR LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS » ?

Le relèvement de l'âge d'ouverture des droits (AOD) à 64 ans concerne les agents de la fonction publique . La borne d'âge est aussi relevée de deux ans pour les agents relevant des catégories actives et superactives (militaires, policiers, etc.) . Le présent projet de loi de financement rectificative propose plusieurs dispositifs destinés à accompagner la réforme. La mise en oeuvre de l'ensemble de ces mesures n'apparaît pas forcément utile au regard des comportements constatés au cours des derniers exercices. L'âge conjoncturel de départ à la retraite des fonctionnaires civils progresse ainsi tendanciellement pour s'élever en 2021 à 63 ans et 8 mois pour les sédentaires et 60 ans pour les actifs.

En prenant en compte ces mesures nouvelles, la réforme paramétrique devrait avoir pour effet mécanique une amélioration du solde technique du CAS Pensions de l'ordre de 0,7 milliard d'euros en 2027 puis de 1,1 milliard d'euros en 2030. Le solde technique, s'il est positif, est reversé au budget de l'État. Il ne se traduit pas, en effet, par une immobilisation de trésorerie sur un compte de l'État. Il est aujourd'hui nécessaire de remettre en cause cette fiction comptable, qui ne permet pas de faire face aux aléas (crise sanitaire, inflation) et créer de véritables réserves, appelées à être gérées par le Fonds de réserve des retraites (FRR).

*

En dépit de ces réserves, la rapporteure pour avis estime que le présent projet de loi de financement rectificative va dans le sens d'un rééquilibrage du système des retraites et que cet objectif doit être soutenu.

*

La commission des finances a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

AVANT-PROPOS

Le Gouvernement a présenté, le 23 janvier dernier, un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, visant à mettre en oeuvre une réforme paramétrique du système de retraites. Outre l'article liminaire, 20 articles composaient initialement le texte, regroupés au sein de deux parties.

La première partie , consacrée aux recettes et à l'équilibre de la sécurité sociale pour 2023 , vise la suppression de plusieurs régimes spéciaux - Régie autonome des transports parisiens, Industries électriques et gazières, Conseil économique, social et environnemental, Banque de France et Clercs et employés de notaires (article 1 er ), la création d'un index seniors destiné à objectiver leur place en entreprise (article 2), la suppression du transfert à l'URSSAF du recouvrement des cotisations dues aux régimes complémentaires de l'AGIRC-ARRCO (article 3), l'actualisation du tableau d'équilibre de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (article 4), de l'objectif d'amortissement de la dette sociale par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (article 5) et du rapport figurant en annexe actualisant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses de chacune des branches (article 6).

La deuxième partie vise les dépenses de la sécurité sociale pour 2023 . Cette partie regroupe quatre titres :

- le premier prévoit le recul progressif de l'âge légal de départ en retraite à 64 ans et l'accélération de l'augmentation de la durée d'assurance requise pour bénéficier d'une retraite à taux plein (article 7), la révision des conditions pour départ en retraite anticipé (article 8), la révision du compte professionnel de prévention (C2P) et la mise en place d'un Fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle (article 9) ;

- le titre II, centré sur la solidarité , prévoit la revalorisation des minima de pension (minimum contributif, pension majorée de référence) pour atteindre 85 % du SMIC net en cas de carrière complète (article 10), la validation de trimestres pour certains stagiaires indemnisés par l'État (article 11) et la création d'une assurance-vieillesse des aidants (article 12) ;

- le titre III , composé d'un seul article (article 13), est dédié à l'amélioration et à la généralisation des dispositifs de transition entre l'activité et la retraite (cumul emploi-retraite, dispositif de retraite progressive) ;

- le titre IV détermine les objectifs de dépenses des branches Maladie, maternité, invalidité et décès (articles 14 et 15), Accidents du travail et maladie professionnelles (article 16), Famille (article 17), Autonomie (article 18) et vieillesse (article 20) ainsi que ceux du Fonds de solidarité vieillesse (article 19).

Le texte transmis au Sénat en application de l'article 47-1 de la Constitution comprend 3 articles additionnels : l'article 1 bis qui prévoit la remise d'un rapport sur la mise en place d'un système universel de retraite, l'article 2 bis qui vise à harmoniser les prélèvements sociaux sur les indemnités de rupture conventionnelle ou de mise à la retraite, dans un souci de soutien à l'emploi des seniors et l'article 2 ter qui vise à une plus grande mutualisation du coût des maladies professionnelles à effet différé.

Au regard de ses effets certains sur les finances publiques, la commission des finances a souhaité se saisir pour avis de l'ensemble du texte, en privilégiant deux axes : l'impact macro-économique des dispositifs mis en place et les conséquences pour deux missions du budget de l'État, à savoir la mission « Régimes sociaux et de retraites », qui couvre notamment le régime des retraites de la RATP, et le compte d'affectation spéciale Pensions, qui recense les cotisations et les pensions servies par la fonction publique d'État (civile et militaire).

I. UNE RÉFORME PARAMÉTRIQUE CONÇUE COMME UNE RÉPONSE À LA DÉGRADATION ATTENDUE DU SOLDE DU SYSTÈME DES RETRAITES

A. UN SYSTÈME FINANCÉ POUR PLUS D'UN TIERS PAR DES CONCOURS PUBLICS

Le système des retraites est composé en France :

- des régimes obligatoires d'assurance-vieillesse ;

- du Fonds de solidarité vieillesse ;

- des régimes complémentaires.

1. Le système des retraites a été abondé à hauteur de 346 milliards d'euros en 2021

Les dépenses de retraites se sont élevées, en 2021, à 345,1 milliards d'euros , les recettes du système atteignant 346 milliards d'euros . Celles-ci comprennent :

- les cotisations sociales (salariales et patronales), soit 227 milliards d'euros, dont 24 milliards d'euros au titre des cotisations des agents titulaires des trois fonctions publiques ;

- 46 milliards d'euros de sur-cotisations destinées à équilibrer les régimes de la sphère publique (fonction publique de l'État civile et militaire, fonction publique territoriale et fonction publique hospitalière) ;

- les recettes fiscales : contribution sociale généralisée (CSG) mais aussi 8 autres impôts et taxes affectées, soit 46,3 milliards d'euros ;

- les transferts d'autres branches de la sécurité sociale en vue de financer les suppléments familiaux ou les périodes de chômage non-cotisées, soit 14,3 milliards d'euros ;

- les subventions d'équilibre versées aux régimes spéciaux, soit 7,4 milliards d'euros ;

- les subventions de l'État destinées à compenser certaines exonérations de cotisations retraites des employeurs, soit 4,8 milliards d'euros (ce montant intégrait, en 2021, les mesures prises dans le cadre de la crise sanitaire).

Répartition du financement du système des retraites en 2021

(en %)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du Haut-commissariat au Plan

2. Un financement public représentant 34,4 % des ressources du système des retraites

Le financement public des régimes - hors cotisations des agents et des employeurs publics - a atteint 129,7 milliards d'euros en 2021 et représente 34,4 % des ressources du système des retraites.

D'après le Haut-commissariat au Plan 2 ( * ) , l'affectation de ces concours publics est la suivante :

- 69 milliards d'euros sont dédiés au financement des mesures de solidarité au sein du régime général et des fonctions publiques (pénibilité, majoration pour enfant, départ anticipé, minimum garanti de pension) ;

- 41,2 milliards d'euros financent des subventions destinées à compenser le déséquilibre démographique des régimes de la fonction publique d'État (21,5 milliards d'euros), des fonctions publiques hospitalière et territoriale (7,7 milliards d'euros) et des régimes spéciaux (7,4 milliards d'euros de subventions directes et 4,6 milliards d'euros de taxes affectées). Le montant des prestations de solidarité des régimes spéciaux est couvert par ces sommes ;

- 19,5 milliards d'euros sont affectés à la compensation des exonérations de cotisations sociales à la branche vieillesse.

Près du tiers des concours publics sont donc fléchés vers le financement des régimes des trois fonctions publiques.

Répartition des concours publics au financement du système des retraites

(en %)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du Haut-Commissariat au Plan

3. Les dépenses de retraite représentent près du quart des dépenses publiques

Prenant appui sur les données transmises par l'Insee, Fipeco estime que pour 1 000 euros de prélèvements obligatoires perçus en 2021, 573 euros sont affectés aux dépenses de protection sociale 3 ( * ) , dont 248 euros pour la vieillesse (retraites et pensions de réversion) , 208 euros pour la santé, 37 euros pour les familles, 39 euros pour les allocations chômage, 25 euros pour lutter contre l'exclusion sociale et 15 euros pour les aides personnelles au logement.

Affectation de 1 000 euros de prélèvements obligatoires perçus en 2021

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de Fipeco

Le Conseil d'orientation des retraites estime de son côté que les dépenses en faveur des retraites représentaient 23,4 % des dépenses publiques en 2021. Ce ratio doit cependant être relativisé, l'assiette de la dépense publique ayant été élargie afin d'y intégrer les mesures exceptionnelles en faveur des crises sanitaire et énergétique. En 2019 , dernier exercice avant ces événements , la part des dépenses de retraites dans la dépense publique atteignait 24,8 %.

La dépense publique en faveur des retraites rapportée au PIB est plus élevée que dans la plupart des pays de l'OCDE.

Part des dépenses publiques en faveur des retraites dans le PIB en 2017 4 ( * )

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données annexées au rapport annuel du Conseil d'orientation des retraites de septembre 2022

4. La part relative mais croissante de la capitalisation

L'importance du système par répartition ne saurait occulter la montée en puissance des produits d'épargne retraite (PER) individuelle , dénotant un recours à la capitalisation. L'épargne retraite regroupe l'ensemble des dispositifs d'épargne dont l'horizon de sortie est, en théorie, le départ à la retraite, et qui permettent de se constituer un revenu supplémentaire, en complément des pensions versées par les régimes de retraites obligatoires. L'offre des produits d'épargne retraite est éparpillée et complexe. Ils peuvent être souscrits dans un cadre individuel (les PERP, Madelin, Préfon etc.) ou collectif (les PERCO par exemple). Leur régime juridique varie entre les contrats d'assurance commercialisés par les assureurs, les mutuelles et institutions de prévoyance d'une part, et les PERCO dont la gestion peut être opérée par des sociétés de gestion d'actifs.

La loi dite « Pacte » du 22 mai 2019 5 ( * ) a simplifié le recours à ces dispositifs en vue d'améliorer leur attractivité en prévoyant :

- la création d'un régime de droit commun à l'ensemble des produits d'épargne retraite. Désormais les PER peuvent être alimentés par trois types de versements : les versements volontaires du titulaire, ceux de l'employeur correspondant à l'épargne salariale, et ceux obligatoires de l'employeur ou du titulaire lorsque cette modalité est prévue par le contrat. Trois types de produits sont disponibles, à la place des produits existants : les PER individuels, les PER collectifs et les PER dits « catégoriels » dont le bénéfice est réservé à certains salariés ;

- un principe de portabilité des droits d'un PER vers un autre ;

- la généralisation du choix du titulaire entre la sortie en capital ou la sortie en rente viagère. Cette disposition vise aussi à augmenter la concurrence sur le marché en l'élargissant aux gestionnaires d'actifs. En effet, la majorité des PER prévoyant une sortie en rente viagère, le marché était alors dominé par les assureurs dont le versement de rentes constitue le modèle économique ;

- des cas de déblocage anticipé de l'épargne retraite communs à tous les PER. Ainsi, il est désormais possible de débloquer son épargne retraite lors du décès du conjoint, en cas d'invalidité, de surendettement, à l'expiration des droits à l'assurance chômage, l'acquisition de la résidence principale du titulaire du PER etc.

14,3 millions de personnes avaient souscrit de tels produits fin 2020, soit 4,5 millions de personnes de plus qu'en 2010. 7,6 milliards d'euros ont été reversés sous forme de rente en 2021, le montant total investi en épargne-retraite atteignant 280 milliards d'euros en mars 2022. 20 milliards d'euros ont été collecté en 2021, soit 27 % de plus que lors de l'exercice précédent.

Aux PER s'ajoutent deux régimes en capitalisation proprement dit, le régime de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) et la Caisse d'assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP) . Les engagements du premier étaient estimés à 29,7 milliards d'euros au 31 décembre 2021, ses actifs financiers atteignant à date 41,9 milliards d'euros. Les engagements de la CAVP atteignaient 5,4 milliards d'euros fin 2021, ses actifs financiers s'élevant à 7,7 milliards d'euros.

Montant des provisions des régimes préfinancés au 31 décembre 2021

(en milliards d'euros)

Régimes préfinancés (capitalisation et répartition provisionnée)

Provisions

Actif en valeur comptable

Actif en valeur de marché

RAFP

29,7

33,0

41,9

CAVP

5,4

6,0

7,7

Total

35,1

39,0

49,6

Source : rapport annuel du Conseil d'orientation des retraites de septembre 2022

B. UNE DÉGRADATION DU SOLDE INÉVITABLE

1. Une trajectoire définie à partir des hypothèses de travail du Conseil d'orientation des retraites

Le présent projet de loi de financement rectificative constitue une réponse aux perspectives négatives développées par le Conseil d'orientation des retraites (COR) dans son rapport de septembre 2022.

Celles-ci sont bâties sur deux conventions comptables et plusieurs hypothèses afférentes au taux de chômage, à la croissance de la productivité du travail et à l'évolution démographique (espérance de vie, indice de fécondité).

La convention « équilibre permanent des régimes » (EPR) prévoit une intervention financière de l'État limitée au strict équilibrage des régimes de la fonction publique civile et militaire d'État (compte d'affectation spéciale « Pensions ») et des régimes spéciaux retracés au sein de la mission « Régimes sociaux et de retraite » pour lesquels il verse une subvention. Pour des raisons démographiques, cette intervention a vocation à diminuer à moyen terme. La deuxième convention comptable, « effort de l'État constant » (EEC) prévoit une intervention de l'État financière stabilisée , indépendante de la baisse annoncée des dépenses du CAS Pensions et de la mission « Régimes sociaux et de retraites » . Ainsi les moindres dépenses constatées en direction de ces deux postes budgétaires seraient intégralement réinvesties dans le système des retraites. Le Gouvernement s'appuie sur la convention EPR dans le scenario central de la réforme proposée dans le projet de loi. La rapporteure pour avis juge également que celle-ci apparaît plus cohérente au regard de l'objectif affiché par ailleurs de réduction de la dépense publique.

S'agissant des hypothèses de travail, quatre taux de croissance de la productivité du travail sont présentés dans le rapport du COR : 1,6 %, 1,3 %, 1 % et 0,7 % (cf infra ). Le Gouvernement a choisi dans son scenario central le taux de 1 % , soit le taux constaté au cours des vingt dernières années. Le taux de chômage retenu s'établit à 4,5 % à long terme , en cohérence avec l'objectif du Gouvernement de parvenir au plein emploi à l'issue du présent quinquennat.

En ce qui concerne les hypothèses démographiques , le COR se fonde, à partir des scénarios centraux développés par l'INSEE sur :

- un indicateur de fécondité à la baisse. Établi à 1,86 en 2021, contre 2 en 2014, il devrait atteindre 1,80 au cours du présent exercice. Le COR estime que le taux de vrait se maintenir à ce niveau jusqu'en 2070 ;

- une espérance de vie , qui atteindrait 31,3 ans à 60 ans en 2070 pour les femmes (27,5 ans en 2021) et 29,3 ans à 60 ans en 2070 pour les hommes (23 ans en 2021). Le COR note, à ce titre, un ralentissement : les gains atteindraient, à 60 ans, 0,2 an par décennie pour les femmes et 0,6 an pour les hommes par décennie pour l'espérance de vie contre un rythme de 1,5 à 2 ans par décennie constaté avant 2014 ;

- un solde migratoire établi, dans le scénario central, à 70 000 entrées annuelles nettes.

La rapporteure pour avis relève que certaines de ces hypothèses peuvent apparaître en décalage avec la réalité observée , qu'il s'agisse du solde migratoire, plus élevé dans les faits que le scénario central retenu ou de l'augmentation de l'espérance de vie, certaines études relevant plutôt un début de baisse de celle-ci.

Évolution de l'espérance de vie depuis 1950

(en années)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de l'INSEE

Elle s'inquiète surtout de l'évolution du taux de fécondité et souhaiterait qu' une partie des excédents que la réforme paramétrique pourrait dégager puisse financer des mesures réglementaires (trimestres supplémentaires) destinées à mieux prendre en compte la maternité dans le déroulé de carrière et des investissements en faveur du maintien des femmes dans l'emploi (construction de crèches par exemple).

Population par génération depuis 1945

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de l'INSEE

2. Le système des retraites sera déficitaire dès 2023

Le système des retraites français repose sur le principe de répartition . Aux termes de celui-ci, les cotisations prélevées sur les actifs financent les pensions versées aux retraités . Dans ces conditions, la part des ressources du système rapportée au produit intérieur brut (PIB) constitue l'indicateur le plus à même d'évaluer la soutenabilité du système des retraites. Ce taux de prélèvement a atteint 13,8 % en 2021.

Il équivalait quasiment au poids des dépenses de retraites rapportées au PIB et a donc permis au système des retraites de dégager un excédent de 900 millions d'euros. L'exercice 2022 confirme cette tendance avec un excédent annoncé de 3,2 milliards d'euros.

Solde observé du système des retraites

(en % du PIB)

Source : Conseil d'orientation des retraites, rapport de septembre 2022

Ce retour à l'équilibre après la crise Covid reste cependant précaire. Le COR estime ainsi, dans son rapport de septembre 2022, que l'exercice 2023 devrait être marqué par un retour du déficit. Dans le scenario central retenu par le Gouvernement pour sa réforme (convention EPR, croissance de la productivité du travail à long terme de 1 % et taux de chômage à long terme fixé à 4,5 %), il atteindrait ainsi 1,8 milliard d'euros à la fin de l'année et pourrait s'élever à législation inchangée, à 13,5 milliards d'euros à l'horizon 2030.

Évolution prévisionnelle du solde du système des retraites 2020-2030

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport du Conseil d'orientation des retraites de septembre 2022

Cette perspective négative ne semble pouvoir être inversée à long terme.

Solde prévisionnel du système des retraites

(en % du PIB)

Source : Conseil d'orientation des retraites, rapport de septembre 2022. Données obtenues en appliquant la convention EPR, un taux de croissance de la productivité annuelle à long terme de 1 % et un taux de chômage à long terme de 4,5 %

La dégradation du solde ne saurait en fait être contrariée qu'en cas de croissance annuelle de la productivité à long terme de l'ordre de 1,6 %, soit le taux constaté sur les quarante dernières années. Le système serait alors à l'équilibre à l'horizon 2050.

De façon contre-intuitive au regard du vieillissement constaté de la population, cette dégradation à long terme relève davantage d'un effet ressources que d'une progression incontrôlable des dépenses.

Évolution du solde, du taux de dépenses et du taux de prélèvement du système des retraites jusqu'en 2070

(en % de PIB)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport du COR de septembre 2022. Données obtenues en appliquant la convention EPR, un taux de croissance de la productivité annuelle à long terme de 1 % et un taux de chômage à long terme de 4,5 %

3. Une stabilisation relative des dépenses

Le Conseil d'orientation des retraites relève, dans son rapport de septembre dernier, que la dégradation ne relève pas d'une « dynamique non-contrôlée des dépenses ». Celles-ci devraient atteindre 13,9 % du PIB en 2027 puis 14,3 % du PIB en 2030, en retenant les paramètres du scenario du Gouvernement. Le COR met en avant, à l'inverse, une baisse du niveau relatif des pensions à long terme.

La part des dépenses du système des retraites dans le PIB devrait en effet, selon lui, diminuer, sauf dans le cas où la croissance de la productivité annuelle ne dépasserait pas 0,7 % par an, hypothèse qui n'a pas été retenue dans le scénario central du Gouvernement. Aux termes de celui-ci, la part des dépenses dans le PIB devrait atteindre 13,5 % du PIB à l'horizon 2070.

Dépenses du système de retraite en % du PIB observées et projetées

Source : Conseil d'orientation des retraites, rapport de septembre 2022

Cette évolution peut paraître paradoxale au regard de la progression attendue du nombre de pensionnés d'ici 2070. 23,1 millions de personnes seraient alors retraitées contre 18,8 millions en 2030 et 16,9 millions en 2021.

Évolution prévisionnelle du nombre de retraités entre 2021 et 2070

(en millions)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents annexés au rapport du Conseil d'orientation des retraites de septembre 2022

La stabilisation observée de la part des dépenses rapportée au PIB à long terme tient, pour l'essentiel, au décrochage du niveau des pensions par rapport à celui de la rémunération des actifs. Les arrérages sont en effet indexés sur l'inflation, leur évolution est donc moins importante que celle observée des salaires. La baisse, ces dernières années, du rendement technique du point décidé par l'AGIRC-ARRCO constitue également un facteur de ralentissement de la progression du niveau des pensions. Le gel du point d'indice de la fonction publique a également pesé sur les pensions des fonctions publiques. Le COR estime ainsi que si la pension représentait en moyenne 50,3 % des revenus d'activité en 2021 , ce ratio devrait chuter pour atteindre 36,9 % à l'horizon 2070 , dans le scenario retenu par le Gouvernement pour sa réforme.

Pension moyenne de l'ensemble des retraités, relative au revenu d'activité moyen

(en % du revenu d'activité moyen brut)

Source : Conseil d'orientation des retraites, rapport de septembre 2022

L'augmentation de l'âge de départ conjoncturel à la retraite , sous l'effet des réformes passées (relèvement de l'âge minimum de liquidation de pension de deux ans dans le cadre de la réforme de 2010, puis allongement de la durée de cotisation dans le cadre de la réforme de 2014) et du recul de l'âge d'entrée dans la vie active, contribue également à freiner la dynamique des pensions.

Cette stabilisation ne doit pas occulter par ailleurs une modification de la répartition des dépenses, avec une progression des dépenses liées au régime général.

Évolution prévisionnelle de la part des dépenses de retraites dans le PIB, réparties par régime de retraite (scenario du Gouvernement)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données annexées au rapport annuel du Conseil d'orientation des retraites de septembre 2022

La rapporteure pour avis note cependant que la progression en volume des dépenses prévue pour le quinquennat 2022-2027 (1,8 % par an) est supérieure à celle prévue pour le PIB (1,7 % par an).

4. Une baisse des ressources liée à une stabilisation du nombre de cotisants et à une réduction de l'assiette de cotisation

La diminution des ressources affectées au système peut apparaître logique au regard de la diminution du ratio démographique, qui de 2,1 cotisants pour un retraité au début des années 2000 est passé à 1,7 cotisant pour un retraité en 2020 et devrait s'établir à 1,2 cotisant pour un retraité en 2070 . Si, jusqu'en 2040, la population active est amenée à croître chaque année, la dynamique tend à s'inverser à cet horizon. Le Conseil d'orientation des retraites table ainsi sur un nombre d'actifs établi à 29,2 millions en 2070, contre 30,1 millions en 2021.

Évolution prévisionnelle de la population active

(en milliers)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents annexés au rapport du Conseil d'orientation des retraites de septembre 2022

Le COR estime néanmoins que cette dégradation serait à long terme tempérée par la baisse du niveau relatif des pensions.

Au-delà du facteur démographique, le Conseil d'orientation des retraites relève trois autres facteurs conduisant à une diminution du taux de prélèvement .

Les contributions de l'État au régime de la fonction publique sont, en premier lieu, appelées à diminuer à moyen terme, compte tenu de l'évolution démographique de ce régime et, notamment, de la baisse de l'emploi public.

La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), à laquelle cotisent les agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière, devrait également voir ses effectifs de cotisants baisser.

Il convient de rappeler à ce stade que le régime des retraites de la fonction publique d'État (taux de cotisation établi à 85,4 % pour les fonctionnaires civils et 137,2 % pour les militaires) comme la CNRACL (taux de cotisation établi à 41,75 %) bénéficient de ressources majorées, destinées à compenser le déséquilibre démographique.

Enfin, le double recul de la natalité et du chômage affaiblissent les contributions de la branche famille et de l'Unedic au système.

En retenant le scénario central du Gouvernement utilisé pour la préparation du présent projet de réforme paramétrique, le taux de prélèvement serait ramené à 13,4 % du PIB à l'horizon 2040 et à 12,7 % du PIB à l'horizon 2070.

Évolution prévisionnelle du taux de prélèvement jusqu'en 2070
dans le cadre du scenario central du Gouvernement.

(en % de PIB)

Source : commission des finances, d'après les données annexées au rapport du COR de septembre 2022

La baisse des ressources est considérée comme inévitable par le COR, indépendamment du taux de croissance de la productivité retenu.

Évolution prévisionnelle du taux de prélèvement jusqu'en 2070 (convention EPR)

(en % de PIB)

2023

2030

2040

2050

2060

2070

Taux de croissance annuelle de la productivité à 1,6 %

13,7 %

13,7 %

13,3 %

12,8 %

12,5 %

12,3 %

Taux de croissance annuelle de la productivité à 1,3 %

13,7 %

13,7 %

13,3 %

12,9 %

12,6 %

12,5 %

Taux de croissance annuelle de la productivité à 1 %

13,7 %

13,7 %

13,5 %

13,1 %

12,8 %

12,7 %

Taux de croissance annuelle de la productivité à 0,7 %

13,7 %

13,7 %

13,6 %

13,2 %

12,9 %

12,9 %

Source : commission des finances, d'après les données annexées au rapport du COR de septembre 2022

5. Un enjeu pour les finances publiques

En dépit de leur stabilité relative, les dépenses de retraite restent un enjeu en termes de finances publiques. L'absence de dérapage mise en avant par le Conseil d'orientation des retraites ne saurait, en effet, occulter l'évolution naturelle de ces dépenses, estimée à 1,8 % en volume par an sur l'actuel quinquennat .

Il convient de rappeler à ce stade que le Gouvernement s'est assigné pour objectif un déficit public établi à 2,9 % du PIB à l'horizon 2027. L'atteinte de cette cible suppose une trajectoire où les dépenses publiques ne progressent pas, en volume, de plus de 0,6 % par an.

Comme l'avait relevé, au Sénat, le rapporteur général de la commission des finances lors de l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027, en isolant les dépenses par catégorie d'administration et en les retraitant des mesures d'urgence liées aux crises sanitaire et énergétique, la progression des dépenses des administrations de sécurité sociale sur le quinquennat ne doit pas dépasser 0,8 % par an en volume, soit une progression inférieure à celle des dépenses de retraite.

Objectifs du Gouvernement d'évolution des dépenses primaires prévu au projet de loi de programmation des finances publiques retraitées des mesures de crise (sanitaire et énergétique)

(base 100 en 2022)

Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Dans ces conditions, l'évolution naturelle des dépenses de retraites - qui, il convient de le rappeler, représentent 25 % des dépenses publiques - semble incompatible avec l'objectif affiché de réduction du déficit public à l'horizon 2027, sauf à encadrer sévèrement le reste de la dépense publique, toutes administrations publiques confondues. Dans ces conditions, déterminer une cible d'évolution du solde du système des retraites relève bien, comme l'a indiqué le Comité de suivi des retraites dans son avis de septembre 2022, d'une logique d'arbitrage entre différentes catégories de dépenses publiques et ne concerne pas que le niveau des pensions.

C. LE CHOIX LOGIQUE D'UNE RÉFORME PARAMÉTRIQUE REPOSANT SUR LES SEULS ASSURÉS

1. Un cocktail allongement de la durée de cotisation / augmentation de l'âge légal de liquidation
a) L'âge de départ en retraite serait progressivement porté à 64 ans d'ici 2030

Aux termes de l'article 7 du présent projet de loi de financement rectificative, l'âge légal d'ouverture des droits (AOD) devrait être porté de 62 ans à 64 ans d'ici 2030, à raison d'un trimestre par an à partir du 1 er septembre 2023. Les natifs du second semestre 1961 seraient les premiers concernés avec un âge de départ porté à 62 ans et trois mois.

Calendrier du relèvement de l'âge légal de départ en retraite

Date d'entrée en vigueur

Générations

Age légal d'ouverture des droits

1 er septembre 2023

Personnes nées à compter du 1 er septembre 1961

62 ans et 3 mois

2024

1962

62 ans et 6 mois

2025

1963

62 ans et 9 mois

2026

1964

63 ans

2027

1965

63 ans et 3 mois

2028

1966

63 ans et 6 mois

2029

1967

63 ans et 9 mois

2030

1968

64 ans

Source : commission des finances du Sénat

La majoration de l'âge de départ peut apparaître en première analyse comme le dispositif le plus efficace aux fins de ralentissement de la progression des dépenses et de majoration des recettes. Comme l'a relevé la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), le relèvement opéré dans le cadre de la réforme dite Woerth de 2010 (passage de 60 à 62 ans) 6 ( * ) aura eu pour incidence une baisse d'environ 0,6 point de PIB des pensions en 2016, soit l'année de la fin de la montée en charge de la réforme, et permis dans le même temps une majoration des recettes de l'ordre de 0,15 point de PIB 7 ( * ) . L'effet s'atténue par la suite, s'agissant des pensions, par la majoration des arrérages servis qui bénéficient de la prolongation d'activité.

Il convient de souligner à ce stade que le relèvement de l'âge d'ouverture des droits accélère un mouvement déjà constaté de manière empirique. L'âge conjoncturel de départ à la retraite, soit l'âge de départ moyen neutralisé des effets de calendrier et de structure démographique, s'élevait ainsi à 62,3 ans en 2020 tous régimes confondus, contre 60,5 ans en 2010 . Le Conseil d'orientation des retraites estime, dans son rapport de septembre dernier, qu'il devrait atteindre, de manière spontanée, 63,9 ans en 2040.

b) La durée de cotisation requise pour obtention du taux plein serait portée à 43 annuités dès 2030

La majoration de deux ans de l'âge légal de départ est couplée à une accélération de la progression de la durée de cotisation pour atteindre 43 annuités , prévue par la réforme dite « Touraine », adoptée en 2014 8 ( * ) . Celle-ci prévoit, pour les personnes nées en 1973 ou après, que la durée d'assurance requise pour l'obtention d'une retraite sans décote, augmente progressivement d'un trimestre tous les trois ans, entre 2020 et 2035, pour atteindre 43 ans (172 trimestres). Le projet de loi propose de porter progressivement la durée d'assurance à 43 ans dès 2027. Cette accélération concernerait les générations nées à partir de 1961. Cette progression de la durée d'assurance requise conduit inévitablement à un report des départs et donc à une majoration de l'âge de départ effectif.

L'âge de la suppression de la décote, soit l'âge à compter duquel un cotisant ne disposant pas de la totalité de ses trimestres peut liquider sa pension sans que celle-ci ne soit réduite à due concurrence, reste fixé à 67 ans.

Durées d'assurance proposées par la réforme

Générations

Durée d'assurance mise en place par la réforme Touraine

Durée d'assurance proposée par le projet de loi

1960

41 ans et trois trimestres (167 trimestres)

41 ans et trois trimestres (167 trimestres)

1 er janvier - 31 août 1961

42 ans (168 trimestres)

42 ans (168 trimestres)

1 er septembre - 31 décembre 1961 et 1962

42 ans (168 trimestres)

42 ans et 1 trimestre (169 trimestres)

1963

42 ans (168 trimestres)

42 ans et 2 trimestres (170 trimestres)

1964

42 ans et 1 trimestre (169 trimestres)

42 ans et 3 trimestres (171 trimestres)

1965, 1966

42 ans et 1 trimestre (169 trimestres)

43 ans (172 trimestres)

1967, 1968, 1969

42 ans et 2 trimestres (170 trimestres)

43 ans (172 trimestres)

1970, 1971 et 1972

42 ans et 3 trimestres (171 trimestres)

43 ans (172 trimestres)

1973 et suivantes

43 ans (172 trimestres)

43 ans (172 trimestres)

Source : commission des finances du Sénat

c) Une contrepartie : une progression attendue du montant des pensions

Pour les générations concernées, l'augmentation attendue de la durée d'activité devrait, mécaniquement, engendrer une hausse des arrérages servis. Sa combinaison avec la mesure d'augmentation du minimum contributif prévue à l'article 12 devrait induire une majoration de l'ensemble des pensions. Seules les personnes en situation de surcote verraient leurs pensions diminuer.

Variation du niveau de la pension à la liquidation
par grande catégorie de départ et par génération

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites, janvier 2023

d) Une clause de revoyure inévitable ?

La mise en oeuvre, à compter du 1 er septembre 2023, de la réforme paramétrique pourrait conduire à une baisse des dépenses de retraite de l'ordre de 0,2 milliard d'euros en 2023 , 50 000 cotisants étant conduits à décaler leur âge de départ.

La rapporteure pour avis rappelle cependant que le relèvement de l'âge d'ouverture des droits à 64 ans ne constitue pas, à long terme, un gage d'équilibre pour le système des retraites . Dans son rapport de septembre 2022, le Conseil d'orientation des retraites note que pour parvenir à équilibrer le système, dans le cadre de la convention EPR et en retenant un taux de croissance de la productivité à 1 %, l'âge moyen de départ devrait être porté à 64,3 ans en 2032 avant d'atteindre 65,4 ans à l'horizon 2070. Si le taux de croissance de la productivité venait à se limiter à 0,7 %, soit la moyenne constatée au cours des dix dernières années, l'âge de départ devrait atteindre 66,5 ans en 2070.

Évolution prévisionnelle de l'âge conjoncturel de départ à la retraite
avant la mise en oeuvre de la réforme paramétrique

(en années)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport de septembre 2022 du Conseil d'orientation des retraites

Cette perspective rend de fait légitime la mise en oeuvre d'une clause de revoyure d'ici 2030 pour appréhender les effets de la réforme sur l'âge moyen de départ. Il s'agira alors d'envisager, si l'équilibre n'était pas atteint, un nouveau relèvement de l'âge d'ouverture des droits ou de revoir fondamentalement la nature même du système des retraites en France : mise en place de points, introduction d'une dose de capitalisation...

Reste, enfin, une interrogation sur la crédibilité de la date retenue pour le lancement de la réforme , plusieurs caisses auditionnées par la rapporteure pour avis indiquant des délais inévitables pour adapter leurs outils. Il convient surtout de ne pas mésestimer les difficultés pour les petites entreprises ou les collectivités territoriales d'anticiper les comportements de leurs salariés concernés au premier chef par la réforme.

2. ... qui écarte en principe une augmentation du coût du travail ou une baisse des pensions

Comme le relève le Conseil d'orientation des retraites dans son rapport de septembre 2022, outre la condition d'âge , les deux autres leviers pour agir sur le solde d'un système des retraites par répartition consistent en une majoration des taux de cotisation ( tax gap ) ou une diminution des prestations ( pension gap ).

Tout autre dispositif, à l'image de la création d'une taxe visant l'activité économique , constituerait une remise en question de l'essence même du système par répartition . La rapporteure pour avis reconnaît, comme le Comité de suivi des retraites (CSR) dans son avis de septembre 2022, que la montée en puissance des avantages non-contributifs comme des allègements de cotisations sur les bas salaires a d'ores et déjà fragilisé le lien entre cotisations et prestations. La mise en place d'un nouveau prélèvement conduirait à s'éloigner du principe fondamental du système actuel selon lequel le droit à retraite est un retour proportionné sur les cotisations qu'on a versées dans le passé.

a) Une augmentation en trompe-l'oeil des cotisations patronales

Si elle n'est pas mentionnée dans le présent projet de loi de financement rectificative, le Gouvernement a, d'ores et déjà, annoncé une majoration du taux de cotisation employeur à la branche vieillesse du régime général de 0,12 point à compter du 1 er janvier 2024 . Cette progression serait cependant intégralement compensée par une diminution du même ordre de la contribution patronale à la branche Accidents du travail / Maladies professionnelles (AT/MP), excédentaire depuis plusieurs exercices.

Évolution prévisionnelle des soldes des branches AT/MP et vieillesse
avant réforme

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'annexe au projet de loi de financement rectificative

Cette hausse du taux contribuerait à renforcer les ressources de la branche vieillesse de 0,8 milliard d'euros en 2024 puis 0,9 milliard d'euros l'année suivante. A l'horizon 2030, la branche bénéficierait d'une ressource supplémentaire de 1 milliard d'euros.

En prévoyant une compensation intégrale, le Gouvernement fait le choix de repousser une majoration du coût du travail qui aurait pu paraître en contradiction avec son objectif concomitant de parvenir au plein emploi.

L'option d'une augmentation des cotisations avait été envisagée par le Conseil d'orientation des retraites en septembre dernier. En retenant, dans le cadre de la convention EPR, une hypothèse de 1 % de croissance annuelle des revenus d'activité et un taux de chômage de 7 %, le COR concluait à la nécessité de majorer immédiatement le taux de prélèvement :

- de 1,4 point pour permettre au système d'être équilibré à l'horizon 2050 ;

- de 1,8 point pour permettre au système d'être équilibré à l'horizon 2070 .

Taux de cotisation légaux en 2020 9 ( * )

Population affiliée

Taux légaux de cotisation (salarié et employeurs)

Salariés du secteur privé et artisans/commerçants

27,7 % / 24,75 %

Fonctionnaire de l'État (civils)

90,4 %

Fonctionnaires de l'État (militaires)

142,2 %

Fonctionnaires territoriaux et hospitaliers

46,8 %

Professionnels libéraux (hors avocats)

19,9 %

Non-salariés agricoles

18,9 %

Source : Conseil d'orientation des retraites, rapport annuel de septembre 2022

En retenant, comme dans son scenario central un taux de chômage à 4,5 %, le Gouvernement table, quant à lui, sur une progression du taux par cotisant de 0,8 point en 2027 et 0,9 point en 2032. Ce relèvement conduirait à majorer la cotisation annuelle moyenne par salarié de 408 euros à l'horizon 2027 et de 442 euros trois ans plus tard.

Hausse moyenne annuelle de cotisations permettant d'équilibrer
le système des retraites

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites, janvier 2023

La rapporteure pour avis estime qu'une telle augmentation des prélèvements sociaux pourrait générer des effets pervers tant sur le marché de l'emploi qu'en matière de pouvoir d'achat et ne saurait être envisagée plus avant. Elle rappelle en outre les interrogations du Comité de suivi des retraites qui, dans son avis de septembre 2022, pose la question d'une répartition d'une éventuelle augmentation des prélèvements entre régimes de base et complémentaires, les seconds ayant tendance ces dernières années à dégager d'importants excédents.

b) La progression annoncée des cotisations à la CNRACL

Au-delà de cette majoration en faveur de la CNAV, le Gouvernement annonce dans une des études d'impact annexées au projet de loi de financement rectificative une augmentation d'un point du taux de cotisation patronale versée à la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) à partir de 2024. Le rendement de la mesure est estimé à 0,6 milliard d'euros par an jusqu'en 2028 puis 0,7 milliard d'euros à cette date. Cette augmentation est censée répondre à la dégradation de la situation financière du régime, à laquelle la réforme paramétrique ne répond qu'imparfaitement. Pour mémoire, le déficit de la caisse s'est élevé à 1,22 milliard d'euros en 2021. Le Gouvernement avait estimé lors de l'élaboration de la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie que les déficits cumulés de la Caisse devraient atteindre 9,2 milliards d'euros à l'horizon 2023. Ces déficits sont repris jusqu'à fin 2023 par la Caisse d'amortissement de la dette sociale.

Solde de la CNRACL en 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport annuel des comptes de la CNRACL 2021

Les prévisions 2022-2026 font apparaitre :

- un solde technique négatif , soit la différence entre les cotisations et les prestations, qui se dégrade fortement, d'environ 1,5 milliard d'euros par an et devrait atteindre 7,2 milliards d'euros en 2026 ;

- un endettement croissant : 161 millions d'euros en 2023 puis 554 millions d'euros en 2026.

La seule réforme paramétrique contenue dans le présent projet de loi de financement rectificative conduirait à améliorer le solde technique de la caisse d'environ 700 millions d'euros à l'horizon 2030, principalement du fait des prestations. Cet effet positif s'atténuerait toutefois rapidement après 2032. L'augmentation du taux de cotisation , couplée à la réforme paramétrique, induirait, de son côté, une amélioration plus pérenne du solde technique, d'environ 1 milliard d'euros. Elle resterait cependant insuffisante pour enrayer le creusement du déficit technique. Estimé à 14,9 milliards d'euros en 2050 sans réforme, il atteindrait encore 13,7 milliards d'euros la même année, après réforme et augmentation du taux de cotisation employeurs.

Cette progression du taux de cotisation devrait, selon le Gouvernement, être compensée. Cette annonce interroge de fait sur l'effet toutes administrations publiques, de la mesure. Cette compensation devrait a priori passer par une augmentation, en loi de finances, de la dotation globale de fonctionnement versée aux collectivités territoriales, ainsi que des crédits versés aux hôpitaux dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale. Rien n'indique que cette compensation serait reconductible.

La rapporteure pour avis s'interroge sur la solution mise en avant par le Gouvernement en vue d'augmenter les ressources de CNRACL . Elle note, en effet, que celle-ci est la deuxième contributrice nette au dispositif de compensation démographique. Mécanisme de rééquilibrage financier entre les régimes obligatoires d'assurance vieillesse, la compensation généralisée ou démographique, prévue aux articles L. 134-1 et L. 134-2 du code de la sécurité sociale, vise à pallier les inégalités provenant des déséquilibres démographiques et des disparités de capacités contributives entre les différents régimes d'assurance vieillesse. Elle se traduit par des transferts de solidarité entre régimes, en faveur de ceux disposant des ratios démographiques les plus déséquilibrés. 12 régimes de salariés 10 ( * ) et 4 régimes de non-salariés 11 ( * ) sont concernés par ce dispositif. Le montant de ces transferts est calculé en prenant pour hypothèse la constitution d'un régime unique fictif versant à chaque retraité de droit direct âgé de 65 ans ou plus, une prestation commune, unique, égale à la pension moyenne la plus basse des régimes de salariés.

La CNRACL fait partie avec 6 autres régimes des caisses contributrices nettes. Le montant de cette contribution est estimé à 670 millions d'euros en 2023, soit un montant quasiment équivalent à celui que génèrerait une progression d'un point du taux de cotisation. La suppression de la participation au régime de la Caisse pourrait donc constituer une réponse au déséquilibre financier qu'elle connaît, sans solliciter par ailleurs employeurs publics et budget de l'État.

Régimes contributeurs au mécanisme de compensation démographique en 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

c) L'impossible baisse des pensions

Le Conseil d'orientation des retraites a également modélisé un rééquilibrage du régime par l'intermédiaire d'une baisse du niveau des pensions . En retenant un taux de croissance des revenus d'activité de 1 % et un taux de chômage de long terme de 7 %, la baisse des pensions devrait immédiatement atteindre 5,4 % de leur montant afin d'assurer un équilibre du régime sur les 25 prochaines années . Cette diminution serait portée à 5,9 % pour équilibrer le système à l'horizon 2070 .

Se fondant sur un taux de chômage à long terme, le Gouvernement estime de son côté que la pension moyenne devrait être diminuée de 684 euros en 2027 puis 719 euros en 2030 afin de parvenir à équilibrer à ces dates le système des retraites.

Baisse annuelle de la pension moyenne permettant d'équilibrer
le système des retraites

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites, janvier 2023

La rapporteure pour avis estime qu'une baisse des arrérages constituerait une remise en cause du pacte intergénérationnel qui fonde le système même de répartition . Elle rappelle que la durée moyenne annuelle du travail a diminué de 6,8 % entre la carrière d'un cotisant né en 1950 et celle d'un cotisant né en 1980. En corrigeant ces données des différences de durée d'assurance requises, ce surplus d'heures pour les personnes nées en 1950 équivaut à un peu moins d'une année et demie de cotisations supplémentaires.

Elle relève, en outre, que le niveau de vie des retraités ne saurait constituer un argument valable à l'avenir. Le niveau de vie médian des retraités atteignait, en 2019, 1 878 euros mensuels. Ce montant reste supérieur à celui constaté pour l'ensemble de la population : 1 837 euros. Il convient néanmoins de rappeler à ce stade que les arrérages de pension représentent 72 % des revenus des retraités.

Niveau de vie mensuel par décile en 2019

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport du Conseil d'orientation des retraites de septembre 2022

Le niveau de vie relatif des retraités, soit le niveau moyen des retraités rapporté à celui de la population, était, de son côté, estimé à 101,5 % en 2019. Ce niveau est cependant appelé à chuter, compte-tenu de la baisse annoncée de la pension relative (cf supra ) dans les années à venir. Le niveau de vie relatif des retraités s'établirait ainsi, selon le COR, entre 89,9 % et 94,8 % en 2040 et entre 75 % et 87,2 % en 2070. Une telle diminution incite donc à une extrême prudence s'agissant du levier relatif au niveau des pensions.

Plus largement, la rapporteure pour avis rappelle que l'article L111-2-1 du code de la sécurité sociale met en avant la notion d'équité intergénérationnelle comme principe constitutif du régime des retraites par répartition. Les assurés doivent ainsi bénéficier « d'un traitement équitable au regard de la durée de la retraite, comme du montant de leur pension, quels que soient leur sexe, leurs activités et parcours professionnels passés, leur espérance de vie en bonne santé, les régimes dont ils relèvent et la génération à laquelle ils appartiennent ». L'appréciation de l'équité passe par un indicateur, le taux de rendement interne (TRI), qui agrège l'ensemble de ces critères. Le Conseil d'orientation des retraites met en avant cet indicateur, en retenant le cas-type d'un non-cadre du secteur privé à carrière complète.

Il ressort des travaux du COR que le taux de rendement interne n'a cessé de diminuer entre les générations 1940 et 1975. Il ne devrait reprendre une légère progression qu'au-delà de la génération 1975, en raison notamment de périodes de croissance plus dynamiques que par le passé. Dans ces conditions, une baisse du niveau des pensions contribuerait à affaiblir davantage le TRI et remettrait en cause le principe d'équité intergénérationnelle.

Taux de rendement interne du cas type de salarié non-cadre du secteur privé
à carrière complète (actualisation selon les prix)

Source : Conseil d'orientation des retraites, rapport de septembre 2022. Quatre hypothèses de croissance des gains de productivité ont été retenues

II. UNE RÉFORME QUI REPOSE SUR PLUSIEURS PARIS

A. UN CADRAGE MACRO-ÉCONOMIQUE CONTESTABLE

1. Le projet de loi de financement rectificative intègre un scenario macro-économique optimiste pour 2023

Le Gouvernement indique dans son étude d'impact que le scénario macroéconomique retenu pour l'amorçage de cette réforme paramétrique en septembre 2023 serait inchangé par rapport à celui retenu pour les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2023 . Les prévisions retenues tablent donc sur un taux de croissance du produit intérieur brut de 1,0 % et une progression des prix à la consommation de 4,2 %.

Comme l'avait déjà relevé la commission des finances dans son rapport sur le budget de 2023 et son contexte économique et financier, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, la prévision de croissance apparaît à tout le moins optimiste au regard de celles fournies par les institutions financières nationales et internationales ou de celle du consensus des économistes. Elle tend à mésestimer l'impact de l'augmentation des prix et le resserrement de la politique monétaire que celle-ci induit. Le Haut Conseil des finances publiques partage cette analyse dans son avis sur le présent projet de loi de financement rectificative 12 ( * ) .

Prévisions de croissance du PIB de la France en 2023

Source : commission des finances du Sénat

Les mêmes réserves s'imposent s'agissant de la hausse des prix à la consommation. La prévision retenue par le Gouvernement apparaît en deçà de celles retenues par les institutions et les économistes.

Prévisions d'inflation pour 2023

Source : commission des finances du Sénat

2. La réforme paramétrique proposée repose sur des postulats afférents à l'emploi et à la productivité résolument volontaristes

Le scénario central retenu par le Gouvernement pour l'élaboration de son projet de réforme paramétrique repose sur deux hypothèses :

- une croissance annuelle de la productivité du travail de 1 % ;

- un taux de chômage établi à 4,5 %.

a) L'inconnue du taux de croissance de la productivité

Le taux retenu pour la croissance de la productivité répond à la moyenne constatée lors des vingt dernières années. Le COR observe cependant un ralentissement de la productivité dans les économies développées depuis le début des années 80 et particulièrement depuis 2008. Il retient dans ses travaux quatre hypothèses :

- une progression annuelle de 1,6 %, qui correspond à l'évolution constatée entre 1982 et 2019 ;

- une augmentation de 1,3 %, soit l'évolution de la productivité sur les trente dernières années ;

- une majoration de 1 % ;

- une hausse de 0,7 %, hypothèse la moins favorable, fondée sur la productivité horaire moyenne enregistrée au cours de la dernière décennie.

Si l'impact sur le solde du système des retraites du taux de productivité reste modéré jusqu'en 2030, une progression limitée à 0,7 % inverse la tendance décrite plus haut d'une baisse tendancielle des dépenses de retraite dans le PIB. Par ailleurs, le Gouvernement avait retenu en 2019 une hypothèse de croissance annuelle de 1,3 % lors de l'élaboration du projet de loi instaurant un système universel de retraites.

En tout état de cause, force est de constater qu'il n'existe pas aujourd'hui de consensus, parmi les économistes, pour déterminer si le ralentissement observé au cours de la dernière décennie s'avère structurel ou conjoncturel . L'idée d'une allocation déficiente des facteurs de production vers les activités les plus prometteuses et les entreprises les plus performantes, appuyée par des taux d'intérêt relativement bas sur une longue période fait figure d'hypothèse plausible pour justifier cette baisse 13 ( * ) . La réponse à ce tassement tiendrait alors à la mise en oeuvre de réformes structurelles ambitieuses censées favoriser une nouvelle étape de la révolution technologique en cours. Cette incertitude quant aux causes et aux remèdes incite à faire preuve de prudence face au taux retenu par le Gouvernement pour mettre en oeuvre sa réforme et à exprimer un doute sur la crédibilité du scénario central.

b) Une réforme appelée à se déployer dans un contexte de plein emploi

Le doute sur le scenario macroéconomique retenu est renforcé par le choix d'un taux de chômage de 4,5 % à long terme. Le Gouvernement estime que ce taux répond à son objectif de retour au plein emploi d'ici à la fin du quinquennat, soit un taux établi à 5 %. La commission des finances s'était déjà montrée réservée sur cette ambition dans le cadre du débat sur le projet de loi de programmation des finances publiques, en s'appuyant sur les travaux du Fonds monétaire international ou de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

La tendance à la baisse observée ces derniers mois coïncide par ailleurs avec une diminution de la productivité, ce qui peut apparaître paradoxal avec l'objectif affiché par ailleurs d'un relèvement du taux de productivité annuel.

Prévision de l'évolution du taux de chômage en France

(en pourcentage de la population active)

Source : commission des finances du Sénat d'après le rapport annuel de septembre 2022 du Conseil d'orientation des retraites, les travaux de l'OFCE (OFCE - Quelle trajectoire pour l'économie française au cours du prochain quinquennat ? - 21 juillet 2022) et du FMI (prévision d'octobre 2022)

La rapporteure pour avis relève, en outre, que la réforme même des retraites ne devrait pas être sans incidence sur une remontée du chômage à court terme. L'OFCE estime ainsi que celle-ci pourrait augmenter le taux de chômage de 0,6 point de pourcentage à l'horizon 5 ans. Dans ces conditions, il aurait pu être plus opportun de retenir l'hypothèse centrale du Conseil d'orientation des retraites jusqu'en 2021, à savoir un taux de chômage à 7 %, soit le taux le plus bas constaté depuis 2000. L'écart entre les deux cibles n'est pas sans incidence sur le solde moyen du système de retraite à l'horizon de 25 ans : celui passerait de - 0,5 % du PIB (taux de chômage à 4,5 %) à - 0,7 % du PIB (taux de chômage à 7 %).

B. UN PARI INCERTAIN : L'EMPLOI DES SENIORS

1. Un taux d'emploi relativement faible

La majoration de l'âge légal de départ en retraite peut interroger au regard du faible taux d'emploi des plus de 50 ans. Même s'il est en très nette hausse depuis 2003, le taux d'emploi des 55-64 ans - 53,8 % - reste inférieur à la moyenne européenne, établie à 59,6 % au sein de l'Union européenne et à 60,8 % au sein de la zone euro. Le décrochage est particulièrement patent pour la classe d'âge 60-64 ans.

Activité des seniors en France en décembre 2021

(en %)

50-54 ans

55-59 ans

60-64 ans

65-69 ans

55-64 ans

Population totale (en milliers)

4 453

4 275

4 032

3 822

8 440

Taux d'activité

87,9

79,9

38,2

9,1

59,7

Taux d'emploi

83,3

75,1

35,5

8,6

53,8

Taux de chômage

5,2

6,0

6,9

5,1

6,3

Cumul emploi retraites

-

2,0

12,6

53,7

5,2

Part du halo autour du chômage 14 ( * )

3,5

3,5

2,4

1,1

2,9

Taux d'emploi UE 27

NR

72,9

45,3

NR

59,6

Source : commission des finances du Sénat d'après la DARES, Les seniors et le marché du travail en décembre 2021, avril 2022

À l'heure actuelle, 11 % environ des nouveaux retraités affiliés au régime général liquident leurs droits à l'issue d'une période de chômage. Ce taux est ainsi de 13 % pour la génération 1950.

Répartition des assurés de la génération 1950
selon la situation l'année précédant la liquidation

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites

Plusieurs éléments sous-tendent la faiblesse de l'emploi des seniors. Beaucoup relèvent de présupposés - manque d'adaptabilité, problème de formation, santé fragile - qui, pour certains, ne résistent pas à l'examen. L'absentéisme pour raison médicale concerne ainsi davantage les plus jeunes. 46 % des salariés âgés de 18 à 34 ans se sont vu prescrire un arrêt maladie en 2022, contre 34 % des salariés de plus de 50 ans, ce taux étant inférieur à la moyenne (42 %).

2. Une vision volontariste reposant sur une analyse de la réforme des retraites de 2010

Le Gouvernement indique, dans les documents annexés au projet de loi, que la progression de l'âge de départ en retraite devrait conduire à une augmentation du nombre de personnes en emploi âgées de 55 à 64 ans . Le nombre de personnes en emploi âgées de 55 à 64 ans augmenterait de plus de 100 000 unités en 2025. Ces estimations rejoignent celles de la Caisse nationale d'assurance-vieillesse transmises au COR en janvier 2022, et aux termes desquelles 180 000 personnes seraient concernées en 2027 et 384 000 en 2032 en cas de progression de l'âge d'ouverture des droits d'un trimestre à partir de 2023 .

Le Gouvernement insiste ainsi sur un taux d'emploi majoré de 2 % pour la population âgée de 60 à 64 ans en 2025, de 6 % en 2030 puis de 6,4 % en 2035. Le taux d'emploi des 55-59 ans serait stable.

Variation du taux d'emploi liée à la progression de l'âge d'ouverture des droits

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites, janvier 2023

Ces estimations reposent sur une des analyses ex post de la réforme de 2010 qui avait également décalé de deux ans l'âge légal de départ en retraite . La direction générale du Trésor avait ainsi estimé, dans un document transmis au Conseil d'orientation des retraites en janvier 2022, qu'il n'y avait pas eu de ralentissement de l'emploi des seniors sous l'effet de la réforme. Elle notait ainsi un décalage de deux ans du taux d'activité des seniors, la faiblesse du taux d'emploi des 60-64 ans restant en dessous de la moyenne européenne en raison de départs à la retraite plus précoces. Cette vision a priori volontariste met en exergue un effet dit « horizon » 15 ( * ) , aux termes duquel les entreprises adapteraient leur stratégie de recrutement à ce décalage : ainsi plus l'horizon avant un départ à la retraite est long, plus le taux d'emploi des seniors tend à progresser.

3. Un effet « horizon » à relativiser ?

La rapporteure pour avis reste mesurée quant à cet effet quasi mécanique de l'augmentation de l'âge d'ouverture des droits.

Elle note que la mission sur le maintien en emploi des seniors avait relevé, en janvier 2020, que les hypothèses sur lesquelles travaille régulièrement l'INSEE qui tendent à corréler augmentation du taux d'activité des seniors et recul de l'âge de départ en retraite restent entourées d'une marge d'incertitude et ne garantissent pas un accroissement du taux d'emploi des seniors 16 ( * ) .

La Cour des comptes avait, en outre noté, en octobre 2019 17 ( * ) , que le nombre de demandeurs d'emploi de plus de 50 ans avait fortement augmenté depuis 2008 en raison de l'augmentation des effectifs des générations en âge de travailler, de la crise économique de 2008, de la transformation accélérée des métiers mais aussi du recul de l'âge de départ en retraite. Le nombre de chômeurs de 50 ans et plus a ainsi été multiplié par deux depuis 2008, soit une hausse largement supérieure à celle du nombre de chômeurs âgés de 15 à 24 ans (+ 11 %) et de 25 à 49 ans (+ 26 %) sur la même période. Le critère d'âge apparaît nettement discriminant pour le retour à l'emploi. Les périodes de chômage sont, par ailleurs, particulièrement longues pour les seniors : 673 jours en moyenne contre 388 jours pour l'ensemble des demandeurs d'emploi. La Cour des comptes relevait ainsi que les entreprises n'avaient pas pleinement répercuté le recul de l'âge de départ en retraite sur la gestion de leurs effectifs. Le chômage et l'inactivité jouent ainsi un rôle de transition entre l'emploi et la retraite .

Deux études de l'INSEE 18 ( * ) et de l'UNEDIC 19 ( * ) sur la réforme des retraites de 2010 soulignent également que l'accroissement de l'emploi lié au relèvement des âges légaux ne saurait occulter une progression du chômage pour cette classe d'âge. Cette donnée est également mise en avant par la Caisse nationale d'assurance-vieillesse (CNAV) dans son estimation de l'évolution de l'emploi induite par une majoration de l'âge de départ d'un trimestre par génération (+ 27 000 personnes en 2027 et + 48 000 personnes en 2032). Par ailleurs, le nombre de personnes placées en situation d'invalidité ou d'inactivité serait également appelé à croître : + 56 000 en 2027 puis + 108 000 en 2032 pour les premières et + 98 000 en 2027 puis + 191 000 en 2032 pour les secondes.

Effet du décalage de l'âge d'ouverture des droits par statut d'activité

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la CNAV au Haut conseil pour le financement de la protection sociale et contenues dans le tome 2 du rapport« Pour des finances sociales soutenables adaptées aux nouveaux défis », janvier 2022

La rapporteure pour avis note enfin que la direction générale du Trésor relève, dans les documents transmis au COR en janvier 2022, que, d'après les recherches micro-économiques sur la réforme de 2010, la hausse de l'âge de départ à la retraite a tendance à maintenir les seniors dans la situation qu'ils occupaient à l'atteinte de l'âge de départ pré-retraite. Dans ces conditions, il est à craindre que le taux de personnes au chômage au moment de la liquidation des droits à 62 ans, soit 11 % selon l'étude d'impact, ne soit pas appelé à se réduire.

4. Quel impact pour l'index seniors ?

Au-delà de ces réserves sur l'effet réel de l'allongement de l'âge légal sur l'activité, la rapporteure pour avis relève que la seule mesure destinée à appuyer une logique de recrutement des seniors et donner du sens à l'effet « horizon » contenu dans le projet de loi de financement rectificative consiste en la mise en oeuvre d'un « index seniors ». Prévu à l'article 2, supprimé en première lecture à l'Assemblée nationale mais rétabli dans le texte transmis en application de l'article 47-1 de la Constitution, il devrait obliger les entreprises à rendre publique la part de leurs salariés en fin de carrière. Le dispositif couvrira, à partir du 1 er novembre 2023, les entreprises de plus de 1 000 salariés, avant d'être étendu, à partir du 1 er juillet 2024, à celles de plus de 50 salariés. Le texte soumis en première lecture à l'Assemblée nationale ne visait que les entreprises de plus de 300 salariés.

La non-publication de l'index donnerait lieu à une pénalité plafonnée à 1 % de la masse salariale . Celle-ci serait affectée à la caisse nationale d'assurance-vieillesse. Cette pénalité serait appliquée par l'autorité administrative, en tenant compte des efforts constatés par l'entreprise en matière d'emploi des seniors et des motifs de méconnaissance de l'obligation de publication. Une concertation avec les partenaires sociaux est prévue afin de préparer le décret mettant en place cet index.

L'étude d'impact annexée au présent projet de loi de financement relativise l'effet vertueux sur les finances publiques de ce dispositif en indiquant qu'en moyenne, dans un premier temps, seules 10 % des entreprises concernées seraient sanctionnées, la pénalité devant atteindre 0,5 % de la masse salariale, compte-tenu du pouvoir de modulation laissé à l'autorité administrative. À partir de 2026, le montant perçu par la CNAV devrait ainsi atteindre 6,6 millions d'euros par an.

Impact prévisionnel de l'index seniors : montant de la pénalité perçue par la CNAV et nombre d'entreprises non-déclarantes

(en % et en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après l'étude d'impact annexée au projet de loi de financement rectificative

La rapporteure pour avis insiste sur le fait que la sanction vise la non-publication d'un index et non l'absence de maintien dans l'emploi ou de recrutement en tant que tel des seniors. Elle note par ailleurs que la taxation renforcée des indemnités pour ruptures conventionnelles concernant les seniors, prévue à l'article 2 bis (de 20 à 30 %) aurait, a priori, un effet plus dissuasif, particulièrement pour les petites entreprises, et génèrerait davantage de recettes. La CNAV pourrait bénéficier d'une manne supplémentaire comprise entre 200 et 250 millions d'euros par an.

La mise en place d'un dispositif « 1 senior, 1 solution» sur le modèle de celui mis en oeuvre pour les jeunes pourrait également apparaître pertinent. Mis en place en 2020, ce dispositif mobilise aides à l'embauche, formations et accompagnements.

C. L'ABSENCE DE STRATÉGIE AMBITIEUSE EN MATIÈRE DE RÉSERVES

1. Les réserves du système des retraites représentaient 180,4 milliards d'euros en 2021
a) La situation patrimoniale nette du système des retraites représente 6,5 % du PIB

Le montant total des réserves placées par les régimes de retraites atteignait fin 2021, 180,4 milliards d'euros, soit 7,2 % du PIB. Pour établir la situation patrimoniale nette du système des retraites, il convient :

- d'ajouter à cette somme les réserves du Fonds de réserve pour les retraites, soit 26 milliards d'euros, fin 2021, même si cette somme est désormais orientée vers le remboursement de la dette sociale (cf infra ) ;

- de retrancher au total, la valeur comptable du volet retraite de la dette sociale gérée par la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), soit 43,2 milliards d'euros fin 2021.

Situation patrimoniale du système de retraite en 2021

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport du Conseil d'orientation des retraites de septembre 2022

Au final, la situation patrimoniale nette du système des retraites était estimée à 163,2 milliards d'euros fin 2021, soit 6,5 % du PIB.

b) Un montant à relativiser

89 % des réserves, soit 160,6 milliards d'euros, relèvent des régimes complémentaires. 86,5 milliards d'euros appartiennent ainsi à l'AGIRC-ARRCO. A l'inverse, les régimes de base, à l'instar de la CNAV, du régime de la fonction publique ou des régimes spéciaux comme ceux des industries électriques et gazières, de la RATP ou la SNCF, ne disposent pas de tels matelas. La CNRACL a, quant à elle, vu ses réserves disparaître en 2020. Les réserves des régimes de base ou intégrés atteignent ainsi 19,9 milliards d'euros et se concentrent sur 4 régimes : la caisse nationale des barreaux français (CNBF), la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN) la caisse nationale d'assurance-vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et le régime de la Banque de France. Ce dernier concentre l'essentiel de ces réserves : 15,4 milliards d'euros.

Montant des réserves financières (en valeur de marché) au sein du système de retraite par répartition au 31 décembre 2021

Réserves des régimes en répartition

En milliards d'euros

En mois de prestations

CNAVPL

1,9

12

CNBF

0,9

55

Sous total "régimes de base"

2,9

CNRACL

0,0

CRPCEN

1,6

22

Banque de France

15,4

364

Sous total "régimes intégrés"

17,0

AGIRC-ARRCO

86,5

13

IRCANTEC

14,8

51

RCI

18,1

98

CNAVPL complémentaire

33,6

105

CNBF complémentaire

1,8

82

CRPNPAC

5,5

177

MSA complémentaire

0,2

3

Sous total "régimes complémentaires"

160,6

Total des réserves

180,4

Source : Conseil d'orientation des retraites, rapport de septembre 2022

2. Quelle place pour le Fonds de réserve pour les retraites ?

La perspective de recettes supplémentaires pour le système des retraites mais également pour les autres branches de la sécurité sociale et le budget de l'État, induites par le cercle vertueux qu'initierait en principe la réforme paramétrique proposée, aurait dû inciter le Gouvernement à réviser sa stratégie s'agissant du Fonds de réserve pour les retraites (FRR).

Créé en 2001 20 ( * ) , le FRR avait initialement pour vocation d'investir au nom de la collectivité les sommes confiées par les pouvoirs publics en vue de participer au financement des retraites . La rédaction initiale de l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale qui encadre l'existence du Fonds prévoyait une mise en réserve des sommes qui lui étaient affectées jusqu'en 2020. L'ambition affichée était d'atteindre un étiage de 150 milliards d'euros à cette date, en vue d'accompagner les effets du choc démographique attendu à cette date et appelés à perdurer jusqu'en 2040. Le FRR se voit par ailleurs confier, en 2005, la gestion de 40 % de la soulte versée à l'État par les employeurs du régime spécial des industries électriques et gazières (IEG) dans le cadre de l'adossement partiel au régime général (cf infra ) 21 ( * ) .

Cette trajectoire a été remise en question par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 22 ( * ) aux termes de laquelle le Fonds n'est plus réellement abondé et sa mission réorientée vers le financement de la dette sociale, gérée par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). Est ainsi institué un décaissement annuel au profit de celle-ci, les sommes collectées jusqu'alors n'étant plus mises en réserve à compter du 1 er janvier 2011. Une telle évolution constitue un réel changement de paradigme. Le FRR n'est plus dédié à l'anticipation mais à la gestion d'une dette passée , celle de la Caisse nationale d'assurance-vieillesse, du Fonds de solidarité vieillesse mais aussi de la CNRACL.

Cette réorientation a été confirmée en 2020 , l'article 4 de la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie prorogeant au-delà de 2024 les versements à la CADES, dont la mission a également été étendue compte-tenu de la crise sanitaire.

Le FRR abonde aujourd'hui la CADES à hauteur de 2,1 milliards d'euros par an. Ces versements seront ramenés à 1,45 milliard d'euros à partir de 2025. Ce rythme de décaissements devrait conduire à la disparition du FRR à l'horizon 2033. Le niveau de son actif net était estimé à 26 milliards d'euros fin 2021 (valeur comptable), la part de la soulte IEG ayant été reversée à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale pour le compte de la Caisse nationale d'assurance vieillesse en juillet 2020.

Il apparaît donc indispensable de réviser une nouvelle fois les missions du Fonds afin qu'il puisse gérer tout ou partie des excédents induits par la réforme paramétrique proposée et anticiper ainsi le décrochage du ratio démographique, en bénéficiant des bons résultats du FRR en matière de valorisation des actifs. La performance annualisée de l'actif du FRR s'élève, en effet, à 4,7 % depuis 2010. Le FRR renouerait ainsi avec son objectif initial. Reste néanmoins à déterminer si la réforme s'avérera aussi vertueuse qu'annoncée.

III. UNE RÉFORME COÛTEUSE ? LE RISQUE DE SIMPLES EFFETS D'ANNONCE

A. UN IMPACT INCERTAIN SUR LE SOLDE PUBLIC

1. Une interrogation sur l'effet de la réforme sur les comptes publics

Les effets de la réforme restent largement tributaires d'un scenario macro-économique sur lequel la commission des finances a déjà émis des réserves ( cf supra ).

Selon le Gouvernement, l'amorçage de la réforme ne devrait pas avoir d'effet sur le solde public en 2023, celui-ci restant au niveau retenu en loi de finances, soit - 5 % du PIB, ni sur le niveau de la dette. Une dégradation des dépenses des administrations de sécurité sociale est cependant observable, celle-ci étant imputable aux mesures d'accompagnement de la réforme dont l'effet devrait être immédiat dès la fin du présent exercice (cf infra ).

Trajectoire des finances publiques entre la loi de finances pour 2023 et le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023

(en % de PIB)

Loi de finances pour 2023

Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023

Solde structurel

-4,0

-4,0

Solde conjoncturel

-0,8

-0,8

Solde des mesures ponctuelles et temporaires

-0,2

-0,2

Solde effectif

-5,0

-5,0

Dette publique

111,2

111,2

Dépense publique

56,9

56,9

Dépense publique

(en milliards d'euros)

1 572

1 572

Solde des administrations publiques centrales

-5,6

-5,8

Solde des administrations publiques locales

0

- 0,1

Solde des administrations de sécurité sociale

+0,8

+0,7

Dépense des administrations de sécurité sociale

(en milliards d'euros)

721

722

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Au-delà de l'exercice 2023, la rapporteure spéciale regrette que le Gouvernement n'ait pas précisé les incidences de la réforme proposée sur les comptes publics .

Le législateur ne dispose en effet que de la trajectoire des finances publiques pour la période 2023-2027 contenue dans le projet de loi de programmation des finances publiques élaboré en septembre 2022, qui intégrait l'hypothèse d'une réforme des retraites sans en préciser les contours, et d'une évaluation de l'incidence du seul allongement de l'âge d'ouverture des droits, telle que présentée par la direction générale du Trésor lors de la séance du Conseil d'orientation des retraites du 27 janvier 2022.

La trajectoire du solde public retenue dans le projet de loi de programmation tablait sur une réduction du déficit, appelé à passer de 5 % du PIB en 2022 à 2,90 % en 2027. Le texte n'isolait pas, pour autant, l'impact de la réforme des retraites.

Évolution prévisionnelle du solde public entre 2022 et 2027

(en pourcentage du PIB)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027

L'approche comptable développée par la direction générale du Trésor, dans le document transmis au COR en janvier 2022, insiste, de son côté, sur une progression du PIB de 0,9 % à 5 ans et une amélioration du solde public de 0,6 % au même horizon.

Le Gouvernement ne cible, dans les études d'impact rattachées au présent projet de loi de financement rectificative, que l'impact sur l'activité, sans toutefois définir une véritable trajectoire. Il table ainsi sur une augmentation du taux d'emploi des 15-74 ans de 0,3 % en 2027 puis de 0,5 % en 2030, réfutant tout risque d'effet de substitution entre jeunes et seniors. Dans ces conditions, il envisage un surcroît de PIB de l'ordre de 0,7 % en 2027 puis de 1,1 % en 2030. Cette progression devrait générer des recettes supplémentaires pour les comptes publics : 9 milliards d'euros, soit 0,3 % de PIB, sont ainsi attendus en 2027.

Variation attendue du PIB et du taux d'emploi après mise en oeuvre de la réforme

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites, janvier 2023

Il convient de relever que le modèle Mésange, utilisé jusqu'en 2016 par la direction générale du Trésor, conduit à d'autres résultats : aucune augmentation du PIB n'est à attendre d'ici à 2027, l'impact sur le solde public étant chiffré à 0,1 point à cette date. Ces chiffres rejoignent ceux de l'OFCE, qui illustrent, quant à eux, un effet potentiellement récessif de la réforme proposée et pointent notamment un risque d'effet de substitution au détriment, notamment, de l'emploi des jeunes. Ainsi là où la direction générale du Trésor indique au COR un gain potentiel de 390 000 emplois en cas de décalage de l'AOD de deux ans au rythme d'un trimestre par an, l'OFCE limite cette création nette à 60 000 emplois.

Par ailleurs, comme le rappelle le COR dans son rapport de juin 2022, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DRESS) a estimé , en se fondant sur des données datant de 2019, que la progression de l'âge d'ouverture des droits de deux ans pourrait induire une majoration des dépenses de prestations sociales (hors chômage et retraite) de 3,6 milliards d'euros, soit 0,14 point de PIB. Cette progression serait concentrée sur les personnes de 62 et 63 ans. Elle se décomposerait de la façon suivante :

- 1,8 milliard d'euros liés à l'augmentation du nombre de pensions d'invalidité (160 000) ;

- 970 millions d'euros au titre des indemnités journalières de la sécurité sociale ;

- 830 millions d'euros de dépenses de solidarité supplémentaires.

À cette somme s'ajoute une progression attendue des dépenses d'allocation de retour à l'emploi (ARE) et d'allocation de retour à l'emploi formation (AREF) de l'ordre de 1,3 milliard d'euros.

Au total le COR estime à 0,2 point de PIB le coût d'une progression de l'AOD de deux ans.

Ces coûts annoncés et ces interrogations sur les effets de la réforme fragilisent la possibilité de profiter de la progression de la population active annoncée jusqu'en 2040 et que la réforme paramétrique est censée amplifier .

Évolution du PIB, du solde public et du solde du système des retraites
après mise en oeuvre de la majoration de deux ans de l'âge d'ouverture des droits

(en pourcentage du PIB)

Source : commission des finances d'après les données transmises au COR par la direction générale du Trésor et l'OFCE

La direction générale du Trésor a justifié l'abandon du modèle Mésange sur la question des retraites, en indiquant que ce modèle néo-keynésien était avant tout conçu pour étudier des politiques de stimulation ou de freinage de la demande et ne serait plus adapté pour évaluer l'impact de mesures d'offre telle qu'une augmentation de la population active.

La rapporteure pour avis s'interroge sur ce changement de thermomètre qui vient s'ajouter à l'utilisation, dans le scenario retenu pour l'élaboration de la réforme, d'hypothèses volontaristes. Dans ces conditions, sans remettre en cause l'opportunité d'un allongement de la durée d'activité, il y a lieu d'exprimer des doutes sur la crédibilité des effets présentés et des trajectoires des comptes esquissées. Le retour à l'équilibre pourrait s'avérer plus long que prévu et conduire à de nouveaux ajustements à moyen-terme.

La rapporteure pour avis note, en outre, qu'aucune trajectoire après 2030 n'est proposée, rendant notamment difficile l'appréciation à porter sur les mesures d'accompagnement que contient, par ailleurs, le présent projet de loi de financement rectificative.

2. La mise en place de dispositifs appelés à élargir les droits des cotisants relativise l'effet vertueux de la réforme

Le projet de loi initial présente plusieurs dispositions destinées à accompagner la mise en oeuvre de l'allongement de la durée d'activité en visant certaines situations particulières.

Il prévoit, en premier lieu, un dispositif dérogatoire pour les personnes inaptes au travail, reconnues invalides ou bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé (AAH) , pour lesquelles l'âge d'ouverture des droits serait maintenu à 62 ans.

Le dispositif de retraite anticipée pour carrières longues (RACL) est également amendé afin de mieux prendre en compte la situation des assurés ayant commencé à cotiser avant 16 ans et les trimestres acquis au titre de l'assurance-vieillesse du parent au foyer (AVPF).

Les départs anticipés pour carrières longues et les situations d'inaptitude représentent environ 40 % des pensions servies par le régime général.

Une attention particulière est également portée au renforcement de la prévention et à la réparation de l'usure professionnelle . Le compte professionnel de prévention (C2P) est ainsi assoupli afin de déplafonner le nombre maximal de points, d'étendre l'acquisition de points au titre de la poly-exposition et d'ouvrir son utilisation aux fins de financement des parcours de reconversion. L'accès à la retraite pour incapacité est, dans le même temps, assoupli.

Des mesures en faveur de l'emploi des seniors viennent également compléter le dispositif : extension du dispositif de la retraite progressive et ouverture de nouveaux droits dans le cadre du cumul emploi-retraite.

Enfin, le texte prévoit plusieurs mesures visant le niveau des pensions : revalorisation des minima de pensions, amélioration de la prise en compte des de la situation des femmes et des carrières hachées, intégration des périodes passées en tant qu'aidant et validation des trimestres au titre des « travaux d'utilité collective ».

L'impact de ces mesures sur les comptes de la sécurité sociale est observable dès 2023, le Gouvernement l'ayant estimé à 0,6 milliard d'euros.

Effets des mesures d'accompagnement sur les régimes obligatoires de base
de la sécurité sociale

(en milliards d'euros)

Mesure

Branche Maladie

Branche AT-MP

Branche Vieillesse

Branche Famille

Branche Autonomie

ROBSS

FSV

ROBSS + FSV

Maintien de l'âge légal à 62 ans pour invalidité

-0,03

-0,03

-0,03

Renforcement du dispositif carrières

-0,02

-0,02

-0,02

Augmentation du minimum de pension

-0,4

-0,4

+0,02

-0,4

Prise en compte de l'usure professionnelle

-0,03

-0,05

-0,004

-0,1

-0,1

Développement des dispositifs de transition emploi-retraite

-0,07

-0,07

-0,07

Extension de l'AVPF pour les aidants

0,04

-0,04

0

0

Création d'un index seniors

0,01

0

0

Validation de trimestre pour les TUC

-0,004

-0,004

-0,004

Fermeture des régimes spéciaux

-0,003

0

0

Autres mesures

-0,01

-0,01

Ensemble des mesures

0

-0,1

-0,5

0

0

-0,6

0

-0,6

Mesures paramétriques

0,2

0,2

0,2

Solde LFSS 2023 initiale

-7,1

2,2

-3,6

1,3

-1,2

-8,4

1,3

-7,1

Solde PLFRSS

-7,2

2,2

-3,9

1,3

-1,3

-8,8

1,3

-7,5

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'annexe I du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023

Le coût de l'ensemble de ces mesures est estimé à 4,1 milliards d'euros en 2027 puis à 5,9 milliards d'euros en 2030. En y ajoutant les déficits prévisionnels, ces montants ne sont que partiellement compensés par les gains liés aux mesures paramétriques (10,3 milliards d'euros annoncés en 2027 puis 17,7 milliards d'euros en 2030) et justifient l'augmentation des taux de cotisation vieillesse au régime général (0,9 milliard d'euros en 2027 puis 1 milliard d'euros en 2030) et à la CNRACL (0,6 milliard d'euros en 2027 puis 0,7 milliard d'euros en 2030).

Le solde du système des retraites devrait, dans ces conditions rester négatif à l'issue du présent quinquennat . Le Gouvernement table ainsi sur un déficit de 4,6 milliards d'euros en 2027 .

Évolution prévisionnelle du solde du système des retraites en 2027

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites

L'équilibre ne serait atteint qu'en 2030 , à la condition, bien évidemment, que le scénario macro-économique, sur lequel la rapporteure pour avis a émis des doutes, soit respecté.

Évolution prévisionnelle du solde du système des retraites en 2030

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites

Cet équilibre est cependant fragilisé par les amendements déposés par le Gouvernement en première lecture à l'Assemblée nationale, qui, s'ils n'ont pu être examinés avant la transmission du texte au Sénat en application de l'article 47-1 de la Constitution, ont vocation à être déposés à nouveau. Ces amendements prévoient :

- un élargissement du dispositif de départ anticipé pour les carrières longues aux cotisants ayant travaillé entre 20 et 21 ans. Sous réserve d'avoir cotisé 5 trimestres avant leurs 21 ans, ces personnes bénéficieraient d'un âge de départ anticipé à la retraite établi à 63 ans ;

- le plafonnement à 43 annuités de la durée de cotisation pour les personnes ayant commencé à travailler avant 21 ans, la rédaction initiale ouvrant la voie à une durée de cotisation pouvant atteindre 44 annuités ;

- l'attribution de trois trimestres aux pompiers volontaires dès lors qu'ils justifient de 10 ans d'engagement, un trimestre supplémentaire étant octroyé par la suite tous les cinq ans ;

- l'extension, aux professionnels libéraux, de la majoration de pension pour les parents d'au moins trois enfants ;

- l'extension de la possibilité de rachat à tarifs des trimestres d'années d'études ou de stage ;

- la meilleure intégration des trimestres correspondant aux périodes d'apprentissage dans la période d'activité, afin, notamment, de pouvoir accéder au dispositif « carrières longues » ;

- l'assouplissement des conditions de départ en retraite des instituteurs, qui n'auraient plus à atteindre la fin de l'année scolaire pour liquider leur droit à pension.

La rapporteure pour avis ne remet pas en question la pertinence de certains de ces ajouts, destinés à corriger des effets pervers de la réforme et à corriger certaines inégalités. Elle note cependant que l 'ensemble de ces mesures est estimé à 800 millions d'euros à l'horizon 2030, dont 700 millions d'euros au titre des deux premières. Dans ces conditions et sous réserve de précisions apportées par le Gouvernement lors de l'examen du texte au Sénat, l'équilibre du système paraît ne pas pouvoir être atteint en 2030.

Cette échéance est pourtant cruciale car elle coïncide avec la fin de la montée en charge des mesures d'économies. Pour mémoire, repousser l'âge de la retraite induit en effet deux phénomènes : une réduction, dans un premier temps, du nombre de pensions versées suivie, ensuite, d'une augmentation du nombre des pensions ainsi que des montants servis. Là encore, la rapporteure pour avis regrette l'absence, dans l'étude d'impact, de trajectoire du solde du système des retraites après 2030. Les seuls éléments en ce sens dont le législateur dispose relèvent du Conseil d'orientation des retraites, qui n'avait pas intégré dans ses estimations un relèvement de l'âge d'ouverture des droits et une accélération de l'allongement de la durée de cotisation.

3. La réforme résout-elle la question de l'équilibre des comptes sociaux ?

Le Gouvernement estime que l'ensemble des mesures contenues dans le présent projet de loi de financement rectificative, devrait améliorer le solde du système des retraites de 6,2 milliards d'euros en 2027 puis de 11,8 milliards d'euros en 2030 .

La rapporteure pour avis insiste sur le fait qu'une partie de ces économies générées concernent directement les régimes complémentaires . Ainsi en 2030, lesdits régimes devraient concentrer un tiers des économies, soit 3,7 milliards d'euros, dont 3,2 milliards d'euros pour l'AGIRC-ARRCO.

Impact financier de l'ensemble des mesures contenues dans le projet de loi de financement rectificative par grand groupe de régime

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites

Ces résultats appellent deux remarques.

En premier lieu, une partie des économies reste tributaire des conseils d'administration des régimes complémentaires, notamment de l'AGIRC-ARRCO, qui se trouvent déjà en situation excédentaires et qui pourraient convertir ces nouveaux gains en augmentation de points, contribuant ainsi à renforcer la dynamique des pensions. Par ailleurs, contrairement au régime général ou à celui de la fonction publique, soumis au principe de bornage à 1 du coefficient de proratisation aux termes duquel la pension n'augmente pas au-delà de 43 années de cotisation, les rentes servies par l'AGIRC-ARRCO ne sont pas plafonnées par la durée de cotisation. La réforme devrait donc, mécaniquement, induire une progression de leur niveau une fois 2030 passée.

La branche vieillesse devrait, de son côté , rester déficitaire à la fin du présent quinquennat, en dépit d'une amélioration de son solde : - 14,9 milliards d'euros en 2026 contre - 15,7 milliards d'euros prévus en loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Prévision des soldes des régimes obligatoires de base et du FSV d'ici à 2026

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 er le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023

Les mesures d'accompagnement devraient par ailleurs avoir une incidence sur les comptes des autres branches de la sécurité sociale.

Ainsi, la branche Accidents du travail / Maladies professionnelles devrait voir ses dépenses majorées de 0,3 milliard d'euros en 2027 puis 0,4 milliard en 2030.

La branche AT/MP sera, en effet, sollicitée pour le financement :

- de la validation de trimestres pour les proches aidants ;

- d'un fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle . Ce dispositif sera placé auprès de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles au sein de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM). Il sera abondé à hauteur d'un milliard d'euros d'ici 2027, à raison de 200 millions d'euros par an. Le montant de ses dépenses est estimé à 30 millions d'euros en 2023.

La rapporteure pour avis s'interroge sur une telle mise à contribution de la branche AT/MP. Si elle relève d'une logique comptable - la branche est excédentaire (cf supra ) - elle peut paraître, compte-tenu de l'allongement de la durée d'activité, contre-intuitive face au risque de montée en charge des prestations qu'elle finance.

La branche maladie sera, de son côté, sollicitée aux fins de financement du Fonds de pénibilité santé, dédié à la prévention de l'usure au sein des établissements publics de santé et médico-sociaux . Sa dotation annuelle serait de 30 millions d'euros en 2023, puis de 100 millions d'euros par an.

Reste également à déterminer l'impact, en recettes, pour ces branches, de l'allongement de l'activité, que le Gouvernement ne semble pas avoir intégré dans sa trajectoire. Les dépenses induites (cf supra ) n'ont pas non plus été intégrées. Une telle évaluation aurait pu déterminer en cas d'excédents une allocation de moyens en faveur de mesures favorisant la natalité et/ou un transfert vers le Fonds de réserve pour les retraites.

B. LA SUPPRESSION ANNONCÉE DE CERTAINS RÉGIMES SPÉCIAUX RESTE À PRÉCISER

Le système des retraites est composé de 42 régimes de base ou intégrés, dont une majorité relève de la catégorie des régimes spéciaux.

Régimes de retraite obligatoires

Profession ou statuts

Régime de base ou intégré

Régime de retraite complémentaire

Régime additionnel

Fonctionnaires civils et militaires

Régime du code des pensions civiles et militaires de retraite

Régime additionnel de la fonction publique (RAFP)

Ouvriers de l'État

Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements de l'État (FSPOIE)

Agents titulaires des fonctions publiques territoriale ou hospitalière

Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales (CNRACL)

Agents titulaires des fonctions publiques territoriale et hospitalière travaillant sur un emploi de moins de 28 heures par semaine et élus locaux

Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAV)

IRCANTEC

Agents de la Banque de France

Caisse de la Banque de France

Députés

Régime de retraite des députés de l'Assemblée nationale

Sénateurs

Caisse de retraite des anciens sénateurs

Fonctionnaires de l'Assemblée nationale

Régime de retraite des fonctionnaires de l'Assemblée nationale

Fonctionnaires du Sénat

Caisses de retraites des personnels du Sénat

Élus du Conseil économique, social et environnemental

Régime des élus du CESE

Salariés sous statut de la RATP

CRP RATP

Salariés sous statut de la SNCF

CPRP-SNCF

Salariés des industries électriques et gazières

Caisse nationale des industries électriques et gazières

Salariés sous statut de l'Opéra de Paris

CR-Opéra

Salariés sous statut de la Comédie Française

CR-CF

Agents employés par les industries minières

CANSSM

Marins

Établissement national des invalides de Marine

Salariés du port autonome de Strasbourg

Régime du port autonome de Strasbourg

Travailleurs indépendants

SSI

RCI

Gérant des débits de tabac

SSI

RCI

RAVGDT

Ministres des cultes

CAVIMAC

Clercs et employés de notaire

CRPCEN

Avocats

Caisse nationale des Barreaux français

Professions libérales

CNAVPL

CRPN (Notaires)

CAVOM (officiers ministériels)

CARCDSF (dentistes et sage-femmes)

CAVP (Pharmaciens)

CARPIMOKO (infirmiers, kinésithérapeutes

CARPV (Vétérinaires)

CAVAMAC (Agents d'assurance)

CAVEC (experts comptables)

CIPAV (Architectes et professions libérales diverses)

Non-salariés agricoles

MSA Exploitants

RCO

Salariés non-cadre et cadre du secteur privé agricoles

MSA Salariés

AGIRC-ARRCO

Salariés

CNAV

AGIRC-ARRCO

Enseignants du privé

CNAV

AGIR-ARRCO

RAR

Source : commission des finances du Sénat, d'après le Jaune Pensions

Les branches d'activité ou entreprises soumises à une organisation spéciale de sécurité sociale sont, en principe, détaillées à l'article R. 711-1 du code de la sécurité sociale. Sont concernés :

- les administrations et établissements publics de l'État ;

- les administrations et établissements des collectivités territoriales ;

- les marins ;

- les entreprises minières et assimilées ;

- la société nationale des chemins de fer français (SNCF) ;

- les industries électriques et gazières :

- la Banque de France ;

- le théâtre national de l'Opéra de Paris et la Comédie française.

Les régimes des mines et de la SNCF sont respectivement fermés depuis 2010 et 2020.

La notion de régime spécial renvoie à la date de la création des régimes concernés, antérieure à l'ordonnance n° 45-2250 du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale. Ce statut dérogatoire était également pour partie motivé par la prise en compte de la pénibilité de certains métiers qui exclue un alignement sur le droit commun.

Les régimes des assemblées parlementaires - Assemblée nationale, Sénat - et du Conseil économique, social et environnemental, sont également, par extension, considérés comme des régimes spéciaux, les deux premiers bénéficiant d'un statut d'autonomie, garantie organiquement. D'autres régimes privés sont également considérés comme spéciaux , à l'image de la Caisse nationale des Barreaux français, du régime des ministres des cultes (CAVIMAC), de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) ou de la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaire (CRPCEN), dès lors que leurs affiliés ne cotisent pas auprès de la Caisse nationale d'assurance-vieillesse.

Leur caractère spécial ne suppose pas nécessairement un statut dérogatoire par rapport au droit commun en matière de droits (âge légal de départ, durée de cotisation etc.) .

La rapporteure pour avis préfère distinguer, au sein de cet ensemble composite, les régimes financés partiellement par l'État. Ainsi en dehors des régimes des pensions des fonctionnaires civils et militaires et des ouvriers de l'État ciblés spécifiquement par le compte d'affectation spéciale « Pensions », le budget de l'État a financé 12 régimes à hauteur de 11,3 milliards d'euros, via des taxes affectées ou des subventions d'équilibre. Ce montant n'intègre pas les sommes résiduelles affectées à des régimes en voie d'extinction comme les pensions des anciens agents des chemins de fer d'Afrique du Nord et d'outre-mer et les pensions de certains agents des chemins de fer secondaires (Caisse autonome mutuelle de retraite - CAMR), financés par la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Financement de l'État en 2021 vers certains régimes de retraite
(hors CAS Pensions)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

1. Le projet de loi de financement rectificative vise spécifiquement cinq régimes spéciaux
a) Une fermeture logique

L'article 1 er du présent projet de loi de financement rectificative prévoit, qu'à compter du 1 er septembre 2023, les régimes des retraites des industries électriques et gazières, de la RATP, de la Banque de France, des clercs et employés de notaire (CRPCEN) et des élus du Conseil économique, social et environnemental (CESE) n'affilient plus de nouveaux cotisants.

Les salariés recrutés ou les nouveaux élus dans le cas du CESE à compter de cette date seront affiliés à la CNAV et aux régimes complémentaires : AGIRC-ARCCO (IEG, RATP, CRPCEN, Banque de France) et IRCANTEC (CESE). Cet alignement ouvre aux personnes concernées le bénéfice du compte personnel de prévention (C2P), destiné à la prise en compte de la pénibilité.

En revanche, les assurés affiliés avant cette date continueront à être rattachés à ces régimes, la clause dite du « grand-père » étant appliquée. Dans ces conditions, la fermeture des régimes ne sera réellement effective que dans 43 ans.

La fermeture de ces régimes spéciaux ne concerne par ailleurs que le risque vieillesse 23 ( * ) :

- la RATP et les IEG bénéficieront encore de leur propre caisse s'agissant des risques maladie, maternité, accidents du travail - maladie professionnelles, invalidité et décès ;

- la CRPCEN couvrira encore les risques maladie, maternité, invalidité et décès ;

- le régime de la Banque de France assurera toujours le risque invalidité.

La rapporteure pour avis comprend les motivations entourant la fermeture de ces régimes spéciaux de retraite. Le maintien d'un statut dérogatoire pour des régimes largement financés par des fonds publics (subvention ou taxe affectée) n'apparaît pas cohérent. Les cinq caisses se caractérisent, en effet, par des conditions d'âge s'éloignant du droit commun et par conséquent des durées de versement plus longues. Or, la solidarité nationale ne peut conduire à financer des avantages spécifiques.

Durée de versement et âge d'ouverture des droits
pour les régimes visés par l'article 1 er

Régime général

IEG

RATP

CRPCEN

Banque de France

CESE

Âge d'ouverture des droits

62 ans

55 à 62 ans

52 à 62 ans

60 à 62 ans

57 à 62 ans

62 ans

Durée de versement femmes

23,9 ans

30,1 ans

29,7 ans

23,9 ans

35 ans

NR

Durée de versement hommes

19,6 ans

26,5 ans

26,9 ans

20 ans

25,9 ans

NE

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'annexe 2 au projet de loi de financement rectificative

Alors qu'elle aurait dû être centrée sur le déséquilibre démographique, l'intervention de l'État s'est, de fait, étendue au financement d'avantages spécifiques .

Nombre de cotisants et de pensionnés pour les régimes visés par l'article 1 er24 ( * )

Source : commission des finances du Sénat

La rapporteure pour avis avait appelé de ses voeux, à l'occasion de sa mission de contrôle budgétaire sur la CRP RATP, la fermeture du régime de la RATP 25 ( * ) , rendue inévitable par l'ouverture prochaine à la concurrence d'une partie de ses activités. L'écart de droits entre conducteurs de bus sous statut RATP et ceux d'autres compagnies apparait, en effet, anachronique. La rapporteure pour avis note d'ailleurs que la régie tend depuis la crise sanitaire à recruter des conducteurs de bus hors statut. L'évolution à la hausse de la subvention versée par l'État constatée ces dernières années semble donc de moins en moins justifiée. La loi de finances pour 2023 prévoit ainsi que celle-ci atteigne 810,1 millions d'euros en 2023 , soit 61,5 % des ressources du régime. Le montant de la subvention d'équilibre versée par l'État a progressé d'environ 33 % depuis 2013.

Évolution de la subvention d'équilibre versée à la CRP RATP depuis 2013

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

S'agissant des IEG, l'équilibre du régime tient au versement de la contribution tarifaire d'acheminement, taxe affectée qui couvre 32,4 % des pensions servies. L'alignement proposé revient à poursuivre le mouvement entrepris en 2004 avec l'adossement d'une partie du régime au régime général. La loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières avait en effet prévu le transfert des droits communs au régime général, via notamment le versement d'une soulte, et, par ailleurs, le financement des avantages spécifiques par des cotisations salariales et patronales majorées de la contribution tarifaire d'acheminement.

Comme les IEG, la CRPCEN ne peut justifier d'une situation excédentaire que par le reversement d'une taxe affectée. La taxe sur les émoluments qui vise 4 % du chiffre d'affaire des employeurs, vient en effet s'ajouter aux cotisations salariales versées par ailleurs. Elle représentait 47,8 % des prestations versées en 2021. La rapporteure pour avis relève, en outre, que 57,85 % des pensions actuellement servies sont calculées sur la base d'une durée de cotisation inférieure à 15 ans. Cette présence majoritaire de polypensionnés justifie un transfert des futurs employés et clercs vers le régime général.

Le régime de la Banque de France peut sembler déroger à la logique poursuivie par le Gouvernement, puisqu'il ne bénéficie d'aucune subvention de l'État ou d'une taxe affectée . Reste que le régime n'est à l'équilibre que par le versement d'une contribution employeur largement majorée, elle-même financée par le renoncement de l'État à une partie de ses dividendes 26 ( * ) . Cette subvention d'équilibre, prélevée sur la réserve spéciale de la Banque de France, s'est élevée à 473 millions d'euros en 2021, représentant 93,1 % du montant des pensions servies.

Le régime des retraites du Conseil économique, social et environnemental bénéficie, quant à lui, via le programme 126 de la mission « Conseil et Contrôle de l'État » d'une subvention d'équilibre. Le montant de celle-ci a atteint 2,92 millions d'euros en 2021. Elle vient compléter les cotisations prélevées sur les rémunérations (1,9 million d'euros) et la contribution de sauvegarde prélevée sur les pensions (5,4 millions d'euros).

Par ailleurs, outre les financements de l'État, la solidarité nationale s'exprime pour deux de ces régimes (CRPCEN et Banque de France) par le versement de compensations démographiques (cf supra ). Les caisses des IEG et de la RATP étaient contributrices nettes en 2021.

Montant des cotisations perçues, des financements de l'État et des compensations démographiques rapportés à celui des prestations versées par les régimes
des IEG, de la RATP, de la CRPCEN et de la Banque de France en 2021 27 ( * )

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2022 et le rapport d'activité 2021 de la Banque de France

b) Un alignement sur le droit commun pour les caisses concernées

La fermeture progressive des régimes s'accompagne d'un alignement réglementaire sur le droit commun pour les assurés qui y restent affiliés. La majoration de deux ans de l'âge d'ouverture des droits comme l'accélération de la progression de la durée de cotisation leur seront donc appliqués.

Reste à déterminer l'impact de ce relèvement des bornes d'âge.

Il convient au préalable de noter que, s'agissant des IEG et de la RATP, la mise en oeuvre de la réforme Woerth de 2010 et le passage à 62 ans pour les agents sédentaires, n'est effectif que pour les générations nées en 1962 (générations 1955 et suivantes pour le régime général). L'augmentation de l'âge ne pourrait, dans ces conditions, ne concerner que les générations nées en 1963 et après et n'intervenir, dans ces conditions qu'en 2025.

S'agissant des catégories actives, le relèvement de deux ans ne concernerait là encore que les générations postérieures à 1962. L'effet pourrait cependant être relatif, Ainsi, les agents du tableau B de la RATP dont l'âge d'ouverture des droits est établi à 52 ans, partaient déjà en moyenne à 54 ans et 1 mois en 2020.

2. L'absence de précision quant aux incidences financières de ces fermetures
a) L'hypothèse vraisemblable d'une convention avec la CNAV et les régimes complémentaires

La fermeture de ces cinq régimes spéciaux devrait induire un double mouvement :

- d'une part, une attrition du nombre de cotisants avec pour corollaire une baisse des cotisations perçues par les caisses ;

- d'autre part, afin de compenser cette perte de recettes, une progression de la subvention d'équilibre de l'État si elle existe ou une dégradation du solde technique de ces caisses et donc de la branche vieillesse des régimes obligatoires de sécurité sociale, une partie des cotisations étant fléchée vers les régimes complémentaires. Ce coût est estimé à 125 millions d'euros à l'horizon 2027 : 88 millions d'euros pour l'État au titre du régime de la RATP et 37 millions d'euros pour la branche vieillesse des régimes obligatoires de sécurité sociale.

Impact financier de la fermeture des régimes visés à l'article 1 er

(en millions d'euros)

2023

2024

2025

2026

2027

Régime obligatoires de sécurité sociale (branche vieillesse)

- 3

-11

-20

-28

-37

État

-7

-27

-48

-68

-88

Régimes complémentaires

+7

+28

+49

+70

+92

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'annexe 2 au projet de loi de financement rectificative

Ce scenario, coûteux à court terme pour les finances publiques, pourrait cependant être contourné par la mise en place d'une compensation financière versée par le régime général et l'AGIRC-ARRCO , s'agissant des caisses tournées vers une activité économique ou l'IRCANTEC, s'agissant de la caisse du Conseil économique, social et environnemental. Les régimes de droit commun percevraient, en effet, à compter de la date de fermeture, les cotisations des salariés qui leur seraient désormais affiliés, mais sans avoir encore de droits à pension à honorer, alors même que les caisses concernées devraient, pour leur part, continuer d'assurer le versement des pensions aux retraités du régime, actuel ou à venir, mais en ne percevant plus qu'un flux de cotisations en attrition.

Au-delà de la question de la diminution des flux de cotisations pour les caisses, la compensation financière devrait également neutraliser l'impact de la fermeture du régime sur la compensation démographique. Elle intègrerait en outre les engagements retraite que les régimes de droit commun seraient amenés progressivement à assumer.

Cette solution a été retenue en 2020 pour faire face à la fermeture du régime spécial de la SNCF 28 ( * ) . Les modalités de cette compensation ont été définies dans le cadre d'une convention tripartite entre la CNAV, l'AGIR-ARRCO et la CRP SNCF signée le 18 janvier 2021. Les modalités de calcul ont été arrêtées jusqu'en 2024. Le montant de la compensation a atteint 20,6 millions d'euros en 2021. Il est appelé à croître.

Évolution du montant de la compensation financière CNAV - AGIRC-ARCCO versée à la CPRP SNCF

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction du Budget au questionnaire de la rapporteure spéciale

La rapporteure pour avis s'étonne néanmoins qu'un tel dispositif ne soit pas d'ores et déjà prévu et que le Gouvernement reporte aux textes financiers de 2024 sa mise en place .

b) La question des réserves

L'adossement au régime général et la mise en place de nouveaux canaux de financement induisent en outre une réflexion sur l'utilisation des excédents ou des réserves de ces régimes. Le cas est particulièrement patent pour celles du régime de la Banque de France, établies à 15,4 milliards d'euros fin 2021. La disparition prévue par le présent projet de loi de financement rectificative du régime interroge sur l'utilité de ces réserves.

S'agissant des excédents, la rapporteure pour avis note que seule la CNIEG et la CRPCEN en ont dégagé en 2022. Concernant les IEG, ils se sont élevés à environ 700 millions d'euros et ont été en large partie mis à disposition du régime général. Ils sont en effet intégralement constitués du solde de la section comptable « contribution tarifaire » et constituent donc un excédent de trésorerie. Le montant attendu pour la CRPCEN en 2022 atteindrait 200 millions d'euros.

c) Une réforme paramétrique génératrice de nouveaux droits ?

La rapporteure pour avis sera, par ailleurs, particulièrement vigilante sur les négociations entourant l'alignement à venir sur le droit commun au sein de ces régimes spéciaux, à la lumière du triple exemple de la RATP, de la SNCF et des IEG .

Au sein de la régie, la réforme des retraites de 2008 (progression du nombre de trimestres d'assurance requis pour obtenir une retraite à taux plein, qui passe de 150 en 2008 à 160 en 2012 puis 164 en 2016, mise en place d'un mécanisme de décote et de surcote et indexation des pensions sur l'inflation et non plus sur les rémunérations d'activité) 29 ( * ) a été accompagnée d'un certain nombre de mesures d'entreprises destinées à l'accompagner :

- la création de deux échelons supplémentaires au sein des grilles salariales de la RATP, pour les salariés ayant au moins 26 ans d'ancienneté. Le coût annuel de ce dispositif est estimé à 1 million d'euros par an ;

- l'attribution de points retraite supplémentaires pour les salariés disposant de 28 ans d'ancienneté. Le coût de ce dispositif est estimé à 0,6 million d'euros par an ;

- l'intégration, au sein de l'assiette de cotisations, d'une « prime de compensation » de l'augmentation du taux de cotisation vieillesse intervenue en 2006. Le surcoût lié à cette prime est estimé à 5,8 millions d'euros ;

- la majoration du coefficient de rémunération pour les agents RATP qui prenaient leur retraite entre le 1 er juillet 2008 et le 30 juin 2012 et qui ne bénéficiaient pas de mesures précédentes. Cette majoration était destinée à compenser la baisse de la valeur de l'annuité liée à l'augmentation de la durée de cotisation. Le coût de ce dispositif a été chiffré à 1,6 million d'euros sur la période 2018-2021.

Ces bonifications ont eu mécaniquement des incidences sur le calcul des pensions. In fine , la réforme s'est avérée, d'après la Cour des comptes 30 ( * ) , coûteuse à court-moyen terme, alors qu'elle devait contribuer à rectifier la trajectoire déficitaire du régime.

La rapporteure spéciale relève qu'un surcoût du même ordre avait été observé au sein du régime de la SNCF. La Cour des comptes estimait ainsi que, pour la période 2011-2020, les gains cumulés pour le régime, soit environ 4,1 milliards d'euros, étaient inférieurs aux coûts cumulés pour l'entreprise estimés à 4,7 milliards d'euros. Elle envisageait néanmoins un gain net de l'ordre de 1,2 milliard d'euros à l'horizon 2035.

La Cour des Comptes avait également ciblé des mesures de compensation visant en 2008 l'augmentation de la durée d'assurance au sein des IEG : relèvement des plafonds de rémunération par la création de niveaux supplémentaires, ajout de deux échelons supplémentaires, majoration des indemnités de départ à la retraite, prime exceptionnelle pour tous les agents et ouverture d'un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO).

3. Une suppression appelée à être complétée

La rapporteure pour avis note que la fermeture de ces cinq régimes peut paraître incomplète et doit être prolongée par des mesures visant les régimes spéciaux qui subsistent.

Comme elle l'a relevé lors sa mission de contrôle budgétaire sur le régime des marins en 2022 31 ( * ) , les questions de compétitivité de la flotte et la prise en compte de la pénibilité rendent illusoire un alignement complet du régime des marins sur le droit commun. Une réforme paramétrique est néanmoins envisageable.

Ainsi, une réforme a minima du régime pourrait passer par une révision des grilles de métiers, sur lesquelles sont assis les salaires forfaitaires et donc les cotisations . Il convient de parvenir à la mise à niveau d'une liste datée comprenant des fonctions disparues (palefreniers) voire insuffisamment ouverte à de nouvelles tâches (officiers électroniciens, fonctions sur les plateformes off-shore), l'affiliation de certains métiers (ostréiculteurs, conchyliculteurs) au régime pourrait être revue.

La question du temps de mer doit également être abordée. Ainsi, en 2020, plus de 10 % des cotisants au régime ont effectué un service à terre, dont la durée a pu dépasser pour certains 4 mois. La question de la pénibilité - qui varie selon les secteurs d'activité et les fonctions occupées - pourrait être appréciée au travers de la notion de temps de mer . Celle-ci pourrait être valorisée au moment de définir les annuités nécessaires à la liquidation ou à la détermination de l'âge d'ouverture des droits.

Le régime de retraite des marins est, par ailleurs, essentiellement un régime dit « de passage » pour les cotisants. Deux facteurs justifient une telle appréciation :

- 70 % à 90 % des bénéficiaires du régime sont des polypensionnés ;

- 48 % des liquidations de pensions concernent des marins ayant eu une carrière inférieure à 15 ans de services (pension spéciale).

Au regard de ces éléments, il convient de s'interroger sur la spécificité du métier de marin dans un parcours de carrière qui semble plus complexe. Le versement d'une pension par un régime spécial qui ne représente qu'une partie de la vie professionnelle de l'assuré pose question. Un reversement des cotisations vers le régime général pourrait être envisagé pour les carrières courtes dans le secteur maritime, ce qui permettrait d'alléger la charge pesant sur le régime spécial.

Principales caractéristiques du régime des marins en 2021

Nombre de cotisants

Nombre de bénéficiaires

Dépenses du régime

(en millions d'euros)

Subvention de l'État

(en millions d'euros)

Part du financement de l'État

(en pourcentage)

27 580

105 757

1 012

799

78,9 %

Source : commission des finances, d'après le Jaune Pensions

Au-delà du régime des marins, la question du maintien des régimes spéciaux culturels (Opéra national de Paris, Comédie française) est ouverte. S'il est moins évident pour l'Opéra de Paris, compte tenu de la spécificité de certains métiers (corps de ballet), un alignement du régime de la Comédie française ne pose pas a priori de difficulté au regard de l'activité même et du profil des cotisants.

Principales caractéristiques des régimes spéciaux « culturels » en 2021

Caisse

Nombre de cotisants

Nombre de bénéficiaires

Dépenses du régime

(en millions d'euros)

Subvention de l'État

(en millions d'euros)

Part du financement de l'État

(en pourcentage)

Caisse de l'Opéra national de Paris

2 059

1 841

31

18

58,1 %

Caisse de la Comédie française

346

450

6

4

66,7 %

Source : commission des finances, d'après le Jaune Pensions

Sur le plan formel, la rapporteure pour avis rappelle le souhait exprimé lors de l'examen du projet de loi de finances que soit renforcée la lisibilité de l'action de l'État à l'égard des régimes spéciaux de retraite encore ouverts. À cette fin, il serait opportun de regrouper au sein de la mission « Régimes sociaux et de retraite» l'ensemble des régimes financés par une subvention d'équilibre de l'État (RATP, Marins, Opéra de Paris, Comédie française) et d'y recenser la dépense fiscale affectée à d'autres régimes (régime de retraite de la branche des industries électriques et gazières (IEG), régime des non-salariés agricoles, régime de retraite des avocats (CNBF) et régime des clercs et des employés de notaire). Le régime de la Banque de France devra également être intégré à ce document.

C. QUELLES CONSÉQUENCES POUR LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS » ?

1. Un compte d'affectation destiné à retracer les dépenses afférentes aux retraites des fonctionnaires civils et militaires
a) Un compte nécessairement équilibré

Créé en 2006, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » retrace les opérations relatives aux pensions et avantages accessoires gérés par l'État. Il est composé de trois programmes :

- le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » , qui regroupe l'essentiel des crédits du CAS. Le programme couvre l'ensemble des opérations relatives au régime de retraite et d'invalidité des fonctionnaires de l'État fonctionnaires civils, magistrats et militaires ainsi que leurs conjoints et orphelins ;

- le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » qui finance les dépenses du Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels d'État (FSPOEIE), créé en 1928 et géré par la Caisse des dépôts et consignations, et du Fonds rente accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM) ;

- le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » .

Répartition par programme des crédits prévus en loi de finances pour 2023

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Le CAS Pensions ne couvre pas les retraites servies aux agents de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique territoriale, affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

S'agissant des autres agents employés par l'État, pour l'essentiel contractuels, ils ne sont pas non plus affiliés aux régimes de pension retracés dans le CAS Pensions, mais rattachés à la Caisse nationale d'assurance-vieillesse (CNAV) pour le régime de retraite de base et, s'agissant du régime complémentaire :

- à l'Ircantec, pour les agents contractuels de droit public ;

- à l'Agirc-Arrco, pour les agents contractuels de droit privé.

Le montant global des crédits ouvert au titre du CAS Pensions en loi de finances s'élève à 64,36 milliards d'euros.

Aux termes de l'article 21-II de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, un compte d'affectation spéciale (CAS) doit être équilibré à tout instant afin qu'en cours d'année, le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d'un compte d'affectation spéciale ne puisse excéder le total des recettes constatées.

Aux dépenses du CAS répondent donc des recettes, constituées pour l'essentiel des cotisations salariales (programmes 741 et 742) et des contributions de l'État (cotisations patronales pour les programmes 741 et 742 et subventions d'équilibre s'agissant des régimes visés par les programme 742 et 743) destinées à garantir l'équilibre du compte.

Cette contrainte organique d'équilibre a conduit à l'élaboration d'un indicateur comptable, dénommé « solde cumulé », qui doit être positif à tout instant. Ce solde cumulé agrège les soldes annuels du compte depuis sa création.

b) Des engagements estimés à 104 % du PIB en 2021

Le CAS Pensions ne donne qu'une photographie à l'instant t des besoins de financement annuel du régime des retraites de la fonction publique.

Les engagements de retraite de l'État permettent de déterminer l'effort financier que devra consentir l'État pour honorer les droits à retraite déjà constitués. Le montant est publié chaque année au sein du compte général de l'État. Il intègre la valeur actualisée des pensions versées aux retraités et aux cotisants actuels, au prorata pour ces derniers, des années de service effectuées. L'estimation intègre, en outre, un taux d'actualisation qui fait référence au taux des emprunts d'État à long terme, en l'espèce l'OAT 2036.

Ainsi calculés, les engagements de retraite de l'État (hors FSPOIE) constatés à la fin de l'exercice 2021 s'élevaient, en retenant le taux d'actualisation utilisé pour le compte général de l'État - soit - 1,37 % net d'inflation -, à 2 534 milliards d'euros, soit une diminution de 314 milliards d'euros sur un an Le montant des engagements de retraites de l'État représente en tout état de cause 104 % du PIB en 2021. 51 % des engagements concernent des agents de la fonction publique déjà retraités à fin décembre 2021.

Évolution des engagements de retraites de l'État et du besoin de financement
en fonction du taux d'actualisation à fin 2021

(en milliards d'euros)

Taux d'actualisation

- 1,37 %

0 %

1 %

1,5 %

Montant des engagements

2 534

1 889

1 563

1 432

Retraités

1 296

1 055

922

867

Actifs

1 238

967

641

565

Besoin de financement

- 92

- 21,2

6,3

15,3

Source : commission des finances du Sénat, d'après le compte général de l'État 2021

Ce montant peut apparaître artificiel. Il évolue, en effet, d'année en année en fonction du taux d'actualisation. Il apparaît par ailleurs nécessairement incomplet compte tenu des incertitudes entourant les droits des agents actuellement en activité.

Le besoin de financement actualisé du régime ou dette implicite ex ante permet de compléter utilement cet indicateur. La dette implicite ex ante mesure, en effet, la masse d'argent qu'il faudrait placer aujourd'hui pour couvrir les besoins de financement futurs. Elle correspond donc aux réserves nécessaires pour compenser les déficits futurs du système. Calculée avec un taux d'actualisation de - 1,37 %, elle s'élevait au 31 décembre 2021 à 92 milliards d'euros à l'horizon 2070. Elle atteignait 88,3 milliards d'euros au 31 décembre 2021. Ce montant reste largement supérieur à l'excédent cumulé du CAS, qui devrait s'établir fin 2022 à 9,3 milliards d'euros, et qui ne constitue pas, par ailleurs, de réelles réserves (cf infra ). Le calcul de cet indicateur suppose que les taux de contribution employeur n'augmentent pas sur la période, ce qui peut apparaître en contradiction avec l'obligation organique d'équilibre du compte d'affectation spéciale.

2. L'ouverture de nouveaux droits ?
a) Le relèvement d'âge pour les catégories actives et super actives

Le relèvement de l'âge d'ouverture des droits à 64 ans concerne également les agents de la fonction publique . La borne d'âge est aussi relevée de deux ans pour les agents relevant des catégories actives , qui pouvaient jusqu'alors liquider leur pension à 57 ans aux termes de 17 années de service actif (selon la profession) et ceux regroupés au sein de la catégorie superactive dont l'AOD est, dans le droit actuel, fixé à 52 ans, aux termes de 27 années de service superactif . Ces catégories d'emplois sont considérées comme répondant aux critères de pénibilité.

Catégories active et superactive de la fonction publique d'État

Âge d'ouverture des droits

Limite d'âge

Personnels actifs de la police nationale

52 ans

57 ans

Personnels de surveillance de l'administration parlementaire

52 ans

57 ans

Ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne

52 ans

59 ans

Agents d'exploitation des travaux publics de l'État

57 ans

62 ans

Éducateurs et infirmiers de la protection judiciaire de la jeunesse

57 ans

62 ans

Personnels paramédicaux des hôpitaux militaires

57 ans

62 ans

Contrôleur des affaires maritimes et syndics des gens de mer

57 ans

64 ans

Source : commission des finances du Sénat

L'application de la majoration de la durée d'activité pour ces catégories, en application de la réforme dite Touraine, devait concerner la génération 1978, contre 1973 pour les emplois sédentaires.

Un AOD fixé à 52 ans s'applique aussi, dans le droit actuel, aux militaires, sous condition de durée de service. Il sera, dans le cadre de la réforme, relevé à 54 ans.

Âge d'ouverture des droits des militaires dans le droit actuel

Âge d'ouverture des droits

Durée de service minimale

Officier de carrière

52 ans

27 ans

Officiers radiés des cadres pour raison disciplinaire

52 ans

27 ans

Militaire de rang

52 ans

17 ans

Source : commission des finances du Sénat

Certains emplois actifs ou superactifs (policiers, militaires, sapeurs-pompiers, ingénieurs de contrôle de la navigation aérienne, surveillants pénitentiaires) bénéficient en outre d'une bonification dite « du cinquième », qui correspond au cinquième du temps accompli de service effectif, dans la limite de cinq annuités.

Au 1 er janvier 2022, 15 % des affiliés non retraités sont sur un emploi qui génère les droits d'actifs ou ont atteint la durée nécessaire pour bénéficier d'un départ au titre de la catégorie active. Il convient de rappeler à ce stade que les engagements de retraite à l'égard de la catégorie active (hors militaires) représentaient 23 % des engagements civils de droit direct, atteignant 432 milliards d'euros. 64 % des engagements visent les retraités actuels.

b) Des mesures destinées à accompagner l'allongement de la dure d'activité plus coûteuses qu'utiles ?

Le présent projet de loi de financement rectificative propose plusieurs dispositifs destiné à accompagner la situation spécifique de certains fonctionnaires.

S'agissant des fonctionnaires des catégories actives ou super actives, il est ainsi prévu :

- le cumul des durées d'activité pour un agent ayant exercé deux métiers différents classés en catégorie active ;

- la possibilité de faire bénéficier aux militaires, policiers, ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, membres du personnel de surveillance pénitentiaire qui ne sont plus en service actif à la fin de leur carrière de la bonification du « cinquième », sous condition de durée de services ;

- l'intégration des services de non-titulaires dans le décompte de la carrière d'un contractuel en catégorie active ou super active titularisé par la suite, dans la limite de 10 ans. Les aides-soignants sont particulièrement concernés ;

L'incitation à l'allongement de la durée d'activité passe également par la possibilité, sur demande du fonctionnaire et avec l'autorisation de son employeur, de décaler de trois ans la limite d'âge du poste occupé .

Le dispositif de retraite progressive est également transposé au sein de la fonction publique. Le coût de cette mesure est estimé à 100 millions d'euros.

La mise en oeuvre de l'ensemble de ces mesures peut interroger au regard des comportements constatés au cours des derniers exercices :

- l'âge conjoncturel de départ à la retraite des fonctionnaires civils progresse ainsi tendanciellement pour s'élever en 2021 à 63 ans et 8 mois pour les sédentaires et 60 ans pour les actifs. L'âge conjoncturel progresse également en 2020 pour les militaires pour atteindre 49 ans et 1 mois ;

- l'augmentation de la durée minimale d'assurance et la mise en place de la décote et de la surcote, incitent, en outre, de plus en plus au maintien en activité. Ainsi, seuls 18,4 % des départs pour ancienneté des fonctionnaires civils sédentaires ont donné lieu à une décote ;

- le décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse a prévu l'extension du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue et a eu, dans un premier temps, pour conséquence une forte augmentation du nombre de départs anticipés pour carrière longue, avec une augmentation de plus de 50 % sur quatre ans et un pic à 9 563 départs en 2017. La tendance s'est depuis inversée : on dénombrait ainsi 5 451 départs en 2021. L'augmentation de l'âge de début de carrière constatée ces dernières années devrait contribuer à accélérer cette décrue.

3. Une amélioration attendue du solde technique qui pose la question des réserves
a) Une correction attendue du solde technique

Nonobstant ces mesures nouvelles, la réforme paramétrique devrait avoir pour effet mécanique une amélioration du solde technique du CAS Pensions de l'ordre de 0,7 milliard d'euros en 2027 puis de 1,1 milliard d'euros en 2030.

Cette amélioration de la trajectoire financière du compte d'affectation spéciale ne doit pas éluder une réflexion sur le solde technique dudit compte.

Avant mise en oeuvre de la réforme, l e solde cumulé du CAS depuis sa création devait s'élever, dans ces conditions en 2023, à 8,5 milliards d'euros, soit 1,5 mois de prestations.

Évolution prévisionnelle du solde cumulé du CAS Pensions depuis 2006
(avant mise en oeuvre de la réforme)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Cet excédent technique ne constitue cependant pas des réserves et est reversé au budget de l'État. Il ne se traduit pas, en effet, par une immobilisation de trésorerie sur un compte de l'État. Il n'ouvre pas droit, en outre, à la consommation de crédits budgétaires supplémentaires par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale. Il n'existe pas, dans ces conditions, de réserves destinées à faire face à la progression attendue des dépenses.

Le CAS avait bénéficié jusqu'en 2020 de majorations de recettes importantes , en raison notamment de la mise en oeuvre du rapprochement du taux de cotisation salariale avec celui du régime général à partir de 2018, de la revalorisation du point fonction publique en 2016 et 2017 ou de la mise en place du protocole d'accord « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) entre 2016 et 2021 qui a permis également de majorer les recettes du CAS. Le CAS avait, par ailleurs, bénéficié, s'agissant des dépenses, d'une faible inflation sur la période 2013-2018 qui a limité les revalorisations des pensions puis une revalorisation maîtrisée des pensions en 2019, une revalorisation différenciée (selon le niveau de pension) en 2020 et une faible inflation en 2021 qui a limité le niveau des revalorisations.

Pour mémoire, sans réforme paramétrique, le solde cumulé est appelé à devenir négatif à l'horizon 2025, date à laquelle il devrait atteindre -0,2 milliard d'euros. Une telle évolution posait inéluctablement la question de la contribution de l'État au CAS Pensions. Les taux de contribution n'ont plus évolué depuis 2014. Les taux civils avaient auparavant progressé de 3,05 points de pourcentage par an entre 2006 et 2014 et les taux militaires de 3,26 points. En 2022, le taux moyen de contribution employeur au CAS Pensions s'établit ainsi à 86,7 %.

Évolution du taux de cotisation employeur de l'État depuis 2006

Année

Taux de cotisation employeur de l'État

Pension de retraite - civils

Pensions militaires

Allocation temporaire d'invalidité - civils

2006

49,90%

100,00%

0,30 %

2007

50,74%

101,05%

0,31 %

2008

55,71%

103,50%

0,31 %

2009

58,47%

108,39%

0,32 %

2010

62,14%

108,63%

0,33 %

2011

65,39%

114,14%

0,33%

2012

68,59%

121,55%

0,33%

2013

71,78%

126,07%

0,32%

Depuis 2014

74,28%

126,07%

0,32%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

b) Une réforme du financement doit désormais venir compléter la réforme paramétrique

Si l'effet vertueux de la réforme proposée dans le présent projet de loi de financement rectificative venait à se confirmer, il ne doit pas éluder une réflexion sur le financement des retraites servies par l'État en vue de renforcer sa lisibilité.

Aux taux de contribution employeurs actuels succéderait un taux de cotisation patronale doublé d'une subvention d'équilibre dédiée au CAS Pensions, à l'image de ce qui est opéré au sein de la mission Régimes sociaux et de retraite. Un tel dispositif permettrait de faciliter la comparaison des données entre les retraites du régime général et celles versées par l'État, avec les précautions d'usage habituelles (différence d'assiette de cotisation notamment).

Le Conseil d'orientation des retraites a, dans son rapport de septembre 2022, publié un exercice de normalisation destiné à comparer les taux de prélèvement d'équilibre, corrigés de la prise en compte des déséquilibres démographiques. Cette entreprise permet de relativiser l'écart entre les taux de cotisation pratiqués dans le secteur public et le secteur privé.

Taux de cotisation légaux et taux de prélèvement d'équilibre en 2020

Population affiliée

Taux légaux de cotisation (salarié et employeurs)

Taux de prélèvement d'équilibre corrigé du ratio démographique

Salariés du secteur privé et artisans/commerçants

27,7 % / 24,75 %

23,9 %

Fonctionnaire de l'État (civils)

90,4 %

23,7 %

Fonctionnaires de l'État (militaires)

142,2 %

24,1 %

Fonctionnaires territoriaux et hospitaliers

46,8 %

28,3 %

Professionnels libéraux (hors avocats)

19,9 %

12,7 %

Non-salariés agricoles

18,9 %

13,5 %

Tous régimes

27,5 %

Source : Conseil d'orientation des retraites, rapport annuel de septembre 2022

La perspective d'une inversion du solde cumulé incite, en outre à s'interroger sur l'essence même de cet indicateur comptable. La rapporteure pour avis insiste sur le fait qu'il relève avant tout d'une fiction, tant il ne permet pas de faire face aux aléas (crise sanitaire, inflation) auxquels peut être confronté le régime des retraites de la fonction publique d'État. Il serait souhaitable que cette fiction comptable soit abandonnée et débouche sur la création de véritables réserves, appelées à être gérées par le Fonds de réserve des retraites (FRR).

EXAMEN EN COMMISSION

I. AUDITION DE M. PIERRE-LOUIS BRAS (14 FÉVRIER 2023)

Réunie le mardi 14 février 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a entendu M. Pierre-Louis Bras, président du Conseil d'orientation des retraites (COR).

M. Claude Raynal , président . - Nous entendons cet après-midi M. Pierre-Louis Bras, président du Conseil d'orientation des retraites (COR), dans le cadre de la préparation de l'avis que rendra notre commission sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

Notre collègue Sylvie Vermeillet, rapporteure pour avis de notre commission, nous présentera son rapport le 28 février prochain.

Avant la présentation de celui-ci et la transmission au Sénat du projet de loi, il nous a semblé utile de vous entendre, monsieur le président, sur l'évolution et les perspectives des retraites en France. L'organisme que vous présidez est en effet une instance indépendante et pluraliste d'expertise et de concertation, chargée d'analyser et de suivre les perspectives à moyen et long termes du système de retraite français. Ses projections sont importantes pour comprendre les équilibres de notre système de retraite par répartition et les modifications qu'il convient d'apporter, le cas échéant, pour assurer son financement de long terme.

Notre commission des finances est par ailleurs particulièrement attachée à comprendre les enjeux à long terme, tant en recettes qu'en dépenses, de notre système de retraite, dans le cadre plus global de l'évolution de nos finances publiques.

M. Pierre-Louis Bras, président du Conseil d'orientation des retraites (COR) . - Au sein du Conseil d'orientation des retraites siègent des parlementaires - quatre députés et quatre sénateurs, parmi lesquels Mme la rapporteure pour avis Sylvie Vermeillet - , des représentants des partenaires sociaux - les trois organisations représentatives des employeurs et sept organisations syndicales de salariés -, de l'Union nationale des associations familiales (Unaf), de l'Union nationale des professions libérales (Unapl), de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (Fnsea), et des administrations concernées par la question des retraites - direction générale du Trésor, direction de la sécurité sociale, direction du budget -, de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) et de l'Insee, ainsi que des personnalités qualifiées.

Le rapport du COR que je vais vous présenter a fait l'objet d'un consensus entre tous ses membres. Je ne vous livrerai donc pas d'opinions personnelles.

Premier élément : le rapport des dépenses de retraite à la richesse nationale.

Les termes « système de retraite par répartition » signifient que l'on prélève des cotisations ou des impôts sur les actifs pour financer les retraites. Une façon synthétique d'apprécier cet effort qu'il faut consentir est de considérer la part des dépenses de retraite dans le PIB.

Nous observons une forte augmentation de ces dépenses dans les années 2000, du fait du départ en retraite des baby-boomers et de la crise économique des années 2010. Au début de la décennie suivante, on observe les soubresauts liés au covid. En 2021, les dépenses de retraite représentaient 13,8 % du PIB. Pour la période allant jusqu'en 2030, nous nous sommes alignés sur les prévisions économiques du Gouvernement. À partir de 2030, nous avons décidé de façon consensuelle de faire des hypothèses concernant la croissance de la productivité horaire du travail, laquelle détermine le niveau des salaires et celui du PIB.

Le spectre sur lequel nous avons travaillé comprend quatre hypothèses, de la plus défavorable, soit 0,7 % de croissance annuelle de la productivité horaire du travail - la situation de 2009 à 2019 - à la plus favorable, soit 1,6 % de ladite croissance annuelle - la situation sur une période de quarante ans, de 1982 à 2022. Les résultats sont très différenciés selon les hypothèses.

Globalement, en dépit de quelques variations, les dépenses de retraite sont relativement stables. À long terme, dans trois hypothèses sur quatre, elles diminuent quelque peu : dans la plus favorable, elles représentent de 11,9 % à 12 % du PIB ; si la croissance annuelle de la productivité horaire du travail s'établit à 1 %, soit l'hypothèse qui sert de référence au Gouvernement pour la réforme des retraites, elles représentent 13,5 % du PIB.

Dans l'hypothèse d'une croissance annuelle de la productivité horaire du travail à 0,7 %, les dépenses de retraites augmentent quelque peu à l'horizon 2050, passant à 14,4 % du PIB. Je précise qu'en 2021, le PIB de la France était de 2 500 milliards d'euros : 0,1 point de PIB équivaut à 2,5 milliards d'euros et 1 % de PIB égale 25 milliards.

Les dépenses de retraite ne dérapent pas. A priori , cela suscite souvent un certain étonnement, parce que la France vieillit. Il y a aujourd'hui 1,7 cotisant pour un retraité ; en 2050, il n'y aura plus que 1,2 cotisant par retraité. Si l'on ne prenait en compte que cette évolution démographique, les dépenses de retraite augmenteraient fortement en pourcentage du PIB. Néanmoins, il faut observer un autre phénomène très important : les pensions versées à chaque retraité diminueront dans le temps par rapport à la rémunération de chaque actif, et ce d'autant plus que la croissance sera forte. En effet, dans le régime général, les pensions sont indexées sur les prix ; quand les salaires augmentent rapidement, se produit un décrochage des pensions par rapport aux salaires et donc par rapport au PIB ; par ailleurs, des mesures ont été prises pour faire baisser durablement le rendement technique de l'Agirc-Arrco ; enfin, dans la fonction publique, les périodes de gel du point d'indice pèsent aussi sur le niveau des pensions par rapport aux salaires. Si les dépenses de retraite ne dérapent pas, c'est parce que ces deux forces s'exercent en sens contraire et s'équilibrent.

Le fait que les pensions relatives des retraités baissent par rapport aux rémunérations est une question en soi. Aujourd'hui, le niveau de vie des retraités est légèrement supérieur à celui de l'ensemble de la population ; ils sont ainsi plus nombreux à être propriétaires. De par la baisse relative des pensions, leur niveau de vie diminuerait.

Si les dépenses de retraite ne dérapent pas dans l'actuel contexte de vieillissement, il y a donc un revers : la baisse relative du niveau des pensions, et du niveau de vie relatif des retraités.

Deuxième élément : le niveau du solde de l'ensemble du système de retraite.

Ce niveau a atteint un point bas dans les années 2010. En 2019, le système frôlait l'équilibre. En 2020, il s'est creusé du fait de la crise du covid. En 2021, on est à l'équilibre - en fait, un peu en deçà mais à hauteur d'à peine 0,1 point de PIB.

Dans les quatre groupes de régimes qui existent, les uns sont excédentaires - les régimes complémentaires du secteur privé - et d'autres déficitaires - les régimes de base du même secteur. Quant à l'ensemble constitué par les régimes de la fonction publique et des indépendants, il est très proche de l'équilibre.

S'agissant de ce solde, je tenais à apporter une précision. Peut-être avez-vous entendu dire que le COR cachait 30 milliards d'euros de déficit. Franchement, je ne cache rien et je n'ai rien à cacher ! Les données sur lesquelles nous travaillons sont celles qui servent de base pour les lois de financement de la sécurité sociale, lesquelles ne prennent pas en compte les régimes complémentaires et font apparaître une branche vieillesse en déficit.

Le COR, en revanche, prend en considération l'ensemble des régimes de retraite, y compris complémentaires, un ensemble qui est à l'équilibre en 2021. Pour ce qui est des régimes de base, on prend en compte les conventions qui servent de base aux lois de financement de la sécurité sociale. S'il y avait 30 milliards d'euros cachés, ils le seraient par le Gouvernement lorsqu'il transmet au Parlement les documents afférents à la loi de financement de la sécurité sociale, et ce avec la complicité de tous les groupes parlementaires ; en effet, je n'ai jamais vu remettre en cause, lors des débats sur ces textes, la nature des soldes qui vous sont présentés et la manière dont ils sont construits.

Nous présentons ces soldes tels qu'ils le sont dans la loi de financement de la sécurité sociale. Si de tels montants étaient cachés, ce serait de nature à provoquer une vraie crise institutionnelle parce que cela signifierait que l'on ment aux Français...

Troisième élément : le solde projeté.

En 2022, ce solde était en excédent, à hauteur de 0,1 point de PIB. Après 2022, il se creuse, différemment selon les hypothèses économiques, suivant la dynamique des dépenses par rapport au PIB.

Comment puis-je dire, à la fois, que les dépenses ne dérapent pas, que l'équilibre est atteint dans la période initiale et que, pour autant, il y aura un déficit ?

La clé de cette énigme, c'est l'évolution des ressources. Ce que je vais vous dire n'est pas immédiatement évident. Si l'on ne fait rien, le taux de prélèvement des ressources affectées aux retraites diminuera sous l'effet de trois phénomènes qui ne sont pas intuitifs. A priori , on pourrait se dire que, les ressources pour les régimes de retraite ayant pour origine des taux de cotisation, si ces derniers ne bougent pas, les ressources augmenteront au même titre que le PIB. Or il faut signaler quelques particularités.

Premier phénomène : pour ce qui est du régime des fonctionnaires et d'autres régimes spéciaux qui sont en équilibre car ils sont abondés par des subventions de l'État, les ressources ne dépendent pas d'une base économique sur laquelle on prélèverait des cotisations, mais elles sont ajustées sur les dépenses. En effet, selon l'une des conventions qui sert de base à tous nos textes, le régime de retraite des fonctionnaires de l'État est en permanence équilibré. Les ressources dépendant des dépenses et les dépenses de retraite des fonctionnaires diminuant progressivement - elles représentent aujourd'hui 2 % du PIB ; dans cinquante ans, elles représenteront 1 % du PIB -, les ressources affectées aux retraites diminuent également.

Deuxième phénomène : dans le régime de retraite des agents des collectivités territoriales et des hôpitaux, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), le taux de cotisation est bien plus élevé, soit 41 %, que dans le régime général et dans le régime Agirc-Arrco dans lesquels ce taux est de 28 %, en prenant en compte les cotisations salariés et employeurs. Or la part des rémunérations des agents des collectivités territoriales et des agents hospitaliers dans l'ensemble des rémunérations va diminuer, selon les hypothèses qui nous sont communiquées par la direction du budget sur l'évolution des rémunérations et des effectifs : cet effet de structure explique la baisse globale des ressources du système.

Troisième phénomène, d'une moindre ampleur : la diminution des contributions de la branche famille et de l'Unédic au système de retraite - dédiées respectivement à la prise en charge des avantages familiaux et des allocations chômage Agirc-Arrco -, qui représentent environ 7 % des ressources du système de retraite. Comme il y aura, demain, moins d'enfants, selon les projections de l'Insee sur la fécondité, et moins de chômeurs, selon l'hypothèse du Gouvernement, qui prévoit un taux de chômage de 5 % en 2027 - une projection que nous avons prolongée en nous basant sur un taux de chômage à 4,5 % stabilisé ; auparavant, nous nous basions sur un taux de 7 % -, nous prévoyons une diminution des contributions de la branche famille et de l'Unédic.

On peut donc dire, à la fois, que les dépenses de retraites ne dérapent pas, que le système est aujourd'hui à l'équilibre et que, pour autant, le déficit va se creuser.

Si l'on suit l'hypothèse posée par le Gouvernement, l'évolution du solde sera la suivante : en 2027, pour le solde, -0,4 % du PIB ; pour les dépenses ; -0,1 % du PIB ; pour les ressources, -0,3 % du PIB. En 2046, pour le solde, -0,7 % du PIB, ce qui correspond à l'évolution des ressources que je vous ai exposée, tandis que le niveau de dépenses sera le même que celui de 2021, lorsque la situation était à l'équilibre.

Quatrième élément : les dépenses de retraite ne dérapent pas, mais, pour autant, elles évoluent à un niveau qui n'est pas compatible avec les objectifs de finances publiques du Gouvernement. Celui-ci, comme le prévoit son dernier programme de stabilité, souhaite : réduire le déficit public à 2,9 % du PIB, en 2027 ; stabiliser, voire réduire légèrement, les prélèvements obligatoires ; enfin, limiter - un objectif affiché par Bruno Le Maire - l'augmentation des dépenses publiques, dans leur globalité, à 0,6 % par an. Or, si les dépenses de retraite ne dérapent pas au regard du PIB, elles augmentent de 1,8 %.

Rappelons que les dépenses de retraite représentent 25 % des dépenses publiques. Il est quasiment impossible de limiter l'augmentation des dépenses publiques à 0,6 % par an dans ces conditions, sauf à mener une politique extrêmement restrictive dans les autres domaines de dépenses publiques que sont la défense, l'éducation, la santé, la justice, la police, etc. Le COR a noté cette difficulté, mais certains de ses membres ont tenu à préciser qu'ils ne s'estimaient pas liés par les objectifs de finances publiques du Gouvernement.

Pour ce qui concerne la situation patrimoniale nette du système de retraite, on constate qu'il y a des réserves dans les régimes en répartition, soit les régimes complémentaires, à hauteur de 180 milliards d'euros - constituées pour la moitié de réserves Agirc-Arrco - et dans le Fonds de réserve pour les retraites (FRR), à hauteur de 26 milliards. La Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) a une dette de 43 milliards d'euros, qui correspond à l'accumulation des déficits qu'elle a repris.

Au total, la situation patrimoniale nette du système de retraite fait apparaître des crédits à hauteur de 163 milliards d'euros. Il s'agit d'une partie de la situation patrimoniale nette des administrations publiques, publiée chaque année par l'Insee, laquelle est également positive, à hauteur de 375 milliards d'euros - situation établie après bilan de ce que l'ensemble de ces administrations possèdent et doivent.

Il n'est pas possible d'utiliser ces réserves pour combler le déficit à venir du régime général. En effet, ces réserves appartiennent à des régimes qui sont actuellement excédentaires et qui le seront également demain, et ce d'autant plus après la réforme des retraites prévue ; ainsi, le bilan Agirc-Arcco pour 2030, après réforme, s'établit à hauteur d'environ 3,7 milliards d'euros.

Mme Sylvie Vermeillet , rapporteure pour avis . - Merci pour cet exposé liminaire. Le système de retraite est difficile à appréhender du fait de son caractère pluridimensionnel, à la fois spatial et temporel : il faut prendre en considération des éléments très mouvants.

Pourriez-vous revenir sur les projections, fondamentales s'agissant de l'évolution des retraites, relatives à l'espérance de vie, à la démographie - nombre de naissances, de pensionnés, d'actifs -, au niveau de vie des retraités et à l'équité entre générations ? Les contributions intergénérationnelles sont-elles aujourd'hui de même niveau qu'il y a trente ans, et qu'en sera-t-il dans trente ans ?

Quels sont les apports du projet de réforme ? Qu'apporteraient des cotisations supplémentaires au régime de base et aux régimes complémentaires ? On se focalise sur des additions et des soustractions relatives au régime de base, mais on parle très peu des régimes complémentaires...

M. Pierre-Louis Bras . - Toutes nos projections sont basées sur des hypothèses démographiques. Au sein du COR, nous ne prétendons pas être démographes : nous nous sommes fondés sur les chiffres de l'Insee, lesquels ont été révisés en 2021.

L'Insee a pris acte d'une baisse de la fécondité par rapport au début des années 2000 et table sur une stabilisation de l'indice conjoncturel de fécondité à 1,8 enfant par femme jusqu'à la fin de la période, à horizon de cinquante ans.

Il prévoit un solde migratoire - la différence entre les entrées et les sorties du territoire de Français et d'étrangers - de 70 000 personnes par an sur ladite période. Dans ce domaine, les projections sont aléatoires car ces mouvements sont liés à la situation internationale et aux circonstances politiques intérieures - données que personne ne maîtrise, surtout à horizon de cinquante ans. Selon les derniers chiffres dont nous disposons, ce solde serait un peu supérieur à 70 000 par an, ce qui ne nécessite pas de réviser les hypothèses de l'Insee.

Pour ce qui est de l'évolution de la longévité, l'Insee a revu ses prévisions à la baisse en 2021. Les phénomènes d'augmentation de la longévité et de diminution de la mortalité vont persister, mais à un rythme beaucoup plus lent qu'avant. Selon le démographe Hervé Le Bras, nous sommes trop optimistes sur la longévité. Pour ma part, j'utilise comme hypothèses les données de l'Insee, qui servent aussi de bases aux projections du Gouvernement.

Depuis le milieu des années 1990, le niveau de vie des retraités est supérieur à celui de l'ensemble de la population. Certes, les retraites représentent 50 % du salaire moyen, mais il faut prendre en compte l'ensemble des revenus pour calculer le niveau de vie, et rapporter ce revenu global à la composition de la famille. Or, en règle générale, les retraités n'ont plus de charge d'enfants. Comme les pensions vont connaître une diminution relative par rapport aux rémunérations des actifs, tout en continuant à augmenter, le niveau de vie relatif baissera. Demain, les retraités seront relativement plus pauvres par rapport aux actifs qu'ils ne le sont aujourd'hui, mais plus riches que les retraités d'aujourd'hui. Nous allons en arriver à la situation que connaissait la France dans les années 1980 et que connaissent aujourd'hui la Suède, le Royaume-Uni ou l'Allemagne. Cette diminution explique pourquoi les dépenses de retraites ne dérapent pas. Si l'on veut maintenir le niveau de vie des retraités par rapport aux actifs, il faut prendre des mesures et, dans ce cas-là, les dépenses de retraite augmenteront par rapport au PIB.

Les projections que je viens d'évoquer sur le niveau de vie à très long terme des retraités par rapport aux actifs sont mécaniques : elles supposent une absence de modification des comportements des futurs retraités. Or il est possible que ceux-ci décident de réagir : ceux qui en ont les moyens pourront épargner plus pendant leur vie active pour avoir davantage de revenus du capital lorsqu'ils seront retraités, ou repousser l'âge auquel ils quitteront leur emploi pour bénéficier d'une pension plus élevée.

La question de l'équité entre les générations est très compliquée à appréhender. Il faut comparer le niveau de contribution d'une génération et ce qu'elle en retire, c'est-à-dire le montant des pensions et la durée de retraite.

La durée de retraite a augmenté jusqu'à la génération née en 1950. Pour les générations suivantes, le report de l'âge de la retraite de 60 à 62 ans est entré en vigueur, ce qui a conduit à une diminution de la durée de retraite. De la génération 1955 à la génération 1975, la durée de retraite est quasi stable, puis elle recommence à croître avec l'augmentation de l'espérance de vie. La réforme aboutirait à un report de l'âge de départ à la retraite d'environ sept mois pour la génération 1972.

En pourcentage du temps de vie, la durée de retraite est stable, autour de 28 %.

Quant aux cotisations, elles n'ont cessé d'augmenter. Un actif d'aujourd'hui contribue plus que ne le faisaient ses parents.

Pour faire un bilan complet de l'ensemble de ces paramètres, il faut calculer les taux de rendement interne entre les contributions et les cotisations. Pour simplifier, on peut dire que la tendance est stable, et qu'elle augmentera légèrement en fin de période.

Néanmoins, on ne peut pas porter une appréciation sur l'équité entre générations en matière de retraite sans prendre en considération ce qui se passe hors retraite. Le niveau de vie moyen aujourd'hui est plus du double de celui de 1960 ; quant à l'espérance de vie, elle a augmenté de quinze ans durant cette période.

S'agissant du déficit, je rappelle qu'il existe 42 régimes, dont quatre principaux : le régime de base des salariés du privé, Agirc-Arrco, le régime de retraite des fonctionnaires de l'État et la CNRACL. Par une convention qui est commune à tous, le régime de retraite des fonctionnaires de l'État est en permanence équilibré.

Le régime général, le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) et la CNRACL sont en déficit. Le projet de réforme prévoit d'ailleurs une augmentation des taux de cotisation spécifique à la CNRACL.

L'Agirc-Arrco est excédentaire. Dans l'hypothèse de 1 % de croissance de la productivité, ce régime resterait excédentaire jusqu'en 2070 : il n'a pas besoin d'utiliser ses réserves. Sur les 12 milliards d'euros de la réforme, l'Agirc-Arrco représente 3,5 milliards : cette somme viendra-t-elle alimenter les réserves ? Le niveau de ces dernières est au-delà de la norme de pilotage - une réserve équivalente à six mois de prestations retraites - : elles représentent plutôt huit à neuf mois. Que feront les partenaires sociaux de cet excédent ? Je ne veux pas préjuger des décisions qu'ils prendront.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je vous poserai plusieurs questions.

Quel serait l'impact sur le niveau des pensions de l'absence de modification des conditions actuelles de financement du régime, ainsi que sur celui des cotisations d'une non-prolongation de la durée d'activité ?

Par ailleurs, votre rapport indique que le système pourrait être équilibré dans le scénario central que vous avez évoqué, avec un âge conjoncturel de départ à la retraite de 64,2 ans en 2032, soit un âge légèrement supérieur à celui qui a été retenu. Faudra-t-il donc revenir d'ici à quelques années sur cet âge de 64 ans ?

M. Pascal Savoldelli . - Merci pour les explications que vous avez apportées.

Vous avez évoqué les baisses des dépenses de retraite de l'État employeur pour ses fonctionnaires et l'effet CNRACL. En résumé, ceux qui cotisent le plus cotiseront moins en proportion de la somme des cotisations.

D'où ma première question : quel est l'effet de la politique d'emplois publics et des rémunérations du Gouvernement sur le déficit du système de retraite ?

Deuxième question, dont la réponse intéressera mes collègues du groupe Les Républicains. Lors de la discussion du projet de loi de finances, ceux-ci avaient proposé de supprimer 150 000 emplois de fonctionnaires. De combien seraient amputées les recettes de la sécurité sociale si cette proposition était adoptée ?

Enfin, vous vous fondez sur deux conventions : l'équilibre permanent des retraites (EPR) et l'effort de l'État constant (EEC). Mais j'ai lu dans la presse que vous évoquiez aussi une convention historique du COR. Qu'entendez-vous par là ? Le Gouvernement a fait le choix de retenir la convention EPR. Le déficit annoncé du système de retraite est-il « augmenté » artificiellement par un désengagement de l'État à hauteur de 1,2 point de PIB ? Ce qui nous conduit aux 30 milliards d'euros...

M. Thierry Cozic . - Deux modalités de financement du système de retraite n'ont pas été retenues : dépenser moins et mieux ; augmenter les recettes des comptes sociaux, qui sont aujourd'hui volontairement diminuées.

Pour rappel, en octobre 2022, l'Institut de recherches économiques et sociales (Ires) a montré que les aides publiques aux entreprises étaient passées de 3 % du PIB en 2000 à 6,4 % du PIB en 2019, soit un total de 157 milliards d'euros constitué notamment d'exonérations de charges sociales qui réduisent d'autant les recettes des comptes sociaux.

Lors de la première mise en oeuvre de cette politique en 2007, ce sont près de 3 milliards d'euros par an qui ont été perdus. Le Gouvernement joue au pompier pyromane : il affirme vouloir sauver le système de retraite par répartition qu'il a lui-même contribué à déséquilibrer. De surcroît, le choix de diminuer le montant total des pensions de retraite, mécaniquement réalisé par la réduction de leur durée, aboutit à réduire la protection offerte par le système de répartition, en particulier pour les catégories populaires qui en bénéficient déjà moins. Cette façon de « sauver » le système par répartition est une forme de démantèlement.

Une autre politique serait de revoir à la baisse certaines dépenses publiques. Comme l'indique votre rapport, de 2022 à 2032, la situation financière du système de retraite se détériorerait avec un déficit allant de 0,5 à 0,8 point de PIB, soit entre 13 et 19 milliards d'euros rapportés à un PIB de 2 354 milliards en 2022. Une baisse des dépenses publiques aux entreprises dans des proportions équivalentes semble d'autant plus réalisable que cette politique d'aides peu ciblées est critiquée, et son efficacité en termes d'emplois et de croissance controversée.

À mon sens, il n'existe pas de raison pour que les déficits accumulés soient financés par les seuls salariés retraités, dont le pouvoir d'achat baisse en raison d'une indexation partielle sur le niveau de l'inflation.

Pensez-vous que la logique comptable que je viens d'exposer soit de nature à tracer une perspective crédible pour le financement des déficits à venir ?

M. Claude Raynal , président . - Mes chers collègues, il ne faut pas demander au président du COR de donner son avis sur les alternatives à la réforme qui est proposée : il me semble qu'il sortirait de son rôle.

M. Roger Karoutchi . - Les retraités ont été actifs toute leur vie, ont épargné, acheté leur logement... S'ils ont un niveau de vie supérieur à celui des actifs, il ne faut pas laisser croire qu'ils sont ultra-favorisés.

Finalement, nous sommes extrêmement prétentieux, espérant faire la réforme qui rééquilibrera les comptes. Les équilibres changent en fonction du solde migratoire, du solde démographique, de la politique familiale, de la relation au travail, de la capacité d'épargne... Ne faudrait-il pas accepter de remettre les compteurs à l'équilibre, par exemple tous les dix ans, en fonction de l'évolution des politiques ? Le côté quasiment totémique des 64 ans n'a guère de sens. Il faudrait faire preuve de souplesse.

M. Sébastien Meurant . - La réforme des retraites, c'est en fait la réforme du travail et de la production de richesses, car c'est ce qui détermine le montant de ce qu'on peut avoir à la retraite.

S'agissant du régime de la CNRACL, une hausse des taux est prévue, mais la Première ministre a annoncé une compensation. Je m'interroge sur l'équilibre de ce régime.

J'aimerais aussi connaître le nombre de pensionnés nés à l'étranger bénéficiant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa).

Qu'en est-il des pensions erronées puisqu'il semblerait qu'une pension sur cinq comporte des erreurs ?

Enfin, quid de l'évolution du montant des fraudes ? À la suite d'un rapport de la Cour des comptes de 2017, j'avais posé une question au Gouvernement sur le nombre de centenaires bénéficiant de retraites. Le rapport de la Cour des comptes pointait plus largement une incertitude sur le nombre de bénéficiaires de pensions à l'étranger. Un montant total de 200 millions d'euros de fraude est par ailleurs évoqué.

M. Daniel Breuiller . - Merci pour votre présentation. Je voudrais préciser une question du rapporteur général : dans l'hypothèse où l'on choisirait une augmentation des cotisations plutôt qu'un allongement de la durée du travail, combien représenterait cette hausse pour un smicard, d'une part, et pour un salarié gagnant 3 000 euros, d'autre part ? Je souhaite comprendre la différenciation sociale.

Idem pour la durée de vie à la retraite : quelle différence entre les catégories les plus modestes et les catégories les plus aisées ?

Par ailleurs, j'aimerais comprendre combien les mesures de désocialisation des heures supplémentaires et des primes retirent aux caisses de retraite ?

Enfin, les précédentes réformes ont-elles eu un impact sur le taux d'emploi des seniors ?

M. Michel Canévet . - Je vous remercie pour votre exposé pédagogique.

La situation est assez paradoxale : on a du mal à savoir si nous allons être rapidement ou non en situation déficitaire. Car la situation de l'emploi est plutôt satisfaisante, ce qui va conduire à une rentrée de cotisations ; avec la mise en place de la réforme Touraine, le temps de travail sera accru et il y aura sans doute moins de pensions à verser.

Jusqu'à quand le régime est-il équilibré ? Doit-on vraiment engager tout de suite la réforme ?

Mme Christine Lavarde . - Ma question est un peu hors sujet par rapport aux travaux du COR, mais je veux dire qu'il y a une alternative aux solutions présentées par mes collègues de la gauche : la mise en place, à côté du régime par répartition, d'un régime par capitalisation qui permettrait d'assurer dans la durée un niveau de pension satisfaisant pour tous.

Avez-vous examiné une hypothèse autre que le « 100 % répartition » ?

M. Vincent Segouin . - Si l'on ne réforme pas l'âge de départ en retraite, il existe deux autres leviers : l'augmentation des cotisations et la baisse des pensions. Quel serait le taux d'augmentation des cotisations nécessaire pour revenir à l'équilibre ? Quel en serait l'effet sur la compétitivité et sur la balance commerciale ?

M. Christian Bilhac . - Merci pour votre exposé. À l'automne 2020, des prévisionnistes nous ont expliqué que le covid arrivait à sa fin et que l'avenir serait radieux. Patatras, on a assisté à la reprise du covid ! À l'automne 2021, le covid était terminé et l'inflation maîtrisée. L'avenir allait enfin être radieux. Puis est arrivée la guerre en Ukraine... Alors je fais preuve de scepticisme quand on me présente des prévisions, car elles se sont toutes révélées fausses.

Dans son projet de loi de programmation des finances publiques, le Gouvernement avait prévu une contribution des organismes de sécurité sociale de 25 milliards d'euros, pour revenir à un déficit public en dessous de 3 % du PIB. Combien représente l'allongement de la durée des cotisations par rapport à cette somme ?

M. Jean-Marie Mizzon . - Certains commentateurs avisés disent que la France a moins besoin d'une réforme des retraites que de retrouver des marges de manoeuvre. Si l'on n'avait pas supprimé la taxe d'habitation sur les résidences principales pour environ 20 milliards d'euros par an, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) pour presque 10 milliards d'euros, la contribution à l'audiovisuel public pour près de 4 milliards d'euros, on n'aurait peut-être pas besoin d'une réforme des retraites aussi « urgente »... Mais je sais que cette réflexion n'entre pas dans votre champ d'analyse.

Si l'article 7 n'était pas voté, quel serait le manque à gagner par rapport à vos hypothèses ?

M. Bernard Delcros . - Ma question a déjà été posée par un collègue, mais je la repose pour qu'elle ne passe pas à la trappe ! Si l'on voulait obtenir exactement le même objectif que celui de la réforme en substituant au report de deux années de l'âge légal l'augmentation des cotisations, de quel taux faudrait-il augmenter les cotisations ?

M. Pierre-Louis Bras. - Je suis ici pour rendre compte des travaux du COR. Vous avez porté des appréciations sur la réforme, mais il n'est pas dans mon rôle de vous donner mon opinion.

Le rapport cite deux conventions : la convention EPR et la convention EEC. Dans mon exposé, je n'ai évoqué que la convention EPR, c'est-à-dire celle qui sert de base aux lois de financement de la sécurité sociale dans un souci de simplification du débat. La convention « équilibre permanent des régimes » (EPR) prévoit une intervention financière de l'État limitée au strict équilibrage des régimes de la fonction publique civile et militaire d'État (compte d'affectation spéciale « Pensions ») et aux régimes spéciaux retracés au sein de la mission « Régimes sociaux et de retraite » pour lesquels il verse une subvention. Il prévoit une intervention de l'État financière stabilisée, indépendante de la baisse annoncée des dépenses du CAS Pensions et de la mission « Régimes sociaux et de retraites ». Ainsi les moindres dépenses constatées en direction de ces deux postes budgétaires seraient intégralement réinvesties dans le système des retraites. Vous disposez de toutes les informations au sein du tableau « Convention EPR » du rapport.

Certains m'ont demandé si nous disposions de temps pour faire la réforme. Après avoir été à l'équilibre en 2021, le solde était excédentaire en 2022, avant de se dégrader dès 2023 et 2024. Je n'ai pas à porter de jugement sur l'urgence de la réforme. C'est à la représentation nationale et au Gouvernement de prendre les décisions qui s'imposent.

Vous m'avez interrogé sur une éventuelle action sur les cotisations et le niveau des pensions à la place de la mesure d'âge. Pour équilibrer le système à l'échéance des vingt-cinq prochaines années, il existe en effet trois possibilités : repousser l'âge, augmenter les cotisations, diminuer les pensions.

Dans l'hypothèse d'un taux de croissance annuelle de la productivité à long terme de 1 %, le taux de prélèvement sur l'ensemble des rémunérations est de 31,2 % en 2021. Si rien n'est fait, le taux de ressources baisse en moyenne sur vingt-cinq ans à 30,1 %. L'évolution nécessaire par rapport au taux spontané est donc de 1 % : au lieu de prélever 30,1 % des rémunérations, il faudrait prélever 31,1 %. Quelle est l'évolution nécessaire par rapport au taux initial ? Elle est de zéro à l'horizon de vingt-cinq ans puisqu'il y a déjà une baisse. La retraite, c'est un paquebot : il faut prévoir une visibilité à cinquante ans, mais il est possible de se donner des règles de pilotage pour une durée moins longue. C'est la raison pour laquelle le décret qui définit nos missions a prévu que nous fassions des calculs sur vingt-cinq ans.

Idem pour l'évolution de la pension relative pour atteindre l'équilibre en moyenne sur les vingt-cinq prochaines années. En 2021, les pensions relatives représentaient 50 % des rémunérations. Spontanément, ce taux va baisser à 47,1 % en moyenne sur les vingt-cinq meilleures années. Afin d'atteindre l'équilibre, il faudrait que la baisse soit de 6,5 % par rapport à la pension initiale ; par rapport à l'évolution spontanée, la baisse devrait être de 3,4 % supplémentaires. Nous tenons ces tableaux à votre disposition.

Vous avez souligné que les prévisions s'avéraient toujours décevantes. Je suis d'accord avec vous ! Je n'ai pas de boule de cristal et je n'en sais pas plus que vous. J'ai parfois le vertige face à toutes ces courbes de prévisions jusqu'en 2070. Quand j'entends parler de la guerre en Ukraine, des menaces nucléaires, du réchauffement climatique, des tensions avec la Chine, je me dis que je devrais plutôt cultiver mon jardin... Si je continue, c'est parce qu'en démocratie, il faut prendre des décisions, notamment sur les retraites. Pour cela, il faut être éclairé. À horizon d'un an, on peut parler de prévisions ; à cinquante ans, ce sont des projections raisonnables et raisonnées. C'est ce que nous faisons avec les membres du COR pour orienter les débats et les décisions parce que, sinon, vous seriez extrêmement démunis. Nous essayons de ne pas être prétentieux, nous faisons ce travail parce que nous pensons qu'il peut être utile.

Sur les exonérations, pour ce qui est de la retraite, elles sont compensées, sauf pour celles concernant les heures supplémentaires, dont l'impact financier relève de l'épaisseur du trait.

S'agissant des étrangers, notre système de retraite ouvre des droits dès lors qu'une personne travaille en France, qu'elle soit française ou étrangère. Ce système contributif repose sur une logique différente de celle de l'Aspa, qui est un dispositif de solidarité nationale. Pour toucher cette aide, il faut vivre au moins six mois en France et avoir eu auparavant une résidence légale de dix ans dans notre pays. J'ajoute que la réciproque est vraie : heureusement qu'il y a une reconnaissance internationale des droits à la retraite pour les Français qui travaillent à l'étranger et bénéficient de retraites étrangères de retour dans notre pays !

Sur la capitalisation, nous n'écartons aucun paradigme. Des réunions du COR ont été consacrées à l'épargne retraite. Les dispositifs de capitalisation, les produits d'épargne retraite peuvent être rendus obligatoires par un accord collectif dans une entreprise, mais pour l'essentiel ils sont facultatifs. Notre système de retraite par répartition est, en comparaison internationale, relativement généreux. Je vois mal les actifs d'aujourd'hui cotiser en répartition pour la retraite de leurs anciens et en capitalisation pour eux-mêmes.

M. Daniel Breuiller . - Vous n'avez pas répondu sur le temps de vie à la retraite selon les catégories sociales.

M. Pierre-Louis Bras. - Pour l'Insee, Nathalie Blanpain a calculé l'espérance de vie à 65 ans par sexe et par niveau de vie. Les 5 % d'hommes les moins aisés en termes de niveau de vie ont une espérance de vie à 65 ans de 15,8 ans ; les 5 % les plus aisés, c'est-à-dire disposant de plus de 5 500 euros par mois, ont une espérance de vie de 21,8 ans. L'écart existe aussi pour les femmes. L'augmentation du niveau de vie va de pair avec une augmentation de l'espérance de vie. Prolonger sa carrière d'un an ne signifie pas la même chose si on a 15 ou 21,8 ans d'espérance de vie. Les personnes qui ont la moindre espérance de vie à la retraite sont les invalides et les inaptes : elles ne sont pas concernées par le recul de l'âge de la retraite.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Si l'on en croit les publications automnales du COR, il faudra revenir sur la question de l'âge dans relativement peu de temps...

M. Pierre-Louis Bras. - Le Gouvernement a annoncé que le système de retraite serait à l'équilibre en 2030, année qui correspond au maximum des économies produites par la réforme. Repousser l'âge de la retraite entraîne deux phénomènes : il faut verser moins de pensions à ceux qui auraient dû être en retraite ; mais les personnes qui continuent à travailler auront des retraites plus élevées. Progressivement, ces personnes vont peupler le « stock » des retraités. L'économie initiale liée à un report de l'âge de la retraite se réduit peu à peu.

À l'Agirc-Arrco, tout euro cotisé donne des droits ; au régime général et dans les régimes des fonctionnaires et les régimes spéciaux, la situation est différente, en raison du bornage à 1 du coefficient de proratisation. La retraite est calculée en fonction de la durée validée par rapport à la durée requise. Par exemple, si une personne a travaillé quarante ans et que la durée requise est quarante-trois ans, sa retraite est de 40/43, soit 0,93 ; si elle travaille plus de quarante-trois ans, la retraite n'est pas de 44/43 : c'est le bornage à 1 du coefficient de proratisation.

Si l'on doit travailler plus, on y gagne à l'Agirc-Arrco ; au régime général ou au sein de celui de la fonction publique, ce n'est pas évident. Si l'année supplémentaire où l'on travaille est fructueuse, cela améliorera bien sûr le salaire de référence, qui est calculé sur les vingt-cinq meilleures années. Dans le cas du régime général, on gagnera d'autant plus que la part Agirc-Arrco est importante. Si l'on est fonctionnaire, le bornage joue sur tout, sauf sur le régime additionnel de la fonction publique en capitalisation ; avoir une promotion durant cette année supplémentaire de travail peut aussi changer les choses, car la retraite est liquidée sur les six derniers mois. Mais sans promotion durant cette dernière année et en cas de gel du point d'indice, le fonctionnaire peut y perdre car son salaire a baissé en valeur réelle dans l'année.

Il est donc extrêmement délicat de lire tous les effets de la réforme, même si l'étude d'impact comprend des données synthétiques.

M. Claude Raynal , président . - Merci pour ces informations. Nous ne doutions pas de la complexité de la réforme !

II. EXAMEN DU RAPPORT (28 FÉVRIER 2023)

Réunie le mardi 28 février 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure pour avis, sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

La commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

Le compte rendu de la réunion peut être consulté sur le site du Sénat : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/finances.html

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion

- M. Olivier DUSSOPT, ministre.

Conseil d'orientation des retraites

- M. Pierre-Louis BRAS, président.

Comité de suivi des retraites

- M. Didier BLANCHET, président.

Direction du Budget

- Mme Marie CHANCOLE, sous-directrice 6 e sous-direction ;

- M. Bruno PATIER, chef du bureau Retraites et régimes spéciaux ;

- M. Marco GERACI, adjoint du bureau des retraites et des régimes spéciaux ;

- Mme Ibticem AMRANE-LAMENDOUR, adjointe au chef de bureau ;

- M. Arthur CORBEL, adjoint au chef du bureau des retraites et des régimes spéciaux.

Service des retraites de l'État

- Mme Guillaume TALON, chef de service ;

- M. Philippe CHATAIGNON, chef du bureau financier et des statistiques.

Direction générale du Trésor

- Mme Agnès BENASSY-QUÉRÉ, cheffe-économiste de la direction générale du Trésor ;

- M. Adrien PERRET, sous-directeur des politiques sociales et de l'emploi ;

- M. Samuel MENARD, chef du bureau Retraites et Redistribution.

Direction de la Sécurité sociale

- M. Franck VON LENNEP , directeur de la Sécurité sociale ;

- Mme Delphine CHAUMEL, sous-directrice de la direction des retraites et des institutions de protection sociale complémentaire (SD3) ;

- M. Antoine IMBERTI, adjoint au sous-directeur de la direction des études et des prévisions financières.

Direction générale du travail

- Mme Amel HAFID, sous-directrice des conditions de travail, de la santé et de la sécurité au travail ;

- Mme Eva JALLABERT, adjointe à la sous-directrice des relations au travail ;

- M. Bruno CAMPAGNE, adjoint au chef du bureau des relations individuelles du travail.

Direction générale à l'emploi et à la formation professionnelle

- Mme Marianne COTIS, sous-directrice en charge des mutations économiques et sécurisation de l'emploi ;

- M. Stéphane REMY, sous-directeur en charge des politiques de formation et de contrôle.

UNEDIC

- Mme Laura MULLER, directrice des études et des analyses ;

- Mme Clémence TAILLAN, cheffe de cabinet.

Pôle Emploi

- Mme Élisabeth GUEGUEN, directrice de l'indemnisation et de la réglementation ;

- Mme Agnès DUBARRY, adjointe au directeur de la stratégie, de l'innovation et de la responsabilité sociale des entreprises.

Caisse nationale d'assurance-vieillesse

- M. Renaud VILARD, directeur ;

- Mme Pascale BREUIL, directrice statistiques, prospective et recherche.

AGIRC-ARRCO

- Mme Brigitte PISA, présidente ;

- M. Didier WECKNER, vice-président ;

- M. François-Xavier SELLERET, directeur général.

Caisse des dépôts et consignations

- M. Michel YAHIEl, directeur des politiques sociales ;

- M. Jean-Louis BARSOTTONI, directeur du projet retraite

Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG)

- M. Nicolas MITJAVILE, directeur ;

- M. Hervé DUCHAIGNE, directeur comptable et financier.

Caisse de retraites du personnel de la RATP (CRP RATP)

- M. Christophe ROLIN, directeur.

Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaire (CRPCEN)

- M. Olivier MANIETTE, directeur ;

- Mme Alexandra AUCLAIR, directrice de cabinet.

Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CRP SNCF)

- M. Pierre ROBIN, directeur ;

- M. Cédric BRUN, sous-directeur.

Caisse nationale d'assurance-vieillesse des professions libérales (CNAVPL)

- M. Gilles FONTAINE, directeur.

Caisse nationale des Barreaux français (CNBF)

- M. Bruno ZILLLIG, président ;

- M. Gilles NOT, directeur général.

Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI)

- Mme Valérie COPIN, vice-présidente ;

- M. Éric LE BON, directeur ;

- M. Olivier MAILLEBUAU, secrétaire général.

Caisse centrale de la Mutualité agricole sociale (CCMSA)

- M. Pascal CORMERY, président ;

- Mme Christine DECHESNE-CEARD, directrice de la réglementation.

Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDH)

- Mme Audrey RICHARD, présidente ;

- Mme Christine CALDEIRA, secrétaire générale.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl22-368.html


* 1 S'agissant de la Banque de France, l'équilibre du régime des retraites n'est permis que par le versement d'une contribution employeur majorée, facilitée par le renoncement de l'État à une partie de ses dividendes.

* 2 Haut-Commissariat au Plan - Retraites : une base objective pour le débat civique, 8 décembre 2022.

* 3 François Ecalle, A quoi l'argent public a servi en 2021, Fipeco, 21 décembre 2022.

* 4 2017 constitue le dernier exercice où les chiffres sont connus pour l'ensemble des pays suivis.

* 5 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

* 6 Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

* 7 Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, Effets indirects d'un relèvement de l'âge d'ouverture des droits. Séance du Conseil d'orientation des retraites, 27 janvier 2022.

* 8 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

* 9 Les taux de cotisations retenus pour les fonctionnaires d'État et les militaires intègrent la contribution de l'État destinée à équilibrer le régime.

* 10 Les régimes de salariés sont les suivants : Caisse nationale d'assurance-vieillesse - CNAV, Régime des salariés agricoles, régime des fonctionnaires civils et militaires de l'État, caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales - CNRACL, Fonds spécial des ouvriers des établissements industriels de l'État - FSPOEIE, Régime des mines, CRP RATP, CPRP SNCF, Régime des marins, régime des industries électriques et gazières, régime des clercs et des employés de notaires, Banque de France).

* 11 Les quatre régimes de non-salariés sont les suivants : Exploitants agricoles, Caisse nationale des barreaux français, Sécurité sociale des travailleurs indépendants et Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales.

* 12 Avis n° HCFP - 2023 - 1.

* 13 Gilbert Cette, Simon Corde et Rémy Lecat, Stagnation de la productivité en France : héritage de la crise ou ralentissement structurel ? Économie et Statistique, 494-495-496, 2017.

* 14 Il s'agit des personnes qui n'ont pas d'emploi mais qui souhaitent travailler, sans pour autant être en recherche active le mois précédent ou disponibles dans les deux semaines.

* 15 Jean-Olivier Hairault, François Langot, Thepthida Sopraseuth. Les effets à rebours de l'âge de la retraite sur le taux d'emploi des seniors. Économie et Statistique, n° 397, 2007.

* 16 Sophie Bellon, Olivier Meriaux et Jean-Manuel Soussan, Favoriser l'emploi des travailleurs expérimentés, Rapport remis au Gouvernement le 14 janvier 2020.

* 17 Cour des comptes, référé S2019-1878, octobre 2019.

* 18 Y. Dubois et M. Koubi, «Report de l'âge de la retraite et taux d'emploi des seniors : le cas de la réforme des retraites de 2010»; Insee Analyses N°30, janvier 2017.

* 19 Unédic, «Allocation chômage et réforme des retraites», Note pour le Conseil d'orientation des retraites du 16 octobre 2016.

* 20 Article 6 de la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.

* 21 Article 56 de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005.

* 22 Article 9 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011.

* 23 Le régime des élus du CESE ne couvre que le risque vieillesse.

* 24 Aucun élément concernant le nombre de retraités au régime du CESE n'a été transmis.

* 25 Faut-il fermer les régimes spéciaux de retraites de la RATP et des Marins ? Rapport d'information n° 804 (2021-2022) de Mme Sylvie VERMEILLET, au nom de la commission des finances, 20 juillet 2022.

* 26 Décret n° 2007-262 du 27 février 2007 relatif au régime de retraite des agents titulaires de la Banque de France.

* 27 S'agissant de la Banque de France, l'équilibre du régime des retraites n'est permis que par le versement d'une contribution employeur majorée, facilitée par le renoncement de l'État à une partie de ses dividendes.

* 28 Article 25 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

* 29 Décret n° 2008-637 du 30 juin 2008 portant règlement des retraites du personnel de la Régie autonome des transports parisiens.

* 30 Les régimes spéciaux de retraite de la RATP, de la SNCF et des industries électriques et gazières, juillet 2019.

* 31 Faut-il fermer les régimes spéciaux de retraites de la RATP et des Marins ? Rapport d'information n° 804 (2021-2022) de Mme Sylvie VERMEILLET, au nom de la commission des finances, 20 juillet 2022.

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