TRAVAUX EN COMMISSION
Examen
en commission
(Mercredi 16 novembre 2022)
Réunie le mercredi 16 novembre 2022, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits des programmes 113 « Paysages, eau et biodiversité » et 159 « Expertise, information géographique et météorologie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2023.
M. Guillaume Chevrollier , rapporteur pour avis. - J'ai le plaisir de vous présenter mon rapport consacré à l'analyse des crédits des programmes 113 et 159 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », portant sur la politique des paysages, de l'eau et de la biodiversité pour le programme 113, et sur l'expertise, l'information géographique et la météorologie pour le programme 159.
En préambule, je voudrais vous exposer quelques éléments relatifs à l'impact environnemental du budget de l'État. Depuis trois ans, une cotation environnementale est présentée dans le cadre d'un « jaune budgétaire » afin de catégoriser les crédits budgétaires et les dépenses fiscales en fonction de leurs effets sur le climat et l'environnement. Cette approche novatrice est intéressante car elle favorise la lisibilité environnementale des engagements budgétaires et ancre le réflexe du climat et de la biodiversité dès la conception des politiques publiques et au moment d'examiner les financements qui leur sont alloués en loi de finances. Sa méthodologie doit cependant être affinée : 90 % des dépenses budgétaires échappent encore à ce cadre d'analyse et sont considérés comme neutres, faute de pouvoir qualifier leurs effets. Une catégorisation plus poussée permettra d'améliorer les marges de manoeuvre budgétaires afin d'arbitrer à une échelle plus adéquate entre dépenses vertes et brunes.
Le « budget vert » pour 2023 fait ressortir une nette détérioration de la trajectoire environnementale du budget de l'État : les dépenses vertes baissent de 11 % (- 5,7 Md€), mais le phénomène le plus marquant est l'augmentation de 90 % des dépenses défavorables (+ 9,3 Md€), majoritairement en raison des « boucliers tarifaires » gaz et électricité, dont les dépenses sont chiffrées à 8,9 Md€. Cette évolution conduit à un net brunissement du budget de l'État et une sensible atténuation des efforts budgétaires consolidés en faveur du climat. Si le soutien énergétique aux ménages modestes est bien entendu une nécessité dans le contexte inflationniste que nous connaissons, on peut déplorer l'absence de compensation et espérer que cette déviation de trajectoire ne sera que temporaire, une fois les coûts énergétiques revenus à la normale.
À ce sujet, au cours des sept auditions que j'ai conduites, les opérateurs entendus ont souligné à quel point les tensions inflationnistes contribuaient à réduire leurs marges d'action, avec deux points de vigilance : la revalorisation du point d'indice en juillet dernier, non compensée pour le second semestre 2022, et la hausse de la facture énergétique, qui peut peser de façon significative sur les budgets en fonction de l'intensité de leur consommation. Pour Météo France, le surcoût de la facture énergétique est estimé, en année pleine, à 2,4 M€ et l'augmentation de la masse salariale à 6,3 M€. Ces facteurs contribuent à amoindrir les moyens d'action des opérateurs. L'augmentation nominale des dotations doit être mise en perspective avec la hausse de l'inflation, qui conduit à une hausse moins marquée en valeur réelle, une fois les prix déflatés.
Il est en revanche un point de satisfaction souligné par les opérateurs : la stabilité du schéma d'emplois, après une décennie marquée par d'importantes baisses de moyens alors que les missions des opérateurs n'ont cessé de s'étoffer. Le ministre Christophe Béchu l'a rappelé devant notre commission, les moyens humains des opérateurs sous tutelle du ministère de la transition écologique ne baisseront pas au cours des prochaines années. C'est donc une pause bienvenue, qui donne de la lisibilité aux opérateurs en leur permettant d'accompagner les pouvoirs publics ainsi que les collectivités territoriales pour renforcer la résilience des territoires dans un contexte de profondes mutations induites par le changement climatique.
Venons-en maintenant aux programmes budgétaires à proprement parler. Les moyens consacrés à la biodiversité dans le cadre du programme 113 progressent de 12 % par rapport à 2022 pour atteindre près de 275 M€, soit une hausse de 30,4 M€. Cette hausse doit être tempérée par le fait que les mesures nouvelles ne concernent que 7 M€, 25 M€ étant consacrés à la résorption du déficit de l'OFB et à la compensation de la hausse du point d'indice de la fonction publique.
Disons-le d'emblée : les moyens budgétaires affectés à la lutte contre l'érosion de la biodiversité ne permettent pas d'inverser la tendance. La France défend de fortes ambitions environnementales sur la scène diplomatique internationale, notamment en amont de la COP15 qui se tiendra le mois prochain à Montréal, mais ces ambitions ne trouvent pas de traduction budgétaire à la hauteur des enjeux.
Je l'illustrerai à travers l'exemple de la politique de l'eau. Cet été, notre pays a fait face à des épisodes caniculaires inédits et à des sécheresses d'une intensité extrême. Beaucoup de territoires sont encore en tension hydrique. Les collectivités ont eu à gérer des situations particulièrement alarmantes, avec plus d'une centaine de communes dans l'incapacité de distribuer de l'eau potable à leurs habitants. Notre pays au climat tempéré fait face à des perturbations importantes de son régime pluviométrique, qui démontre la centralité de la gestion quantitative de l'eau.
Les conflits d'usage ne sont plus une hypothèse d'école, on a pu le mesurer dans le cas des réserves de substitution dans les Deux-Sèvres. Dans le même temps, le rythme d'investissement dans le petit cycle de l'eau est insuffisant et les infrastructures de distribution de l'eau sont vieillissantes, avec un taux de fuite moyen des réseaux de distribution de l'ordre de 20 %. Avec un chiffre qui interpelle : un déficit annuel d'investissement sur le petit cycle de l'eau estimé à 4,6 Md€ selon l'Union des industries et entreprises de l'eau (UIE).
Afin de mener à bien la politique de l'eau pour le compte de l'État, les agences de l'eau sont des opérateurs qui ont démontré leur efficacité à travers leurs capacités d'intervention réactives, au plus près des territoires, au niveau du bassin hydrographique. Mais le mécanisme du « plafond mordant », bien connu de la commission, limite leurs recettes, à 2,2 Md€ par an. Plusieurs effets pervers en découlent : les taux sont modulés pour s'ajuster à cet effet de seuil, faussant ainsi le signal prix du coût de l'eau. La tarification actuelle de l'eau n'inclut donc pas la raréfaction croissante de la ressource et n'incite pas à la sobriété des usages. Mais surtout, cet écrêtement limite les capacités d'intervention des agences de l'eau, pour l'atteinte du bon état des masses d'eau fixé par la directive-cadre sur l'eau, la restauration de la biodiversité aquatique et la cohérence des trames vertes et bleues restent un enjeu majeur.
Il me paraît à terme essentiel de lever cette
contrainte de financement pour les agences de l'eau, si nous voulons renforcer
la résilience hydrique de la France et préparer notre pays
à la nouvelle donne pluviométrique. La secrétaire
d'État chargée de l'écologie a reconnu la semaine
dernière devant notre commission qu'un relèvement de ce
plafond
- ou mieux, sa suppression - serait à envisager
dans un avenir proche. Je ne peux que lui donner raison.
Je souhaite mettre l'accent sur un autre point de vigilance : l'ambitieuse stratégie nationale pour les aires protégées (SNAP) n'a pas encore trouvé de financement à la hauteur des objectifs. La stratégie fixée par le législateur dans la loi « Climat et résilience » vise une superficie de 30 % d'aires protégées et 10 % sous protection forte d'ici 2030. Si le premier objectif est d'ores et déjà atteint, avec 33 % du territoire terrestre et maritime couvert, grâce à l'extension de la réserve naturelle des terres australes françaises - plus d'un million de km², couvrant l'ensemble des eaux sous juridiction française de la zone australe -, il est loin d'être atteint pour les zones sous protection forte. Au 1 er janvier 2022, on compte seulement 1,86 % du territoire sous ce régime de protection.
Un rapport de l'IGF et du CGEDD a montré que le compte n'y était pas pour le financement de la SNAP : 600 M€ sont actuellement consacrés aux aires protégées, alors qu'il en faudrait le double pour le cadre actuel et le triple pour l'atteinte des 10 % sous protection forte. Il faudra sans doute envisager de nouvelles sources de financement, tout ne peut pas se faire par le canal des dotations budgétaires. Le fonds vert et les 150 M€ consacrés à la biodiversité sont une première étape, qu'il faudra sans doute renforcer par une fiscalité dédiée à la biodiversité, qui reste encore à inventer. Plusieurs contributions ont dessiné des pistes intéressantes, dont le rapport « Jerretie-Richard ». Ce sera un axe fort de la COP15 biodiversité du mois prochain, en lien avec la réforme des aides publiques défavorables à la biodiversité.
Sur ce thème, je signale l'article 15 B du projet de loi de finances, qui ouvre la voie à un loto et des jeux de grattage consacrés à la biodiversité, dont les fonds seraient affectés à l'OFB pour des missions de renaturation et de préservation de la biodiversité. Cette initiative innovante, qui permettrait de lever environ 10 M€, s'inspire du loto sur le patrimoine.
Les parcs nationaux m'ont également alerté sur l'insuffisance des moyens humains consacrés aux aires protégées. Le parc national de forêts, créé en 2019, bénéficie d'effectifs qui ne lui permettent pas de remplir correctement ses missions, avec 30 ETP partagés avec l'ONF, alors qu'il faudrait 50 agents pour remplir les missions de protection de la nature et d'animation territoriale. Cette dynamique défavorable peut expliquer les retards pris par la mission de préfiguration pour la création d'un douzième parc national consacré aux zones humides.
J'en viens maintenant au programme 159 et à ses principaux opérateurs, le Cerema, l'IGN et Météo France. L'expertise publique de ces opérateurs représente un enjeu majeur de souveraineté et de pilotage de la transition écologique. Ces opérateurs seront fortement mobilisés pour enrichir des modèles de prévision très intensifs en données publiques, afin d'anticiper les effets du changement climatique, élaborer des modèles de résilience territoriale et planifier les mesures à décliner selon un séquençage pertinent et adapté aux enjeux. L'État l'a compris, en stabilisant leurs effectifs : c'est un signal budgétaire positif.
Ils auront la mission d'accompagner l'État et les collectivités afin d'interpréter, comprendre et agir dans un monde rendu plus incertain par le changement climatique. Nos territoires feront face à un besoin d'accompagnement sans précédent, en termes d'ingénierie et de capacité d'innovation. C'est pourquoi il me paraît opportun de stopper la réduction des implantations territoriales de ces opérateurs. Le Cerema, qui depuis la loi « 3DS », a évolué vers un modèle de quasi-régie avec les collectivités territoriales, dispose de 25 implantations, soit un maillage territorial qui permet de conserver ce lien de proximité essentiel, notamment au profit des communes rurales. Il s'est donné pour mission d'accompagner les territoires dans le défi de l'adaptation au changement climatique, à travers des boîtes à outils, des prestations sur mesure et un savoir-faire mis au service des territoires. La libre administration des collectivités ne prend tout son sens que si les élus sont en capacité d'analyser et d'anticiper les effets de leurs décisions ; c'est une des raisons d'être du Cerema, que d'améliorer la profondeur stratégique des collectivités. Je salue à ce titre la stabilité de la subvention pour charges de service public pour cet opérateur en 2023.
La capacité de calcul de Météo France, accrue à travers les investissements dans le supercalculateur, permet quant à elle d'obtenir des prévisions plus fiables, sur une maille plus fine, contribuant à un meilleur accompagnement des acteurs météo-sensibles et une sécurité renforcée des biens et des personnes. Cinq bouées seront déployées au large de la Corse afin de mieux anticiper les phénomènes orageux, à la suite des violents orages qui ont eu lieu en août dernier. Une météo des forêts et des feux verra également le jour, avec 17 ETP dédiés : elle permettra de produire des cartes de sensibilité au feu, en fonction notamment du vent et de la sécheresse des sols, afin d'anticiper les zones dangereuses et prépositionner les moyens. En la matière, le modèle météorologique français est l'un des meilleurs en Europe, concurrencé néanmoins par les Britanniques et les Allemands ; il me paraît donc essentiel de veiller à préserver notre expertise.
Quant à l'IGN, il a un rôle central à jouer afin de produire une cartographie du territoire faisant autorité ; cette expertise géographique est notamment essentielle pour la mise en oeuvre du « Zéro artificialisation nette », l'élaboration d'un recensement exhaustif des plans d'eau et l'établissement d'un plan de corps de rue simplifié, avec la cartographie des réseaux et des canalisations afin d'éviter leur endommagement lors de travaux. Ce ne sont là que quelques exemples, la décision publique s'appuyant de plus en plus sur des informations géographiques, le besoin en informations géographiques de qualité ne fera que croître.
En outre, l'IGN s'est donné l'ambition de cartographier l'anthropocène, en produisant des cartes thématiques sur un nombre limité d'enjeux écologiques majeurs qui rendent compte des changements rapides du territoire et des conséquences sur l'environnement, afin de développer une capacité d'observation en continu.
On le voit, ces acteurs seront fortement sollicités par l'État et les territoires pour répondre aux enjeux posés par le changement climatique. Dans un contexte où l'ouverture et la gratuité des données pèsent sur leur modèle économique, ces opérateurs doivent être soutenus dans le cadre de leur transformation. Il s'agit à mes yeux d'une question de souveraineté environnementale, afin de répondre aux besoins grandissants d'expertise face aux complexités induites par le changement climatique et l'érosion de la biodiversité.
Pour l'ensemble de ces raisons, et sous le bénéfice des réserves et des points de vigilance que je viens d'évoquer, je vous propose d'émettre un avis favorable aux crédits des programmes 113 et 159. Je tiens à signaler que cette position a été établie en concertation avec la commission des finances.
M. Jean-François Longeot , président . - Je remercie le rapporteur pour la richesse et l'intérêt de son rapport. Je donne désormais la parole aux commissaires qui souhaitent poser des questions sur les crédits et les politiques entrant dans le champ de cet avis budgétaire.
M. Rémy Pointereau . - Merci au rapporteur pour son excellent exposé. Je voudrais évoquer la politique de l'eau, un sujet majeur que les sécheresses chaque été plus sévères mettent en exergue. Le « plafond mordant » limite les moyens des agences de l'eau pour le financement de projets en faveur du petit cycle de l'eau. Je rappelle que les canalisations fuyardes de distribution d'eau potable entraînent une perte de plus d'un million de m 3 chaque année. Ce volume d'eau ne retourne pas toujours à la nappe, du fait de l'évaporation. Il me paraît aujourd'hui impératif d'augmenter ce « plafond mordant », afin d'accroître significativement les moyens en faveur de la rénovation des réseaux d'eau potable. Ce doit être une priorité, dans un contexte de réduction quantitative de la ressource en eau, pour éviter des problèmes de rupture de distribution d'eau potable. Selon moi, cette augmentation du plafond doit bénéficier en priorité au renouvellement des réseaux d'eau potable et à la création de réserves de substitution.
M. Jean-François Longeot , président . - Un autre sujet me paraît important, à savoir la possibilité pour les agences de l'eau de financer les communes en régie. Dans mon bassin hydrographique, l'agence de l'eau ne finance les projets dans les communes que si elles ont délégué les compétences eau et assainissement à leur intercommunalité.
M. Didier Mandelli . - Je voudrais simplement partager une remarque à propos du loto de la biodiversité. Auparavant, quand il s'agissait de lever des recettes nouvelles, on créait un impôt ou une taxe, désormais on invente un jeu : hier en faveur du patrimoine, aujourd'hui pour la biodiversité, pourquoi pas demain le cancer ? Cela traduit à mon sens l'impuissance publique. Je préfère qu'on incite les particuliers et les entreprises à investir en défiscalisant à hauteur de 60 % au bénéfice d'associations ou d'ONG. L'équilibre financier du loto du patrimoine m'interpelle : un billet à 15 € ne permet d'affecter que 1,52 € à la Fondation du patrimoine, le reste revenant à l'État et à la Française des Jeux. Le sujet des addictions est une priorité en matière de santé publique, mais c'est oublier que le jeu en fait également partie : je trouve donc lamentable que l'État puisse proposer ce genre d'initiative.
M. Hervé Gillé . - Merci au rapporteur pour son exposé et les sujets qu'il a mis en perspective. Je voudrais insister sur la difficulté d'inscrire les politiques de l'eau dans les relations contractuelles entre l'État et la région. Certains grands bassins versants peuvent être situés à cheval sur plusieurs régions. Pour résoudre cette difficulté, des contrats de plan interrégionaux (CPIER) ont été imaginés, mais leur rythme de développement n'est malheureusement pas satisfaisant. La région, en relation avec les départements, les agences de l'eau et les établissements publics territoriaux de bassin, peut jouer un rôle d'accompagnement pour la gestion des cours d'eau situés dans ces grands bassins versants.
Je voudrais également évoquer un sujet à fort impact en matière de prévention des risques et de gestion quantitative de la ressource en eau, à savoir les crues collinaires, des épisodes de précipitations importantes qui lessivent et ravinent les sols, susceptibles d'occasionner des dégâts considérables. Dans certains cas, les bassins de rétention peuvent servir de tampon et faire office de zone humide en fonction de l'évolution de la situation hydrique ; à mon sens, ils ne sont pas suffisamment pris en compte lors des épisodes de pluviométrie intense.
La gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi), génère enfin des interrogations fortes, notamment en ce qui concerne le financement des ouvrages de protection contre les inondations sur les cours d'eau majeurs. Un modèle de financement satisfaisant reste encore à trouver.
M. Guillaume Chevrollier , rapporteur pour avis. - Je partage la préoccupation de notre collègue Rémy Pointereau sur la question du « plafond mordant » et l'essentiel qui sera publié mentionne ce point. Les agences de l'eau ont obtenu un rehaussement de leur plafond de dépenses à hauteur de 100 M€ pour 2023, mais le plafond de recettes n'a pas évolué. J'avais réfléchi à un amendement proposant le relèvement significatif de ce « plafond mordant », mais la commission des finances n'y était pas favorable. C'est un sujet qui doit poursuivre sa maturation en 2023 et sur lequel nous pourrons débattre dès l'examen du présent projet de loi de finances, des collègues sénateurs ayant déposé des amendements en ce sens. La situation hydrique qui empire chaque été contribuera à faire évoluer les positions du Gouvernement sur ce sujet.
Je partage le diagnostic sur la nécessité d'investir plus pour le renouvellement des canalisations d'eau potable. Nous sommes actuellement à un taux de renouvellement de 0,6 % des réseaux alors qu'il faudrait qu'il atteigne 1,5 % pour entrer dans une trajectoire plus soutenable.
Sur le loto du patrimoine, votre réflexion n'est pas éloignée de la mienne. C'est une proposition portée par l'OFB et reprise par le président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale. Ce dispositif a été retenu dans le texte considéré comme adopté suite à l'engagement de la procédure prévue par le troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution. C'est une recette marginale, mais qui permet de sensibiliser le grand public aux enjeux de la biodiversité. Il s'agit naturellement d'un canal anecdotique, mais qui pourra servir de vecteur de communication en faveur de la biodiversité.
S'agissant des politiques contractuelles, il faudra approfondir nos réflexions au sujet des cours d'eau majeurs, ainsi que sur la Gemapi.
M. Jean-Pierre Corbisez . - Je souhaite revenir sur la question du modèle de financement des agences de l'eau. Il leur faudrait environ 300 à 400 M€ supplémentaires pour leurs interventions en faveur de la protection des milieux aquatiques et le renouvellement des réseaux de distribution d'eau potable. La Première ministre a annoncé à Marseille un rehaussement du plafond des dépenses des agences de l'eau à hauteur de 100 M€, dont 40 M€ pour la seule région Sud, ce qui limite la hausse pour les autres agences. N'oublions pas que les réserves de trésorerie des agences de l'eau sont déjà engagées, il ne s'agit donc pas d'une source potentielle d'économie budgétaire, mais de moyens au service des territoires.
M. Rémy Pointereau . - J'aimerais insister sur un principe essentiel de la politique de l'eau en France : je trouve qu'on oublie trop souvent que l'eau paye l'eau. Aujourd'hui, dans certains territoires, c'est la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) qui contribue à la rénovation des réseaux d'eau potable, ce qui diminue d'autant les dotations consacrées aux autres projets des communes. Concernant la Gemapi, je suis favorable à une expérimentation du financement des ouvrages de protection contre les inondations par les syndicats mixtes de gestion des cours d'eau ou des structures comme l'Établissement public Loire. C'est une question de nécessaire mutualisation à l'échelle du cours d'eau.
M. Guillaume Chevrollier , rapporteur pour avis. - Chaque année nous dénonçons les entorses au principe selon lequel l'eau paye l'eau, puisque les agences de l'eau financent également la biodiversité. Les 100 M€ annoncés par la Première ministre concernent en effet le relèvement du plafond de dépenses et non de recettes, c'est-à-dire qu'il s'agit en réalité simplement d'une somme prélevée dans la trésorerie des agences et non de moyens budgétaires nouveaux.
M. Jean-François Longeot , président . - Je remercie le rapporteur pour la qualité de ses interventions. Je mets aux voix le rapport pour avis de notre collègue Guillaume Chevrollier.
La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux paysages, à l'eau, à la biodiversité et à l'expertise, à l'information géographique et à la météorologie de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Audition de
Mme Bérangère Couillard,
secrétaire d'État
chargée de l'écologie
(Mercredi 9 novembre 2022)
M. Jean-François Longeot . - Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, après avoir entendu ce matin l'ambassadrice déléguée à l'environnement sur les enjeux de la COP 15, nous poursuivons cette journée placée sous les auspices de la biodiversité et de l'environnement. Nous avons le plaisir d'accueillir la secrétaire d'État chargée de l'écologie, pour sa première intervention devant notre commission.
Vos attributions ministérielles ont été précisées par décret en date du 29 juillet dernier et le constat qui s'impose en le parcourant, c'est que votre secrétariat d'État et notre commission ont une grande proximité, avec des champs de compétence très proches. Afin que nos collègues puissent s'en rendre compte, je les énumérerai brièvement : protection et valorisation de la nature et de la biodiversité ; transition vers une économie circulaire, politique de réduction et de traitement des déchets ; négociations européennes et internationales sur l'eau et la biodiversité ; gestion de la faune sauvage et des grands prédateurs ; protection des paysages et des sites ; pilotage et coordination de la stratégie nationale pour la biodiversité.
Pour chacun des items de votre portefeuille ministériel étoffé, vous avez face à vous plusieurs commissaires spécialisés, qui ne manqueront pas de vous interroger sur votre feuille de route et sur les priorités que vous comptez porter au niveau ministériel, mais également aux côtés des territoires. Vous le savez, nous avons au Sénat la conviction que c'est avec les collectivités territoriales que nous réussirons la transition écologique, en les accompagnant et en les mettant au centre du jeu.
En premier lieu, j'aimerais connaître l'esprit et les ambitions qui vous animent à un mois de la COP 15, à laquelle vous participerez avec vos équipes. Comment préparez-vous cette échéance primordiale pour élaborer un nouveau cadre mondial pour la biodiversité à horizon 2030 ? Quels sont les enseignements que l'on peut d'ores et déjà tirer des négociations préalables et des échanges informels qui ont eu lieu en amont de la COP 15 ? Alors que la France copréside avec le Costa Rica la Coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples, un accord ambitieux et transformateur est-il à notre portée ?
À ce propos, je vous informe qu'une délégation de notre commission se rendra à Montréal, du 11 au 14 décembre prochain, pour contribuer modestement à faire entendre la voix de la France sur les sujets qui nous sont chers. Vous pourrez compter sur notre appui et notre soutien lors de cette échéance décisive.
Période budgétaire oblige, nous aimerions également que vous évoquiez les priorités et les évolutions des crédits consacrés à l'environnement au sein du projet de loi de finances pour 2023 en cours d'examen. Nous nous réjouissons que le budget de la transition écologique et de la cohésion des territoires soit porté à 40 milliards d'euros. Mais force est de constater que les boucliers tarifaires sur le gaz et l'électricité contribuent grandement au « brunissement du budget de l'État » et à l'amoindrissement des efforts de la France, comme le montre le rapport sur l'impact environnemental du budget de l'État. La crise énergétique que nous subissons montre à quel point la transition climatique et écologique est dépendante de facteurs socio-économiques.
La forte inflation subie par les opérateurs, l'évolution du coût de l'énergie et la revalorisation du point d'indice de la fonction publique invitent en partie à relativiser l'importance des augmentations qui figurent dans la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Les opérateurs entendus par nos rapporteurs pour avis font état de surcoûts importants liés à la consommation de fluides, qui dépassent parfois les augmentations de crédits qui leur ont été octroyées. Comment le Gouvernement compte-t-il accompagner des opérateurs à qui l'on demande toujours plus si l'inflation devait s'installer durablement ?
J'aimerais enfin vous interroger sur le fonds vert, doté initialement de 1,5 milliard d'euros, puis de 2 milliards, afin d'accélérer la planification écologique territoriale. Pouvez-vous nous préciser les actions susceptibles d'être subventionnées au sein de cette nouvelle enveloppe ? Selon quels mécanismes et critères ces crédits seront-ils répartis ? Comment les collectivités territoriales pourront-elles en bénéficier ? Existe-t-il une clef de répartition géographique ? Comment le dialogue des préfets et des maires concernant l'articulation des crédits sera-t-il instauré ? Sur l'enveloppe totale allouée au « fonds vert », quelle est la part des crédits recyclés et des crédits nouveaux ?
Madame la secrétaire d'État, vous avez la parole pour un propos liminaire synthétique et les réponses à cette première série de questions, avant de poursuivre avec une séquence de questions-réponses de mes collègues.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie . - Je vous remercie pour cette invitation. Je suis ravie de me trouver parmi vous et d'entamer un échange constructif avec votre commission.
L'été 2022, marqué par des pénuries d'eau et des incendies, a été une nouvelle illustration de l'urgence écologique à laquelle nous sommes confrontés. Le changement climatique a désormais un impact concret sur tous les pans de notre vie quotidienne, que plus personne ne peut nier. L'urgence est également celle de la préservation de la nature. En 50 ans, la situation de nos espaces naturels, de nos océans, comme de la faune mondiale, est devenue extrêmement alarmante : perte de 35 % des lacs, rivières et marais ; disparition de 66 % des mammifères ; perte de 80 % des poissons d'eau douce. Un million d'espèces sont aujourd'hui menacées, ce qui est inédit dans notre histoire.
Le portefeuille qui m'a été confié répond à cette vocation : mettre la préservation de la biodiversité au même niveau que le climat. Cette extinction silencieuse, qui se déroule sous nos yeux, doit être combattue avec la plus grande force. Elle constitue avec la lutte contre le changement climatique une priorité absolue du mandat du Président de la République qui a, pour la première fois, confié à la Première ministre la charge de la planification écologique. Son pilotage s'appuie sur des moyens nouveaux et importants.
Comme vous le savez, la Première ministre a annoncé la création d'un fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, doté de deux milliards d'euros, dont au minimum 150 millions d'euros pour la biodiversité. Il s'agit bien de crédits nouveaux, tous orientés vers l'adaptation de nos territoires aux enjeux du changement climatique et la lutte contre l'érosion de la biodiversité.
Le budget que je viens vous présenter est donc bien un budget de cohérence, entre l'ambition que nous portons et les moyens que nous nous donnons. Pour 2023, la préservation de la biodiversité et la prévention des risques bénéficieront de 3,6 milliards d'euros. La troisième stratégie nationale biodiversité, en cours d'achèvement, doit être la référence cadre pour la mobilisation de nos énergies. 150 millions d'euros lui seront spécifiquement dédiés, dans le cadre du fonds d'accélération de la transition écologique.
Le premier objectif de mon portefeuille est la protection des espaces naturels et des habitats. C'est ce que je porte avec la stratégie nationale pour les aires protégées, qui a été inscrite dans la loi dite « Climat et résilience ». Elle a fixé deux cibles majeures : protéger 30 % de notre territoire, dont un tiers en protection forte. Ces cibles concernent l'hexagone comme les outre-mer, la terre autant que la mer. Aujourd'hui, si l'objectif de protection est atteint, il reste encore du chemin à parcourir en matière de protection forte. De nouveaux projets sont en cours de réflexion localement et nous n'écartons pas la possibilité d'un douzième parc national consacré à la protection des zones humides. Je travaille par ailleurs à l'aboutissement du transfert aux régions des sites Natura 2000, décidé par la loi dite « 3DS ». Le dialogue se poursuit avec l'association Régions de France.
La protection des espèces et des habitats doit aussi nous permettre de mieux appréhender la seconde priorité, qui est la protection du vivant. L'érosion de la biodiversité animale est tout aussi inquiétante que celle de nos espaces naturels. Les plans nationaux d'actions constituent un autre outil majeur, en complément du régime de protection légale des espèces. Sept plans nationaux de préservation d'espèces menacées dans l'hexagone comme dans les outre-mer ont été récemment lancés. Je suis également régulièrement interpellée au sujet des prédateurs. Je souhaite d'abord apporter tout mon soutien à nos éleveurs. Je consulte tous les acteurs, sans exclusivité, pour connaitre les visions de chacun et trouver une méthode satisfaisante de résolution de ces conflits. Les espèces sont protégées : il s'agit donc d'accompagner l'augmentation des spécimens vers des populations viables, en gérant au mieux les dommages causés aux élevages.
L'eau est le troisième grand pan de la lutte pour la préservation de la biodiversité. Pour répondre à ces tensions sur l'eau, nous avons lancé, avec Christophe Béchu et Agnès Firmin-Le Bodo, un grand chantier eau, à Marseille, le 29 septembre dernier. Nous devons rapidement apprendre à concilier solutions de court et de long terme. Principaux financeurs de la biodiversité en France, les agences de l'eau bénéficient d'un plafond annuel de recettes adossées à des redevances, fixé à 2,2 milliards d'euros depuis la loi de finances pour 2021. En 2023, ce plafond est maintenu, tout comme leur schéma d'emplois.
L'érosion du trait de côte est un sujet que vous connaissez bien et qui pèse sur les collectivités territoriales. Il est également au coeur de mon portefeuille. Sur ce sujet, j'ai conscience de la nécessité de construire une capacité pérenne de financement des adaptations qui seront nécessaires dans les prochaines années. Nous estimons à 20 millions d'euros le besoin de financement annuel pour répondre aux enjeux. Nous avons conscience que certaines années nécessiteront plus de crédits et d'autres moins. En 2023, plus de 20 millions d'euros seront engagés dans le cadre du PLF. Toutefois, nous devrons parvenir à trouver un mode de financement pérenne, qui ne repose pas uniquement sur les collectivités territoriales, ni uniquement sur l'État. Je vais donc lancer une grande consultation, avec les parlementaires et les élus locaux, d'une durée d'un an, pour une élaboration conjointe de ce modèle de financement.
Je partage également avec le ministre de l'agriculture l'enjeu de la protection et d'une utilisation durable de nos forêts. 200 millions d'euros seront consacrés à l'adaptation des forêts au changement climatique. S'agissant du renouvellement forestier, il est envisagé un financement pérenne de 100 à 150 millions d'euros par an, mobilisant les outils de la finance carbone. Dans le même temps, un chantier national de replantation des forêts sera lancé, avec l'objectif de replanter un milliard d'arbres d'ici 10 ans. Cet objectif a été annoncé par le Président de la République la semaine dernière. Plus globalement, la Première ministre a indiqué que la forêt serait un des premiers secteurs concernés par la planification écologique. Dans cette perspective, je souhaite que les acquis des Assises de la forêt servent de socle pour prolonger et amplifier les actions.
Je suis aussi concernée par la question de la chasse. Les accidents sont une préoccupation majeure. Si des progrès ont été réalisés depuis 20 ans avec une baisse sensible du nombre d'accidents, nous devons tendre vers le zéro accident. Les sénateurs Patrick Chaize et Maryse Carrère ont produit un rapport dont je souhaite souligner la qualité. Il constituera l'une des bases de la réflexion globale que je souhaite lancer sur ce sujet. Cette consultation devra permettre de trouver des solutions qui portent sur l'ensemble des enjeux : la formation, l'encadrement des pratiques de la chasse, l'information et le partage de l'espace. Je souhaite aboutir d'ici Noël sur ce dossier.
Les moyens du ministère sont concentrés sur le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité ». Ce programme connaît une nouvelle augmentation de 30,4 millions d'euros par rapport à 2022 et atteindra 274 millions d'euros en 2023. L'Office français de la biodiversité (OFB), sous la tutelle du ministère de la transition écologique, verra sa subvention pour charges de service public augmenter de 25 millions d'euros à format constant. Elle atteindra donc 78,8 millions d'euros et s'ajoutera à la contribution de près de 383 millions d'euros des agences de l'eau pour 2023. L'Office national des forêts (ONF), placé principalement sous la tutelle du ministère de l'agriculture, bénéficiera d'une augmentation pour ses missions d'intérêt général de 2,5 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 10 millions d'euros pour renforcer les missions de défense des forêts contre les incendies (DFCI). Enfin, nous pouvons noter que 5 ETP supplémentaires ont été attribués au conservatoire du littoral. Ils viendront soutenir la politique d'extension des territoires qu'il protège.
J'en viens maintenant à la politique d'économie circulaire. Nous devons tendre vers une société de la réparation, du réemploi et du recyclage pour économiser nos ressources et décarboner notre consommation. Aujourd'hui, les financements de l'économie circulaire sont supportés, d'une part, par les filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) et, d'autre part, par l'agence de la transition écologique (ADEME), opérateur de l'État dans ce domaine. Cette agence bénéficiera de crédits du programme 181 pour le fonds économie circulaire, qui est porté à 220 millions d'euros pour 2023. Ces moyens financiers doivent répondre à un objectif clair : État, collectivités, producteurs et consommateurs doivent réduire les quantités de déchets mis en décharge et développer le recyclage, particulièrement des plastiques, ainsi que la valorisation des biodéchets. Pour parvenir à cet objectif d'une meilleure gestion de nos déchets, une trajectoire de hausse de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur l'enfouissement des déchets a été programmée entre 2018 et 2025. Son but est de donner de la visibilité et rendre le recyclage des déchets économiquement plus attractif que leur élimination. Cette réforme s'inscrit dans un équilibre global, dans lequel de nouvelles capacités financières ont été données aux collectivités pour investir et s'adapter. Plusieurs mécanismes de soutien ont été instaurés, comme l'allégement à 5,5 % du taux de la TVA sur les activités de tri, de recyclage et de prévention des déchets, la réduction des frais de gestion perçus par l'État sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères incitatives ou encore la mise en place de nouvelles filières à REP.
Au-delà des mesures de réduction des déchets, la politique de l'économie circulaire que nous menons réoriente la prise en charge des déchets de plus en plus fortement vers les fabricants et distributeurs des produits, dans une logique de pollueurs-payeurs. D'ici 2030, l'ensemble de ces filières REP pour réduire les coûts de réparation des produits représenteront six milliards d'euros. Cela doit permettre d'augmenter leur durée de vie, de développer le réemploi des produits reconditionnés et de recycler les déchets. Une nouvelle REP pour les produits et matériaux de construction du bâtiment a par exemple été lancé en octobre. Quatre éco-organismes viennent d'être agréés pour une entrée en vigueur entre 2023 et 2027. L'objectif est de développer dès 2023 le recyclage et le réemploi des déchets du bâtiment mais aussi de mettre fin aux décharges sauvages, grâce à la reprise gratuite des déchets et la création de nouvelles déchetteries accessibles aux artisans et TPE.
Le secteur du textile est celui où nous devons le plus accélérer. C'est un des secteurs aux marges de progression les plus fortes. Il représente 450 000 tonnes jetées chaque année dans les poubelles, soit 45 tours Eiffel. L'empreinte carbone de notre consommation textile est de près de 30 millions de tonnes équivalent carbone. C'est pour répondre à ces défis que j'ai lancé, début octobre, une grande consultation pour transformer en six ans la filière textile, afin de financer la réparation, le réemploi et le développement d'une filière industrielle de recyclage des textiles en France. Cette REP peut atteindre 600 millions d'euros sur la période et 350 millions d'euros pour avantager les produits éco-conçus grâce à des bonus.
Nous agissons aussi sur les emballages ménagers. Parmi les nouveaux financements, on compte 62 millions d'euros pour les nouvelles poubelles de rue et 100 millions d'euros pour accompagner les collectivités dans le nettoyage des espaces publics.
S'agissant du plastique, toutes REP confondues, quatre millions de tonnes sont jetées chaque année, en majorité des emballages. Le recyclage de tous les plastiques reste insuffisant : à peine 20 % sont recyclés. Nous pouvons et devons faire mieux. Certaines solutions, qui ont pu être écartées dans un passé récent, sont désormais assez mûres pour être réabordées. Je pense par exemple à la consigne. La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) a fixé un calendrier clair. Une décision doit être prise en juin 2023. Si nous avons à décider d'une consigne en juin prochain, je veux traiter au préalable tous les enjeux rappelés précédemment : la mise à jour des soutiens financiers aux collectivités pour assurer la couverture des coûts de gestion des autres déchets d'emballage, la sensibilisation des citoyens sur le geste de tri pour éviter les risques de confusion, l'implication des collectivités dans le maillage territorial des points de reprise et la prise en compte des petits commerces dans le dispositif.
Pour prendre une décision éclairée, nous devons nous y préparer. Cette question doit être débattue en concertation avec les collectivités et les assemblées parlementaires. C'est pourquoi nous organiserons des concertations techniques dès le début de l'année 2023. L'objectif sera d'évaluer les conditions de la mise en place éventuelle d'une consigne. Nous discuterons également des solutions alternatives à la consigne. C'est ainsi, en connaissance de cause, que nous pourrons prendre une décision à l'été 2023.
Comme je vous l'ai démontré, d'importants moyens sont dédiés à la transition écologique dans ce budget, pour la préservation de la biodiversité et pour une économie circulaire performante. J'aurai besoin de tout votre soutien pour accompagner l'ensemble de ces politiques volontaristes et je me tiens prête à répondre à vos questions.
M. Jean-François Longeot . - Je vous remercie madame la ministre pour ces propos liminaires. Un milliard d'arbres à planter : c'est une grande ambition. Je vous ferai parvenir le courrier que j'ai adressé au ministre de l'agriculture. Les crédits du plan de relance sont bien prévus, la volonté des élus est là, les plans d'actions sont prêts, mais il manque des personnels pour planter ces arbres. L'ONF ne compte plus d'ouvriers. J'ai demandé à ce que les crédits du plan de relance dédiés à cet effet jusqu'à fin 2023 soient prolongés. Il faut engager une réflexion sur ce manque de main d'oeuvre.
Mme Bérangère Couillard . - Sur le sujet de la plantation d'un milliard d'arbres, vous avez raison d'évoquer l'enjeu de la main d'oeuvre. Il faut, par ailleurs, disposer des plants nécessaires. Des engagements ont été pris ; nous reviendrons vers vous sur ce sujet. Cette annonce provenant du Président de la République, vous imaginez bien que les budgets nécessaires seront déployés.
Je serai à la COP 27 la semaine prochaine ainsi qu'à la COP 15 début décembre. Cette COP 15 vise à adopter le futur cadre mondial pour la protection de la biodiversité. L'objectif de la France est l'adoption d'un cadre ambitieux et structurant, qui inclut des objectifs chiffrés avec des financements associés et un cadre de recevabilité pour assurer une mise en oeuvre effective. La France est particulièrement attachée à l'objectif de protection de 30 % des terres et des mers. Cette ambition est portée au niveau français mais aussi au niveau international par la coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples, coprésidée par la France et le Costa Rica. Les principaux sujets difficiles à négocier couvrent notamment l'inclusion d'objectifs chiffrés, le financement, le partage des avantages tirés de l'utilisation de ressources génétiques et les mécanismes de mise en oeuvre du cadre. Les négociations s'accélèrent. Nous avons bon espoir d'aboutir sur l'objectif de 30 % d'espaces protégés en 2030. Nous avons reçu des retours assez engageants de la part du ministre chinois, la Chine étant le pays qui bloque le plus sur ces engagements du 30x30. Elle est aujourd'hui consciente qu'il faut envoyer un signal et est probablement prête à discuter des critères à respecter à ce titre. J'aurai l'occasion d'échanger sur ce sujet avec mon homologue chinois à la COP 27.
J'ai mentionné la somme de 2 milliards d'euros consacrés au fonds vert. 150 millions d'euros minimum seront dédiés à la biodiversité. Il faut accompagner les collectivités qui portent les deux tiers des investissements publics du pays. Le fonds vert permettra de massifier ces investissements. Le ministre Christophe Béchu souhaite que la gestion de ce fonds soit souple et proche des territoires. Des crédits seront délégués directement au préfet, avec des enveloppes fongibles. Les financements iront vers des projets locaux. Il n'y aura pas d'appels à projets : l'idée est de répondre au fil de l'eau aux demandes faites au niveau local. Il y a bien sûr le sujet de la rénovation énergétique des bâtiments, le sujet de l'éclairage public, le recyclage des friches ou encore les biodéchets. Sur les 150 millions dédiés à la biodiversité, j'ai voulu flécher 65 millions d'euros pour les espèces à protéger, 20 millions d'euros à la lutte contre les espèces envahissantes, 20 millions d'euros pour la dépollution des sites et 35 millions d'euros pour la restauration de la trame verte et bleue. 100 millions d'euros seront dédiés à la renaturation des villes pour leur adaptation au changement climatique. La mise en place interviendra en janvier 2023. Davantage d'éléments seront communiqués lors du congrès des maires fin novembre 2022.
M. Guillaume Chevrollier . - Au cours des auditions budgétaires que j'ai conduites dans le cadre de l'examen du programme 113, plusieurs éléments ont retenu mon attention.
Je commencerai par l'eau, sujet éminemment sensible. Des territoires ont connu cet été une forte sécheresse ; une centaine de communes s'est trouvée dans l'incapacité de distribuer de l'eau potable à ses habitants et des conflits d'usage ont émergé. Nos agences de l'eau agissent au service du petit cycle de l'eau et de la protection des milieux aquatiques, avec des capacités d'intervention dont on a pu mesurer l'efficacité. Cependant, leurs missions se sont étoffées en direction de la biodiversité et les besoins en investissement sur le petit cycle de l'eau sont colossaux : 4,6 milliards d'euros par an selon l'union nationale des industries et entreprises de l'eau (UIE). Malgré cela, le mécanisme du plafond mordant limite leurs recettes avec un écrêtement au-delà de 2,2 milliards d'euros. Ceci entraine des effets pervers, car les taxes sont modulées pour s'ajuster à cet effet de seuil. Cela fausse ainsi le signal prix du coût de l'eau. Quel est votre approche pour remédier à cette tarification de l'eau qui n'inclut pas la raréfaction croissante de la ressource ?
Comment allez-vous traduire les pistes dessinées à l'issue de la grande consultation du « Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique », notamment sur la résilience de notre modèle agricole dans un contexte de changement climatique ? Comment accompagner les agriculteurs vers des modèles d'exploitation et d'irrigation plus sobres ? Concernant les retenues collinaires, qui génèrent des contestations dans certains territoires, comment comptez-vous accompagner les projets pour éviter ce qui s'est produit dans les Deux-Sèvres ? Quelle pédagogie mettre en oeuvre dans le cadre des refus de création ?
Enfin, dans le cadre de la stratégie nationale biodiversité, j'aimerais vous interroger sur la stratégie nationale pour les aires protégées. L'objectif de couverture de 30 % du territoire national est déjà atteint. Mais nous sommes encore loin des 10 % sous protection forte. Comment comptez-vous atteindre ce seuil fixé par la loi climat et résilience d'ici 2030 ? Un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) sur le financement des aires protégées a fait ressortir que la France y a consacré 600 millions d'euros par an alors que les besoins actuels sont estimés à plus du double (soit 1,2 milliard d'euros) et que le triple (soit 1,8 milliard d'euros) est nécessaire pour parvenir à 10 % d'aires sous protection forte. La marche est donc encore haute pour y arriver. Quelles sont les stratégies que vous comptez mettre en oeuvre pour améliorer les financements publics comme privés en faveur des aires protégées, outil efficace de protection de la biodiversité comme l'ont montré un grand nombre d'études ? À l'aube de la COP 15, il faut que la France soit véritablement exemplaire autant dans les discours que dans les mises en oeuvre effectives sur le terrain.
Mme Bérengère Couillard . - J'étais ce matin même à la rencontre des présidents des comités de bassin. Nous avons eu l'occasion d'aborder cette question de l'eau.
Nous avons lancé ce chantier à destination de ceux qui agissent au quotidien pour la gestion de l'eau. Après le Varenne de l'eau et les Assises, nous devons désormais trouver des solutions pour avoir, même en cas de situation pluviométrique inquiétante, suffisamment d'eau pour concilier les usages (particuliers, industries, usages agricoles). Des remontées interviendront à la fin de l'année, avant des annonces dans le cadre de la planification écologique par la Première ministre.
Seront abordées les questions de sobriété, de réutilisation des eaux usées traitées (sujet sur lequel nous sommes un mauvais élève en Europe), mais également de révision des normes qui bloquent aujourd'hui le développement de projets sur notre territoire. Les attentes sont fortes et nos concitoyens y sont prêts. Nous pourrons sûrement aller plus loin sur la question de la réutilisation.
S'agissant des retenues collinaires, aussi appelées réserves de substitution, des tensions sont intervenues il y a une dizaine de jours dans le cadre du projet situé dans les Deux-Sèvres. Je tiens à dénoncer les violences contre les forces de l'ordre tout comme les menaces proférées contre les agriculteurs. Sur le cas précis de Sainte-Soline - qui est probablement amené à se répéter ailleurs - le projet est légal, validé après des analyses scientifiques et il est accompagné de contreparties importantes engagées par les agriculteurs (notamment la baisse de 50 % des pesticides ainsi qu'une diminution drastique de la consommation d'eau sur ce secteur). Un groupe militant refuse ce projet. Il n'est pas question de généraliser les réserves de substitution en France. Mais chaque projet qui respectera les critères exigeants que nous fixons (à Sainte-Soline, comme pour le projet du bassin du Clain) pourra être validé. Des solutions nous seront probablement apportées par les comités de bassin. Les présidents des comités de bassin m'ont d'ailleurs demandé d'être davantage intégrés dans le processus d'acceptation de ce type de projets. J'accepte cette main tendue. Certains élus locaux ont fait remarquer qu'ils n'avaient pas forcément été consultés alors que leurs collectivités doivent accueillir ce type de réserves de substitution.
Je suis régulièrement sollicitée sur la question globale du financement de l'eau et de la biodiversité. Vous avez abordé la question du plafond mordant. Si nous voulons être beaucoup plus ambitieux, il nous faudra bien dégager des moyens complémentaires pour les agences de l'eau et donc débloquer le verrou à Bercy. La question se posera.
Sur les aires protégées, vous évoquez des besoins de moyens. Un rapport est attendu. Nous aurons l'occasion de travailler en 2023 sur un budget pour les aires protégées. Dans un premier temps peuvent être utilisés les crédits du fonds vert, et notamment les 150 millions d'euros consacrés à la biodiversité.
M. Fabien Genet . - Je souhaiterais obtenir quelques précisions sur la politique de traitement et de réduction des déchets.
Vous indiquez que la TGAP donne de la visibilité. À moyen terme, la hiérarchie des modes de traitement de déchets conduit à éviter l'élimination par stockage et par enfouissement. Pour cette raison, la loi a fixé un objectif très volontariste de réduction de l'enfouissement de moitié en 2025 par rapport à 2010. Les capacités de stockage dans notre pays passeraient ainsi de 21 millions de tonnes en 2015 à 13 millions de tonnes en 2025 et 7 millions de tonnes en 2031. Cette réduction des capacités de stockage est déjà à l'oeuvre. Nous la vivons sur le terrain. Elle conduit mécaniquement à une explosion du coût du stockage, explosion facturée aux collectivités et dans un second temps aux usagers. Cela entraîne une explosion de la marge des opérateurs privés bénéficiaires des autorisations de stockage. Peut-être pourrait-on s'interroger sur le bien-fondé de cette opération, qui conduit à prendre dans la poche de l'usager pour accroitre les profits des opérateurs privés, bénéficiaires des dernières autorisations de stockage.
Dans le même temps, ce mouvement devait s'accompagner d'une meilleure valorisation matière avec l'extension des consignes de tri, la généralisation du tri à la source des biodéchets et la réduction de la quantité de déchets ménagers. Or, beaucoup de retard semble avoir été pris dans plusieurs régions. Où en est-on aujourd'hui ? Quelle trajectoire de réduction de ces déchets ménagers constatez-vous et anticipez-vous ? À moyen terme, n'y-a-t-il pas un risque que la diminution plus rapide des capacités de stockage que celle des quantités de déchets ménagers conduise à une nouvelle explosion des coûts pour les usagers ?
À court terme, vous nous dites que la TGAP est nécessaire. Elle augmente de 2018 à 2025 : nous nous en rendons bien compte sur le terrain, sur nos factures d'ordures ménagères. L'usager qui voudrait mieux trier n'a pas toujours toutes les filières de recyclage à disposition. Vous reconnaissiez vous-même qu'il y a encore beaucoup à faire. Dans le même temps, les coûts de collecte et de traitement explosent compte tenu de l'inflation. Vous y ajoutez en 2023 une TGAP supérieure à celle prévue pour 2022.
Mes seuls constats de terrain ne vous convaincront probablement pas. Je me permettrai donc de vous demander si vous partagez l'analyse de la Cour des comptes dans son rapport sur la prévention, la collecte et le traitement des déchets ménagers de septembre 2022. La conclusion de ce rapport précise que « le citoyen ne peut pas être responsabilisé sur ses déchets uniquement à travers la hausse des prélèvements obligatoires qui concernent ce domaine. Les entreprises, les éco-organismes, l'État et les collectivités territoriales doivent conjointement lui offrir les moyens de modifier ses habitudes de consommation en vue de réduire le gisement des déchets » . N'est-ce pas là la meilleure démonstration qu'il serait raisonnable, au moins en 2023 au regard du contexte très particulier, de faire une pause sur l'augmentation de la TGAP pour la geler à son niveau de 2022 ? Cela permettrait à tous les acteurs de mettre en place en 2023 tous les dispositifs que vous nous avez présentés.
M. Frédéric Marchand . - Je reviendrai sur le sujet aquatique en évoquant les milieux humides, espaces à forts enjeux écologiques, économiques et sociaux. La France s'est engagée à préserver ses zones humides sur son territoire, notamment à travers la signature, en 1986, de la convention internationale de Ramsar. Dans le département du Nord, nous avons la chance de disposer de deux zones humides internationales au titre de la convention : la vallée de la Scarpe et de l'Escaut ainsi que le marais Audomarois, en lisière du Pas-de-Calais. Alors que le réchauffement climatique ne cesse de s'accentuer (le mois d'octobre a été le plus chaud jamais enregistré), que le nombre d'arrêtés sécheresse est encore très important cet automne (notamment dans le département du Nord), ces zones recouvrent une importance toute particulière. Elles doivent non seulement être préservées mais aussi mises en valeur. La COP 14 sur les zones humides se tient actuellement à Wuhan, en Chine, et à Genève en Suisse. J'aimerais connaitre vos intentions et votre feuille de route s'agissant du quatrième plan national milieux humides 2022 - 2026.
M. Bruno Rojouan . - Je suis sénateur de l'Allier où la découverte de lithium soulève de nombreuses interrogations.
La présence d'une des plus fortes réserves de lithium en Europe dans mon département et le projet de lancement de la première exploitation minière de ce matériau en France, par le groupe Imerys, pourrait permettre d'équiper près de 700 000 véhicules par an dès 2028. Si ce projet représentant près d'1 milliard d'euros d'investissement constitue une opportunité pour le pays mais aussi une chance pour notre département, je voudrais néanmoins évoquer devant vous quelques sujets à travailler au sein de votre ministère. Certaines populations sont inquiètes et souhaitent être rassurées quant à la pollution qui pourrait être générée par cette nouvelle ressource minière exploitée à cette si grande échelle. Quelles garanties peuvent être apportées sur la sécurité environnementale ?
L'exploitation effective devant débuter en 2027, une vigilance particulière doit à mon avis être observée quant à la propriété de l'entreprise Imerys. Dispose-t-on la garantie que dans le futur cette société française, détenue majoritairement par des capitaux européens, restera dans le giron européen et ne sera pas vendue, par exemple à des acteurs chinois ?
Enfin, l'extraction du lithium se fera dans le département de l'Allier. Mais qu'en est-il des deux autres étapes, c'est-à-dire celle du chargement et surtout celle du traitement final de la ressource ? Pour conforter le dynamisme économique du bassin de Montluçon, où se trouve cette potentielle exploitation, il est nécessaire que l'ensemble des opérations de valorisation soient réalisées localement, pour éviter des coûts de transport considérables, outre une pollution qui dépasserait uniquement l'échelon de l'exploitation. Je connais les velléités de séparer les activités d'exploitation et de valorisation. Dans mon esprit, la logique est claire : il ne peut y avoir exploitation sur notre territoire - avec inévitablement les inconvénients qui s'y associent - et valorisation sur un autre territoire. Il me semble important que le bassin montluçonnais puisse accueillir la valorisation des ressources exploitées.
Voilà les trois alertes que je voulais émettre, la première étant la pollution environnementale.
M. Daniel Gueret . - Je voudrais revenir sur la question des réserves de substitution. Je me félicite de votre état d'esprit, qui donne une large place à la pédagogie, à l'explication et à l'accompagnement. Vous avez dit vouloir vous appuyer sur les collectivités et les populations. Ma conviction est que sans acceptation par les populations, nous n'avancerons pas, quels que soient les efforts que vous pourrez dégager.
Nous allons être confrontés à des obstructions de plus en plus violentes, ultra minoritaires, conduites par des individus qui ne sont en général pas concernés au premier chef par le projet. Il ne faudrait pas que le combat pour l'écologie conduise à une multiplication sur le territoire de « chantiers Notre-Dame-des-Landes ». Il risque d'y avoir un effet boomerang : inspirés par ces précédents, les populations ne voudront plus soutenir les projets. J'aimerais connaitre votre approche pour surmonter ces difficultés.
Mme Angèle Préville . - Ma première question portera sur le plastique. Si l'économie circulaire fonctionne bien s'agissant des métaux et du verre, elle est encore très lacunaire pour le plastique. Seuls 24 % des plastiques sont recyclés. Nous nous heurtons à des réalités chimiques. D'une part, tous les plastiques ne se recyclent pas et tous n'ont pas des filières de recyclage en France. D'autre part, les plastiques constituent des polluants qui resteront dans notre environnement pendant des centaines d'années.
La filière textile est principalement installée en Asie. Les vêtements sont de plus en plus jetables et la consommation de vêtements a doublé en 15 ans à peine. Le problème consiste bien sûr dans la volumétrie des vêtements à recycler mais il porte également sur le largage en continu dans notre environnement de microfibres par les vêtements en plastique. Ce largage s'effectue quand les vêtements sont lavés mais aussi quand ils sont portés. Je suis curieuse de connaitre votre plan pour la transformation de la filière textile. Je rappelle que les fibres textiles naturelles se décomposent dans la nature et constituent même des nutriments.
S'agissant de la consigne, vous savez que, lors de l'examen de la loi économie circulaire, nous nous étions opposés au projet d'une consigne plastique. Sur nos territoires, la récolte de bouteilles plastique permet de constituer une ressource pour nos collectivités.
Je suis très satisfaite de ce que vous avez dit sur l'eau. Mais il faut très vite donner plus de moyens aux agences de l'eau. Les sujets s'accumulent ; il y a bien sûr le sujet de la sécheresse, mais aussi celui des micropolluants de l'eau. On en teste actuellement 500 et bientôt 100 de plus en application des directives européennes. Mais nous savons qu'il y en aurait des milliers à rechercher. Au fur et à mesure que nous mettrons des seuils et que nous identifierons des micropolluants à rechercher, il nous faudra mettre en place des moyens pour réduire cette pollution. Il faudrait donc relever le plafond mordant des agences de l'eau.
Mme Bérangère Couillard . - Il me parvient beaucoup de remontées du terrain sur le poids de la TGAP sur les finances des collectivités territoriales gestionnaires de déchets. Il s'agit pour nous de stimuler la création de projets en incitant tous les acteurs du monde des déchets à éviter la mise en décharge et l'incinération. L'objectif est de rendre le recyclage et le réemploi plus rentables. La trajectoire d'augmentation progressive jusqu'en 2025 a été annoncée dès 2018 pour donner de la visibilité à tous et pour laisser le temps aux projets de se développer. Vous comprenez dès lors qu'il est impossible d'arrêter ce processus.
Je conviens que cette augmentation est une mesure difficile. Elle a néanmoins porté ses fruits et elle a fait ses preuves ailleurs en Europe. Les pays ayant développé une fiscalité déchets équivalente ont divisé par deux en dix ans les quantités de déchets ménagers mis en décharge. En France, en 2021, nous avons noté une baisse de 10 à 20 % du volume des déchets mis en décharge et une baisse de 5 à 10 % des déchets incinérés. Cette réforme de la TGAP s'inscrit aussi dans un équilibre financier sur les déchets, qui est positif pour les collectivités. On constate un surplus de recettes de TGAP en 2020 et 2021 de plus de 80 millions d'euros, en comparaison avec la période précédente.
Plusieurs dispositifs ont été déployés en parallèle pour aider les collectivités, avec des montants bien supérieurs. Tout d'abord, l'État soutient financièrement les projets de valorisation des déchets à la place de la mise en décharge. En 2021, 80 millions d'euros ont ainsi été directement affectés aux projets des collectivités. La baisse de TVA sur la valorisation des déchets permet également aux collectivités d'économiser 80 millions d'euros par an. Pour 2023, le fonds économie circulaire de l'Agence de la transition écologique (ADEME) a été revalorisé de 45 millions d'euros. Le fonds vert est ouvert aux projets des collectivités sur la collecte des biodéchets. Par ailleurs, les filières REP sont mobilisées. Pour les déchets d'emballage par exemple, le nouveau cahier des charges prévoit plus de 300 millions d'euros supplémentaires pour la prise en charge de ces déchets. La nouvelle filière des déchets du bâtiment permettra aussi aux collectivités d'économiser d'ici un an, voire deux ans, plusieurs centaines de millions par an.
La COP 14 sur les zones humides vise à protéger les milieux humides, dont le rôle dans l'atténuation du climat, l'atténuation des impacts du dérèglement climatique et le soutien à la biodiversité est essentiel. Cette convention engage les États à la conservation et à l'utilisation durable des zones humides, via le réseau Ramsar. La COP 14 réaffirme l'urgence de conserver, restaurer et veiller à l'utilisation rationnelle des zones humides. Plusieurs enjeux majeurs seront abordés : d'abord le sujet de la gouvernance avec la poursuite des travaux sur le renforcement de l'efficacité de la convention, l'amélioration de son fonctionnement et l'articulation de ses travaux avec les autres accords multilatéraux sur l'environnement. Seize projets de résolution porteront ensuite sur des sujets de fond, comme l'adoption du cadre pour le nouveau plan stratégique, qui sera entériné à la prochaine COP.
La France aborde la COP 14 en comptant sur un réseau riche de sites Ramsar couvrant plus de 3,6 millions d'hectares en métropole et dans les outre-mer. L'ambition de la France sur les zones humides a été renforcée en mars 2022 avec l'adoption du quatrième plan national 2022-2026 en faveur des milieux humides. Plusieurs actions renforcent l'ambition d'acquisition et de gestion de sites : le doublement des superficies des milieux humides sous protection forte en métropole d'ici 2030, l'acquisition de 8 500 hectares d'ici 2026, la restauration de 50 000 hectares de zones humides d'ici 2026 et l'accélération du réseau Ramsar en France, avec la labellisation de deux sites par an sur le territoire national.
La France souhaite également engager les collectivités et les acteurs économiques, pour développer notamment des méthodes du label bas carbone, qui valorisent des projets de protection et de restauration des milieux humides. Enfin, un travail important doit être mené sur la connaissance. Un travail de cartographie des zones humides françaises sera réalisé d'ici fin 2024, pour disposer d'un référentiel au 1/10 000 ème .
S'agissant du lithium, il s'agit davantage d'un projet de transition énergétique - même s'il peut y avoir un impact sur les milieux. Je n'en suis donc pas directement responsable. La réforme du code minier a été une avancée majeure de la loi « Climat et résilience ». Elle a permis un renforcement de la consultation publique ainsi qu'une consolidation des études d'impact. Des mécanismes de protection des entreprises stratégiques existent. Le ministère de l'économie reste très attentif à la chaîne de valeur. Je note vos alertes sur les trois aspects que vous avez évoqués. J'aurai une vigilance particulière sur ce sujet, cette exploitation pouvant avoir un impact sur les milieux.
S'agissant des réserves de substitution, nous connaîtrons probablement dans l'avenir des contestations de plus en plus fortes, avec une légitimation d'une forme de radicalisation. Je me désole qu'aujourd'hui on ne fasse plus confiance aux scientifiques. Cette radicalisation est inquiétante. Je crois beaucoup à la méthode du conseil national de la refondation (CNR). Les CNR biodiversité seront lancés à la fin de l'année. L'objectif est notamment de déterminer comment faire accepter ces projets sur les territoires. Trois ateliers sont déjà programmés et l'un d'entre eux porte précisément sur cet enjeu. Cette question sera alors abordée avec tous les acteurs, y compris les ONG. Je souligne d'ailleurs que le projet de Sainte-Soline avait été validé en présence des ONG. Aujourd'hui, une partie d'entre elles se retirent de cette signature. Ces types de contestation risquent de se multiplier - je pense notamment aux projets de lignes à grande vitesse (LGV). Les CNR sont une solution pour permettre l'acceptation de ces projets.
Concernant la filière textile, il faut mieux récupérer les textiles et travailler sur leur seconde vie. La jeune génération est d'ailleurs très adepte de la seconde main, ce qui est encourageant. Il est également nécessaire de responsabiliser le consommateur. Nous avons par ailleurs engagé un travail pour l'instauration d'un affichage environnemental, sur le modèle du nutriscore. Avec les associations de consommateurs et les industriels, nous tentons de nous mettre d'accord sur ces critères (empreinte carbone, lieu de production...). Cela pourra être complémentaire à la REP textile. Le consommateur pourra être informé sur le caractère polluant ou non du produit.
S'agissant de l'eau, de nombreux habitants doutent aujourd'hui de la qualité de l'eau de leur robinet. Nous devons les rassurer sur ce sujet, notamment en améliorant la qualité des captages. Je l'ai rappelé aux présidents des comités de bassin. La transition agricole est par ailleurs un élément clé pour améliorer cette qualité de l'eau.
Concernant la consigne, le sujet est mûr pour être relancé. La situation est différente de celle de 2019. Je tiens à préciser que le Gouvernement n'a aucun parti pris sur ce sujet. Nous faisons le constat que nous sommes mauvais sur le recyclage de plastique. Certains de nos voisins européens ont mis en place la consigne plastique et se révèlent donc meilleurs que nous.
Je n'oublie pas non plus qu'il faut s'engager à baisser notre dépendance au plastique. La seule solution n'est pas le recyclage. Une proposition de loi a été adoptée à l'Assemblée nationale sur la réduction des plastiques. J'invite le Sénat à la reprendre et à la retravailler. Elle était à l'origine destinée au polystyrène puis nous l'avons élargie. Cette proposition prévoit que l'on ne développe pas de filière de recyclage assez significative, la production de cette matière doit être interdite en 2025. C'est ambitieux mais nous n'avons pas le choix.
Le sujet reste très ouvert. Je sais qu'il faut veiller à ce qu'il n'y ait pas de pertes de financement pour les collectivités. Cela fera sûrement l'objet de la majeure partie de nos discussions. Mais il faut souligner qu'une baisse de financement est déjà enregistrée pour certaines collectivités car des consignes sauvages se développent déjà sur certains territoires. Compte tenu du prix actuel de la tonne plastique, il y aura sûrement une augmentation de ces filières clandestines. Nous reparlerons de ces sujets en début d'année 2023.
M. Jean-François Longeot . - Au-delà des pertes de recettes pour les collectivités -- qui ont par ailleurs fait d'importants efforts à travers les politiques de tri - il sera compliqué de leur expliquer qu'elles doivent payer plus qu'auparavant.
L'État mène des politiques de revitalisation des centres bourgs. Or, en mettant en place la consigne plastique, il existe un risque de favoriser les grandes surfaces plutôt que les petits commerces. Les petits épiciers ne pourront probablement pas s'équiper de machines pour la consigne des plastiques. Les grandes surfaces se doteront plus facilement de ces machines, ce qui incitera les consommateurs à y rester pour y faire leurs achats.
M. Jean-Michel Houllegatte . - Le 15 mars 2022, le ministère de la transition écologique a publié la stratégie nationale biodiversité 2030, sous-titrée « premier volet pré COP 15 ». Ce document a fait l'objet de concertations. Des organismes comme le conseil national de protection de la nature, le conseil national de la transition écologique ou le comité national biodiversité ont émis des avis défavorables sur cette stratégie. Le Gouvernement avait indiqué qu'il y aurait des révisions et des compléments. Qu'en est-il de la révision de cette stratégie ?
Je voudrais illustrer mon propos par un exemple concret. Sous l'effet du réchauffement des mers, la Méditerranée orientale (mais également les mers bordant les outre-mer ou même la Manche) est envahie par 900 espèces de poissons, de méduses et d'organismes marins. La mer Méditerranée connaît ainsi un phénomène de tropicalisation, avec le développement d'espèces non indigènes, toxiques et venimeuses. La mesure de la stratégie sur ce sujet est relativement légère, mettant simplement l'accent sur la mise en place de systèmes d'information. Je sais que la bonne attitude est difficile à trouver, entre laisser faire, mettre au point des stratégies de défense ou encore développer des stratégies d'adaptation. Quelle peut être la stratégie de l'État concernant ces espèces invasives, notamment en Méditerranée ?
M. Louis-Jean de Nicolaÿ . - Vous vous rendrez demain en Indre-et-Loire sur le site de Calcia. À quelques mètres de ce site, vous serez dans la Sarthe, mon département d'origine.
Je voudrais d'abord soutenir ma collègue Angèle Préville sur le problème de la collecte des ordures ménagères. L'essentiel des syndicats sont aujourd'hui financés par la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. C'est un vrai sujet sur lequel il s'agira de rester vigilant.
Je comprends les volontés du Gouvernement sur les questions de sécurité de la chasse. Mais celle-ci n'est la même selon les territoires. Par conséquent, le rôle des fédérations départementales de la chasse est capital pour l'organisation des chasses sur le territoire. Le Gouvernement gagnerait à s'appuyer sur elles.
J'aimerais également avoir votre sentiment sur la continuité écologique sur les cours d'eau. Pendant longtemps, les retenues ont été accusées de nuire à la continuité écologique. Certains barrages, en place depuis des décennies, ne nuisent pas à cette continuité. Ils jouent par ailleurs un rôle très important en matière d'irrigation pour les maraîchers et les agriculteurs, et évitent de pomper dans le cénomanien, comme beaucoup l'ont fait à partir de la sécheresse de 1976. Je n'oublie pas non plus l'importance de la petite hydroélectricité, pour laquelle nous nous sommes battus au Sénat.
M. Ronan Dantec . - La pie-grièche à poitrine rose a disparu de France l'année dernière. Cela pose la question de la gestion de nos espèces menacées. Lors de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016, nous avions rendu obligatoire dans la loi les programmes nationaux d'actions (PNA) pour les espèces menacées de la liste rouge de l'UICN. Six ans après, toutes les espèces menacées de cette liste rouge sont-elles effectivement couvertes par un PNA ? Où en est-on du financement de ces PNA ? A-t-on les moyens de couvrir financièrement tous ces programmes nationaux ? Il nous faut par ailleurs créer un volet de coopération internationale dans ces programmes, beaucoup d'espèces étant migratrices. Avant la COP 15 à Montréal, comment intégrer une stratégie de coopération internationale au sein de ces PNA ?
Vous avez évoqué 200 millions d'euros pour la forêt. Je rejoins l'inquiétude du président Longeot s'agissant des moyens humains nécessaires pour mettre en oeuvre le plan de plantation d'un milliard d'arbres. Deux programmes de compensation carbone, liés à la réouverture des centrales à charbon de Saint-Avold et Cordemais, devraient rapporter entre 100 et 120 millions d'euros par an. Les ressources tirées de ces programmes de compensation serviront-elles à financer la forêt ? Dans l'affirmative, cela réviserait l'équivalence entre les tonnes de carbone émises et les tonnes captées.
M. Jean-Claude Anglars . - Madame la ministre, je voudrais saluer votre volontarisme. Le nombre d'éleveurs diminue drastiquement et leurs troupeaux (bovins ou ovins) disparaissent. Ma question porte sur les prédateurs : je voudrais connaître votre stratégie sur les sujets du loup, du vautour et du rat taupier.
M. Hervé Gillé . - Vous avez fait une communication sur les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) renforcés par le fonds vert. On ne peut que saluer cette orientation. Je voudrais cependant souligner que les CRTE, comme beaucoup de politiques contractuelles, ne sont pas conditionnés. Il n'y a pas d'objectif assigné. J'aimerais avoir votre avis sur le sujet.
Sur la restauration de la continuité écologique, j'ai un avis différent de Louis-Jean de Nicolaÿ. La décision prise dans le cadre de la loi « Climat et résilience » est loin de faciliter les choses. Une position d'équilibre avait été trouvée au sein de la commission, entre la restauration des continuités et le maintien éventuel d'un barrage.
Je voudrais également alerter sur le fait que nous ne parlons plus aujourd'hui de loi sur l'eau. Or il est nécessaire de mettre en place des évolutions profondes en termes de gouvernance de l'eau. Un livre bleu a été présenté par l'association nationale des élus de bassin. Nous aurons l'occasion d'auditionner cette association en décembre prochain. Nous savons qu'il faut renforcer les gouvernances territoriales. Dans ce cas de figure, les établissements publics territoriaux de bassin doivent être confortées. Quelle est votre position sur ce sujet ?
Enfin, nous rencontrons des difficultés particulières s'agissant des conséquences du réchauffement climatique sur les étiages. Dans mon département de la Gironde, le soutien d'étiage durait traditionnellement jusqu'à mi-octobre. Aujourd'hui, compte tenu des contraintes, nous sommes obligés de soutenir la Garonne après le 31 octobre. Or, les conventions avec EDF et les barrages électriques ne courent que jusqu'au 31 octobre. Le système est aujourd'hui à bout de souffle. Dans le cadre de la renégociation des conventions hydroélectriques, il faudra préserver la capacité à turbiner pour produire de l'électricité mais également la capacité des grands réservoirs à soutenir les étiages, via la mise en place de politiques de solidarité interbassins. J'aimerais connaitre votre position sur ce sujet.
Mme Nadège Havet . - Fin avril 2022, le Gouvernement a publié une liste de 126 communes les plus menacées par l'érosion côtière, et qui devront s'y adapter. En Bretagne, 41 villes sont concernées dont plus de la moitié se trouvent dans le département du Finistère. Avec 1200 km de côtes, ce département est particulièrement exposé. Les élus vont devoir réaliser des cartes du risque du recul du littoral à horizon 30 ans ou 100 ans. Sur cette base seront établies des nouvelles règles d'aménagement du territoire en matière d'urbanisme.
Se pose nécessairement la question d'un accompagnement financier pérenne et en matière d'ingénierie puisque des municipalités auront bien des difficultés à relever ces défis colossaux. Quels sont les crédits prévus en 2023 pour soutenir les élus dans ce travail et à quel fin ? Le fonds vert sera-t-il un levier activé pour ce faire ? Quel budget pérenne pour faire face à ce phénomène massif ? Plus globalement, plus de 900 communes sont particulièrement vulnérables aux submersions marines et 1,5 million d'habitants vivent dans des zones inondables littorales. Il est absolument nécessaire de donner une visibilité aux territoires les plus en danger.
Mme Évelyne Perrot . - Vous avez évoqué les zones humides. Je vis dans la Champagne humide, constituée essentiellement de forêts et de prairies. A partir de 1985, compte tenu de la disparition des élevages, les prairies ont été retournées et drainées pour être converties en culture de betteraves. Avec le réchauffement climatique, les terres sont aujourd'hui fissurées, avec des lézardes de 10 à 20 cm de large. Or ces prairies se trouvaient autour des villages. Quand elles étaient gorgées d'eau, ces prairies servaient de « tampons » entre ces terres et les constructions. Avec la sécheresse, ces fissures se prolongent jusque dans les maisons puisque l'élasticité que permettaient les prairies a disparu. J'ai fait réaliser dans mon village une cartographie des zones humides. Ces documents pour identifier les terres où se trouvaient précédemment des élevages devraient être obligatoires. Cela permettrait d'éviter les constructions dans les zones non adaptées.
Mme Bérangère Couillard . - Un premier volet de la stratégie nationale biodiversité a en effet été publié en mars dernier, sur lequel les avis étaient mitigés. Il manquait des indicateurs, des objectifs chiffrés ainsi que les financements pour les atteindre. J'ai repris ce travail. Le fonds vert sera utilisé, tout comme l'augmentation du programme 113. Les membres du comité national de la biodiversité se sont remis au travail fin octobre. Le travail est engagé et nous devrions aboutir en mars 2023.
Je partage votre inquiétude s'agissant des espèces exotiques envahissantes. Le risque concerne autant l'hexagone que les outre-mer. L'Union européenne a mis en place une réglementation contraignante, reposant sur une liste d'espèces soumises à de nombreuses interdictions (importation, libération dans l'environnement, commercialisation). À ce jour, 88 espèces envahissantes sont réglementées en métropole. Le précédent gouvernement a lancé, début 2022, un plan d'actions visant à renforcer les aspects de surveillance et de contrôle. L'État finance des opérations de gestion, dites opérations coup de poing. Ce dispositif, qui s'inscrit dans la stratégie nationale biodiversité 2022-2030, sera reconduit jusqu'en 2026. Il sera financé par le fonds vert à hauteur de 20 millions d'euros. Cela permettra de financer 250 opérations par an, partout sur le territoire, dès 2023. La mesure financera des actions locales impliquant divers acteurs. Concernant les végétaux, il peut s'agir de fauchages ou d'implantation d'espèces locales concurrentes. Concernant les animaux, il s'agit de tirs ou de piégeages. Un tiers de ces opérations concerne les territoires ultramarins.
Sur la chasse, aucune piste n'est écartée. Dans le rapport de qualité produit par le Sénat, le sujet de la demi-journée n'a pas été tranché. La chasse dans les forêts périurbaines et celle dans les forêts rurales sont en effet bien différentes. Le sujet est sur la table, la demi-journée permettrait de faire coexister les usages. Néanmoins, imaginer qu'il s'agisse de la seule solution pour assurer la sécurité de la chasse serait illusoire. J'ai actuellement des discussions très nourries avec le président de la fédération nationale des chasseurs, Willy Schraen. Je rencontrerai également d'ici quelques jours les ONG représentatives ainsi que les élus locaux. L'idée est d'ouvrir les discussions pour aboutir avant Noël.
S'agissant des espèces menacées et de leurs habitats, en complément des règles de protection, il nous faut des plans pour restaurer les espèces. C'est le rôle des plans nationaux d'actions. Nous poursuivons ces plans et continuons à les améliorer. L'idée est de les financer en partie avec le fonds vert. Nous avons l'objectif de pérenniser le fonds vert, pour qu'il perdure au-delà de l'année 2023. L'enjeu de la préservation des oiseaux doit être mené au niveau international. Cela fera partie des sujets biodiversité en discussion lors de la COP 27 et de la COP 15.
S'agissant des ressources tirées de la compensation carbone des centrales de Saint-Avold et Cordemais, vous savez que Bercy n'est en général pas favorable aux fléchages directs et à l'affectation des recettes aux dépenses. Nous devons diminuer les subventions liées aux énergies fossiles. Lorsque l'on accompagne les Français via une remise du prix à la pompe, il est certain que cela n'encourage pas à la transition écologique. Mais il s'agit d'une mesure d'urgence nécessaire à court terme. Il faut simplement veiller à ce que ce type de subvention ne soit pas pérennisé.
Il y a en effet une baisse du nombre d'éleveurs. Nous avons connu une année particulièrement difficile, avec une sécheresse importante qui a découragé de nombreux éleveurs. La baisse de la production de fourrage les a incités à arrêter l'élevage et à conduire les bêtes, notamment les vaches laitières, à l'abattoir. Le Gouvernement souhaite une agriculture forte et la plus autonome possible. Avec le ministre de l'agriculture, nous travaillons pour accompagner nos éleveurs dans ces pertes d'exploitation.
Je n'aurai pas d'élément à vous apporter sur les rats taupiers. J'ai en revanche beaucoup travaillé sur le loup et sur l'ours. La population de loups a dépassé le seuil de viabilité démographique de 500 individus, pour un effectif d'environ 920 loups à l'hiver 2021-2022. Depuis quatre ans, la population de loups a quasiment doublé et l'expansion géographique se poursuit très régulièrement, avec un nombre de zones de présence de loups en forte croissance. Un plan national loup et activités d'élevage 2018-2023 est piloté par le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Il repose sur le financement de mesures de protection, l'indemnisation des dommages, le suivi de la population lupine, les interventions de tirs létaux et la recherche scientifique. On constate une stabilisation des dégâts depuis trois ans, à environ 12 000 individus. En 2021, pour la première fois, le nombre d'attaques a diminué de 3 %. L'État a mis en place un cadre pour le financement des mesures de protection. On compte près de 20 % de contrats de protection signés par les éleveurs depuis le début du plan en 2018. Un préfet coordinateur sur le loup a été nommé, dédié uniquement à ce sujet.
Le plan d'actions doit être revu en 2023 pour la période 2024-2029. Il faut chercher les moyens d'une bonne cohabitation avec les grands prédateurs. La difficulté concerne davantage les territoires nouvellement touchés par la présence du loup, les niveaux de protection n'étant pas encore équivalents à ceux déployés dans les territoires déjà exposés.
S'agissant de l'eau et du poids des comités de bassin, les établissements publics territoriaux de bassin demandent à être davantage associés, notamment concernant les projets de réserves de substitution. Je leur propose aussi de s'autosaisir. Ils sont libres de le faire sur les projets qui concernent leur territoire. Tout ce qui permettra de redonner du poids aux instances locales, sans pour autant créer de lourdeur administrative, est à encourager. Lors d'un déplacement dans la Drôme début août, à un moment critique pour les cours d'eau, les acteurs rencontrés étaient unanimes pour reconnaitre que la multiplication du nombre d'intervenants rendait difficile la prise de décision. Il est difficile de déterminer l'acteur devant prendre la décision définitive. Sans remettre en cause la décentralisation de cette politique, il faut néanmoins s'interroger sur les modalités de la gouvernance de l'eau. Le but doit être de simplifier l'action sur les territoires, sans que l'État reprenne la main sur ce sujet.
Sur le sujet du recul du trait de côte, des financements sont engagés pour l'ingénierie à hauteur de 20 millions d'euros pour 2023. Lors du congrès de l'association nationale des élus du littoral (ANEL), j'ai annoncé que des concertations seront lancées en début d'année pour disposer d'un financement soutenable. On ne peut pas tout faire peser sur les collectivités territoriales ni tout faire reposer sur l'État. Les discussions devraient aboutir pour le PLF 2025. Je souhaite que nous dégagions une visibilité à 30 ans pour ces financements.
Sur les zones humides, celles-ci ont fait l'objet dans le passé d'un certain désintérêt, conduisant à leur destruction. Nous devons nous réengager pour leur protection. Nous n'avons pas abandonné l'idée de disposer d'un douzième parc national consacré à la protection des zones humides. Plusieurs sites pourraient être retenus. Il n'en demeure pas moins que les contraintes restent importantes et que cette perspective n'est pas toujours bien accueillie par les élus locaux.
M. Jean-François Longeot . - Je vous remercie madame la ministre pour cet échange riche et positif. Les sujets que nous avons évoqués exigent un dialogue élargi, que ce soit pour la chasse, la consigne ou encore la coexistence entre les prédateurs et l'élevage.
Sur les zones humides, je vous fais une proposition de visite dans le département du Doubs, pour voir ce qu'a réalisé l'établissement public d'aménagement et de gestion de l'eau (EPAGE) Haut-Doubs Haute-Loue. Le président Philippe Alpy sera ravi de vous accueillir.
Audition de M. Christophe Béchu,
ministre de transition
écologique et de la cohésion des territoires
et de
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la
ruralité
(Mercredi 2 novembre 2022)
Présidence de M. Jean-François Longeot, président.
M. Jean-François Longeot , président . - Monsieur le ministre, c'est un plaisir de vous recevoir ici au Sénat, où vous avez d'ailleurs siégé à nos côtés entre 2011 et 2017. Madame la secrétaire d'État, nous sommes ravis de l'opportunité de pouvoir échanger avec vous sur les sujets relatifs à la ruralité.
La sévérité de la sécheresse estivale, les incendies d'ampleur inégalée et les températures élevées de la semaine dernière sont des symptômes du changement climatique qui s'impose avec une évidence de plus en plus forte à nos territoires et nos concitoyens.
La France n'échappe pas à ce phénomène mondial. Tous les territoires sont touchés : le littoral avec le recul du trait de côte, la montagne avec la baisse drastique de l'enneigement, les zones urbaines, où les canicules sont aggravées par l'artificialisation des sols, et les territoires agricoles, qui font face à des pertes de rendement préoccupantes du fait notamment d'un régime pluviométrique perturbé.
L'urgence climatique impose une action publique forte et déterminée ainsi qu'une coordination de l'action étatique et des territoires pour aboutir à des résultats concrets. Monsieur le ministre, vous avez bien résumé la situation en une formule lapidaire : « le climat est un usurier : plus le temps passe, plus la facture augmente ». Vous avez raison : le taux d'intérêt climatique est bien supérieur à celui servi par nos banques centrales !
Il y a cependant une question centrale, je dirais même un défi majeur, auquel les pouvoirs publics doivent répondre, le Gouvernement tout autant que le Parlement : celui de l'acceptabilité sociale et territoriale des mesures d'adaptation et de résilience. L'épisode des gilets jaunes est une mise en garde, qui plaide pour conserver une approche chère à notre commission, celle du développement durable. Ce cap, qui concilie l'économie, le social et l'environnement, nous devons le maintenir. Si nous nous en éloignons et que nous ne répondons pas à l'urgence climatique, nous devrons un jour choisir entre ces trois principes et alors nous ferons face à de nouvelles crises.
Face à ces défis, vos attributions
ministérielles prennent en compte l'indissociable lien - vous avez
parlé à juste titre d'« union
sacrée » - entre transition énergétique et
territoires. Nous nous réjouissons de cette évolution. Les
crédits budgétaires pour 2023 augmentent pour atteindre
40 milliards d'euros ; je note en particulier la mise en place d'un
fonds d'accélération de la transition écologique
doté de 1,5 milliard d'euros
- portés à
2 milliards, semble-t-il -, et de nouvelles allocations de
crédits, dont nous devons nous assurer qu'il ne s'agit pas de
redéploiements ou de simples affichages. Sur la stratégie, vous
prévoyez plus de concertation avec les territoires et une
contractualisation efficace.
Tout cela est a priori positif et mes collègues ne manqueront pas de vous interroger pour que vous puissiez préciser les impacts concrets et sectoriels de votre stratégie et les liens qui unissent vos actions à celles de la Première ministre, qui est chargée de la planification écologique.
J'aurais quelques interrogations préliminaires pour amorcer le débat.
Quel message portera la France aux prochaines COP27 sur le climat et COP15 sur la biodiversité et quelles ambitions notre pays défendra-t-il dans les domaines de la diplomatie climatique et environnementale ?
Notre pays se veut un modèle et compte jouer un rôle exemplaire en matière de lutte et d'adaptation au changement climatique, mais aussi d'effort de préservation et de reconquête de la biodiversité. Comment capitaliser le crédit dont bénéficie la voix française dans les enceintes internationales depuis l'Accord de Paris ? Devons-nous essayer de compenser les éventuels retards d'adaptation d'autres pays ou alors les convaincre et les aider à réduire leurs émissions ?
Je terminerai par un sujet qui occupe beaucoup le Sénat en ce moment, avec une mission de contrôle commune à plusieurs commissions : la stratégie du « Zéro artificialisation nette » (ZAN). Pouvez-vous nous préciser quelles sont les évolutions que vous comptez mettre en oeuvre pour une meilleure acceptabilité territoriale de cette politique ? Vous vous étiez notamment engagé à revoir les décrets du 29 avril dernier sur la nomenclature des sols et le calendrier de déploiement de la réduction de l'artificialisation dans les documents d'urbanisme. Où en sommes-nous sur ces sujets qui préoccupent au plus haut point nos élus locaux ?
Enfin, j'aurais une dernière question, plus spécifiquement pour la secrétaire d'État chargée de la ruralité : dans le cadre d'une mission d'information sur les perspectives de la politique d'aménagement du territoire et de cohésion territoriale, notre commission a adopté cette année cinq rapports d'information. Ceux-ci comportent de nombreuses recommandations afin de réduire les trop nombreuses fractures territoriales françaises - sanitaire, numérique, sociale, économique, de santé et de mobilité. Comptez-vous vous appuyer sur l'expertise du Sénat pour résorber ces fractures et dépasser la dichotomie entre l'urbain et le rural qui mine notre politique d'aménagement du territoire ?
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. - Je suis heureux de m'exprimer devant vous. Plutôt que de vous lire un propos préparé, et anticipant un grand nombre de questions de votre part, je me contenterai de quelques remarques préliminaires, afin de mieux répondre à vos interrogations ensuite.
Un mot tout d'abord sur l'architecture ministérielle. La planification écologique, ambition présidentielle, est pilotée directement depuis Matignon : c'est une bonne chose, car c'est à Matignon, qui a l'habitude de coordonner l'action des ministères, que les décisions se prennent. Le Haut Conseil pour le climat, les associations et les ONG soulignent la qualité de la gouvernance retenue, avec deux ministères : un de la transition énergétique et un autre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Le nucléaire n'est pas dans le périmètre de mon ministère. Celui-ci est chargé du logement et des transports, secteurs qui représentent environ 50 % de nos émissions de gaz à effet de serre, de l'écologie, de la protection de la biodiversité, de la cohésion des territoires. Sur les six ministres du pôle, quatre ont été maires, et deux sénateurs ; c'est un marqueur de notre méthode fondée sur la concertation.
Nous ne réussirons pas la transition sans les élus locaux : les mesures de décarbonation des transports ne seront pas pleinement efficaces sans relais local. Pour que le plan vélo soit déployé, il faut que des maires soient volontaires pour organiser des consultations préalables à la réalisation de pistes cyclables sécurisées. Il appartient aux autorités organisatrices de la mobilité de développer les transports en commun. Le Gouvernement peut appeler à la sobriété énergétique, mais ce sont les maires qui élaborent les plans locaux d'urbanisme (PLU) et les schémas de cohérence territoriale (SCoT). On ne conduira pas la transition contre les gens, en oubliant le volet social ! Un maire qui voudrait instaurer un tri sélectif ambitieux avec six types de poubelles sans expliquer les enjeux ni faire partager ses objectifs ne ferait que gaspiller de l'argent public. Nous devons lancer une impulsion, définir une ambition, mais toujours en associant la population. L'écologie doit être un objectif partagé, non un alibi pour relancer la lutte des classes ou pour justifier certains comportements qui desservent la cause...
Jamais le budget de la transition écologique n'avait autant augmenté. Il s'agit de crédits nouveaux et non d'un recyclage de crédits anciens. C'est bien, mais cela ne suffira pas. Pour être à la hauteur de nos ambitions dans le ferroviaire et les transports, il faudra plus que les 600 millions de crédits supplémentaires qui figurent dans la loi de finances initiale. Nous attendons l'avis du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), qui, après une large consultation, doit recenser les grandes infrastructures dont notre pays a besoin sur l'ensemble du territoire.
Je donnerai un autre chiffre : zéro, soit le nombre d'agents qui quitteront le ministère durant le quinquennat ! Trop souvent le ministère de l'écologie a servi de variable d'ajustement budgétaire, contribuant le plus à la réduction des effectifs de la fonction publique d'État, avec une perte en moyenne d'un millier d'agents par an depuis vingt ans. Au contraire, nous recréons des postes. La fin de mission de la Société du Grand Paris permettra de redéployer des centaines de postes vers certains opérateurs, comme l'Office français de la biodiversité (OFB), Météo-France, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), etc. L'Office national des forêts (ONF) n'est pas dans le périmètre du ministère, ses crédits relevant du ministre de l'agriculture, mais nous travaillons de manière étroite avec cet opérateur.
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité. - La transition écologique doit s'ancrer dans la ruralité. Les territoires ruraux ont un rôle à jouer. Vous savez à quel point je suis proche des élus locaux : j'ai déjà effectué 18 déplacements officiels pour rencontrer les élus, les associations, les professionnels, etc., et évaluer l'effet de l'Agenda rural, doté de 3 milliards d'euros, voté en septembre 2019. La Première ministre nous a demandé de parvenir à un diagnostic avant la fin de l'année et de définir un second souffle.
Je consulte les élus et les parlementaires dans le cadre de groupes de travail, parallèlement aux cinq groupes de travail thématiques placés sous l'égide du Conseil national de la refondation (CNR), pour aboutir à une feuille de route début 2023. Je travaille sur les zones de revitalisation rurale (ZRR), le ZAN, les déserts médicaux, les mobilités, l'accès aux services publics, à l'emploi dans les zones rurales et de montagnes, etc. Ces sujets sont transversaux et nous devons agir en interministériel : je travaille ainsi avec Agnès Firmin Le Bodo sur les déserts médicaux, avec Stanislas Guerini sur le numérique et l'accès aux services publics, etc. De même, je travaille avec le sénateur Bernard Delcros sur les ZRR. Je suis ouverte à toutes les propositions et j'organiserai une réunion avec les sénateurs qui le souhaitent sur le sujet. Je m'appuierai aussi sur les cinq rapports que vous avez cités.
M. Guillaume Chevrollier , rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux paysages, à l'eau, à la biodiversité, à l'expertise, à l'information géographique et à la météorologie . - La sévérité exceptionnelle de la sécheresse que nous avons connue cet été démontre une fois de plus la place centrale de la question de l'eau dans notre pays, au climat pourtant tempéré. Les événements du week-end dernier, dans les Deux-Sèvres autour de la retenue de Sainte-Soline, interrogent sur la montée des conflits d'usage, qui avaient été au coeur des réflexions des Assises de l'eau, du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique. Par ailleurs, plus d'une centaine de communes n'ont plus été en mesure de distribuer de l'eau potable à leurs habitants cet été ; elles ont dû être approvisionnées par camion-citerne. Enfin, une étude de l'Union des industries et entreprises de l'eau a chiffré à 4,6 milliards d'euros le déficit annuel d'investissement pour le petit cycle de l'eau. En tant que rapporteur budgétaire sur les crédits relatifs à l'eau, j'aimerais connaître les mesures que vous comptez mettre en oeuvre pour améliorer la gestion de l'eau en France. Comptez-vous élaborer une nouvelle loi sur l'eau ou porter un « plan Marshall » pour accroître la résilience hydrique de notre pays ? À ce titre, les 900 000 euros du PLF destinés à la déclinaison opérationnelle du Varenne me laissent quelque peu perplexe... Les agences de l'eau ont obtenu la possibilité de dépenser 100 millions supplémentaires, mais elles souhaiteraient la suppression du « plafond mordant » des redevances attribuées aux agences, tant les besoins sont élevés.
J'ai également un autre sujet de préoccupation, concernant la pollution de l'air. Le mois dernier, le Conseil d'État a considéré que les mesures prises par l'État ne garantissaient pas une amélioration de la qualité de l'air dans les délais les plus courts possible et l'a en conséquence condamné à verser deux astreintes de 10 millions d'euros. Le coût humain et économique de la pollution atmosphérique est colossal ; il s'agit d'un enjeu de santé publique de première importance. Ma question est simple : comment comptez-vous accentuer les efforts du Gouvernement afin que la France ne soit plus condamnée en manquement pour l'insuffisance des mesures prises pour améliorer la qualité de l'air ?
M. Hervé Gillé , rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux transports routiers . - Je souhaiterais quant à moi vous interroger sur la décarbonation du transport routier, mode le plus émetteur de gaz à effet de serre du secteur des transports, qui est lui-même le secteur le plus émetteur en France.
Ma première question porte sur l'adaptation des véhicules aux besoins de transport. En tant que rapporteur pour avis sur les crédits du PLF pour 2023 relatifs au transport routier, j'ai eu l'occasion d'entendre des chercheurs, mais aussi des représentants des constructeurs, sur la question des gabarits des véhicules neufs mis à la vente. Si, dans les années 1960, le poids moyen d'un véhicule automobile s'élevait à 800 kilogrammes, il atteint aujourd'hui environ 1,2 tonne de telle sorte que la voiture transporte à 92 % son seul poids. Dans le contexte actuel, il semblerait opportun d'encourager le développement de ce qu'on appelle les « véhicules intermédiaires » pour bon nombre de déplacements, comme les déplacements entre le travail et le domicile, qui sont en moyenne inférieurs à 15 kilomètres. Pour autant, et d'après les constructeurs, le risque serait de voir se développer une importation massive de ces véhicules qui ne sont, du moins pour l'heure, que rarement produits en France ou en Europe. D'après vous, comment résoudre cette équation et encourager le développement de véhicules plus légers ? Et quel bilan tirez-vous de la première année de mise en oeuvre du malus au poids ?
Ma deuxième question porte sur le déploiement des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Je me réjouis que le Gouvernement mette en valeur le prêt à taux zéro pour l'acquisition de véhicules propres pour les personnes physiques et morales domiciliées dans ou à proximité d'une ZFE-m, qui avait pourtant à l'époque été arraché de haute lutte par le rapporteur du texte « Climat et résilience » Philippe Tabarot. Pour autant, il me semble que les modalités retenues dans le décret d'application sont assez restrictives, comme le niveau du foyer fiscal de référence retenu, ou encore l'obligation d'être domicilié ou de justifier d'une activité professionnelle au sein de la ZFE-m, alors que la loi retenait seulement le critère de domiciliation à proximité. Afin d'accompagner le plus grand nombre de nos concitoyens dans le déploiement des ZFE-m, ne pourrait-on pas envisager d'assouplir ces critères ? Par ailleurs, pouvez-vous faire le point sur le déploiement de la lecture automatisée des plaques d'immatriculation, qui est une condition clé de la bonne mise en oeuvre d'une ZFE-m ? Vous avez réuni le premier comité interministériel sur le sujet. Vous misez beaucoup sur les comités de suivi. Quelles sont vos orientations en la matière ?
M. Jean-Michel Houllegatte , rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire . - Je vous interrogerai d'abord sur l'aménagement numérique. Le développement des réseaux numériques, à travers le plan France très haut débit et le New Deal mobile , relève certes de la compétence de Jean-Noël Barrot, qui est ministre de la transition numérique, mais je souhaitais cependant vous interroger sur deux points qui intéressent directement les territoires.
S'agissant du New Deal mobile , les remontées de terrain font état d'un problème récurrent : certains opérateurs peu scrupuleux profitent de l'arrivée à échéance de nombreux baux relatifs aux antennes mobiles pour racheter les infrastructures et imposer ensuite aux opérateurs de télécommunications un loyer très élevé. Le risque est alors de faire fuir les opérateurs et de créer des trous dans la couverture, voire des zones blanches. S'ils souhaitent remettre en cause ces conventions, les maires se trouvent obligés de verser des sommes importantes à l'opérateur d'infrastructures. Votre ministère a-t-il eu des remontées sur ce phénomène et quelles mesures pourriez-vous prendre ?
Je souhaiterais aussi vous interroger sur le dispositif « cohésion numérique des territoires » qui est piloté par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Le Gouvernement a acté le prolongement de ce dispositif destiné à apporter un soutien financier aux ménages qui ne bénéficient pas d'un débit internet suffisant, afin qu'ils se dotent d'une technologie sans fil ou hertzienne alternative à la fibre, que ce soit le satellite, la boucle locale radio, ou la 4G fixe. Où en est-on du déploiement de ce dispositif ? De même, les opérateurs nous ont alertés sur la situation de certains clients qui, bien qu'ils soient raccordables, ne peuvent être raccordés à la fibre sans effectuer au préalable des travaux sur leur domaine privé, par exemple en matière de génie civil ; or le coût de ces travaux peut être dissuasif. Serait-il envisageable d'étendre le périmètre du guichet pour faciliter ces raccordements et réduire ainsi le reste à charge de ces ménages ?
M. Frédéric Marchand , rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la recherche dans le domaine de l'énergie, du développement et de la mobilité durables . - Je souhaiterais vous interroger sur le soutien que le PLF prévoit d'apporter à la recherche en matière de transition écologique. Celui-ci constitue en effet un préalable indispensable à une transition écologique et énergétique qui soit juste et efficace. Les travaux menés par les opérateurs du programme, qu'il s'agisse du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ou de l'Université Gustave Eiffel, sont centraux dans la prise de décisions visant à atténuer le changement climatique. À ce titre, je salue l'augmentation de ces crédits d'environ 72 millions d'euros.
Néanmoins, ce budget ne devrait pas permettre de compenser les surcoûts liés à la hausse des prix de l'énergie, qui risquent de menacer la continuité des travaux de ces organismes de recherche. À titre d'illustration, la facture énergétique du CEA, qui s'élève à 70 millions d'euros, pourrait être multipliée par trois et atteindre 210 millions d'euros.
De plus, la subvention accordée à l'Institut polaire français Paul-Émile Victor (Ipev) sera sans doute insuffisante à la bonne conduite de ses opérations. Or les services rendus par l'Ipev sont indispensables à la poursuite de la recherche polaire, essentielle à une bonne compréhension du changement climatique. Cette question relève sans doute davantage du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, mais comment permettre à ces opérateurs de mener à bien l'ensemble de leurs travaux de recherche ?
M. Pascal Martin , rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la prévention des risques . - Je souhaiterais d'abord évoquer les effectifs de l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Après l'incendie des usines de Lubrizol et de Normandie Logistique à Rouen, le Gouvernement avait annoncé une augmentation de 50 postes sur deux ans, au sein des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal). Ainsi, 1 272 équivalents temps plein (ETP) sont budgétés.
Cependant, si je salue cette annonce budgétaire et cette promesse tenue, ces décisions se traduisent avec difficulté dans les faits. Ainsi, on observe de nombreuses vacances de ces postes au sein des Dreal et un manque d'attractivité de ses fonctions. Dans les réponses au questionnaire budgétaire rédigé par vos services, il est indiqué que 1 557 agents techniques étaient affectés fin 2020 au sein des services déconcentrés. Début 2022, ces agents techniques n'étaient plus que 1 529. Nous assistons donc à une érosion des effectifs et non à leur renforcement. Depuis trois ans, le ministère a donné des instructions qui ne pourront pas s'appliquer, faute de moyens ; cette situation m'inquiète.
En outre, nous peinons à obtenir une vision claire de ces vacances de postes et, lorsque nous interrogeons le secrétariat général de votre ministère, on nous répond qu'il est impossible de connaître le taux de vacances pour chaque Dreal. Je vous le demande donc : quel est le taux de vacances des postes d'inspecteurs des ICPE dans les Dreal ? Quels seront les effectifs réels en 2023 ?
J'en viens au nombre de contrôles conduits par ces inspecteurs dans les ICPE. Après l'événement de Rouen, le Gouvernement avait annoncé une augmentation de 50 % d'ici 2022, ce qui correspondait à un objectif de 27 300 visites annuelles. Cependant, l'an passé, seules 22 000 inspections ont eu lieu, sachant qu'afin d'atteindre ces chiffres, certaines ont été allégées. Cette année, vos services indiquent que l'objectif de 27 000 visites a été repoussé à 2023 « en raison des circonstances exceptionnelles dues à la crise sanitaire et des difficultés liées aux vacances de postes ». Comment expliquer cette situation ? Que comptez-vous faire pour remédier à ces difficultés ?
J'aimerais également évoquer la question du nouveau programme nucléaire, en ne prenant en compte que la politique de prévention des risques, la politique nucléaire ne relevant pas - vous l'avez précisé - du périmètre de votre ministère. La Commission nationale du débat public (CNDP), dont nous avons reçu il y a quelques jours la présidente, Chantal Jouanno, lancera prochainement une grande concertation sur le sujet. Pouvez-vous revenir sur l'organisation de cette concertation, son calendrier et le cap fixé ? Par ailleurs, les moyens de la CNDP vous semblent-ils en phase avec les enjeux actuels de la démocratie environnementale ?
Enfin, j'en viens à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et au programme 181 de la mission « Écologie ». Le PLF 2023 prévoit, et je le salue, un léger rehaussement des moyens de l'autorité avec un plafond d'emplois qui s'élève à 457 emplois fixes, contre 445 l'an passé. Toutefois, ces moyens humains semblent encore insuffisants au regard des enjeux énormes auxquels nous faisons face.
Comment envisagez-vous le rôle de votre ministère dans le lancement de ce nouveau programme nucléaire ? Quel rôle jouera-t-il dans le cadre du projet de loi qui sera prochainement déposé au Parlement ? Enfin, vous engagez-vous à respecter une trajectoire d'augmentation des effectifs de l'ASN dans les années à venir ?
M. Louis-Jean de Nicolaÿ , rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux politiques des territoires . - En ce qui concerne les collectivités territoriales et les programmes 112, 119 et 162, nous en avons largement discuté avec Mme Caroline Cayeux la semaine dernière, et je ne reviendrai pas sur leur financement.
Premièrement, au sujet de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), nous parvenons au terme des trois premières années de son fonctionnement, qui a été altéré par la période de confinement. Quel bilan peut-on tirer ? Cette agence a-t-elle atteint sa vitesse de croisière ? Ses responsabilités seront-elles étendues ? En vue d'une révision du contrat d'objectifs et de performance, une évaluation est-elle prévue ? Se fera-t-elle uniquement avec les services de l'État ? Les collectivités locales seront-elles associées ?
Deuxièmement, en ce qui concerne la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), et particulièrement la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) pour laquelle les parlementaires n'ont pas leur mot à dire, des incitations ont-elles été mises en place afin d'encourager la sobriété énergétique des communes et leurs investissements dans les énergies renouvelables ?
Troisièmement, des politiques publiques ont été mises en oeuvre, telles qu'Action coeur de ville ou Petites villes de demain, pour lesquelles les maires attendent des garanties de financement jusqu'à 2026 ; sont-elles prévues ?
Enfin, pour ne pas oublier Mme la secrétaire d'État : qu'en est-il de l'agenda rural pour 2023 ? Quelles politiques sont prévues dans ce cadre ? Pourriez-vous revenir sur les zones de revitalisation rurale (ZRR), qui font l'objet de nombreux rapports et doivent encore être définies ?
Mme Évelyne Perrot , rapporteure pour avis sur les crédits relatifs aux transports aériens . - Afin de désenclaver nos territoires, et plutôt que d'avoir recours à des lignes aériennes régulières peu fréquentées ou trop déficitaires, que pensez-vous, monsieur le ministre, du développement de trajets aériens « à la demande », qui s'effectueraient dans de petits avions décarbonés ? Les avions électriques ou à hydrogène pourraient en effet devenir le mode de transport le plus propre, surtout si l'on considère qu'ils ne nécessitent qu'une infrastructure minimale au sol.
Par ailleurs, sur le thème en vogue des jets privés et plus précisément de l'aviation non commerciale, pourriez-vous rappeler les tenants et aboutissants de la mesure adoptée par les députés sur l'augmentation des taxes sur les carburants d'aviation ? Qui est concerné ? Quel sera l'impact d'une telle mesure ?
M. Philippe Tabarot , rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes . - Vous connaissez bien les sujets qui me préoccupent, monsieur le ministre, puisque vous avez été un excellent président de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf).
D'abord, nous attendions mieux et plus du budget 2023, pour soutenir le développement du transport ferroviaire et du transport fluvial.
En ce qui concerne le transport ferroviaire, lorsque j'ai interrogé le ministre chargé des transports sur la ventilation de l'augmentation de l'enveloppe consacrée aux infrastructures, il a indiqué qu'environ 150 millions d'euros supplémentaires seraient affectés au réseau ferroviaire en 2023. Cependant, cette somme permettra de mener des opérations de régénération du réseau sur 90 kilomètres supplémentaires, quand la longueur totale de notre réseau est d'environ 29 000 kilomètres ! Ce coup de pouce - vous comprendrez qu'on ne peut parler ici de « relance » ou de « soutien massif » - nous permettra-t-il d'atteindre nos objectifs ambitieux en matière de développement du mode ferroviaire ?
J'ai bien noté également que certains de nos collègues députés avaient adopté un amendement visant à abonder le soutien au transport ferroviaire à hauteur de 3 milliards d'euros ; je me demande quelle suite lui sera réservée.
Pour finir sur cette question, il me semble, monsieur le ministre, que vous devriez vous engager sur une loi d'investissement pluriannuelle. Vous me répondrez sans doute en évoquant le Conseil d'orientation des infrastructures (COI), dont je fais partie, qui a bien travaillé et continuera de le faire. Mais c'est aux politiques de prendre des décisions, et de faire en sorte que soient financés certains investissements indispensables. À ce titre, le contrat de performance a refroidi les espoirs qu'avaient suscités votre arrivée et votre envie de faire du ferroviaire une priorité. Tant que ce contrat n'aura pas été révisé, qu'une loi pluriannuelle sur le transport n'aura pas été préparée, nous n'avancerons pas et nous ne parviendrons plus à vous croire.
En ce qui concerne la situation de Voies navigables de France (VNF), je salue l'augmentation des fonds alloués au transport fluvial ainsi que vos efforts en matière d'investissements. Cependant, chaque année, on réduit les effectifs sous plafond d'emplois. Je comprends la nécessité de redéployer du personnel dans certaines administrations, mais j'ai l'impression que cela tombe chaque année sur VNF. Ainsi, l'organisme a perdu 92 ETP en 2020, 99 en 2021, 30 en 2022 et 40 en 2023. Certes, les projets de modernisation devraient permettre de réduire la présence physique dans certains sites, mais une telle diminution interroge et semble excessive, même si je comprends ce que vous avez souhaité impulser au niveau de nos politiques publiques.
M. Christophe Béchu, ministre. - Monsieur le Président, votre première question portait sur la diplomatie environnementale, alors que nous préparons la COP 27 sur le climat et la COP 15 sur la biodiversité. Ces rendez-vous sont cruciaux et, si la diplomatie est indispensable dans tous les domaines, elle l'est d'autant plus quand nos choix et nos actions ont des conséquences directes sur nos voisins.
Le monde continue à augmenter ses émissions de gaz à effet de serre (GES). De plus, tous les rapports montrent qu'en l'absence d'un sursaut, l'Accord de Paris comme les décisions prises à Glasgow appartiendront bientôt au passé. Le covid avait offert un répit en termes d'émissions, mais celles-ci ont repris et dépassent, à l'échelle mondiale, leur niveau d'avant la pandémie.
Dans ce contexte, un seul continent a commencé à baisser ses émissions : le nôtre. Nous nous rendons à Charm el-Cheikh forts de cette avancée, mais pas dans l'intention de donner des leçons. En effet, nous appartenons à un club de pays ayant grandement contribué au réchauffement au cours de notre histoire. De plus, nous n'avons pas atteint le rythme qui devrait être le nôtre pour atteindre l'objectif de 55 % de réduction de nos émissions d'ici 2030 - sans parler de la neutralité carbone à l'horizon 2050.
La France suit cette ligne : l'objectif de + 1,5 degré doit être maintenu. Cette ligne nous oblige à agir, à être ambitieux et à crédibiliser les stratégies de décarbonation. J'attire par exemple votre attention sur le fait que les mesures prises sur les moteurs thermiques à l'horizon 2035 constituent l'un des éléments de crédibilité de la feuille de route de l'Union européenne quant à la diminution de notre dépendance aux énergies fossiles.
Je voudrais également mentionner une mesure, qui ne coûte rien, mais dont l'impact est considérable : la suppression de la garantie que la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface) pouvait apporter, dans le cadre d'opérations visant à trouver de nouveaux gisements d'énergies fossiles. Désormais, le Gouvernement n'aura plus de lien avec les opérations liées à la recherche d'énergies fossiles.
À Charm el-Cheikh, nous profiterons de la journée du 16 ou du 17 novembre pour travailler sur la question de la biodiversité et renforcer nos chances de parvenir à un accord en vue de la COP 15, qui ne se présente pas sous les meilleurs auspices.
En ce qui concerne la COP 27, un certain nombre d'acteurs pensent qu'après Paris et Glasgow et dans le contexte actuel, au moment de la reprise et avec la guerre, il s'agira plutôt d'une COP de transition que d'une COP d'engagement.
Cela ne peut être le cas de la COP 15 qui sera cruciale, et que nous avons en ligne de mire depuis des années. Notre ambition est de parvenir à établir des objectifs mesurables et quantifiables, ainsi qu'un calendrier. Avec le Costa Rica, la France anime une coalition à la ligne ambitieuse. Nous sommes 105 pays et défendons l'objectif « 30x30 », soit 30 % des terres et 30 % des mers faisant l'objet d'une préservation à l'horizon 2030. Nous nous heurtons à l'hostilité de certains pays dont la Chine, qui présidera cette COP - déplacée au Canada pour des raisons liées au covid. La Chine a déjà affirmé qu'il était hors de question pour elle de s'engager à la protection de ses eaux maritimes, compte tenu de ses besoins stratégiques. Je donne cet exemple, mais le reste est à l'avenant.
Néanmoins, jusqu'au début de cette COP en décembre, nous devons maintenir la pression afin d'obtenir des avancées sur ce sujet essentiel. Je ne vais pas revenir sur la sixième extinction, mais je me permets de rappeler que même dans notre pays, 18 % des 14 000 espèces avec lesquelles nous vivons sont menacées.
J'en viens à l'objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN). Je veux remercier le Sénat, sans ironie, parce que la toute première question au Gouvernement qui m'a été posée portait ici sur ce sujet. J'ai pu mesurer sur ce sujet à quel point le relais dont vous disposez sur les territoires est fin et vous permet d'être précurseurs.
Nous avons déjà accompli un certain nombre de choses. D'abord, dès le début du mois d'août, j'ai demandé aux préfets d'arrêter d'appliquer par anticipation les décrets du 29 avril, dont j'avais souligné la nécessaire réécriture dès le milieu du mois de juillet.
Comme prévu, les conférences des schémas de cohérence territoriale (SCoT), dont nous ne pouvions déplacer la date fixée au 22 octobre en raison de son inscription dans la loi, ont permis de constater qu'il n'y avait nulle part le moindre accord et que, dans ces conditions, il fallait définir la territorialisation du ZAN dans le cadre des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet).
Dans l'intervalle, la consultation a commencé au Sénat. J'ai rencontré fin août des membres de la commission des affaires économiques et de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, et j'ai pu échanger avec les membres du groupe de travail rassemblant des sénateurs de quatre commissions. Par ailleurs, j'ai rencontré les députés et reçu les principales associations d'élus locaux. Lors de ces entretiens, j'ai affirmé que nous ne remettions pas en cause l'ambition du ZAN, mais que certains éléments devaient être revus en matière de méthode. Le décret sur la nomenclature est acté et j'attends pour le mois de novembre le retour des agences d'urbanisme qui ont travaillé avec des villes pour reprendre toutes les caractéristiques du décret, en conserver les bons éléments tout en se montrant attentives à ce qui pourrait se décider dans le cadre de la loi d'accélération des énergies renouvelables.
Par ailleurs, un consensus émerge sur la nécessité pour les collectivités d'avoir un compté à part pour les projets d'importance nationale comme le canal Seine-Nord Europe ou le grand projet ferroviaire du Sud-Ouest. On ne peut ajouter un handicap en termes de surface aux retards liés à de grandes opérations de désenclavement ou à des opérations majeures qui doivent permettre de décarboner une partie de nos transports. Cela viendrait menacer les objectifs que nous poursuivons.
En outre, il nous faut corriger dès maintenant un certain nombre d'éléments, notamment en ce qui concerne l'application du solde.
Enfin, quelques questions périphériques se posent. Ainsi, les régions se disent prêtes à la discussion, mais le temps dont elles disposent sera court. En effet, nous n'avons pas encore stabilisé les textes et la période prévue entre le 22 octobre et le 22 février pourrait donc commencer plus tard et durer moins longtemps.
D'autres sujets devront être pris en compte, comme la manière d'assurer que le ZAN ne se fasse pas sur le dos des plus petites communes et que la répartition de l'effort soit juste.
Enfin, j'en viens à la question du financement et de l'accompagnement des collectivités. Je dois revoir Jean-Baptiste Blanc, rapporteur du groupe de travail du Sénat, sur la question des évolutions de la fiscalité. Nous réfléchissons beaucoup aux façons d'aider les maires à rendre moins onéreuse la dépollution des friches, mais pas assez aux manières de rendre plus chère l'artificialisation des terres. Si l'on s'oppose à l'étalement urbain, on peut se poser la question d'une forme de fiscalité qui augmenterait le coût de cette artificialisation et fournirait des moyens aux collectivités pour financer des opérations de renaturation et de dépollution.
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État. - En ce qui concerne les ZRR, elles ont été prorogées jusqu'au 31 décembre 2023 et, dès mon arrivée au Gouvernement, Christophe Béchu m'a mandatée pour travailler sur plusieurs documents, dont le rapport de la sénatrice Frédérique Espagnac et du sénateur Bernard Delcros. Ainsi, dès le mois de juillet, j'ai organisé une première réunion de travail et d'autres ont suivi, qui ont associé M. Philizot, qui a porté les ZRR sur les fonts baptismaux en 1995. Ce dernier a accepté la mission que je lui ai confiée pour nous accompagner, avec la direction générale des collectivités locales (DGCL), qui travaille à des simulations sur ce que pourraient être les ZRR à partir de janvier 2024.
Nous sommes donc au début d'un travail que nous conduisons avec monsieur Philizot, la DGCL et les parlementaires, dont nous recevrons une délégation d'ici deux semaines. Par ailleurs, j'ai interpellé le président du Sénat sur la possibilité qu'un groupe ruralité nous accompagne pendant quelques mois. Mais je verrai autant de fois que vous le souhaiterez les membres des groupes politiques et des commissions afin de travailler avec eux. Enfin, je vous invite à prendre contact avec mon cabinet, si vous souhaitez être associés de façon étroite à nos travaux.
M. Christophe Béchu, ministre. - J'en viens au sujet de l'eau et de l'air, qui est aussi pertinent dans la ruralité que dans les villes, et sur lequel le sénateur Chevrollier m'a posé deux questions.
D'abord, sur l'eau, je n'envisage pas de loi à ce stade parce que je considère que les dispositifs existants offrent une grande marge d'amélioration. De plus, le temps que nous mettrions à écrire une telle loi nous détournerait de nombreuses mesures que nous devons mettre en place dès maintenant, et pour lesquelles les difficultés peuvent être budgétaires et réglementaires, mais pas législatives.
Notre cadre d'action est fixé par les Assises de l'eau, qui se sont tenues en 2019, et le Varenne agricole de l'eau de 2021. En un an et demi, nous n'avons pas réussi à diminuer le niveau des prélèvements agricoles alors que des feuilles de route sont établies filière par filière. Il ne s'agit pas d'un défaut de diligence de la part des agriculteurs ou des législateurs, mais lorsqu'on fixe une ambition, il faut un minimum de temps pour que les choses adviennent.
Il est vital que notre agriculture puisse consommer moins d'eau, afin de préserver la ressource, de sécuriser notre alimentation et d'éviter d'avoir recours à des importations de produits ayant généré des émissions importantes et pouvant s'avérer mauvais pour la santé. En effet, peu de pays se montrent aussi regardants que le nôtre sur les conditions de production.
Le 29 septembre dernier à Marseille, dans une configuration inédite, avec les ministères de la santé et de l'agriculture, nous avons réuni le Conseil national de l'eau, les acteurs de la gestion de la ressource, les préfets et les élus. Il s'agissait de revenir sur la sécheresse de l'été et d'exposer nos pistes de travail. Ces acteurs doivent rendre à la fin de l'année une liste de propositions concrètes.
La sécheresse de cet été a résulté de dix mois de déficit pluviométrique et d'un mois de juillet ayant battu tous les records, avec 88 % de pluie en moins par rapport à un mois de juillet normal.
Nous avons tiré une première leçon et pris un décret qui permet de surveiller les étiages pendant l'hiver et de prendre les décisions qui s'imposent. Je rappelle que cinquante départements appliquent encore des arrêtés de restriction à l'heure où nous parlons. Par ailleurs, la quasi-totalité des départements n'ont pas retrouvé les niveaux d'eau habituels. Des écarts demeurent particulièrement préoccupants, notamment en ce qui concerne le niveau de la Loire, mais aussi en Bretagne, où la situation est particulièrement complexe.
Face à ce problème, il faut d'abord cibler les pertes qui adviennent sur nos réseaux d'eau potable, et qui représentent 20 % en moyenne. Une réduction totale de ces pertes ne serait pas un objectif réaliste, mais les taux de perte des réseaux variant de 5 à 70 %, des marges d'amélioration existent.
Je ne suis pas certain que les solutions qui s'imposent plairont à tout le monde. Dans un certain nombre de cas, la quasi-totalité des communes privées d'eau potable géraient seules leur eau, sans interconnexion. En outre, les plus menacées, pour lesquelles il aura fallu distribuer des bouteilles d'eau en plastique à grande échelle, souffraient souvent d'un manque d'interconnexion et parfois d'investissement, expliquant l'état des réseaux. On peut se targuer de distribuer l'eau la moins chère de France, mais il faut apprendre à se poser la question de sa disponibilité. En effet, si l'eau la moins chère n'est disponible que neuf mois sur douze, on ne peut s'en réjouir. Et si les syndicats ou la commune doivent ensuite payer l'eau potable pour l'ensemble des habitants, il faut intégrer le coût de ces conséquences.
J'en viens à la réutilisation des eaux. Celle-ci constitue un enjeu majeur, car nous ne réutilisons que 0,8 % de nos eaux usées, dix fois moins qu'en Italie, vingt fois moins qu'en Espagne et cent fois moins qu'en Israël. Nous avons d'importantes marges de progrès pour faire au moins aussi bien que les Italiens : arroser des massifs avec de l'eau potable a de quoi nous interpeller ! Il faut amplifier notre action, métier par métier et en lien avec les professions concernées, pour diminuer la consommation d'eau.
Après l'eau, j'en viens à l'air. Vous avez mentionné la condamnation de la France le 17 octobre 2022. Le 14 octobre, le rapport annuel sur la qualité de l'air faisait état d'une amélioration, raison pour laquelle l'arrêt du Conseil d'État ne conclut pas à une augmentation des astreintes. Nous avions 13 agglomérations en dépassement en 2017, 8 en 2020, 5 en 2021 et seulement 3 en 2022. Les zones à faibles émissions (ZFE) fonctionnent. Ainsi, à l'intérieur du périmètre de l'A86, 50 000 habitants sont passés sous le seuil. La difficulté est de mettre en place ces zones sans octroi et sans barrages qui donneraient l'impression que les gueux roulant au diesel ne sont pas admis dans des villes peuplées de bourgeois à vélo. Une telle lecture dresserait de nouveau les Français les uns contre les autres.
M. Rémy Pointereau . - N'oubliez pas les gilets jaunes !
M. Christophe Béchu, ministre . - L'objectif, je le rappelle, est d'éviter des morts liées à la pollution atmosphérique.
Il ne faut pas altérer la mobilité et donc proposer des solutions de remplacement, ce qui implique d'investir dans les transports en commun et de développer des alternatives, en centre-ville, à la voiture. Le plan vélo accompagne les territoires - le vélo à assistance électrique permettant d'augmenter la distance qu'on peut parcourir. Les 250 millions d'euros investis l'an dernier, soit un doublement du rythme moyen annuel du premier plan, illustrent notre ambition et favorisent la pratique du cycle, qui a augmenté de 39 % depuis le covid.
Dans ce cadre, la décarbonation des véhicules repose notamment sur le changement de motorisation. Cependant, électrifier trop vite reviendrait à subventionner l'industrie chinoise, qui fabrique à bas coût des véhicules électriques dans des usines alimentées au charbon. À court terme, je souhaite un plan massif en faveur du covoiturage. Deux exemples intéressants sont Rouen et Angers, où l'on observe un doublement mensuel du nombre de covoitureurs, qui y sont rémunérés. Que l'État appuie ce genre de dispositif aurait du bon. C'est le seul moyen à court terme, sans acquisition de véhicules ni déploiement de bornes, de lutter contre l'autosolisme. En effet, en 40 ans, nous sommes passés en moyenne de 2,3 à 1,6 personne par véhicule. Plus de 90 % des trajets vers le lieu de travail se font en solitaire. Le covoiturage abaisse immédiatement les coûts et les émissions de carbone.
Un autre levier est le rétrofit, c'est-à-dire le changement du moteur d'un véhicule. Monsieur Gillé, construire une voiture consomme 2 tonnes de pétrole : ne jetons pas toutes celles qui existent déjà.
Par ailleurs, la question du poids est déterminante : l'abrasion est une pollution atmosphérique en elle-même, qui pourrait être prise en charge avec la norme Euro 7. Nous militons pour qu'elle ne s'applique pas qu'aux véhicules thermiques et qu'il n'y ait pas de nouvelle mesure sur les moteurs, pour éviter un contre-signal à l'industrie.
Il est encore trop tôt pour vous faire un retour sur le malus, qui ne date que du 1 er janvier : 300 millions d'euros sont entrés dans les caisses au 31 août, mais nous n'avons pas encore d'informations sur l'aggravation du malus écologique et sur la taxe pour les véhicules pesant plus de 1,8 tonne.
Le prêt à taux zéro (PTZ) pour l'acquisition de véhicules propres ne commencera qu'au 1 er janvier 2023 : une année de recul semble utile avant de se prononcer dessus. Un rapport législatif souligne l'intérêt d'une garantie de l'État pour éviter les refus de PTZ de la part des banques, notamment pour les ménages ayant déjà atteint les 30 % de capacité d'emprunt et alors que la hausse des taux d'intérêt augmente la prudence des établissements bancaires. La couverture à hauteur de 50 % pour le microcrédit existe déjà, mais le PTZ est plus ambitieux, car il s'applique aussi à la location de longue durée - le leasing - et est mobilisable pour de l'occasion.
Pour les véhicules d'occasion, la somme des primes diminue largement le reste à payer. Ainsi, un ménage trouvant un véhicule d'occasion à 10 000 euros peut bénéficier de la surprime ZFE de 1 000 euros, des 7 000 euros annoncés par le Président de la République sur le bonus écologique et de la prime à la conversion. Pour gagner en précision sur le PTZ, le critère lié à la domiciliation à proximité s'entend désormais comme la résidence à l'intérieur de la commune ou le fait de travailler dans le secteur.
Si vous deviez modifier ces dispositifs, je vous indique que la durée de l'obligation de conservation de deux ans me semble courte pour un véhicule ayant bénéficié de plusieurs milliers d'euros de primes. Imposer une durée plus longue serait de meilleure politique. En outre, inclure le barème pour les entreprises permettrait de prendre en compte le poids. L'imposition sur les seuls chevaux fiscaux ne suffit pas pour inciter à la sobriété. En outre, activer ce levier peut se faire sans coût pour l'État.
Nous lançons le marché des radars pour la lecture des plaques d'immatriculation. Aucun n'est encore déployé, il faut lancer l'homologation pour que les collectivités qui le souhaitent fassent respecter les ZFE. Cela dit, une commune peut d'ores et déjà conduire des opérations de vérification et rien n'empêche les agents de surveillance de la voie publique (ASVP) d'intervenir.
Il me semble paradoxal d'en imputer la faute à l'État, en déplorant que les radars ne soient pas encore déployés tout en alertant sur le risque d'explosion sociale, alors que nous donnons aux maires les moyens de décider des politiques sur leur territoire. Ce sont eux qui décident des amplitudes, des exclusions, du rythme et des procédures d'accompagnement. Ainsi, à Lyon, l'interdiction est valable 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 alors qu'à Paris elle ne s'applique ni le soir ni le week-end, tandis que Strasbourg a émis un carnet de circulation permettant aux petits rouleurs d'aller 24 fois en centre-ville. La lecture de la plaque d'immatriculation permet d'enregistrer les véhicules exclus de la verbalisation dans la base de données.
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État. - Vous avez mentionné la spéculation sur les infrastructures de téléphonie mobile. Dans les zones blanches et en ruralité, les pylônes sont mutualisés, mais chaque opérateur y place ses équipements, dont la durée d'amortissement est plus longue que celle - 12 ans - du pylône. Le propriétaire de celui-ci peut donc imposer le loyer qu'il souhaite. Nous recherchons une solution avec Jean-Noël Barrot. Le dispositif de la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France est trop fragile. Je propose de revenir vers vous dans les deux mois.
Vous avez rappelé à quel point l'aide majorée à 300 euros, et même jusqu'à 600 euros pour les plus modestes, pour l'obtention d'un débit supérieur à 30 mégabits par seconde, fournie dans le cadre du guichet de cohésion numérique des territoires, est cruciale. Vous en demandez l'élargissement : ce n'est pas ce que nous étudions actuellement. Toutefois, sur la couverture mobile, 971 sites ont été notifiés aux opérateurs et 322 mis en service. Environ 600 doivent donc encore être déployés. Nous sommes satisfaits par ce New Deal mobile : avec ces futurs relais, on atteindra environ 90 % de couverture.
M. Stéphane Demilly . - Vous parlez bien de 90 % de la population, pas du territoire !
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État. - Oui. Il est en effet frustrant d'être coupé lorsqu'on circule entre deux villages, dans des zones sans population. La technologie satellitaire complétera cependant cette couverture.
Sur le très haut débit fixe, l'État assure un soutien de 3,58 milliards d'euros pour une couverture intégrale du territoire dès 2025, sur laquelle l'État a noué des partenariats avec les conseils départementaux. Même avec une vitesse inégale de déploiement, l'offre de haut débit fixe et la fibre optique progressent, y compris dans les territoires ruraux. Comme je vous l'ai indiqué, la technologie satellitaire complétera, y compris en montagne, dans des crevasses par exemple, la 4G et le haut débit fixe.
M. Christophe Béchu, ministre. - Monsieur Marchand, sur la recherche, le dispositif amortisseur d'électricité vaudra pour toutes les administrations. De plus, le 27 octobre, 300 millions d'euros complémentaires ont été dégagés spécifiquement pour les universités.
Sylvie Retailleau annonce en ce moment même une bonne nouvelle pour l'institut polaire à la commission de la culture de l'Assemblée nationale : les crédits, notamment réclamés dans une récente tribune, seront au rendez-vous.
Monsieur Martin, vous connaissez par coeur le dossier des ICPE sur lequel vous m'avez questionné, au point que vous avez repris les éléments que mon administration vous a transmis, et sur lesquels je vais m'appuyer pour vous répondre... Pas moins de 1 089 ETP de mon ministère sont mis à la disposition des Dreal, mais d'autres sont issus du ministère de l'agriculture : la consolidation de ces chiffres est à l'origine des incertitudes. Pour ce qui relève de mon ministère, ce nombre augmentera de 20 ETP l'an prochain, après une première hausse de 30 cette année, en raison de notre ambition de renforcer les contrôles. Ainsi, de 18 000 inspections en 2018, nous sommes passés à 22 000 en 2021. Nous n'atteindrons pas les 27 000 cette année, car les recrutements se poursuivent, mais c'est mon objectif pour 2023.
La Commission nationale du débat public (CNDP) voit ses moyens augmenter d'un demi-million d'euros compte tenu de l'importance de ses missions et à la suite des échanges que j'ai eus avec Chantal Jouanno, sa présidente.
L'Autorité de sûreté nucléaire voit aussi ses postes augmenter, de six en 2023 conformément à sa demande. Ce renforcement pluriannuel se poursuivra.
Monsieur de Nicolaÿ, ma collègue Caroline Cayeux, ancienne présidente de l'ANCT, vous a abondamment répondu précédemment sur cette agence. Toutefois, je laisse Dominique Faure vous apporter des précisions complémentaires.
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État . - Le contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'ANCT comportait trois objectifs pour la période 2021-2023. Les indicateurs sont excellents, reste à mesurer l'efficacité de son action en rencontrant les élus locaux.
Le premier objectif était la mise en oeuvre de programmes nationaux, comme le plan « Petites villes de demain », et le déploiement du numérique, au service des collectivités territoriales. Le deuxième est l'ingénierie sur mesure, dont j'ai entendu du bien lors de chacun de mes déplacements sur le terrain. Le troisième est l'animation des acteurs : ainsi, le réseau des 1 600 petites villes de demain est extraordinairement dynamique et fertile.
Alors que nous avions à peine atteint ces objectifs en 2021, nous les dépassons en 2022. Les budgets sont déjà prévus pour les programmes phares « Action coeur de ville » et « Petites villes de demain », respectivement jusqu'à 2023 et 2026.
Pour répondre aux inquiétudes quant aux difficultés d'obtention de prêts de certaines mairies, je rappelle que la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) représente 570 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 1,2 milliard d'euros pour la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et 2 milliards d'euros pour le fonds vert en investissement. Le financement des infrastructures en ruralité n'est donc pas un problème, même si un autofinancement de 20 % restera nécessaire.
M. Christophe Béchu, ministre . - Madame Perrot, sur les jets privés, le texte qui vous est proposé aligne la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) du kérosène de l'aviation d'affaires sur celui de l'aviation de loisir et du transport routier, soit une hausse de 70 %.
Sur les avions dits propres, on nous annonce les premiers avions électriques pour 2025 - je renvoie aux articles de presse sur ce sujet qui mentionnent une start-up toulousaine. Airbus annonce un avion à hydrogène au mitan des années 2030, même si d'autres avionneurs estiment cela trop ambitieux.
L'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), à Montréal, a adopté une feuille de route vers la décarbonation il y a quelques jours. Il y a une prise de conscience, notamment des clients, et une attente pour décarboner tous les transports, qui représentent 30 % des émissions mondiales. Même si les deux tiers sont émis par les voitures, les émissions les plus importantes au kilomètre sont celles de l'avion.
Vous avez raison monsieur Tabarot, 150 millions d'euros ne font pas un grand soir ferroviaire. Le rendez-vous est pour bientôt, quand nous aurons le rapport du COI, mais aussi la planification écologique au sens large. Vous avez mentionné les 3 milliards d'euros votés par l'Assemblée nationale : si l'amendement a bien reçu une majorité en sa faveur, l'Assemblée a constaté au moment du vote que le gage avait déjà servi pour financer la progression des crédits sur la rénovation. Le dispositif n'a donc pu être intégré au texte faute de gage, indépendamment du recours au troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution.
Comment ventiler les nouveaux crédits ? C'est l'enjeu de la planification écologique que de chiffrer les coûts financiers, mais aussi les gains en carbone. Les besoins sont gigantesques, mais tous les investissements ne se valent pas. La régénération du réseau est cruciale, car elle évite d'arrêter des lignes, mais les travaux nouveaux doivent être mûrement réfléchis. Les RER métropolitains sont ainsi les plus favorables au report modal, mais il faut aussi intégrer le paramètre de la distance parcourue dans d'autres zones, avec les petites lignes. J'ai demandé à mes services un chiffrage pluriannuel à la fois climatique et budgétaire, afin que la feuille de route de planification écologique que présentera la Première ministre soit à la hauteur des enjeux. Ni 150 millions d'euros ni 3 milliards d'euros n'y suffiront.
Enfin, les effectifs de VNF baissent, mais moins que ce que le plan pluriannuel prévoyait. Les suppressions pour 2023 ne sont donc que la conséquence de l'automatisation des écluses. Nous réfléchissons actuellement à la trajectoire pluriannuelle : on ne peut pas continuer à supprimer les postes de nos opérateurs sans examiner leurs missions. Je rappelle que le plan prévoyait initialement 80 suppressions de poste.
Mme Patricia Demas . - Le dispositif des conseillers numériques France services, qui accompagnent les personnes éloignées du numérique, est désormais rattaché à la mission « Transformation et fonction publiques », ce dont je me réjouis, car cela répond à la demande des élus. Selon la documentation budgétaire, 44 millions d'euros financent leur pérennisation pour 2023. Cette enveloppe correspond-elle à des recrutements ou à une prolongation de la prise en charge de l'État à effectif constant ? Jusqu'à quand cette prise en charge se poursuivra-t-elle et quel est le bilan des 2 dernières années ?
Par ailleurs, les centres de soins de la faune sauvage, dont celui des Alpes-Maritimes, qui m'a saisi, sont importants pour les espèces protégées et menacées, mais ne bénéficient d'aucun financement pérenne de l'État. À la suite de l'audit réalisé à l'été 2022 par l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd), pouvez-vous nous rassurer sur la création d'une ligne budgétaire dans le prolongement de l'annonce du fonds vert, doté de 2 milliards d'euros ?
Enfin, quelles sont les cibles prioritaires du fonds vert et comment les communes rurales, qui manquent bien souvent d'ingénierie, pourront-elles y prétendre ?
M. Fabien Genet . - Madame la secrétaire d'État, la cohésion des territoires fait partie de vos attributions. Qu'en est-il de la cohésion des propositions du Gouvernement sur la décarbonation ? Alors que beaucoup de citoyens évoluent sur ce sujet, il y a un paradoxe entre la promotion que vous faites du véhicule électrique et l'appel à la sobriété énergétique lié au fait que le Gouvernement ne pourrait pas garantir l'accès de toute la population à l'électricité cet hiver. Une fin du moteur thermique en 2035 est-elle crédible ? Comment favoriser son acceptabilité ?
Ensuite, la prédation du loup sur les troupeaux domestiques est avérée en Saône-et-Loire depuis 2019, avec des épisodes violents en 2020 dans le Charolais et en 2021 dans le Clunisois, et une dizaine d'attaques en 2022 attribuées au loup. Le maillage bocager de nos territoires rend les exploitations particulièrement difficiles à protéger, d'où le désespoir et la colère des éleveurs. L'État autorisera-t-il les tirs de défense simple dans de meilleures conditions ? Les louvetiers et la brigade mobile d'intervention auront-ils plus de moyens ? Prévoyez-vous une évolution du statut juridique des chiens de troupeaux et une meilleure prise en compte de la valeur réelle des pertes ? Le Président de la République est intervenu sur le statut de la protection du loup dans la convention de Berne et la directive Habitat : la France demandera-t-elle que le loup passe du statut d'espèce strictement protégée à celui d'espèce protégée ?
Enfin, votre volonté d'agir vite sur l'eau peut-elle aboutir à davantage de subventions des agences de l'eau au profit des travaux d'amélioration des réseaux ?
Mme Angèle Préville . - Avec la fin du véhicule thermique, nous allons passer d'une dépendance au fossile à une dépendance au cuivre. Comment anticipez-vous ce basculement ?
Le fonds vert comprend 1,8 milliard d'euros à destination des départements. Selon quelle répartition ? Est-ce une simple division par 100, soit 18 millions d'euros par département ? Comment la population est-elle prise en compte ? Le Lot, mon département de 170 000 habitants, risque de ne pas obtenir grand-chose...
Ensuite, nous avons dépassé cette année deux limites planétaires : dès janvier, celle de l'introduction de nouvelles entités chimiques dans l'environnement et, en mai, celle du cycle de l'eau douce, car les sols ne retiennent plus l'eau à cause de la monoculture, de la déforestation et du changement climatique. Comment envisagez-vous ces deux sujets ?
Le changement climatique touche particulièrement ma région d'Occitanie. Je siège au comité de bassin Adour-Garonne : nous avons déjà perdu 20 % de pluviométrie, ce qui correspond aux projections pour la France entière en 2040. Nous subissons une sécheresse sévère, et les températures d'octobre ont eu des conséquences importantes sur la région. Comment répondrez-vous à ces difficultés ?
Par ailleurs, j'attire votre attention sur les micropolluants de l'eau : des vêtements de sport contiendraient du bisphénol A, perturbateur endocrinien, alors qu'ils sont portés par des jeunes, avec des conséquences graves comme des pubertés précoces.
Enfin, des pourparlers sont en cours à Charm el-Cheikh sur un traité contraignant relatif la pollution plastique. Comment interviendrez-vous en Égypte alors que ce pays est un des premiers pollueurs de la Méditerranée, dont la concentration en microplastiques est équivalente à celle des gyres océaniques ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État . - Madame Demas, les 44 millions d'euros correspondent à un objectif de recrutement de 4 000 conseillers numériques, mais seuls 3 600 recrutements ont effectivement eu lieu. Le budget 2023 tend à pérenniser ces effectifs, mais nous travaillons sur l'après. Les maisons France services et les conseillers effectuent un travail remarquable de lutte contre l'isolement. Laissons-nous l'année 2023 pour envisager la suite.
M. Christophe Béchu, ministre . - Sur les refuges, nous attendons une étude sur un refuge marin, pour lequel nous disposerons d'éléments fin mars. La pérennisation des espèces est aussi au coeur de nos discussions avec les gens du cirque, car une partie de ces refuges accueillera les animaux sauvages. Nous les avons rencontrés à Bercy, avec Olivia Grégoire, pour discuter des barèmes d'indemnisation et de la cessation d'activité. Il en est question dans la stratégie nationale biodiversité 2030 (SNB), mais pas dans le PLF pour 2023 proprement dit. Les crédits seront abondés de manière marginale, par exemple par le loto de la biodiversité.
Le fonds vert est doté de 2 milliards d'euros. Plutôt que des appels à projets, nous préférons déconcentrer les fonds à l'échelle des préfectures pour que l'utilisation des sommes soit la plus rapide possible. C'est un nouveau dispositif, même s'il prend la suite du plan friches, qui était doté de 300 millions et qui avait été déployé dans le cadre du plan de relance. Ce fonds vise à soutenir l'action des élus en faveur du climat : mesures d'atténuation au changement climatique ou d'adaptation à ses conséquences, mesures en faveur du maintien de la biodiversité. Les enveloppes de crédits sont prévisionnelles : compte tenu des besoins, on estime que 150 millions d'euros pour les territoires en ZFE devraient être à la hauteur des enjeux. Nous souhaitons que ce fonds puisse être aussi mobilisé pour lutter contre l'érosion du trait de côte dans les littoraux, pour rénover les éclairages publics, déminéraliser des cours d'école, planter des arbres pour réaliser des îlots de fraîcheur, etc. Je pense que les demandes seront suffisamment nombreuses pour démontrer l'utilité du fonds.
Une autre question est de savoir comment les collectivités vont réorienter leurs crédits vers des priorités climatiques. C'est pourquoi nous mettons en place des budgets verts, afin de disposer d'un outil de discussion avec les collectivités : nous voulons aboutir en 2023 ; nous sommes engagés dans une démarche de coconstruction. Les associations d'élus nous feront remonter des propositions de maquettes par niveau de collectivité. Cet outil ne doit pas être à la main de Bercy, mais doit constituer un outil de discussion sur l'environnement pour mieux agir ensemble.
L'objectif de décarbonation des transports en 2035 est-il crédible ? Le but de la politique n'est pas de se demander ce qui est possible, mais de rendre possible ce qui est nécessaire ! Si l'on veut endiguer le réchauffement climatique, il faut lutter contre les énergies fossiles. Oui, ce sera difficile, nous aurons besoin de métaux rares, nous devrons répondre à des enjeux en termes d'équipement du territoire. Mais le coût de l'inaction est considérable. On commence à le voir avec la guerre en Ukraine. La souveraineté énergétique est essentielle. Il importe de ne pas dépendre d'énergies que nous ne produisons pas. Nous devons donc commencer par lutter contre le gaspillage - c'est la sobriété énergétique -, et développer des sources d'énergies alternatives. Heureusement d'ailleurs que la France a son parc nucléaire qui lui permet de produire une énergie décarbonée et constante, tandis que les énergies renouvelables sont intermittentes, ce qui contraint les pays qui ont refusé le nucléaire à rouvrir des centrales à charbon ! Les générations futures ne seront pas tendres pour ceux qui ont fait la guerre au nucléaire et nous ont détournés d'un moyen efficace de lutter contre le dérèglement climatique...
La question du loup est particulièrement complexe. Nous
devons réviser le plan loup en 2023. Dans sa
précédente version, il fixait un objectif de 500 loups
présents sur le territoire français pour garantir la protection
de l'espèce. Mais aucun maximum n'était fixé. Or on compte
aujourd'hui plus de 900 loups sur le territoire ; leur population
s'accroît d'une centaine d'individus chaque année et de nouveaux
territoires se retrouvent ainsi confrontés à leur
présence. La confrontation n'est pas simple, mais avec
l'expérience on apprend à vivre avec le loup. Avec le
ministère de l'agriculture, on travaille dans plusieurs directions. On a
constaté que nous ne réalisions pas le nombre de tirs de
prélèvements autorisé par les
textes
- jusqu'à 19 % de l'effectif estimé -
parce que les procédures sont trop complexes. Nous devons donc
simplifier le dispositif. Plusieurs pistes sont à l'étude :
sur les frontières administratives, les attaques multiples, etc.
L'indemnisation est une autre question : les agriculteurs se plaignent
qu'une bête disparue ne soit pas indemnisée si la carcasse n'est
pas retrouvée. Les procédures sont aussi chronophages pour les
agents de l'OFB. On doit s'interroger sur le cas des multiprédations,
sur les équipements, sur le soutien aux louvetiers, etc. Une
deuxième brigade spécialisée de l'OFB va être mise
en place. Les sujets sont nombreux, et nous y travaillons avec
Bérangère Couillard, en lien avec nos partenaires
européens. Nous espérons aboutir l'an prochain.
En ce qui concerne les agences de l'eau, ce qui valait pour 2022 pourrait être aussi valable en 2023, avec d'éventuels compléments de crédits en cours d'année. On évaluera les besoins financiers et on verra comment compléter éventuellement les 2,2 milliards de recettes prévues dans le projet de loi de finances. Je rappelle que les agences de l'eau ont une trésorerie de 500 ou 600 millions d'euros, aisément mobilisables.
En ce qui concerne le cuivre, ma réponse est la même que pour le lithium : nous avons besoin de nous doter d'une stratégie d'accès à ces métaux précieux pour garantir notre indépendance. Mais on voit bien que le développement de gisements pose des questions en termes d'acceptabilité, de sécurité, etc. C'est pourquoi nous mettons l'accent sur la sobriété énergétique, sur la réduction du poids et de l'empreinte énergétique des véhicules.
Le Parlement européen a voté, dans le prolongement de la présidence française de l'Union européenne, un texte très ambitieux pour lutter contre la déforestation importée. Les importations de l'Union européenne représentent en effet 16 % de la déforestation liée au commerce mondial. Il s'agit d'interdire les produits dont les importateurs ne pourront pas prouver qu'ils n'ont pas entraîné de déforestation. Les discussions se poursuivent pour parvenir à un accord en trilogue entre le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil de l'Union européenne. Des points sont en discussion : faut-il inclure les tourbières et les savanes ? Faut-il inclure les activités financières ? Quels sont les produits concernés ? Etc. Nous espérons qu'un compromis ambitieux sera trouvé. Nous ne devons pas contribuer à alimenter dans d'autres pays les phénomènes dont nous ne voulons plus en Europe. Et cela vaut aussi pour la prolifération du plastique. La France est en avance sur ce point. Nous espérons qu'un accord contraignant pour mettre fin à la pollution plastique, avec des interdictions à l'horizon 2040, pourra être conclu au niveau international, mais les objectifs ne sont pas partagés par tous les pays et les avancées restent timides.
La question des pesticides ou des traces de produits chimiques relève du règlement sur les produits chimiques Reach. La Commission européenne a envoyé un mauvais signal en annonçant qu'elle souhaitait repousser sa révision à la fin de l'année 2023. Avec l'Allemagne, la Finlande, la Suède, la Norvège, nous avons souligné la nécessité d'adopter un cadre plus contraignant avant les élections européennes. Il est d'autant plus urgent de durcir nos règles que les modifications ne prendraient effet que cinq ans après la révision. Cela permettrait aussi à l'industrie de se préparer.
M. Rémy Pointereau . - Je voudrais revenir sur les ZRR. Nous avons entendu Mme Cayeux la semaine dernière et elle a assuré être favorable au dispositif et à son amélioration. Quel est votre sentiment sur le sujet ? On observe beaucoup d'inquiétude sur le terrain quant à une possible volonté de les supprimer. En effet, Bercy semble y être plutôt défavorable, alors que le coût s'élève à 300 millions d'euros, ce qui ne représente pas grand-chose comparé à tout ce que l'on verse dans d'autres domaines.
Par ailleurs, certains députés trouvent que les ZRR ne provoquent pas suffisamment de retombées et que ce dispositif ne représenterait pas forcément la bonne solution.
J'ai participé avec Bernard Delcros et Frédérique Espagnac à la préparation du rapport sur le sujet, dans lequel nous faisons une dizaine de préconisations. Par ailleurs, au sein de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, nous avons lancé une étude d'impact et d'évaluation pour préserver et renforcer les ZRR. Êtes-vous certain de l'avenir de ces ZRR ? Tiendrez-vous compte du travail accompli par le Sénat en invitant par exemple ceux qui ont étudié le sujet ? Cela semblerait logique et important.
J'en viens à ma deuxième question, qui concerne la petite hydroélectricité, qui ne relève pas tout à fait de votre domaine. Cependant, l'administration y est assez défavorable sur le terrain au nom de la continuité écologique. Quel est votre sentiment sur ce sujet ?
Ma dernière question concerne la politique de l'eau. Nous avons évoqué plus tôt les problèmes de canalisations fuyantes, qui représentent aujourd'hui une perte de 1 milliard de mètres cubes d'eau, soit l'équivalent de 450 000 hectares irrigués. Je voudrais que l'on relativise ce à quoi nous avons assisté dimanche dernier autour des réserves de substitution. En effet, celles-ci sont indispensables si l'on veut préserver notre agriculture dans certains secteurs. Vous engagez-vous à ne pas céder à la pression de ces activistes ? Tout comme les activistes antinucléaires nous ont fait perdre notre indépendance énergétique, ceux qui manifestent contre les bassines risquent de mettre à mal notre indépendance alimentaire. Nous avons besoin d'eau pour la conserver et ne pas avoir à importer des produits qui ont pu être traités au glyphosate ou être génétiquement modifiés.
Présidence de M. Guillaume Chevrollier, vice-président.
M. Jean-Pierre Corbisez . - En évoquant la loi ZAN devant notre commission la semaine dernière, Mme Cayeux a annoncé que les compensations de surfaces liées aux projets nationaux et supranationaux ne seraient pas impactées sur les collectivités. Ainsi, la compensation de 2 200 hectares liée au canal Seine-Nord ne serait pas reportée sur les communes environnantes. Confirmez-vous ? Quand comptez-vous l'annoncer officiellement ?
Par ailleurs, les communes rurales qui voudraient faire du développement urbain peuvent avoir recours aux biens en état d'abandon manifeste, selon l'article 98 de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS). Les communes peuvent récupérer ces biens, mais leur démolition coûte cher. Pourriez-vous imaginer une DETR spécifique de façon à ce que ces communes rurales puissent continuer leur développement urbain sans préempter les terrains agricoles ?
Enfin, j'en viens à la question de l'eau. Les hydrogéologues prévoient une baisse de 30 % du niveau de l'eau potable dans les nappes des Hauts-de-France d'ici 2040. De plus, cette diminution entraînerait une augmentation de 50 % des polluants présents. Or mon territoire est déjà bien pollué, notamment par le perchlorate d'ammonium, qui a des conséquences sur les femmes enceintes et les nourrissons, et qui provient de la poudre à canon allemande. Envisagez-vous de lancer une mission sur cette thématique ?
M. Éric Gold . - Nous discutons cette semaine au Sénat un texte sur l'accélération des énergies renouvelables. En ce sens, les collectivités territoriales ont un rôle majeur à jouer dans la promotion de la maîtrise de l'énergie et le développement des énergies renouvelables.
De plus, elles disposent généralement d'un important patrimoine bâti dont certaines toitures peuvent être équipées de panneaux photovoltaïques. Ainsi, dans le département du Puy-de-Dôme, de nombreux élus se sont lancés dans l'installation de panneaux, sur des salles des fêtes ou des écoles. Cependant, les services de l'État imposent la création d'un budget annexe pour les mouvements financiers qui en découlent, quel que soit le montant des sommes perçues. Cette disposition semble d'autant moins compréhensible que l'État a accepté beaucoup de simplifications dans la gestion communale, comme le toilettage des régies de recettes, la suppression de l'obligation des centres communaux d'action sociale dans les communes de moins de 1 500 habitants ou la possibilité de déroger au budget annexe pour la vente de bois. La direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des collectivités locales (DGCL), saisies sur cette obligation de budget annexe, ne se sont pas encore prononcées ; avez-vous des éléments de réponse à apporter aux collectivités qui s'engagent pleinement dans cette accélération et sont souvent les plus modestes ?
M. Pierre Médevielle . - Pendant la discussion de la loi climat et résilience, nous avons eu de nombreux débats sur les zones à faibles émissions (ZFE) ; leur mise en place a été rapide et une dizaine d'agglomérations concernées par ce dispositif l'ont déjà mise en oeuvre, à l'instar de Toulouse. Quelles conclusions tirez-vous du premier comité interministériel qui s'est tenu la semaine dernière sur ce sujet ?
Mon interrogation sur le fonds vert ayant déjà été soulevée, je me contenterai de lancer une invitation. Dans le cadre des travaux de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, je vais co-produire en janvier 2023, avec un député de la Haute-Garonne, un rapport sur la décarbonation de l'aviation. Je vous invite à venir visiter à Toulouse d'une part, la start-up Aura Aero qui a déjà enregistré 130 précommandes d'avions hybrides et électriques et d'autre part, Airbus qui met au point l'avion à hydrogène.
M. Stéphane Demilly . - Je voudrais reformuler la question posée par mon collègue Jean-Pierre Corbisez pour en souligner l'importance. Confirmez-vous que les 2 500 hectares du canal Seine-Nord Europe n'entreront pas dans le calcul du ZAN ? Une réponse composée de trois voyelles nous suffirait...
Ma deuxième question s'adresse plus particulièrement à madame la ministre Dominique Faure. En zone rurale, un généraliste couvre en moyenne un territoire de 30 km², contre 5 km² dans les bassins de vie urbains. Cette différence est loin de s'expliquer par la seule densité de population et les conséquences sont sans appel : une étude récente de l'Association des maires ruraux de France nous alerte sur le « constat alarmant » d'une aggravation des écarts d'espérance de vie dans les territoires ruraux. Il est urgent d'associer l'ordre des médecins aux réflexions pour repenser la démocratie sanitaire de notre pays car je crains l'émergence, un jour, de « gilets jaunes de la santé ». Madame la ministre, la lutte contre l'abandon médical de nos territoires ruraux est-elle bien une vos priorités majeures ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État . - S'agissant des ZRR, nous ne prenons pas, à ce stade, d'engagements. La Première ministre nous a mandatés pour travailler sur ce sujet : je suis convaincue de leur utilité et pleinement motivée pour les faire aboutir. Je suis déterminée à conduire, avec la DGCL, des travaux qui nous amèneront au printemps à des propositions et, pourquoi pas, des ZRR à deux vitesses comme le propose le rapport du Sénat de Bernard Delcros, Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau...
La proposition à deux vitesses m'a particulièrement intéressée. Nous avons déjà effectué un certain nombre de simulations. Notre calendrier, dans l'hypothèse où les ZRR ne seraient pas renouvelées mais remplacées par un nouveau dispositif - peut-être à deux vitesses car je trouve cela pertinent - ce dernier démarrerait en janvier 2024, avec nécessairement un projet de loi au printemps, ce qui nous permettrait de prévoir les crédits nécessaires dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 et devrait donner lieu à des articles dédiés dans les PLF et PLFSS discutés fin 2023 pour la période 2024 et dans les années suivantes. Voilà la façon dont nous travaillons dès aujourd'hui.
M. Christophe Béchu, ministre. - Nous avons été saisis d'une demande de Frédérique Espagnac et Bernard Delcros pour une remise officielle de leur rapport, qui a eu lieu il y a quelques jours. Il s'agissait du rapport au Gouvernement demandé par la lettre de mission de Jean Castex et qui a été rédigé en concertation avec des députés. Il n'y a pas de meilleure preuve de notre volonté de travailler avec le Sénat.
M. Rémy Pointereau . - Il faut aussi tenir compte du rapport du Sénat !
M. Christophe Béchu, ministre. - Nous avons examiné les très nombreux rapports publiés sur le sujet et l'engagement que nous prenons est de travailler avec le Sénat ainsi que d'offrir une visibilité à distance raisonnable des élections sénatoriales pour éviter des craintes injustifiées partout sur le territoire.
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État . - Les déserts médicaux sont au coeur de mes trois ou quatre priorités et les ZRR en font également partie. Nous avons plusieurs axes de travail : vous connaissez le premier, qui consiste à instituer une quatrième année d'internat. L'ordre des médecins est associé à cette concertation par l'intermédiaire du Professeur Stéphane Oustric et un groupe de travail a été lancé le 23 septembre dernier par le ministre François Braun. Je suis optimiste à l'égard de cette hypothèse même si les étudiants en médecine générale ne sont pas enthousiastes à l'idée d'effectuer une année d'études supplémentaire, qui porterait de neuf à dix ans la durée de leur formation. Je fais cependant observer que cela les placerait sur un pied d'égalité avec tous les autres spécialistes médicaux et ces derniers estiment souhaitable de créer cette quatrième année de médecine générale.
Le second axe est l'action, prioritairement conduite par le ministre de la santé, sur les hôpitaux de proximité : la prise de conscience est totale et le travail est quotidien sur ce sujet. Je travaille particulièrement sur les bonnes pratiques que je rencontre sur le terrain et que je partage régulièrement avec la ministre Agnès Firmin Le Bodo. À ce titre, j'estime que le cumul d'une activité médicale salariée et libérale doit être rendu possible plutôt que de faire l'objet de spéculations sur les préférences des uns et des autres. Par exemple, à Vic-en-Bigorre une expérimentation se développe : le président de l'intercommunalité a rénové des murs grâce à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) qui accueillent deux médecins salariés et deux médecins libéraux ; un pôle néo-natal s'est créé dans ces mêmes locaux ainsi qu'un cabinet de radiologie. Nous avons donc là, au coeur de trois départements en zone très rurale, ce que l'on fait de mieux dans ces trois secteurs de la médecine. Ce modèle a tendance à se généraliser car le déficit généré par les médecins salariés est remboursé par l'ARS : personne ne le sait et je vous en informe pour que vous puissiez le relayer auprès des présidents d'intercommunalités et conseiller aux maires de porter un « business plan » médical sur la base des murs dont ils disposent, avant même que le lancement de la plateforme de partage d'expérience dans tous les domaines. Il n'est pas nécessaire que l'ARS intervienne dès l'origine des projets mais ces initiatives fonctionnent.
Autre bonne pratique locale que j'observe, pour les maires qui disposent également d'un local à proximité d'une maison France Services ou du CCAS : ils vont voir des spécialistes dont le cabinet est situé à 50 ou 70 km en leur proposant une douzaine de rendez-vous pendant une demi-journée par mois. Nous avons des exemples très intéressants où neuf spécialistes ont répondu à l'appel dans des petits villages ruraux. Mon rôle est de faciliter le partage de toutes les bonnes pratiques. La télémédecine est également au centre de nos réflexions : nous avons aujourd'hui de vrais équipements produits en France qui permettent réellement au médecin de voir son patient à distance - alors que les procédés de téléconsultation actuels se limitent à l'audio - et aussi de transmettre toutes les constantes médicales. Cela peut se traduire par une infirmière et un chariot pour le transport des dossiers ou une cabine dont la porte se ferme quand le patient parle à son médecin pendant vingt minutes. Mon souci est de partager ces expériences réussies en attendant que le desserrement du numerus clausus permette de renforcer les effectifs de médecins et que la loi permette aux infirmières, aux kinésithérapeutes et aux sages-femmes d'exercer un certain nombre d'actes médicaux.
M. Christophe Béchu, ministre. - Le canal Seine-Nord Europe ne fera pas partie du décompte territorial de la région Hauts-de-France.
Il reste cependant un débat : le président des Hauts-de-France plaide pour que l'opération soit sortie du compteur d'artificialisation des sols du pays mais ce n'est pas la ligne du ministère de la transition écologique. Ma position est de compter à part les projets nationaux et de diviser la superficie entre tous les territoires pour qu'un territoire ne porte pas seul l'effort. Prétendre que le canal Seine-Nord ou la ligne à grande vitesse Toulouse Bordeaux ne seraient pas de l'artificialisation reviendrait à modifier la trajectoire qui a été fixée il y a un an et demi. L'idée est bien que ces 2200 hectares soient partagés et divisés entre toutes les régions françaises en recalculant les enveloppes régionales : c'est ce que je proposerai et j'attire votre attention sur le fait que cela nécessitera modification législative, car ce n'est pas conforme à la loi en vigueur.
Un mot rapide sur les retenues de substitution : tous les projets ne sont pas équivalents. Le premier sujet est de savoir comment notre agriculture peut consommer moins d'eau. En vérité, qu'une retenue soit collinaire ou utilise des pompes, il faut de la ressource. Si on s'illusionne sur le fait qu'on aura demain autant d'eau qu'aujourd'hui, on risque de faire de mauvais investissements : l'évolution des pratiques est donc nécessaire. Ceci dit, les retenues restent une partie de la solution et, en l'espèce, quand on dispose des études scientifiques nécessaires ainsi que des accords approuvés par des associations environnementales et que par la suite, des radicaux ou des jusqu'au-boutistes interviennent, c'est la cause qui est menacée. Franchement ce qui s'est passé est d'autant plus grave que le territoire concerné abrite de la polyculture et de l'élevage et que la canalisation coupée dessert une exploitation familiale à proximité : l'image que ces actions renvoient est déplorable. Si ces gens-là considèrent que M. Jadot n'est pas écologiste, cela donne une petite idée du prisme avec lequel ils regardent la société. On ne fera pas la transition écologique contre les citoyens. Nous devons nous méfier d'une forme d'extrémisme, quel que soit son domaine, qui aurait les yeux uniquement tournés vers ce que nous faisons chez nous. En se focalisant uniquement sur nos émissions, on en viendrait à fermer toutes nos usines et on serait alors excellents en décarbonation ; mais si, en parallèle, on continue à importer des produits, on aggravera notre situation. Il faut donc un double système dans lequel nous soyons vertueux sur notre territoire avec, en complément, des mécanismes carbone à nos frontières : c'est indispensable pour réussir la transition. N'acceptons pas d'importer des produits moins vertueux que ceux que nous fabriquons : c'est une forme de protectionnisme climatique, certes, mais légitime s'il permet d'éviter la déforestation ainsi que l'arrivée de produits contenant des perturbateurs endocriniens. Je rappelle que quarante pièces de textile sont achetées par français et par an : indépendamment des conditions de fabrication, quand on connaît l'énorme quantité d'eau nécessaire pour produire des vêtements, on mesure là aussi l'intérêt de la sobriété.
Sur les panneaux photovoltaïques, je ne suis pas en mesure de répondre précisément à votre question. En revanche, j'indique que l'élaboration d'un budget annexe sur les énergies renouvelables est le meilleur moyen d'accélérer leur déploiement, sans être encadré par des ratios contrôlés par la Cour des comptes. Le montage de sociétés publiques locales (SPL), quand j'étais président du département, a permis aux communes de solvabiliser leurs investissements dans les énergies renouvelables avec une mise de départ très faible. Cela nous a permis d'accompagner de très nombreux projets photovoltaïques et même éoliens à plusieurs endroits du territoire, en faisant également appel à des cotisations de citoyens. Nous avons également mis en place, avec Joël Bigot, la plus grande ferme photovoltaïque de France en utilisant cette société qui, sans dégrader nos ratios financiers, a permis de recourir à l'emprunt de façon efficace. Inversement, nous avons financé de très petits projets photovoltaïques : 63 mètres carrés, par exemple, sur le toit d'un vestiaire de sport - cela n'aurait pas été possible sans moyenner les tarifs d'achat grâce à notre SPL.
S'agissant des annonces portant sur les ZFE, je rappelle que nous avons mis en place : un comité interministériel qui se réunit tous les six mois, un référent interministériel rattaché au ministère de l'Intérieur mais aussi à la Santé et à Bercy pour faciliter le travail des artisans et veiller à la cohérence de la logistique urbaine. S'ajoutent deux groupes de travail, l'un sur l'harmonisation logistique et l'autre sur l'accessibilité sociale ainsi que plusieurs annonces très concrètes : les allocations du Fonds vert, les mille euros de surprime qui ne sont plus soumis à des conditions de réciprocité et l'ouverture de l'État pour garantir des prêts à taux zéro. J'ajoute que le retrofit fera bien partie des opérations finançables.
S'agissant des petites installations d'hydroélectricité, je me permets de m'abstenir sur ce sujet car j'ai lu des arguments contradictoires.
M. Gilbert-Luc Devinaz . - Vous avez rappelé les deux piliers que sont les transports et le logement. Sur ce deuxième point, depuis 2021, il y a une augmentation très importante des installations de chaudière à granulés, d'ailleurs soutenue par le dispositif « MaPrimeRénov' ». La production de ces granulés a elle aussi considérablement progressé et la filière prévoit une poursuite de cette croissance d'ici quatre ans, avec des importations qui occupent une place importante à côté de la production nationale , président. Or depuis le début de l'année, le prix des granulés a subi une hausse sans précédent de 150 % ce qui suscite trois interrogations. Si l'augmentation des coûts de production de ces granulés et la hausse des importations peuvent en être la cause, il faut aussi prendre en compte la marge qu'ajoutent les distributeurs et qui me semble excessive, même dans un contexte de forte tension entre l'offre et la demande : quelle intervention directe de l'État auprès des revendeurs et des producteurs pensez-vous mettre en oeuvre pour calmer la situation qui semble s'emballer ? N'y a-t-il pas un besoin de libérer les stocks constatés chez les fabricants en France et dont on ne comprend pas la signification ? Les chèques énergie constituent une réponse insuffisante tant sur leur montant que sur les bénéficiaires : quelles autres solutions sont envisagées en faveur d'énergies plus respectueuses de l'environnement ?
M. Joël Bigot . - La semaine dernière j'ai interrogé Mme la ministre Cayeux sans succès sur la gouvernance de l'Ademe et je réitère donc ici ma question. Depuis le départ d'Arnaud Leroy, la présidence de l'Ademe est vacante : la réponse est-elle de votre ressort ? Il ne s'agit pas seulement d'une question de « casting » mais aussi de la volonté politique sous-jacente. Est-ce la volonté du Gouvernement de ne pas renouveler le président d'une agence d'accompagnement à la transition et à l'adaptation à laquelle les territoires sont très attachés ? Je suis membre du conseil d'administration de l'Ademe et je peux vous assurer que cette situation jette une certaine confusion dans les services de cette instance sur la ligne défendue par le Gouvernement en matière de projets.
Par ailleurs, s'agissant du projet de loi de finances, dans le dernier texte budgétaire de cet été j'avais porté un amendement visant à conditionner les aides publiques à nos engagements climatiques : je pense que les temps sont mûrs pour instaurer une telle éco- conditionnalité et pour que l'État puisse inciter puissamment le secteur privé à suivre une démarche de planification écologique. Un arrêté allant dans ce sens a déjà été pris fin 2021 pour les entreprises dont l'État est actionnaire : cette dimension chère à la Convention citoyenne pour le climat sera-t-elle incluse dans la feuille de route environnementale du Gouvernement pour faire ainsi de la France une « Nation verte » selon l'expression de la Première ministre ?
Mme Nicole Bonnefoy . - En 2019, avec notre collègue Michel Vaspart, nous avons remis un rapport traitant des conséquences du réchauffement sur le nombre et l'intensité croissants des aléas climatiques. J'ai ensuite déposé une proposition de loi pour réformer le régime des catastrophes naturelles ; celle-ci a été examinée au Senat et intègre la problématique de la sécheresse et plus particulièrement du retrait - gonflement des sols argileux.
L'année dernière, nous avons examiné une pâle copie de cette initiative en provenance de l'Assemblée nationale mais le problème reste entier puisque la problématique des sols argileux n'a pas été incluse dans ce texte. Or selon certains experts, cette problématique concerne la moitié de la population et représente une véritable « bombe sociale », dans la mesure où plus de 60 % du sol métropolitain a une composition argileuse. Dans mon département, à la suite de la sécheresse de cet été, de nombreux dossiers de maisons fissurées - qui sont le désespoir de nombreux citoyens - remontent en procédure de catastrophe naturelle. Comment comptez-vous vous impliquer dans ce dossier pour apporter les vraies réponses qui font défaut aujourd'hui ?
M. Jean-Claude Anglars . - Je me réjouis tout d'abord des précisions que vous avez apportées sur les modalités d'attribution du fonds vert : celles-ci relèvent du bon sens.
S'agissant des petites communes : là aussi nous vous aiderons à dégager des solutions de bon sens. Vous avez évoqué des réserves qui ne seraient pas ciblées sur des parcelles mais maintenues à la disposition des territoires : c'est également, à mon avis, la bonne solution car on a affolé inutilement les populations en prononçant la formule « ZAN » pour zéro artificialisation nette alors qu'il aurait été préférable de parler simplement de sobriété foncière.
M. Ronan Dantec . - Tout d'abord, au plan institutionnel, on a bien compris que sur les grandes politiques de transition, le secrétariat général de Matignon assure la coordination entre le pilier de la transition écologique et celui de la transition énergétique.
S'agissant des diverses COP consacrées au climat, à la biodiversité et à la désertification, on constate une convergence de manière générale, mais au niveau français, les chefs de file sont différents d'une COP à l'autre, avec Mme la ministre Pannier-Runacher pour le climat et vous-même pour la biodiversité - et je ne me souviens plus qui est en charge de la désertification. Alors que l'ONU préconise une unification des discours, la France a éclaté les suivis ministériels : je vous interroge donc sur la coordination dans ce domaine.
En second lieu, on comprend bien qu'un ministre doive gérer des injonctions contradictoires, comme par exemple en matière de chasse. Je souligne ici que, du point de vue financier, les injonctions contradictoires sont encore bien plus importantes. En termes de transition énergétique, les besoins de financement ne rentrent pas dans le cadre budgétaire classique. Or nous sommes un peu en « économie de guerre » et, dans cette situation on a coutume d'accepter des déficits pour combler les retards accumulés. La petite musique de Bercy, pour sa part, n'a pas changé et exprime un souhait de retour à l'orthodoxie financière. Il est néanmoins absolument impossible de tenir nos objectifs climatiques et environnementaux sur nos territoires sans déficit : par exemple, la ville de Nantes a besoin d'un milliard d'euros pour rénover bâtiments publics. Le travail avec des réseaux de collectivités sur le « budget vert » - que vous avez évoqué - pourrait-il ouvrir sur des normes d'endettement réaménagées pour permettre de remplir plus vite les objectifs de transition sans susciter de critiques de laisser-aller budgétaire ? C'est une question centrale qui porte à la fois sur l'investissement et sur le fonctionnement. Il m'a d'ailleurs semblé que l'ouverture du fonds vert à des crédits d'ingénierie et donc de fonctionnement était opportunément envisagée.
M. Jacques Fernique . - Si nous sommes bien entendu d'accord sur les objectifs de parts modales de transport de voyageurs ou de fret, avec un doublement du ferroviaire à l'horizon 2030, je n'arrive pas à comprendre comment cette évolution est compatible avec la trajectoire que vous envisagez pour les péages ferroviaires. En effet, le contrat de performance prévoit entre 2021 et 2030 une trajectoire d'augmentation globale de 55 % de ces derniers. Nous avons évoqué les montants d'investissements nécessaires pour ce « New Deal ferroviaire » mais n'oublions pas que les 2,8 milliards d'euros par an que doit y consacrer SNCF réseau proviennent de ses fonds propres, c'est-à-dire, en grande partie des recettes de ces péages. N'y a-t-il pas, dès lors, une contradiction car comment peut-on réussir le développement de nos réseaux express métropolitains ou des TER avec des perspectives d'augmentation des péages de cet ordre ? J'espère que la loi de programmation ferroviaire qui est envisagée reposera sur des bases autres que la hausse contre-productive des péages ferroviaires.
Mme Denise Saint-Pé . - Je formule deux interrogations qui, à mon sens, devraient constituer des points de vigilance pour l'État.
S'agissant de la desserte du numérique, vous avez eu raison de rappeler que le développement des technologies satellitaires fait office de dernier recours dans le monde rural. J'appelle cependant à la vigilance : pour avoir utilisé moi-même cette technologie, il faut savoir qu'elles sont très sensibles aux coupures d'électricité, entraînant un risque de déprogrammation des appareils connectés, ce qui entraîne des pertes de temps quand on doit tout remettre en ordre. Or, soyons réalistes, nous subirons sans doute des coupures d'électricité cet hiver et je crains que le monde rural ne soit particulièrement touché avec des distributeurs qui, en s'efforçant de limiter le nombre de contestations des usagers, auraient peut-être tendance à localiser les coupures dans les zones rurales de moindre densité plutôt qu'en plein coeur de ville. Il faudra donc que l'État fasse très attention à ce risque et veille à ce que les distributeurs d'énergie ne défavorisent pas systématiquement le monde très rural.
Le second point d'alerte porte sur la fin du réseau cuivre programmé par Orange en 2024. Il faudrait absolument que l'État soit très attentif au conventionnement avec cette entreprise et aux exigences de celles-ci. En effet, Orange a des difficultés financières et pourrait avoir tendance à délaisser le monde très rural.
M. Gérard Lahellec . - Au début de l'audition vous avez évoqué les raisons d'espérer et je ne voudrais pas contrarier cet objectif. Je souhaite aborder la question des transports car ce secteur est le plus émetteur de gaz à effet de serre et la problématique de la mobilité est au coeur des territoires. C'est également le secteur dans lequel les pouvoirs publics ont la possibilité d'intervenir.
Je me méfie de l'affirmation selon laquelle les transports sont le premier secteur émetteur car si nos politiques publiques étaient plus ambitieuses il est vraisemblable que ses émissions seraient moindres. Nous devrions, de ce point de vue, conforter plus encore et mieux toutes nos autorités organisatrices de mobilité, sans oublier les régions. En effet, on a privilégié la prise de compétence mobilité par les collectivités territoriales de base et certaines d'entre elles ont décidé de l'assumer mais, quand ce n'est pas le cas, cette compétence mobilité revient à la région. Ainsi l'échelon institutionnel chargé de bâtir la stratégie transports est également celle à qui on demande de « boucher les trous » : ce n'est pas simple du tout comme en témoignent de nombreuses illustrations de la crise que traversent nos transports et que nous vivons tous. Par exemple, le transport scolaire fonctionne souvent avec des retraités payés environ 450 euros par mois et on comprend, dans ces conditions, la difficulté d'atteindre des objectifs ambitieux dans ce domaine.
Je pense donc qu'il faut conforter les autorités organisatrices : c'est la condition pour mieux développer les transports urbains collectifs et aussi pour enclencher un processus de croissance du covoiturage dans les zones ou bassins d'emploi où cela est nécessaire.
Il faut également une ambition publique pour développer les infrastructures ferroviaires. Un risque nous guette : on ne peut pas envisager le désendettement en interdisant aux entreprises ferroviaires de se développer, sans quoi on se heurtera à un mur. Le contrat de performance en est une tragique illustration : appliqué à ma région, ce contrat donne l'impression que la Bretagne commencerait à Rennes et s'arrêterait à Rennes, ce qui n'est pas tout à fait le cas...
M. Christophe Béchu, ministre. - En premier lieu, la Première ministre s'est engagée à faire en sorte que les chèques énergie puissent couvrir les achats de pellets (ou granulés de bois). La mesure sera intégrée dans le projet de loi de finances rectificative présenté ce matin en conseil des ministres et perfectionnée par voie d'amendements. Il ne faut pas qu'on ait des « oubliés des pellets » alors même qu'on les a incités à abandonner les chaudières au fioul. J'avoue que les mécanismes de fixation des marges des fabricants et importateurs de pellets, vous avez atteint les limites de mes connaissances. Je vais me renseigner sur d'éventuelles marges excessives ou rentes.
Sur l'Ademe, la problématique de la gouvernance ne m'avait pas échappé. Je signale l'élément de complexité suivant : nous cherchons à la fois un président et un directeur, avec plusieurs combinaisons ou nuances possibles - directeur général ou directeur général délégué, par exemple : en tous cas, nous approchons de la « fumée blanche ». S'agissant du PLF et de votre question sur les aides publiques assorties de conditions environnementales : à court terme nous soutenons, dans le cadre de la directive européenne « due to diligence » (directive sur le devoir de diligence), la capacité de lier la performance environnementale avec le niveau de bonus auquel les dirigeants pourraient prétendre à l'échelle européenne. Autant sur les entreprises publiques nous pensons avoir des outils d'action, autant, s'agissant des entreprises privées, il nous faut porter le sujet à l'échelle européenne car c'est le niveau opérationnel où elles sollicitent des aides.
Sur le retrait - gonflement d'argiles, je vous indique que le conseil des ministres du 12 octobre a pris une ordonnance qui précise un certain nombre de règles : cela tient compte des événements de l'été et simplifie un certain nombre de procédures. Olivier Klein porte, dans son pôle ministériel, ces sujets. Votre réflexion sur le régime des catastrophes naturelles est juste et le niveau des dépenses ne cesse d'augmenter : c'est une incitation à agir, non pas en modifiant la prise en charge par l'État, ce qui reviendrait à « casser le thermomètre », mais en assumant les coûts de l'adaptation.
En ce qui concerne la participation aux COP, vous avez parfaitement résumé la situation pour les COP15 et 27. Pour les autres, qui traitent par exemple des zones humides ou du commerce international d'espèces, le ministère de la transition écologique y participe de façon systématique et la coordination est toujours effectuée par le ministère des affaires étrangères, y compris pour la COP27 ; seule la question du chef de filât peut parfois se poser.
S'agissant de l'endettement, j'arrive à la même conclusion que vous, mais par un cheminement différent. Je pense qu'il faut qu'on s'autorise à sortir du cadre du classicisme budgétaire pour régler une partie du problème de l'ampleur des investissements climatiques. La rénovation est sans doute le meilleur exemple illustratif : certains domaines nécessitent des financements publics sans pouvoir générer de retours sur investissement monétaires ; en revanche, ils apportent des bénéfices climatiques considérables et cela justifie des allocations publiques - tel est le cas pour le ferroviaire sur lequel je reviendrai plus tard.
Dans d'autres domaines, il y a déjà des équations budgétaires en place : utiliser l'argent du contribuable, si des modèles existent déjà pour leur permettre d'échapper à la logique financière classique, me paraît une bonne politique. Nous devons nous inspirer des bonnes pratiques appliquées chez nos voisins : certains pays utilisent, par exemple, leur établissement financier similaire à notre Caisse des dépôts pour financer des dépenses qui font l'objet en France d'allocations budgétaires. Ainsi, en Allemagne, la nationalisation d'un énergéticien passe par la KfW - homologue allemand de la Caisse des Dépôts - et pas par le budget fédéral, ce qui permet de ne pas activer les critères de convergence dits de Maastricht et de conserver des marges de manoeuvre budgétaires. Je crois au modèle de l'économie mixte pour prendre le relais d'une partie des investissements qui sortent de la logique financière classique. Nous travaillons, dans ce sens, à une modification de la commande publique pour que les collectivités locales et l'État puissent bénéficier du dispositif de tiers-financement en matière de rénovation - dans lequel le montant des économies d'énergies réalisées permet de financer les travaux - ce qui autorise de s'abstraire d'évaluations complexes sur le nombre de milliards à investir. Nous avons, en France, entre 400 et 500 millions de mètres carrés publics, ce qui signifie que, pour un coût de rénovation de 1 000 euros par mètre carré, il faut se donner l'ambition de changer le mode de financement quand cela est souhaitable, sans quoi les calculs classiques donnent le tournis pour évaluer le nombre d'années nécessaires pour aboutir à la décarbonation du parc. Il faut également explorer des modes opératoires moins invasifs et moins coûteux : en particulier, on n'a pas suffisamment exploité les mécanismes de géostockage et de géothermie. Je m'apprête, dans cet esprit, à lancer un appel d'offres pour décarboner l'hôtel de Roquelaure qui concentre toutes les difficultés qu'un architecte des bâtiments de France pourrait imaginer et, ici encore, la géothermie a un potentiel inexploité. La modification du code de la commande publique permettant de faire appel au financement précompté en se remboursant sur les factures me semble prometteuse. Pour éviter des scandales dans le cadre des partenariats publics privés, on peut imaginer, pour accélérer la réalisation des travaux, de mettre en place des opérateurs publics capables de porter ces investissements comme des SPL (sociétés publiques locales) ou des SEM (société d'économie mixte) ; on peut également mobiliser la galaxie financière de la Caisse des dépôts. Au niveau local, je prends l'exemple que je connais bien des 50 millions d'euros investis dans le changement des 30 000 lampadaires de la collectivité angevine permettant d'économiser 70 % du montant des factures : on ne peut pas attendre des collectivités locales qui manquent de moyens d'apporter la mise initiale alors même qu'il s'agit d'un investissement rentable et bon pour le climat. Je plaide pour élargir la question des moyens en dehors du cadre argent public / taxe / interdiction / sanction : il faut réorienter les financements privés, utiliser les leviers - comme les green bonds - que nous n'utilisons pas et utiliser des mécanismes permettant de ne pas augmenter la dette publique ainsi que de sortir des contraintes maastrichtiennes.
La question des péages ferroviaires est à considérer de manière globale. Le plus important pour favoriser le report modal est de prendre en compte l'offre avant le prix. Le meilleur transport en commun est celui où il est le plus dense et non pas celui où il est le moins cher, comme à Lyon et Strasbourg qui fournissent l'exemple d'un réseau de qualité dont les recettes permettent d'investir en permanence. Le vrai sujet, sur le ferroviaire, est donc d'abord celui de l'offre, de la ponctualité, des infrastructures et de dispositifs de signalisation comme l'ERTMS qui permet d'optimiser et d'internationaliser le trafic - nous sommes, dans ce domaine, très en retard et des milliards d'euros seront nécessaires pour une remise à niveau. S'agissant du fret, il faudra également financer le coût d'adaptation permettant d'avoir un dispositif européen, avec des wagons qui communiquent entre eux et évitent des opérations de manutention ; c'est un levier de doublement de la part du fret ferroviaire et vous avez publié au Sénat un excellent rapport sur ce thème qui mérite d'être appliqué dans un certain nombre de ses recommandations. Le sujet des plateformes concerne surtout l'aménagement du territoire : elles doivent atteindre une taille suffisante pour pouvoir stocker un nombre suffisant de conteneurs et utiliser les sillons disponibles. La question des péages n'est qu'un élément au sein de cette problématique générale : il s'agit de déterminer le niveau d'investissement que nous demanderons à la SNCF ainsi qu'à Réseau ferré de France d'assumer et la partie qui sera financée par l'État.
Par ailleurs, vous avez très justement souligné la nécessité de soutenir les autorités organisatrices de transport, sans alimenter les unes en déshabillant les autres. Je pense que le versement mobilité à l'échelle des intercommunalités est nécessaire et je pense même, à titre personnel, que le fait de mettre en place une ZFE représente une strate et un niveau d'engagement complémentaire qui peut dégager des moyens pour développer des transports en commun.
Le mot de la fin : notre pays ne pèse que 0,9 % des émissions mondiales, mais nous devons agir au quotidien comme si 100 % du réchauffement climatique dépendait de nous. Il faut aussi se rappeler que la diplomatie environnementale est essentielle car plus on conduira des ruptures, plus il faudra pouvoir répondre aux interrogations de nos concitoyens qui se demanderont pourquoi leurs efforts - par exemple d'électrification de leurs véhicules - ne se traduisent pas par une amélioration de la situation climatique globale. Cela suppose de tenir un discours responsable : il ne faut pas parler d'inaction climatique alors que la France fait partie des seuls 20 pays au monde qui ont commencé à baisser leurs émissions ; certes, notre rythme de décarbonation est encore insuffisant, mais il ne faut pas faire croire aux Français que nous ne faisons rien. Il faut également encourager les efforts réalisés par ceux-ci sans quoi nous risquons d'affaiblir notre « équipe de l'écologie ». L'adhésion de la population est un sujet important, sans quoi on perd du temps : cela a été le cas avec la trajectoire carbone car on a oublié de se demander si elle était socialement supportable et territorialement juste. Il faut donc du dialogue et l'union des énergies de tous.
M. Guillaume Chevrollier , président . - Merci monsieur le ministre et merci à vous, madame la secrétaire d'État.