II. FINANCEMENT DU LOGEMENT, RÉNOVATION, CONSTRUCTION : TROIS SUJETS EN ATTENTE DE CAP

A. FINANCEMENT DU LOGEMENT, ACTION LOGEMENT, FNAP, RLS, DES QUESTIONS ET PEU DE RÉPONSES

1. Action Logement, l'avenir du groupe en suspens

Une nouvelle fois, en 2023, le Gouvernement, dans l'article 16 du PLF 5 ( * ) , contraindra Action Logement à verser 300 millions d'euros . La différence est que cette année, la contribution se fera au profit du FNAP, et qu'elle est présentée comme s'inscrivant dans la continuité de l'accord trouvé autour de la réduction de loyer de solidarité, la RLS. Cela concrétise les avertissements formulés l'an passé par le rapporteur 6 ( * ) . Mais une telle issue n'était pas inévitable, notamment si le Gouvernement avait consenti à reprendre la part devant normalement lui revenir dans ce fonds de financement du logement social qui, de manière paradoxale, est depuis plusieurs années maintenant financé par les bailleurs sociaux eux-mêmes et dont la trésorerie est versée automatiquement à l'État...

Malgré une opposition de principe à ce procédé , le rapporteur a estimé que les parlementaires étaient techniquement démunis, la suppression de l'article 16 faisant porter le poids, en l'état des textes 7 ( * ) , aux bailleurs sociaux. L'article 40 ne permet pas d'en faire porter la charge à l'État, comme ce serait légitime. La réduction de la contribution d'Action Logement réduirait les moyens du FNAP et empêcherait de mobiliser les reliquats pour la rénovation ou l'augmentation de l'aide unitaire au logement dans un contexte de hausse des coûts.

Cette nouvelle captation des ressources d'Action Logement s'inscrit dans un contexte préoccupant pour le groupe paritaire . En effet, le directeur général de l'INSEE, a pris la décision, apparemment technique, le 31 août dernier 8 ( * ) , de classer sa filiale Action Logement Services, ALS, responsable de la collecte et de la distribution de la participation des employeurs à l'effort de construction, la PEEC, comme administration publique (APU), faisant entrer le solde de ses comptes et sa dette dans ceux de l'État au sens des critères du traité de Maastricht. Son impact n'est d'ailleurs pas négligeable puisque cela représente 0,3 point de PIB d'endettement supplémentaire. Cette décision pourrait entraîner, à termes rapprochés, le ministre des comptes publics à classer ALS parmi les « Organismes divers d'administration centrale », les ODAC, où sont notamment regroupés les grandes agences ou instituts de l'État. L'une des principales conséquences en serait l'interdiction pour ALS de s'endetter à plus de 12 mois, sauf exception prévue par la loi de programmation des finances publiques, ce qui transformerait profondément son modèle de financement et de fonctionnement, et menacerait sa capacité à remplir ses engagements financiers . Action Logement a déposé des recours gracieux auprès de l'INSEE et de Bercy. Ils sont actuellement en cours d'instruction.

Si ce processus allait à son terme, il conduirait à une scission de fait du groupe Action Logement

Il faut prendre conscience que si ce processus allait à son terme, il conduirait à une scission de fait au sein du groupe Action Logement, l'État contrôlant étroitement la collecte et l'emploi de la PEEC. L'un de ses objectifs pourrait être de s'assurer de l'équilibre des ressources et des dépenses en arbitrant directement entre le NPNRU, le FNAP, ACV ou la garantie Visale . Les partenaires sociaux ne conserveraient sans doute qu'une très faible marge de manoeuvre en dehors de la gestion des filiales immobilières. Autant dire que cela préempterait largement la négociation de la convention quinquennale qui a normalement pour but d'établir un accord entre Action Logement et l'État sur l'emploi de la PEEC.

L'avenir n'est pourtant pas écrit . Il ne va pas de soi qu'un organisme paritaire collectant une contribution pour partie volontaire des entreprises soit classé comme ODAC. L'acceptation des entreprises n'est d'ailleurs pas acquise. Le secteur du logement a, en outre, un intérêt stratégique à ce qu'Action Logement reste un acteur autonome, à la fois philosophiquement comme l'héritier et l'incarnation du pacte social d'après-guerre entre patrons et salariés, et financièrement, la PEEC étant avec le Livret A l'une des deux principales ressources du logement.

2. Le FNAP, l'État reprendra-t-il sa part de la charge ?

Si la contribution d'Action Logement au FNAP en 2023 protège momentanément les ressources des bailleurs sociaux, elle pourrait être une sécurité très provisoire face aux besoins comptables du ministère du budget.

L'État a fait le choix en 2023 de mobiliser les reliquats du FNAP, soit environ 200 millions d'euros, en raison d'opérations abandonnées, au service de la rénovation thermique dans le secteur HLM. Derrière l'effet d'annonce du Gouvernement, relevons que cette somme n'est pas une enveloppe nouvelle de l'État mais provient des fonds des bailleurs eux-mêmes, qu'elle aurait également pu être affectée à la construction neuve de logements sociaux qui est en berne et, enfin, qu'elle est inférieure à l'aide précédemment apportée par le plan de relance. Cette enveloppe ne pourra pas être renouvelée en l'état en 2024 avec les mêmes sources de financement. L'État sera-t-il au rendez-vous ?

3. Quel « Pacte de confiance » pour le logement social avec la RLS ?

Enfin, se pose la question du financement du logement social au cours du quinquennat et des conditions de prolongation de la RLS . Outre le prolongement des dispositifs propres au FNAP déjà évoqués , l'article 41 ter du PLF 9 ( * ) aura justement pour but de maintenir son rendement à hauteur de 1,3 milliard d'euros en 2023. L'avenir est normalement soumis à la conclusion d'un « Pacte de confiance », sans doute au printemps prochain. La RLS a essentiellement été absorbée par les bailleurs grâce à un accroissement de l'endettement. Or, la hausse des taux d'intérêt remet en cause ce modèle, d'autant que les coûts de production sont en forte augmentation et que le parc social est confronté à l'impératif de rénovation des logements pour pouvoir continuer à les louer. La commission a adopté un amendement 10 ( * ) afin de lancer le débat sur la révision de la RLS dans la perspective du Pacte de confiance.


* 5 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16t0026_texte-adopte-seance#D_Article_16

* 6 http://www.senat.fr/rap/r21-206/r21-206-syn.pdf

* 7 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041466716/

* 8 https://www.insee.fr/fr/statistiques/6438775?sommaire=6438793

* 9 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16t0026_texte-adopte-seance#D_Article_41_terhttps://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16t0026_texte-adopte-seance

* 10 http://www.senat.fr/amendements/2022-2023/114/Amdt_II-373.html

Page mise à jour le

Partager cette page