EXAMEN DES ARTICLES

La commission des Lois est saisie pour avis des titres II et III de la proposition de loi, tandis que la commission des Affaires sociales a examiné le titre premier modifiant le code du travail 62 ( * ) .

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA FONCTION PUBLIQUE

Le titre II de la proposition de loi initiale était divisé en quatre chapitres : le chapitre premier modifiait les dispositions du statut général communes aux trois fonctions publiques (articles 10 à 14) ; les chapitres II à IV s'appliquaient respectivement à la fonction publique de l'Etat, à la fonction publique territoriale et à la fonction publique hospitalière.

Sur proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a simplifié la rédaction du titre II en supprimant les quatre subdivisions en chapitre.

CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS MODIFIANT LA LOI N° 83-634 DU 13 JUILLET 1983
PORTANT DROITS ET OBLIGATIONS DES FONCTIONNAIRES

Votre commission des Lois vous propose de maintenir la suppression de cette division et de son intitulé.

Articles 10 à 12
(art. 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
portant droits et obligations des fonctionnaires)
Coordinations

Les articles 10 à 12 du texte de la proposition de loi initiale ont été transférés aux paragraphes III à V de l'article 14 ter, sur proposition de la commission des Lois de l'Assemblée nationale et avec l'avis favorable du Gouvernement.

Votre commission des Lois vous propose de maintenir la suppression des articles 10 à 12.

Article 13
(art. 6 bis (nouveau) de la loi n° 83-634
du 13 juillet 1983 précitée)
Interdiction des discriminations en raison du sexe -
exception autorisant les discriminations " positives "

Cet article a un double objet.

• D'une part, il isole les dispositions du statut général des fonctionnaires qui interdisent les discriminations en raison du sexe, afin de les mettre en valeur .

Formellement, il tend à disjoindre de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 les dispositions relatives à la discrimination en raison du sexe, pour les faire figurer dans un article distinct, l'article 6 bis. Il s'agit d'une proposition figurant dans le rapport de Mme Anne-Marie Colmou, qui juge intellectuellement peu satisfaisant que la liberté d'opinion, la liberté syndicale et les handicaps physiques soient mis au même plan que l'appartenance à un sexe, elle-même mise sur le même plan que le harcèlement sexuel.

Sur le fond, cette nouvelle rédaction est sans incidence sur l'état du droit en vigueur.

Le premier alinéa de l'article 6 bis proposé pose le principe de non-discrimination : " Aucune distinction ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leur sexe ". Il met en exergue un des facteurs de discrimination énumérés à l'actuel article 6 : " Aucune distinction ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur sexe, de leur état de santé, de leur handicap ou de leur appartenance ethnique ".

Le deuxième alinéa de l'article 6 bis proposé reprend la dérogation au principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de recrutement : " Toutefois, des recrutements distincts pour les femmes ou les hommes 63 ( * ) peuvent, exceptionnellement, être prévus lorsque l'appartenance à l'un ou à l'autre sexe constitue une condition déterminante de l'exercice des fonctions ".

• Le second objet du présent article est d' introduire une nouvelle dérogation au principe d'égalité de traitement entre hommes et femmes . C'est la principale innovation de cette proposition de loi et une des propositions du rapport remis par Mme Anne-Marie Colmou.

Selon le troisième alinéa de l'article 6 bis proposé, des distinctions peuvent être faites entre les femmes et les hommes en vue de la désignation, par l'administration, des membres des jurys et des comités de sélection constitués pour le recrutement et l'avancement des fonctionnaires, d'une part, de ses représentants au sein des organismes consultés sur les décisions individuelles relatives à la carrière des fonctionnaires et sur les questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des services, d'autre part.

L'objectif est de " concourir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans ces organes ".

Cette possibilité de discrimination " positive " , inscrite dans le titre premier du statut général des fonctionnaires, serait applicable dans les trois fonctions publiques ; elle est déclinée dans chacune des trois lois statutaires spécifiques par les articles 14 à 22 de la proposition de loi.

Votre commission des Lois a souhaité examiner ce dispositif au regard du principe constitutionnel d'égal accès aux emplois publics . L'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose en effet que " tous les citoyens sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ". 64 ( * )

L'idée d'une corrélation entre la féminisation des jurys et l'augmentation du taux de réussite des femmes aux concours de la fonction publique paraît offenser l'impartialité des jurys de concours. Comme il a été indiqué lors des débats parlementaires à l'Assemblée nationale, cette mesure jetterait " une suspicion sur la neutralité, l'impartialité et l'objectivité des jurys qui, depuis un siècle, ont bâti la fonction publique de ce pays ". Il ne paraît pas acceptable " que l'on puisse soupçonner des membres de jurys de concours de s'être prononcés en considération du fait qu'un candidat est un homme ou une femme. " 65 ( * )

Le résultat obtenu pourrait même être défavorable aux femmes, soupçonnées d'avoir été désignées moins en raison de leurs compétences professionnelles qu'en raison de leur sexe.

Dès lors, votre commission des Lois souhaite établir clairement que la promotion des femmes aux responsabilités de membre de jury ou de représentant de l'administration dans les corps où elles sont sous-représentées obéit à un objectif d'intérêt général, qui est la promotion de l'égalité des chances entre hommes et femmes, mais ne saurait être interprétée comme un moyen d'introduire un préjugé en faveur des candidates ou en faveur des femmes fonctionnaires à l'égard desquelles le jury, la commission administrative paritaire ou le comité technique paritaire aurait à se prononcer.

Elle vous propose d'adopter l'article 13 sans modification .

Article 14
(art. 6 ter (nouveau) de la loi n° 83-634
du 13 juillet 1983 précitée)
Lutte contre le harcèlement sexuel

Cet article tend à isoler, afin de les mettre en valeur , les dispositions du statut général des fonctionnaires réprimant les sanctions à l'encontre des agents qui ont dénoncé ou refusé de subir des actes de harcèlement sexuel, dispositions qui datent de 1992.

Il reproduit les dispositions des quatre derniers alinéas de l'article 6 de la loi statutaire du 13 juillet 1983, applicables dans les trois fonctions publiques.

Ainsi, est réaffirmée l'interdiction des sanctions ou discriminations à l'égard des agents qui ont été victimes d'agissements de harcèlement sexuel ou qui ont dénoncé de tels faits : " Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération :

" 1° Le fait qu'il a subi ou refusé (de subir) les agissements de harcèlement d'un supérieur hiérarchique ou de toute personne qui, abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, a donné des ordres, proféré des menaces, imposé des contraintes ou exercé des pressions de toute nature sur ce fonctionnaire dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers ;

" 2° Ou bien le fait qu'il a témoigné de tels agissements ou qu'il les a relatés . "

Sur proposition de Mmes Lignières-Cassou, Bousquet, Casanova, Lacuey et M. Vallini, l'Assemblée nationale a adopté un amendement complétant le champ d'application de cet article afin d' inclure le domaine disciplinaire . Le Gouvernement a donné un avis de sagesse , considérant qu'en l'état actuel du droit, une sanction disciplinaire ne pouvait être fondée sur le refus ou la dénonciation du harcèlement sexuel.

Enfin, il est rappelé que tout agent ayant procédé aux agissements de harcèlement sexuel est passible d'une sanction disciplinaire. En 1997, 97 sanctions disciplinaires ont été prises dans la fonction publique de l'Etat pour des fautes liées aux moeurs (incrimination plus large que le strict harcèlement sexuel) dont 47 révocations, 11 mises à la retraite d'office et 20 exclusions temporaires de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. En 1998, 70 sanctions disciplinaires pour fautes liées aux moeurs ont été prises dont 30 révocations et 19 exclusions temporaires de fonctions de trois mois à deux ans. En 1999, 56 sanctions disciplinaires de ce type ont été prononcées dont 23 révocations et 11 exclusions temporaires de fonctions de trois mois à deux ans.

Bien entendu, une sanction pénale est envisageable sur le fondement de l'article 222-33 du code pénal 66 ( * ) . Malheureusement, il semble que malgré l'intervention de la loi du 2 novembre 1992 67 ( * ) , les victimes de harcèlement sexuel hésitent encore fréquemment à saisir le juge.

De façon générale, votre commission des Lois désapprouve la méthode consistant à répéter purement et simplement le droit existant. Ce bégaiement législatif ne contribue ni à enrayer l'augmentation de la production normative, ni à renforcer la sécurité juridique à laquelle les citoyens ont droit.

Dans le cas présent, compte tenu des aménagements rédactionnels apportés par l'Assemblée nationale, votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 14 sans modification .

Article 14 bis (nouveau)
(art. 6 quater (nouveau) de la loi n° 83-634
du 13 juillet 1983 précitée)
Rapport au Parlement sur l'application du principe d'égalité des sexes
dans la fonction publique

Cet article tend à modifier l'intitulé et le contenu du rapport remis par le Gouvernement au Parlement sur le thème de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes dans la fonction publique.

Il a été introduit à l'Assemblée nationale sur proposition de Mme Génisson, M. Vallini, Mmes Casanova, Bouquet, Lignières-Cassou, Lacuey, Pérol-Dumont et Roudy, avec l'avis favorable du Gouvernement. Formellement, le rapport figurera dans un article 6 quater de la loi statutaire du 13 juillet 1983, ce qui permet de synthétiser les données relatives aux trois fonctions publiques dans un rapport unique .

Actuellement, le Gouvernement remet tous les deux ans au Parlement un rapport " sur les mesures prises dans la fonction publique pour assurer l'application du principe d'égalité des sexes " 68 ( * ) , qui concerne la fonction publique de l'Etat et la fonction publique territoriale. Le rapport spécifique à la fonction publique hospitalière n'a jamais été remis.

Désormais, le rapport sera intitulé " rapport sur la situation comparée dans la fonction publique des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes visés à l'article 2 " du titre premier du statut général des fonctionnaires 69 ( * ) .

Votre commission des Lois estime que l'intitulé actuel du rapport est plus simple et plus clair que celui proposé par l'Assemblée nationale. Elle vous soumet un amendement tendant à rétablir l'intitulé actuel.

Le rapport sera établi après avis des Conseils supérieurs de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, chacun pour la partie qui le concerne. Actuellement, le rapport concernant la fonction publique de l'Etat et la fonction publique territoriale est pris après avis des Conseils supérieurs de ces deux fonctions publiques.

L'Assemblée nationale a souhaité établir un parallèle avec le rapport de situation comparée qui doit être établi, dans les entreprises de plus de cinquante salariés , sur la base d' " indicateurs pertinents " définis par décret, selon l'article 1 er de la présente proposition de loi. Sur cette question, Mme Annick Bocandé, rapporteur de la commission des Affaires sociales, saisie au fond de la présente proposition de loi, a privilégié la voie de la négociation collective pour la fixation des indicateurs utilisés.

Il est souhaitable que le Gouvernement considère qu'il va de soi que le rapport est établi sur la base d'indicateurs pertinents. S'agissant d'un rapport rédigé par le Gouvernement, la fixation par décret des indicateurs pertinents n'est pas justifiée : le parallèle avec les entreprises privées trouve ici ses limites.

Le présent article propose que le rapport " comporte une analyse sur la base d'indicateurs pertinents, définis par décret, reposant notamment sur des éléments chiffrés, permettant d'apprécier la situation respective des femmes et des hommes en matière de recrutement, de formation, d'avancement, de conditions de travail et de rémunération effective ". Le rapport devra dresser " notamment le bilan des mesures prises pour garantir, à tous les niveaux de la hiérarchie, le respect du principe d'égalité des sexes dans la fonction publique, présenter les objectifs prévus pour les années à venir et les actions qui seront menées à ce titre ".

Votre commission des Lois déplore les lacunes actuelles du rapport remis par le Gouvernement au Parlement, en particulier la faiblesse des données concernant la fonction publique territoriale et l'absence de tout rapport sur la fonction publique hospitalière. Cependant, ce n'est pas parce que la loi dressera la table des matières du rapport que le contenu de celui-ci sera amélioré .

Aussi vous propose-t-elle un amendement tendant à supprimer ces précisions qui surchargent inutilement la loi sans garantir son efficacité.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 14 bis ainsi modifié .

Article 14 ter
(art. 2-6 du code de procédure pénale,
art. 8 de la loi n° 92-1179 du 2 novembre 1992,
art. 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983)
Coordinations

Cet article modifie les textes législatifs faisant référence au harcèlement sexuel dans la fonction publique, afin de procéder aux coordinations rendues nécessaires par l'article 14 de la proposition de loi. Il s'agit d'un article purement formel, adopté sur proposition de la commission des Lois de l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du Gouvernement.

Le I modifie l'article 2-6 du code de procédure pénale, qui permet aux associations d'agir en justice pour les infractions de harcèlement sexuel, si elles justifient avoir reçu l'accord écrit de la personne intéressée.

Le II modifie l'article 8 de la loi n° 92-1179 du 2 novembre 1992 relative à l'abus d'autorité en matière sexuelle dans les relations de travail. Cet article dispose que les actions en justice en matière de harcèlement sexuel donnent lieu à des débats à huis clos ou en chambre du conseil, à la demande de l'une des parties.

Le III correspond au transfert du contenu de l'article 10 de la proposition de loi initiale. Il s'agit de supprimer dans l'article 6 de la loi statutaire du 13 juillet 1983 la référence aux discriminations selon le sexe, puisqu'elle figure désormais dans un article spécifique (article 6 bis de la loi du 13 juillet 1983), en application de l'article 13 de la proposition de loi.

Le IV correspond au transfert du contenu de l'article 11 de la proposition de loi initiale. Il s'agit de la dérogation au principe de l'égalité de traitement entre agents publics permettant de tenir compte d'éventuelles inaptitudes physiques à exercer certaines fonctions.

Enfin, le V correspond à l'article 12 de la proposition de loi initiale. Il abroge les dispositions de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 qui sont reproduites sous les articles 6 bis et 6 ter (articles 13 et 14 de la proposition de loi).

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 14 ter sans modification .

Article 14 quater (nouveau)
(art. 21 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984,
art. 37 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984,
art. 34 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986)
Rapport du Gouvernement au Parlement - Coordinations

Cet article purement formel supprime les dispositions des trois lois statutaires relatives au rapport remis par le Gouvernement au Parlement sur les mesures prises dans la fonction publique pour assurer l'application du principe d'égalité des sexes.

Il a été adopté à l'Assemblée nationale sur proposition de Mme Génisson, M. Vallini, Mmes Casanova, Bousquet, Lignières-Cassou, Lacuey, Pérol-Dumont et Roudy, avec l'avis favorable du Gouvernement.

Le rapport commun à la fonction publique de l'Etat et à la fonction publique territoriale est actuellement l'occasion pour le Gouvernement de réviser la liste des corps pour lesquels des recrutements distincts entre les hommes et les femmes peuvent être organisés . Cette obligation de réexamen résulte des termes mêmes de la directive du 9 février 1976. Or, elle a été supprimée par l'Assemblée nationale sans qu'aucune explication ne soit donnée.

Votre commission des Lois vous soumet un amendement tendant à rétablir cette disposition, afin que le droit français reste conforme la directive du 9 février 1976.

Elle vous propose d'adopter l'article 14 quater ainsi modifié .

* 62 Rapport n° 475 (Sénat, 1999-2000) de Mme Annick Bocandé.

* 63 Les deux termes ont volontairement été intervertis, le droit en vigueur prévoyant des recrutements distincts " pour les hommes et les femmes ".

* 64 Cf. exposé général.

* 65 Propos de Mme Nicole Catala, députée, JO Débats, AN, première séance du 7 mars 2000, page 1529.

* 66 " Le fait de harceler autrui en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves, dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, est puni d'un an d'emprisonnement et de 100.000 francs d'amende ".

* 67 La loi n° 92-1179 du 2 novembre 1992 relative à l'abus d'autorité en matière sexuelle dans les relations de travail a introduit les dispositions sur le harcèlement sexuel dans l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983.

* 68 Dès 1982, la loi n° 82-380 du 7 mai 1982 a fait obligation au Gouvernement de déposer ce rapport. Celui-ci a été présenté en 1984, 1986, 1988, 1992, 1995, 1997 et février 2000.

* 69 L'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 définit le champ d'application du statut général : fonctionnaires civils des administrations de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics (à l'exclusion des fonctionnaires des assemblées parlementaires et des magistrats de l'ordre judiciaire) ; fonctionnaires des établissements publics à caractère industriel ou commercial.

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