II. LES JURIDICTIONS FINANCIÈRES
Les crédits du programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » prévoient des dépenses de personnel (titre 2) à hauteur de 196,2 millions d'euros, soit une augmentation de 0,7 million d'euros. Ces crédits supplémentaires sont destinés à la création de 10 ETP : 5 ETP pour renforcer les fonctions de contrôle et d'appui selon le schéma d'emplois révisé en 2019 ; 5 ETP pour préparer le mandat 2022-2028 de la Cour des comptes au Comité des commissaires aux comptes de l'Organisation des Nations Unies (ONU), correspondant au recrutement d'auditeurs financiers.
Les crédits de paiement, hors titre 2, qui visent à assurer aux juridictions financières les moyens informatiques, immobiliers et humains leur permettant d'exercer leurs missions, sont stables avec un montant de 24,9 millions d'euros.
A. UNE STABILITÉ DES MOYENS HUMAINS QUI ENTRAÎNE UNE PRIORISATION TOUJOURS PLUS ACCRUE DES CONTRÔLES
Le périmètre des compétences des juridictions financières s'est étendu de manière importante au cours des dernières années et le nombre des organismes soumis à leur contrôle s'est multiplié 7 ( * ) . Parallèlement, les dossiers se sont complexifiés et les organismes contrôlés sont montés en compétence.
Dans ces conditions, la stabilité des moyens humains consacrés aux juridictions financières induit de facto une priorisation toujours plus forte des contrôles des comptes et de la gestion, contrôles qui sont l'occasion pour la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) d'exercer la fonction juridictionnelle qui justifie leur statut, celle de « juges des comptes ». Il est à craindre que le contrôle budgétaire et la mission de conseil qui en découle soient également évincés.
Ce phénomène est accentué pour les CRTC qui participent aux travaux des formations interjuridictions (FIJ) prévues par l'article L. 141-13 du code des juridictions financières, dans le cadre de l'évaluation des politiques publiques. Au 1 er juillet 2020, 23 FIJ sont en cours, ce qui ne peut manquer de prendre une part importante de la programmation des CRTC.
La baisse d'intensité des contrôles est une vraie question. Elle peut à terme entraîner une érosion de la confiance des citoyens envers leurs décideurs publics.
B. LE PROJET « FJ 2025 » : LA NÉCESSITÉ DE PRÉSERVER LES MISSIONS TRADITIONNELLES DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES
Pierre Moscovici, nommé le 3 juin 2020 Premier président de la Cour des comptes, a lancé le chantier de réflexions stratégiques des juridictions financières « JF 2025 » autour de 6 ateliers thématiques.
Atelier 1 : Être une juridiction financière : garantir les enjeux de responsabilité et les impératifs de probité.
Atelier 2 : Accompagner et éclairer la décision et la transformation de l'action publique.
Atelier 3 : La place et le rôle des juridictions financières au plan territorial.
Atelier 4 : La place et le rôle des juridictions financières au plan européen et international.
Atelier 5 : Développer les capacités prospectives et quantitatives des juridictions financières pour conforter nos travaux d'évaluation.
Atelier 6 : Les juridictions financières et le citoyen : informer, consulter, faire participer.
Dans le cadre de la réforme envisagée, le rapporteur considère important :
- que les CRTC maintiennent l'indépendance de leur programmation ;
- qu'elles puissent conserver au sein de celle-ci une place suffisante pour les missions traditionnelles qu'elles exercent auprès des collectivités territoriales , à savoir le contrôle organique, le jugement des comptes et le contrôle budgétaire ;
- que les contrôles puissent s'exercer sur un temps suffisamment long pour permettre la collégialité et la contradiction ; dans ce domaine, « aller plus vite », ne semble pas être un objectif prioritaire.
Enfin, le rapporteur serait favorable, pour une meilleure lisibilité, à une ventilation des crédits entre la Cour des comptes et les CRTC , à l'instar de ce qui est fait en programme 165 entre le Conseil d'État, les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs (actions séparées) ou avec le Haut conseil des finances publiques (programme 340).
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La commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » et 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » de la mission « Conseil et contrôle de l'État » inscrits au PLF pour 2021.
La mission « Conseil et contrôle de l'État» sera examinée en séance publique le 29 novembre.
* 7 Dernièrement, l'article 109 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a étendu la compétence de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) aux personnes morales de droit privé à caractère sanitaire, social ou médico-social et financées par l'État, par ses établissements publics ou par les organismes de Sécurité sociale.