IV. 2021 : LE DÉFI DE L'AUGMENTATION DU NOMBRE DE MISSIONS DU SERVICE CIVIQUE
A. LA FORTE VOLONTÉ D'ENGAGEMENT DES JEUNES EN SERVICE CIVIQUE RÉVÉLÉE PAR LE PREMIER CONFINEMENT
Le service civique, comme de très nombreux domaines, a subi le premier confinement. Selon les chiffres transmis par l'agence du service civique, en mars 2020, 58 500 jeunes effectuaient une mission de service civique. Trois adaptations ont été proposées : la suspension de la mission, la poursuite de la mission à distance, la poursuite de la mission sur le terrain dans un cadre sécurisé.
Un tiers des volontaires ont continué leur mission, dont 5 à 10 % sur le terrain. Quant aux jeunes qui ont vu leurs missions suspendues, la quasi-intégralité s'est tournée vers la réserve civique : 50 000 jeunes en service civique se sont inscrits sur la plateforme « jeveuxaider.gouv.fr ». Le rapporteur pour avis appelle à l'inscription d'un article dans tous les contrats de service civique permettant en cas de crise, au préfet de pouvoir détourner momentanément le volontaire de sa mission - avec son accord - pour l'affecter sur une mission d'urgence . A titre d'exemple, une telle clause aurait pu avoir son utilité à la suite des très fortes intempéries qui ont frappé les Alpes-Maritimes début octobre.
Le premier confinement a également eu un effet négatif important sur les débuts de mission. Les recrutements au mois de mars, avril et mai ont connu une chute importante. Par rapport à la prévision initiale pour 2020, une dizaine de milliers de recrutements ne sont pas intervenus au premier quadrimestre 2020.
B. LE SERVICE CIVIQUE, ACTEUR IMPORTANT DU PLAN « 1JEUNE, 1SOLUTION »
1. 100 000 missions supplémentaires : le projet ambitieux du plan de relance
Lors de son discours du 14 juillet, le Président de la République a annoncé la création de 100 000 missions de service civique supplémentaires, dans le cadre du plan « 1jeune1solution », dont 20 000 dès 2020 et 80 000 en 2021. Rapporté au nombre habituel de missions - 145 000 -, le défi à relever est important : l'augmentation du nombre de missions à trouver est de 69 %. Des priorités thématiques ont été fixées pour ces missions « plan de relance » : la solidarité intergénérationnelle, la continuité pédagogique, l'inclusion, l'égalité femme-homme, ou encore la transition énergétique.
Le rapporteur pour avis se félicite de cette annonce qui est une reconnaissance à la capacité d'insertion du service civique . Une étude récente de l'INJEP constate d'ailleurs le rôle joué par le service civique pour « des jeunes en réorientation n'ayant pas terminé leurs études ou ayant obtenu des diplômes qui ne permettent pas une insertion professionnelle aisée » 11 ( * ) . Les résultats en matière d'insertion professionnelle sont également bons pour les volontaires en situation « précaire » ayant une expérience professionnelle avant de commencer leur mission, et pour ceux au chômage de longue durée et sans expérience professionnelle. D'ailleurs, le groupe animé par votre rapporteur pour avis en mai 2020 sur les conséquences de la crise de la covid-19 sur le secteur associatif avait appelé au renforcement du recours au service civique afin de limiter le coût social de la crise dans les mois à venir.
Il note toutefois que la marche à franchir est particulièrement haute pour les quatre derniers mois de 2020 . A l'origine, il était prévu l'entrée dans le dispositif de 60 000 jeunes sur cette période. Pour atteindre l'objectif initial de 145 000 missions inscrit au PLF 2020, il est nécessaire d'y ajouter les 10 000 recrutements de rattrapage du premier semestre. A cela s'ajoutent les 20 000 missions supplémentaires à trouver dans le cadre du plan de relance. Au total, ce sont 90 000 missions qui doivent être proposées sur le dernier quadrimestre 2020 . Et selon les propos de l'agence du service civique « l'année prochaine, la marche sera encore plus haute ». La mobilisation de tous est donc primordiale pour réussir cette étape.
2. La nécessaire mobilisation de tous les acteurs publics
Dès lors, le rapporteur pour avis regrette une certaine lenteur de la mobilisation des ministères pour trouver ces nouvelles missions . La première réunion interministérielle à la suite de cette annonce du 14 juillet du président de la République a eu lieu fin septembre, soit deux mois et demi après le discours. De même, les instructions aux préfets fixant les objectifs et les thématiques prioritaires n'ont été envoyées que mi-septembre.
Le rapporteur pour avis appelle à une mobilisation de l'ensemble des acteurs publics , susceptibles de pouvoir proposer des missions, à se mobiliser. En effet, les capacités de mobilisation des ministères sont inégales. Ainsi, si le ministère de l'éducation nationale ou le ministère de l'intérieur peuvent proposer un nombre important de missions en leur sein, tel n'est pas le cas du ministère de la transition énergétique. En effet, il gère directement très peu d'établissements accueillant du public. De même, le ministère de la culture gère peu d'établissements en propre. La mise en place de mission de service civique doit être faite directement par les établissements partenaires, ou être incluse dans les conventions liant ces ministères à leurs opérateurs et principaux partenaires.
Le rapporteur pour avis souhaite également que les collectivités locales se mobilisent fortement pour augmenter de façon significative le nombre de missions proposées. Actuellement, seuls 12 % des missions de service civique ont lieu au sein des collectivités locales. Les communautés de communes ont un rôle important à jouer en la matière, surtout en milieu rural. Elles ont démontré leurs capacités de services à destination des citoyens dans des compétences allant de la petite enfance au troisième âge.
Enfin, le rapporteur pour avis juge intéressantes les expériences de pépinières de service civique, et encourage le développement de pôles d'appui dans les territoires pour accompagner les associations et collectivités territoriales, leur présenter l'intérêt du service civique dans un contexte de renouvellement des équipes municipales.
3. Qualité des missions, formation des tuteurs, développement en milieu rural : trois points de vigilance pour 2021
Si la question du contrôle de la qualité des missions proposées a toujours été une préoccupation importante, elle prend une acuité toute particulière dans cette phase de développement très rapide du service civique. Lors de son audition, Sarah El Haïry, secrétaire d'État à la jeunesse et à l'engagement, a indiqué que le recrutement de 13 personnes supplémentaires au sein de l'agence pour le service civique était prévu. Pour le rapporteur pour avis, ce personnel supplémentaire est indispensable afin de s'assurer de la qualité des missions proposées , mais aussi pour vérifier qu'il n'y a pas de substitution à l'emploi par la création d'une mission de service civique.
En outre, la question de la formation des tuteurs, et notamment des nouvelles structures est primordiale, et ceci avant l'accueil d'un jeune . Consciente de cette problématique, l'agence du service civique a lancé un marché annuel national de formation des tuteurs, remporté par le groupement solidaire « Unis-Cité/Ligue de l'enseignement ». Celui-ci propose notamment des modules spécifiques au service civique - par exemple « accompagnement du volontaire pendant sa mission », ou « atelier de découverte du rôle du tuteur ». Or, le rapporteur pour avis a été surpris d'apprendre qu'un certain nombre de ministères n'avaient pas recours à cette formation , mais recouraient à d'autres acteurs. Or, les formations proposées par ceux-ci portent sur l'engagement, la jeunesse et les associations. Elles ne sont pas opérationnelles pour un futur tuteur : le service civique n'est qu'un des nombreux sujets évoqués et en des termes trop généralistes . Aussi, le rapporteur pour avis appelle les ministères et de manière plus générale l'ensemble des structures accueillant des volontaires à privilégier les formations issues du marché lancé par l'agence du service civique .
De plus, le service civique doit être une solution offerte à tous les jeunes, quel que soit leur lieu de résidence. La mise en place de ces 100 000 missions supplémentaires ne peut se limiter aux seuls territoires urbains et périurbains . Les territoires ruraux ne doivent pas être oubliés, avec des solutions à apporter en termes de déplacement, de logement et d'accompagnement des volontaires . Or, traditionnellement, les structures d'intermédiation comme Unis-Cité ou la ligue de l'enseignement y sont moins présentes. A titre d'exemple, un encadrant d'Unis-Cité suit 20 volontaires qu'il rencontre régulièrement. Un tel modèle est difficilement transposable en zone rurale. Dans cette perspective, le rapporteur pour avis appelle à dresser rapidement un bilan du recours à la visioconférence et au suivi à distance mis en place pendant le premier confinement . Ces innovations pourraient utilement être utilisées pour faciliter l'accompagnement en milieu rural en permettant un accompagnement régulier du jeune et de la structure, tout en réduisant les contraintes liées à un déplacement fréquent .
Enfin et surtout, le rapporteur pour avis s'interroge sur la pérennisation de ces 100 000 missions supplémentaires . Il rappelle que l'investissement pour accompagner un jeune en service civique est lourd pour des structures qui n'en ont pour l'instant jamais accueilli. Or certaines d'entre elles risquent de ne pas vouloir se lancer dans cette aventure, si elles n'ont pas la garantie de pouvoir capitaliser sur l'expérience acquise dans l'accueil de jeunes pour les années suivantes. Une visibilité à moyen terme est indispensable pour réussir le défi ambitieux lancé par le Président de la République le 14 juillet dernier.
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Sur la proposition de votre rapporteur pour avis, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme 163 « jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2021.
* 11 Les volontaires en service civique : des parcours de formation et d'insertion variées, INJEP, analyses et synthèses n° 32, mars 2020.