C. UNE AUGMENTATION DE LA DETTE SOCIALE DE 50 MILLIARDS D'EUROS À L'HORIZON 2024
Le présent projet de loi de financement met en avant des déficits cumulés du régime général et du FSV largement supérieurs à 92 milliards d'euros pour la période 2020-2023. Le déficit cumulé atteindrait en effet 122 milliards d'euros fin 2023, alors même qu'un nouveau déficit, établi à 20 milliards d'euros, est attendu pour l'exercice 2024.
Cette trajectoire affecte directement la perspective, déjà pour partie irréaliste d'un effacement de la dette sociale à moyen terme, retenue lors de l'adoption de la loi du 7 août 2020. Elle remet en question la soutenabilité même du système. Un éventuel transfert de ce surplus de dette sociale estimé à 50 milliards d'euros contribuerait, encore une fois, à reporter le financement des déficits actuels sur les générations futures.
Cette tendance à la fuite vers l'endettement est par ailleurs renforcée dans le présent projet de loi de financement. L'article 23 prévoit en effet de maintenir le plafond d'emprunt de l'ACOSS à 95 milliards d'euros , soit le niveau atteint après le déclenchement de la crise sanitaire. Établi à 39 milliards d'euros en loi de financement pour 2020, il a été relevé, le 25 mars dernier, à 70 milliards d'euros 30 ( * ) . Cette majoration était destinée à couvrir les besoins de financement jusqu'à la fin mai 2020. Ces besoins étant appelés à dépasser 70 milliards d'euros le 9 juin, le plafond d'endettement a été majoré pour atteindre 95 milliards d'euros le 20 mai dernier 31 ( * ) .
Ce plafond élevé est supposé répondre à une logique de prudence. Elle tient compte du changement de politique de financement mis en oeuvre en avril dernier. Le financement n'est plus opéré à cinq ou sept jours, mais sur une période plus longue afin de faire face à une éventuelle fermeture des marchés financiers en raison de nouvelles mesures de confinement. Le Gouvernement avait reconnu, en avril dernier, les interrogations des financeurs face aux tensions sur la trésorerie de l'ACOSS liées à l'augmentation des prestations versées et au report concomitant de la collecte des cotisations 32 ( * ) . Un décalage constaté fin mars entre l'offre et la demande de numéraire sur le marché compte tenu de l'incertitude liée à la crise et du passage de fin de trimestre qui obligent les banques à détenir du numéraire pour leurs calculs de ratios prudentiels a également contribué à solliciter l'Agence France Trésor, désormais en charge du refinancement de l'ACOSS.
Compte tenu de cette nouvelle politique, l'ACOSS disposait, au 21 octobre dernier, d'un financement lui permettant de couvrir ses échéances jusqu'au 27 novembre 2020. De fait, il existe une réelle décorrélation entre les besoins de financement du moment et le niveau de financement.
* 30 Décret n° 2020-327 du 25 mars 2020 portant relèvement du plafond des avances de trésorerie au régime général de sécurité sociale.
* 31 Décret n° 2020-603 du 20 mai 2020 portant relèvement du plafond du recours aux ressources non permanentes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale. Les besoins de trésorerie du régime des exploitants agricoles peuvent également être couverts par l'emprunt à hauteur de 5 milliards d'euros.
* 32 L'État prête régulièrement à l'ACOSS (quelques jours à quelques semaines maximum) dans le cadre des gestions de trésoreries respectives, comme il le fait pour d'autres contreparties, sous la forme d'instruments appelés billets de trésorerie (Neu CP).