B. À LA RECHERCHE DES RAISONS DU RATTACHEMENT DE LA MIVILUDES AU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR
Le Gouvernement prévoit, pour 2020, la fusion de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) placée depuis 2002 sous l'autorité du Premier ministre avec le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) , actuellement de la responsabilité du ministre de l'intérieur.
La question qui se pose, c'est pourquoi cette idée saugrenue, le champ d'intervention de la MIVILUDES - les dérives sectaires dans tous les domaines (santé, éducation notamment) - n'ayant que marginalement à faire à la délinquance au sens classique de terme et de la radicalisation même s'il peut y avoir des rapports. Un champ d'intervention qui concerne évidemment plusieurs ministères dont la Mission est chargée de coordonner les actions. De là vient son caractère interministériel depuis 2002.
Rappelons qu'environ 500 000 Français seraient victimes de phénomènes sectaires en France, dont 50 000 enfants sans lien évidemment avec une quelconque radicalisation islamique .
Ce rattachement est d'autant plus incompréhensible que, dans une lettre 20 ( * ) en réponse au référé de la Cour des comptes (voir plus bas), le Premier ministre lui-même a réaffirmé la nécessité du « maintien d'une politique interministérielle, garantie par le rattachement de la Mission aux services du Premier ministre » pour permettre le meilleur niveau de réponse possible face à l'atomisation et la dispersion croissantes des menaces sectaires.
Noyer la MIVILUDES dans la lutte contre la radicalisation serait la vider complètement de sa substance à un moment où les réseaux et les pratiques thérapeutiques et éducatives d'origine sectaire d'importation fleurissent au pays de Descartes et de Condorcet.
Ce serait aussi rendre impossible l'étroite collaboration de la MIVILUDES avec les associations de victimes des dérives sectaires. La Mission joue, en effet, un rôle important dans l'accompagnement et la réinsertion de victimes des pratiques sectaires, secteur d'intervention ne concernant pas le ministère de l'intérieur qui ne manque d'ailleurs pas de sujets de préoccupations.
D'où l'incompréhension, les protestations de parlementaires et des représentants des associations de victimes des dérives sectaires 21 ( * ) .
L'origine officielle de ce projet de rattachement au CIPDR est un référé de 2017 de la Cour des comptes, ignorant apparemment les missions de la MIVILUDES 22 ( * ) et conseillant, comme d'ordinaire, la rationalisation des moyens pour gagner en efficience. Cour des comptes qui reconnaît honnêtement d'ailleurs que les « ressources budgétaires [de la MIVILUDES] au demeurant très modestes (moins de 0,5 million d'euros en tenant compte des coûts indirects supportés par les services du Premier ministre) ont été sensiblement réduites au cours des dix dernières années ».
D'où cette question lancinante : quelle est l'origine de cette idée saugrenue qui revient à supprimer purement et simplement, en disant le contraire, la MIVILUDES ?
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Sur la proposition de son rapporteur, la commission des lois a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » inscrits au projet de loi de finances pour 2020.
* 20 N° 1643/17/SG, 1 er août 2017.
* 21 Cf. l'organisation d'une conférence de presse, le 10 octobre 2019, à l'Assemblée nationale, pour afficher publiquement leur opposition à ce projet de fusion.
* 22 Cour des comptes - référé n° S2017-1611.