C. UN FRÉMISSEMENT À LA HAUSSE DES EFFECTIFS À CONSOLIDER
1. La fin de l'érosion des effectifs ?
Votre rapporteur pour avis note que cette campagne de communication porte ses fruits. Une nette inflexion est constatée cette année. Alors que le nombre d'élèves a diminué de 4 000 lors de la rentrée 2018, il est en hausse de 750 élèves pour la rentrée 2019. Lors de son audition, Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, a indiqué que cette augmentation permet de viser un objectif de 200 000 apprenants dans l'ensemble de l'enseignement agricole pour 2022.
Cette hausse, représentant en moyenne trois à quatre élèves de plus par établissement, cache toutefois des disparités . Selon les premières informations obtenues par votre rapporteur pour avis, cette hausse d'effectifs aurait principalement bénéficié aux établissements publics et aux formations agricoles. En revanche, lors de son audition, M. Philippe Poussin, secrétaire général du conseil national de l'enseignement agricole privé (Cneap), a constaté des baisses d'effectifs sur les formations relatives aux services aux personnes et déplore « l'absence de cohérence de la carte de formation, en raison d'un refus de voir la coexistence de deux systèmes » - celui de l'éducation nationale et celui de l'enseignement agricole. Ainsi, M. Philippe Poussin a indiqué avoir accompagné deux fermetures de formation, car dans un délai de dix ans trois filières similaires 18 ( * ) ont été créées dans un rayon de quarante kilomètres. Il a ainsi indiqué regretter « ces concurrences stériles sur un territoire à faible population » 19 ( * ) . Interrogée dans le cadre des questionnaires budgétaires sur les chevauchements région par région des formations avec l'éducation nationale, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a seulement indiqué que « le secteur des services à la personne, du conseil/vente et des industries agro-alimentaires est partagé entre les deux ministères et les formations correspondantes peuvent être concurrentielles dans certaines zones de recrutement », sans donner plus de précisions. Votre rapporteur pour avis regrette les concurrences entre les deux systèmes de formation. Le travail initié entre le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse et le ministère de l'agriculture et de l'alimentation doit désormais se poursuivre avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.
2. La nécessité d'accompagner l'effort de communication et de valorisation de l'enseignement agricole au niveau local
Votre rapporteur pour avis salue cette hausse des effectifs qui met fin à dix années de baisse consécutives. Toutefois, il souligne l'importance de la déclinaison de cette campagne de communication sur les territoires. En effet, l'enseignement agricole présente la spécificité d'être un enseignement national à ancrage territorial.
Or, lors de leurs auditions, les représentants du SEA-Unsa éducation ont indiqué à votre rapporteur pour avis que si « cette communication se voit bien au niveau national, il est désormais nécessaire de la décliner au niveau local » 20 ( * ) et ont regretté que ces dépenses ne soient souvent pas budgétisées localement. Ainsi, les établissements doivent financer sur leurs fonds propres ou via les cotisations d'associations de l'enseignement agricole des supports de communication dans les salons régionaux d'orientation. Votre rapporteur pour avis note également la demande des représentants des syndicats de création de postes de tiers temps chargés notamment de la communication.
Votre rapporteur pour avis souhaite en outre relayer l'inquiétude des représentants du SGEN-CFDT sur la conséquence du transfert aux régions des actions de formation sur les métiers et les formations aux niveaux régional, national et européen prévu par l'article 18 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. La déclinaison régionale du cadre national de référence définissant le partage des compétences entre l'État et les régions pourrait conduire à confier aux grands lycées de bassin cette mission d'orientation . Actuellement, il n'est pas prévu de confier une mission similaire aux lycées agricoles.
Votre rapporteur pour avis souhaite rappeler que franchir la porte d'un lycée pour pouvoir s'informer sur son orientation peut représenter pour certains élèves et leurs familles un frein , d'autant plus que les centres d'information et d'orientation ont notamment vocation à accueillir des jeunes qui se sont éloignés de l'école. Votre rapporteur pour avis souhaite ainsi attirer l'attention du Gouvernement et des régions sur la nécessité de mettre à disposition une information sur l'orientation accessible à l'ensemble des élèves. À cet égard, il souligne que ces lieux d'information doivent être ouverts au moment où les élèves sont disponibles - les mercredis et samedis après-midi - mais également pendant les vacances scolaires.
3. Prendre en compte cette inversion de tendance sur les effectifs dans les prochains arbitrages ministériels
Le schéma d'emplois pluriannuel sur la période 2019-2022 prévoit une réduction de 300 ETP dans l'enseignement agricole selon le schéma suivant : - 50 ETP en 2019, - 60 ETP en 2020, - 80 ETP en 2021 et - 70 ETP en 2022. Ces diminutions ont des effets immédiats sur l'enseignement délivré, puisque l'enseignement agricole est une petite structure. Certaines personnes auditionnées se sont étonnées du maintien de la suppression de 60 ETP dans le projet de loi de finances pour 2020, malgré la hausse des effectifs. Les représentants du Snetap-FSU soulignent notamment l'absence de visibilité budgétaire sur les enseignements facultatifs. À leur demande, les documents des régions sur les formations proposées dans l'enseignement agricole ont été retirés du site du ministère, puisque la très grande majorité des tableaux de formation était vide . Cette incapacité de se projeter peut être préjudiciable à la crédibilité de l'enseignement agricole vis-à-vis des jeunes et de leurs familles.
Votre rapporteur pour avis appelle l'attention du Gouvernement sur la nécessité de prendre en compte ces hausses d'effectifs dans le schéma d'emploi si elles venaient à se pérenniser . Comme le reconnait M. Philippe Vinçon, directeur général de l'enseignement et de la recherche du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, cette année constitue « une phase de transition délicate » puisque les effectifs des élèves passent « d'une dynamique descendante vers un cercle vertueux » à la hausse au moment où les effectifs du corps enseignant continuent à descendre.
* 18 Bac professionnel agricole service aux personnes et aux territoires et bac professionnel accompagnement, soins et services à la personne de l'éducation nationale.
* 19 Audition de M. Philippe Poussin, secrétaire général du conseil national de l'enseignement agricole du 21 octobre 2019.
* 20 Audition des représentants du SEA-Unsa éducation du 21 octobre 2019.