B. UNE NOUVELLE BAISSE DES EFFECTIFS DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA CONCURRENCE, DE LA CONSOMMATION ET DE LA RÉPRESSION DES FRAUDES, IMPOSANT UNE RÉORGANISATION DES MISSIONS ET DES SERVICES DÉCONCENTRÉS

Les crédits de paiement de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), dans le cadre de la nouvelle action n° 24 du programme, devraient subir une forte baisse de 2,22 % en 2019 par rapport à la loi de finances initiale pour 2018, faisant suite à une baisse équivalente de 2,21 % entre la loi de finances initiale pour 2018 et la loi de finances initiale pour 2017.

Comme en 2018, la DGCCRF devrait connaître en 2019 la suppression de 45 emplois , tant en administration centrale que dans les services déconcentrés, son plafond d'emplois étant réduit à 2 959. Cette seconde année de baisse significative intervient après quatre années de stabilisation, de 2014 à 2017, pour une administration de contrôle qui avait été très fortement mise à contribution auparavant par la réduction des effectifs de fonctionnaires. Selon la directrice générale, entendue par votre rapporteur, la DGCCRF en 2019 est moins mise à contribution que d'autres directions du ministère de l'économie et des finances, en raison des exigences de protection et de sécurité des consommateurs.

La baisse des statistiques d'activité de la DGCCRF, plus marquée que celle de ses effectifs, illustre bien les difficultés persistantes qu'elle rencontre dans l'exercice de ses missions. Ainsi, sur dix ans, de 2008 à 2017, le nombre de visites par les agents de la DGCCRF a diminué de 36 %, alors que ses effectifs globaux ont diminué de 21 %. Cette évolution confirme l'idée, déjà avancée par votre rapporteur comme par son prédécesseur, notre collègue Antoine Lefèvre, que la baisse d'activité ne résulterait pas seulement de la baisse des effectifs, mais sans doute aussi de l'évolution de l'organisation des services déconcentrés au sein desquels sont placés les agents de la DGCCRF.

Pour autant, la proportion de visites donnant lieu à la constatation de manquements progresse depuis quelques années, suggérant un meilleur ciblage des contrôles sur les établissements à risque, même si elle a marqué le pas en 2017, selon les données transmises à votre rapporteur, le nombre de manquements constatés lors des visites passant sous le seuil de 100 000.

Évolution de l'activité de contrôle de la DGCCRF

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Établissements contrôlés

172 289

166 579

160 038

153 748

141 696

137 134

126 587

119 413

116 219

112 686

Nombre de visites

257 215

253 772

238 333

231 724

214 725

206 683

185 940

174 352

168 078

165 001

Manquements constatés

149 639

147 202

163 311

157 788

141 804

124 031

111 491

116 683

114 646

97 683

Proportion des manquements sur les visites

58,18 %

58,01 %

68,52 %

68,09 %

66,04 %

60,01 %

59,96 %

66,92 %

68,21 %

59,20 %

Source : DGCCRF

Ainsi, votre rapporteur considère que la situation de la DGCCRF reste fragile, en raison de l'organisation et des effectifs des services déconcentrés , au sein des directions départementales de la protection des populations (DDPP) ou des directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP), directions départementales interministérielles placées sous l'autorité des préfets, qui accueillent les agents de la DGCCRF.

Environ 1 800 emplois sont localisés au niveau départemental, dans les DDPP et DDCSPP, et 600 au niveau régional, dans les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), au sein des pôles C. Dans 30 % des DDPP et DDCSPP, le nombre des agents de la DGCCRF est inférieur à 9 et, dans 50 %, il est inférieur à 12, souvent sans encadrement par des cadres issus de la DGCCRF 42 ( * ) . La directrice générale a estimé que la taille critique pour assurer une mission opérationnelle de contrôle était une équipe de 10 à 12 agents.

Compte tenu de ces effectifs en réduction, votre rapporteur s'interroge, comme les années précédentes, sur la capacité de cette administration à assurer pleinement sa mission de contrôle . Il avait estimé que le niveau atteint par les effectifs dans les services déconcentrés ne permettait plus de considérer comme optimale une organisation à l'échelon départemental, prônant par conséquent une régionalisation des missions de protection des consommateurs.

Or, dans une circulaire du 24 juillet 2018 sur l'organisation territoriale des services publics 43 ( * ) , le Premier ministre, tout en confirmant le maintien de la répartition actuelle des missions et des services entre les échelons régional et départemental, a invité les préfets de région à formuler des propositions pour mieux organiser les services départementaux, dans une logique de modularité et de mutualisation, en développant les coopérations interdépartementales 44 ( * ) . La circulaire précise que ces évolutions ne doivent pas conduire à régionaliser les missions exercées par les directions départementales interministérielles, ce dont il résulte que les agents de la DGCCRF ne quitteront pas ces directions.

Dans ces conditions, si la perspective d'une mutualisation des moyens par la régionalisation est désormais écartée, votre rapporteur juge indispensable de renforcer la mutualisation des effectifs et des compétences entre équipes départementales des agents de la DGCCRF placés dans les DDPP et DDCSPP. Le niveau de mutualisation est en effet aujourd'hui extrêmement faible 45 ( * ) . Cette évolution est toutefois laissée à ce jour à l'appréciation des préfets, au cas par cas, ce que déplore votre rapporteur, car elle mériterait d'être recherchée de façon systématique. Il conviendra par conséquent d'évaluer l'année prochaine les choix d'évolution organisationnelle réalisés dans chaque région.

À ce jour, il existe une expérimentation dans les trois départements du Doubs, de la Haute-Saône et du Territoire de Belfort, comportant une équipe unique regroupant les agents de la DGCCRF affectés dans les trois directions départementales sous l'autorité fonctionnelle unique d'un cadre de la DGCCRF, dans le cadre d'un mécanisme administrativement lourd de délégation de gestion des directions départementales de la Haute-Saône et du Territoire de Belfort à celle du Doubs. Selon la directrice générale, cette expérimentation produirait de bons résultats en termes d'amélioration de l'activité de contrôle.

Votre rapporteur rappelle que le ministre de l'économie et des finances, dans la perspective de la démarche « Action publique 2022 », s'était engagé à ce que soient rétablis de véritables services déconcentrés de la DGCCRF, dans le cadre d'une chaîne hiérarchique incluant, au niveau régional, le pôle C des DIRECCTE, lequel aurait pu devenir la structure de pilotage de l'ensemble des équipes constituées au niveau infrarégional. Telle ne sera donc pas l'évolution des services déconcentrés chargés de la protection des consommateurs.

L'externalisation de certaines missions simples de contrôle est aussi envisagée dans la circulaire précitée. À cet égard, le ministre de l'économie et des finances a d'ailleurs évoqué ces derniers mois une telle évolution pour les contrôles d'hygiène dans les restaurants, à titre d'exemple, permettant de faire face à la réduction des effectifs en recentrant les agents sur les contrôles les plus complexes ou sensibles. La question se pose de la prise en charge du coût des contrôles ainsi externalisés, qui pourrait être mis à la charge des établissements contrôlés eux-mêmes, par exemple dans un mécanisme de certification opéré par des organismes privés, sous le contrôle de la DGCCRF. Un tel recentrage des missions s'appuierait aussi davantage sur les signalements effectués par les consommateurs, encouragés grâce à l'outil numérique, afin de mieux cibler les contrôles. En tout état de cause, ces évolutions ne sont pas à ce jour arbitrées.

Ainsi, par rapport à l'année dernière, les chantiers restent entiers pour l'avenir et la transformation de la DGCCRF . La réduction des effectifs impose plus que jamais une réforme des missions et des services déconcentrés.

Par ailleurs, votre rapporteur a entendu en audition les magistrats de la Cour des comptes ayant participé à l'élaboration d'un référé en 2017 sur l'action de la DGCCRF en matière de protection économique du consommateur, dans le contexte notamment du développement du commerce électronique. Ce référé a été rendu public en mars 2018, assorti des réponses des ministres de la justice et de l'économie 46 ( * ) . La Cour a formulé plusieurs recommandations, pour une part de nature législative, en particulier le renforcement du montant des sanctions administratives en cas de manquement d'un professionnel, afin de les rendre plus dissuasives, la possibilité de prévoir l'indemnisation des consommateurs lésés dans le cadre d'une transaction administrative conclue par la DGCCRF et un professionnel en cas de manquement ou une publicité plus systématique des sanctions administratives prononcées. L'objectif recherché est de rendre le droit de la consommation plus effectif. La Cour suggère aussi de proposer au niveau européen un mécanisme d'assistance administrative pour le recouvrement des sanctions prononcées en cas de manquement d'un professionnel situé dans un autre État membre, visant notamment le commerce en ligne.

Dans le contexte actuel, il semble à votre rapporteur que l'organisation de la DGCCRF et celle des services déconcentrés chargés de la protection des consommateurs mériteraient également un contrôle de la Cour des comptes.


* 42 17 % des cadres des DDPP et DDCSPP sont issus de la DGCCRF.

* 43 Cette circulaire n'a pas fait l'objet d'une publication officielle.

* 44 Services communs à plusieurs départements limitrophes, exercice par une direction départementale d'une compétence à l'échelle de plusieurs départements, mise à disposition de compétences d'une direction départementale au profit d'une autre...

* 45 Il existe des compétences mutualisées au sein des pôles C des DIRECCTE, exercées par des agents qui peuvent intervenir en appui des agents plus polyvalents des DDPP et DDCSPP.

* 46 Ce référé est consultable à l'adresse suivante :

https://www.ccomptes.fr/fr/publications/laction-de-la-dgccrf-en-matiere-de-protection-economique-du-consommateur

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