N° 151
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019
Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2018 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , pour 2019 ,
TOME IV
Fascicule 3
MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES :
LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES
Par Mme Françoise LABORDE,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; M. Max Brisson, Mme Catherine Dumas, MM. Jacques Grosperrin, Antoine Karam, Mme Françoise Laborde, MM. Jean-Pierre Leleux, Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot, M. Pierre Ouzoulias, Mme Sylvie Robert , vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Claude Kern, Mme Claudine Lepage, M. Michel Savin , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, David Assouline, Mmes Annick Billon, Maryvonne Blondin, Céline Boulay-Espéronnier, Marie-Thérèse Bruguière, Céline Brulin, M. Joseph Castelli, Mmes Laure Darcos, Nicole Duranton, M. André Gattolin, Mme Samia Ghali, MM. Abdallah Hassani, Jean-Raymond Hugonet, Mmes Mireille Jouve, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Laurent Lafon, Michel Laugier, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Claude Malhuret, Christian Manable, Jean-Marie Mizzon, Mme Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Stéphane Piednoir, Mme Sonia de la Provôté, MM. Damien Regnard, Bruno Retailleau, Jean-Yves Roux, Alain Schmitz, Mme Dominique Vérien . |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 1255 , 1285 , 1288 , 1302 à 1307 , 1357 et T.A. 189
Sénat : 146 et 147 à 153 (2018-2019)
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Les industries culturelles au sens large regroupent le cinéma, la musique, le jeu vidéo, le soutien à la lecture et aux bibliothèques, soit autant de secteurs qui participent au bien-être de nos concitoyens et au rayonnement mondial de la France . Les industries culturelles constituent également des activités économiques qui représentent plus de 15 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel et emploient des dizaines de milliers de personnes.
Comme acteur économique, la puissance publique se doit de créer un cadre réglementaire adapté propre à permettre le développement et le succès, mais également à faire valoir dans le monde entier l'excellence de la création française.
Comme facteur de cohésion et d'influence, l'État se doit d'intervenir et de soutenir des industries profondément transformées, parfois malmenées, par la révolution du numérique et des usages de consommation.
Le soutien public total, qui comprend les dotations à la Bibliothèque nationale de France, s'élève à 1,3 milliard d'euros .
Objet principal du présent rapport, les crédits inscrits au programme 334 « livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles », sont destinés, pour l'essentiel, au soutien public au livre et à la lecture mais également, pour 5,3 %, aux secteurs de la musique enregistrée et du jeu vidéo , ainsi qu'au fonctionnement de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi). Ils connaissent une hausse des crédits de paiement de 11 % en 2019, liée principalement à la budgétisation des ressources du Centre national du livre. À périmètre constant, les crédits s'élèvent à 268,7 M€ en CP soit une baisse de 0,7 % .
Cependant, le soutien aux industries culturelles dépasse très largement ce montant. Il comprend également les taxes affectées au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), soit près de 680 M€ , et des dispositifs fiscaux d'un montant de 382 M€ en 2019.
L'ampleur certaine des soutiens publics est à la mesure des défis auxquels sont confrontées les industries culturelles dans les années à venir .
I. UN FINANCEMENT DU CINÉMA À CONFORTER ET STABILISER
A. LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE EN MUTATION
1. La révolution numérique
Prises au sens large, les industries audiovisuelles, qui regroupent le cinéma, la télévision, la vidéo et le jeu vidéo, représentent 11,5 milliards d'euros de dépenses pour les Français en 2017, soit une hausse de 2,7 % par rapport à 2016.
Dépenses en programmes audiovisuels en France en 2017
Dépenses 2017 |
Progression 2017/2016 (%) |
Part |
|
Cinéma |
1 380,6 |
- 0,6 % |
12,1 % |
Télévision |
5 519,9 |
- 0,9 % |
48,2 % |
dont abonnements |
1 212,3 |
- 2,7 % |
|
dont CAP |
2 307,6 |
+ 1,8 % |
|
Vidéo |
1 021,7 |
+ 6 % |
8,9 % |
dont vidéo physique |
536,6 |
- 10 % |
|
dont vidéo à la demande |
485,1 |
+ 32 % |
|
Jeu vidéo (hors matériel) |
3 530,2 |
+ 9 % |
30,8 % |
TOTAL |
11 452,4 |
+ 2,7 % |
100 % |
Source : données CNC, traitement commission de la culture du Sénat
Si le secteur progresse deux fois plus que les dépenses des ménages (+1,3 % en 2017), l'année 2017 continue à voir se manifester le grand basculement des modes de consommation des productions audiovisuelles . Suivant un schéma initié en amont par la musique, le numérique bouleverse un équilibre acquis , dans la vidéo et le jeu vidéo, où les ventes physiques seront très prochainement dépassées par l'achat dématérialisé (en location ou à l'achat), dans la télévision, où les dépenses liées au format linéaire sont en baisse de 2,7 %, mais en hausse de 0,8 % si on inclut la vidéo à la demande par abonnement. Ce dernier secteur (Netflix, Amazon Prime..) dépasse pour la première fois le marché du paiement à l'act e. On ne peut donc que regretter, l'annonce de la fermeture de Canalplay, précurseur de la vidéo par abonnement, pour des raisons exposées par le président du directoire de Canal + devant votre commission le 27 juin 2018 1 ( * ) .
L'évolution du marché de la vidéo à la demande Le chiffre d'affaires de la vidéo à la demande est de à 485,1 M€ en 2017. Il se décompose comme suit : 162,2 M€ pour la location à l'acte, qui a confirmé son recul (- 3,0 % par rapport à 2016), 73,9 M€ pour le téléchargement définitif, qui ralentit sa progression (+8,7 % par rapport à 2016), 249,0 M€ pour la vidéo à la demande par abonnement, en très forte hausse de 89,5 % par rapport à 2016. Source : commission de la culture du Sénat |
Dans ce contexte, le cinéma se présente comme un pôle de stabilité , avec une attractivité des salles qui, au-delà des fluctuations liées à telle ou telle sortie, ne se dément pas, et où la production française, soutenue par un puissant système mené par le CNC, demeure attractive et de haut niveau .
2. La place éminente du cinéma
Le financement d'un film ou d'une oeuvre audiovisuelle suppose la participation d'un grand nombre d'acteurs, tant les coûts sont en général élevés, y compris pour les « petits » films. Le coût moyen de production (excluant donc la distribution et la promotion) d'un film de fiction s'établit ainsi en 2017 à 5,2 M€.
Source : données CNC, traitement commission de la culture
Trois grandes sources de financement qui représentent 56 % du budget des films d'initiative française, probablement plus dans le cas des oeuvres audiovisuelles, sont actuellement soumises à des trajectoires complexes qui peuvent, à terme, fragiliser l'économie d'ensemble des oeuvres :
- les soutiens du CNC sont assis sur des taxes affectées qui ne devraient pas augmenter dans les années à venir , alors que le niveau des réserves ne permet plus un abondement significatif ;
- les chaînes de télévision n'ont pas pleinement adapté leur modèle à la montée en puissance des grands acteurs du numérique et subissent une érosion de leurs recettes publicitaires. L'accord trouvé le 6 novembre dernier entre Canal + et les organisations professionnelles de cinéma, qui devrait ouvrir rapidement la voie à une nouvelle chronologie des médias, constitue, de ce point de vue, une excellente nouvelle ;
- les crédits d'impôt , réformés en 2016, affichent des résultats positifs, mais pourraient être remis en cause dans un contexte général de recherche d'économies .
Il convient également de mentionner le rôle croissant et précieux des collectivités territoriales , fortement impliquées dans le développement de la filière de la production audiovisuelle.
* 1 https://www.senat.fr/les_actus_en_detail/article/audition-de-maxime-saada.html