INTRODUCTION

Madame, Monsieur,

La mission « Aide publique au développement » ne représente qu'une partie de l'aide publique au développement (APD) française déclarée à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), soit environ 3 milliards d'euros pour une APD totale d'environ 11 milliards d'euros. Toutefois, il s'agit de la part la plus importante en termes politiques, dans la mesure où elle inclut les crédits bilatéraux et multilatéraux permettant de mettre en oeuvre des projets de développement dans les pays bénéficiaires.

Au cours des dix dernières années, la stagnation ou la baisse des crédits budgétaires consacrés à l'aide publique au développement a été en partie compensée par la montée en puissance de l'Agence française de développement (AFD), qui a augmenté de manière très importante ses prêts, concessionnels ou non. L'agence a ainsi atteint un encours de prêts de plus de 30 milliards d'euros et plus de 10 milliards d'euros de nouveaux engagements en 2017, permettant de générer environ 3,5 milliards d'euros d'APD au sens de l'OCDE. Revers de la médaille de cette forte progression des prêts de l'AFD, davantage d'efforts ont finalement été consacrés aux pays à revenus intermédiaires et aux émergents qu'aux pays les plus en difficultés, qui ne sont pas en mesure de contracter des montants significatifs d'emprunts.

Ce modèle évolue toutefois progressivement depuis 2016. Désormais, l'effort financier de l'Etat repart à la hausse par le biais d'une augmentation des dons, en particulier les « dons-projets » de l'AFD. Le PLF pour 2019 prévoit ainsi une augmentation de plus d' 1 milliard d'euros des autorisations d'engagements en dons de l'agence. Les crédits de bonifications suivent eux aussi une trajectoire ascendante, avec plus de 700 millions d'euros d'autorisations d'engagement supplémentaires. Ces deux mesures doivent permettre de rejoindre une trajectoire aboutissant en 2022 à un taux APD/RNB (revenu national brut) de 0,55%, conformément à l'engagement pris par le Président de la République à l'été 2017.

Si votre commission se félicite de la progression importante des crédits d'aide publique au développement, l'APD faisant partie du triptyque des « 3D » (diplomatie-défense-développement), dont la mise en oeuvre simultanée constitue la seule réponse possible aux désordres actuels du monde, elle estime également que cette progression doit aller de pair avec un engagement accru en termes de « redevabilité », l'évaluation des actions menées devant plus que jamais permettre au Parlement, mais aussi plus largement à nos concitoyens, de constater la pertinence et l'efficacité de la politique mise en oeuvre.

Enfin, l'aide publique au développement française se positionne de plus en plus comme « leader » en matière de lutte contre le réchauffement climatique, avec une série d'engagements financiers forts adossés à l'Accord de Paris. Les conséquences de cette évolution, qui représente à certain égard un véritable changement de paradigme pour l'APD, sont examinées au sein du présent rapport, afin de mettre en lumière à la fois le fort engagement de notre pays en la matière mais aussi la nécessité d'apporter certaines améliorations.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

I. AU SEIN D'UNE AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONALE EN LÉGÈRE BAISSE, UNE APD FRANÇAISE EN PROGRESSION SIGNIFICATIVE

L'aide publique au développement internationale a connu un tassement en 2017. En revanche, l'aide française a légèrement augmenté par rapport au RNB, passant de 0,38% à 0,43%.

A. UNE APD INTERNATIONALE QUI STAGNE

1. Un moindre effort des donateurs du CAD compensé par l'augmentation des contributions hors CAD

Selon les données préliminaires dont dispose l'OCDE pour 2017, l'aide au développement des membres du CAD s'est élevée à 146,6 milliards USD, en diminution de 0,6% en termes réels par rapport à 2016. En proportion du revenu national brut (RNB), l'aide a également diminué, passant de 0,32% à 0,31% du RNB. Toutefois, malgré cette diminution de l'aide en provenance des pays du CAD, le volume mondial des fonds de développement a continué à progresser en 2017 du fait de l'augmentation des ressources provenant d'autres fournisseurs de coopération pour le développement qui notifient à l'OCDE leurs efforts en ce domaine. En particulier, l'aide humanitaire de la Turquie a augmenté, faisant passer son APD à 8,14 milliards USD, soit une hausse de plus de 40% par rapport à 2016. Les EAU ont également augmenté leur aide à 4,6 milliards USD (+6,5%). Par ailleurs, les flux Sud-Sud d'APD ont augmenté de 7%, soit 7,4 milliards de dollars.

Le graphique suivant indique les dix premiers contributeurs de l'APD en volume :

En pourcentage du RNB, l'évolution de ces pays est en revanche la suivante :

2. Des évolutions toutefois contrastées

La comparaison avec les autres pays donateurs permet de mettre en perspective la politique française d'APD. Ainsi, un groupe de pays du Nord de l'Europe (Scandinavie, Royaume-Uni et en partie l'Allemagne) a institué la politique d'aide publique au développement comme une priorité explicite et s'est nettement détaché du peloton des autres contributeurs du CAD.

Ainsi, les pays du nord de l'Europe, qui se sont fixé pour objectif d'atteindre un ratio d'APD/RNB de 1%, confirment leur détermination à maintenir leurs efforts (cf encadré).

Les pays du Nord de l'Europe, « bons élèves » de l'APD

En 2017, la Suède et la Norvège sont les premiers donateurs du CAD en part du RNB. Depuis 2009, ces deux pays ont toujours consacré plus de 0,9% de leur RNB à l'APD avec des ratios proches voire supérieurs à 1% : c'est le cas en 2017, avec une APD de 1,01% du RNB pour la Suède et 0,99% du RNB pour la Norvège. Cet objectif fait l'objet d'un large consensus politique dans ces pays et ce ratio devrait être maintenu dans les prochaines années.

En Suède, la vague très importante de demandeurs d'asile a toutefois contraint le gouvernement à réduire le budget d'APD classique au profit du financement de l'accueil des réfugiés ; cela explique une hausse de la part des dépenses liées aux réfugiés en 2015 (22%), fortement réduite par la suite (13% en 2016 et 2017) du fait du durcissement de la politique d'immigration. Le budget destiné à l'APD réalisée par l'UE est pour sa part croissant, ce qui a entrainé une hausse de la part d'aide multilatérale.

En Norvège, une forte augmentation de l'APD a été prévue par le gouvernement en 2018, dans l'objectif d'atteindre les « Sustainable Development Goals » de l'Agenda 2030 de l'ONU. Cela se traduit notamment par une forte hausse des fonds dédiés à l'éducation et à la santé.

Aux Pays-Bas, l'APD a subi d'importantes coupes budgétaires sous le gouvernement précédent (-1 Md€ par an), et est redescendue de 0,75% du RNB en 2015 à 0,65% en 2016 puis 0,6% en 2017. Le nouveau gouvernement entré en fonction en octobre 2017 prévoit cependant un renforcement de la politique de coopération et déclare vouloir respecter la cible de 0,7% d'ici 2030. 400 M€ supplémentaires par an seront ainsi réservés à l'aide publique au développement pour la période 2018-2022, ce qui devrait maintenir l'APD entre 0,54 et 0,59% du RNB pendant cette période.

Il existe par ailleurs une forme d'exception britannique : le Royaume-Uni, troisième donateur du CAD en valeur, a consacré 18 milliards de dollars à l'APD en 2017 (0,7% du RNB), dont 11 milliards en bilatéral . Ce montant était de 14 milliards de dollars en 2012 (0,5% du RNB), dont 8,8 milliards en bilatéral. Le Royaume-Uni se distingue ainsi par l'atteinte de l'objectif de 0,7% depuis 2013. Cet objectif a été consacré par la loi de programmation sur la cible d'aide publique au développement de mars 2015. Le Premier ministre britannique a indiqué à Paris, le 21 juillet 2016, que l'objectif de 0,7% serait maintenu. L'APD constitue une « exception budgétaire » au sein d'un État qui a été soumis à de sévères coupes budgétaires partout ailleurs ; elle fait toutefois l'objet de contestations régulières au Parlement et dans la presse.

L'Allemagne, quant à elle, est depuis 2016 le deuxième donateur du CAD en montants, devançant ainsi le Royaume-Uni, avec 24,7 Md$, soit une hausse de 37,5% de l'APD allemande par rapport à 2015. Cette nette augmentation est liée principalement à la crise des réfugiés (25% de l'APD allemande était consacrée à l'accueil des réfugiés en 2016 et 2017). Le pays est cependant repassé en 2017 en dessous du seuil de 0,7% ; cette baisse est liée en partie au mode de calcul de l'OCDE, qui n'autorise la prise en compte de l'aide apportée aux réfugiés que la première année de leur accueil. Le gouvernement actuel s'est engagé, dans l'accord de coalition signé en février dernier, à atteindre un ratio d'APD de 0,7%, dont 0,15 à 0,2% du RNB pour l'aide aux pays les plus pauvres. Outre cette cible, le contrat de coalition prévoit que tout investissement budgétaire supplémentaire dans le domaine de la Défense soit accompagné d'un effort équivalent dans le domaine de l'APD .

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