F. LA NOUVELLE-CALÉDONIE : L'ATTENTE DU RÉFÉRENDUM D'AUTODÉTERMINATION
1. Le régime institutionnel de la Nouvelle-Calédonie
L'organisation institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie est régie par la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999, adoptée après la signature de l'Accord de Nouméa et la révision constitutionnelle du 20 juillet 1998.
Ses institutions comprennent le congrès, le gouvernement, le sénat coutumier, le conseil économique, social et environnemental et les conseils coutumiers. Les provinces et les communes de la Nouvelle-Calédonie sont des collectivités territoriales de la République. L'exécutif de la Nouvelle-Calédonie est assuré par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, composé de onze membres et élu par le Congrès pour une durée de cinq ans.
La loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle Calédonie a aménagé les modalités des transferts de compétences devant intervenir d'ici 2014, conformément à la loi organique précitée du 19 mars 1999. À l'issue de cette loi, ont été adoptées plusieurs lois de pays relatives au transfert de ces compétences, en sus de celles déjà votées par le congrès de Nouvelle-Calédonie le 30 novembre 2010. Aux termes des lois de pays, les compétences suivantes ont été transférées à la Nouvelle-Calédonie :
- le 1 er janvier 2011 pour la circulation maritime ;
- le 1 er janvier 2012 pour l'enseignement ;
- le 1 er janvier 2013 pour la circulation aérienne ;
- le 1 er juillet 2013 pour le droit civil et commercial.
La loi organique précitée du 3 août 2009 a par ailleurs apporté plusieurs précisions sur la répartition des compétences entre l'État, la Nouvelle-Calédonie et les provinces 9 ( * ) , ainsi que sur l'organisation institutionnelle de la collectivité 10 ( * ) .
Enfin, la loi organique n° 2011-870 du 25 juillet 2011 a modifié l'article 121 de la loi statutaire afin de renforcer la stabilité du gouvernement de la collectivité. Dans le respect de l'accord de Nouméa, cette loi vise à :
- d'une part, à éviter que les démissions collectives répétées ne conduisent à la démission d'office du gouvernement, en fixant un délai de dix-huit mois pendant lequel le gouvernement ne peut plus être démissionnaire ;
- d'autre part, à permettre aux groupes démissionnaires qui se trouvent, de ce fait, privés de la représentation dont ils disposaient au sein du gouvernement, de déposer à tout moment une nouvelle liste et de restaurer ainsi leur présence au gouvernement. Si cette faculté n'est pas exercée, le gouvernement est réputé complet.
Depuis la promulgation de cette loi, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie, mis en place à la suite des dernières élections au congrès et aux assemblées de province du 14 mai 2014, n'a pas connu de blocage . Néanmoins, afin de respecter la loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, la démission de l'un de ses membres puis celle de son remplaçant a, depuis le 19 août dernier, nécessité l'élection d'un nouveau gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. L'équilibre politique complique, encore aujourd'hui, l'élection du président et du vice-président du congrès.
Une actualisation de la loi organique de 1999 a été adoptée par le Parlement le 15 novembre 2013 pour notamment permettre à la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes dans les matières relevant de ses compétences.
Enfin, la loi organique n° 2015-987 du 5 août 2015 relative à la consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté vise trois objectifs :
- améliorer le fonctionnement des commissions administratives spéciales chargées de réviser la liste électorale générale et d'établir puis réviser la liste électorale spéciale pour la consultation portant sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté ;
- élargir la possibilité d'inscription d'office sur la liste électorale spéciale pour la consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté aux électeurs admis à la consultation du 8 novembre 1998, à ceux relevant du statut civil coutumier et à ceux qui, nés en Nouvelle-Calédonie, sont présumés y détenir le centre de leurs intérêts moraux et matériels, en vertu des critères qu'elle énonce ;
- préciser les modalités d'organisation, le cas échéant, de la troisième consultation prévue par l'Accord de Nouméa.
2. L'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie
a) Une réflexion organisée par un comité sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie
Le VIII ème comité des signataires de 2010 a décidé la création d'un comité sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, dont les travaux s'organisent autour des trois domaines liés à la consultation sur l'après 2018 prévue par l'Accord de Nouméa : l'exercice des compétences régaliennes telles que définies à l'article 21 de la loi organique, l'accès à un statut international de pleine responsabilité et l'organisation de la citoyenneté en nationalité.
Ce comité s'appuie sur les travaux d'une mission de réflexion sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, décidée lors du IX ème comité des signataires de 2011.
Le rapport de la mission menée par MM. Jean Courtial, conseiller d'État, et Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur des universités, a été présenté au Comité des signataires du 11 octobre 2013 et rendu public. Il est intitulé « Réflexions sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie » et a été précédé de 5 réunions du comité de pilotage « Avenir institutionnel » entre octobre 2011 et septembre 2013.
Lors du XII ème comité des signataires, le 3 octobre 2014, et dans la perspective de la préparation de la consultation prévue par l'accord de Nouméa, les membres du comité des signataires ont convenu de poursuivre en Nouvelle-Calédonie ce travail de réflexion, en s'appuyant sur les thèmes mentionnés au point 5 de l'accord de Nouméa (transfert des compétences régaliennes, transformation de la citoyenneté en nationalité, statut international), dans le respect des convictions de chacun.
Sur proposition du Premier ministre, les partenaires se sont accordés sur l'intérêt qu'il y a à mettre en place trois groupes de travail, présidés par le haut-commissaire et composés de toutes les forces politiques représentées au congrès, en vue d'approfondir la réflexion sur ces trois thèmes. Le Premier ministre a proposé d'y associer les signataires.
Un comité des signataires exceptionnel s'est réuni le 5 juin 2015 pour aborder les questions soulevées par les différents partenaires calédoniens à l'occasion de l'avis rendu par le congrès sur le projet de loi organique relatif à la consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté. Les échanges entre les partenaires ont permis de déterminer un calendrier et une méthode destinés à identifier les difficultés relatives aux questions électorales. Cet accord a permis l'adoption de la loi organique du 5 août 2015 en vue de constituer la liste électorale spéciale à la consultation sur l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie.
b) La préparation du référendum d'autodétermination de 2018 : la sensible question de l'inscription sur les listes électorales
Les accords de Nouméa de 1998 prévoient l'organisation d'un référendum d'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie « entre 2014 et 2018 ». L'une des questions essentielles de l'organisation de cette consultation est la composition du corps électoral qui participera à celle-ci.
Il existe en Nouvelle-Calédonie trois listes électorales distinctes, selon les règles fixées par la loi organique précitée de 1999.
La première - dite liste électorale générale (LEG) - regroupe les électeurs participant aux élections nationales françaises : elle comprend tous les Français habitant en Nouvelle-Calédonie depuis six mois au moins avant un scrutin.
La deuxième liste - dite liste électorale spéciale (LES) - permet aux électeurs inscrits de participer à l'élection des assemblées délibérantes spécifiques de la Nouvelle-Calédonie (Congrès et assemblées de province). Y sont inscrites les personnes inscrites sur la liste électorale générale en Nouvelle-Calédonie lors du référendum portant sur l'approbation de l'Accord de Nouméa et résidant depuis plus de dix ans au moment du scrutin.
Enfin, s'agissant de la troisième liste - la liste électorale spéciale pour la consultation (LESC) pour l'autodétermination -, les critères d'inscription sont plus restrictifs : les électeurs qui pourront participer au référendum d'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie doivent se trouver dans l'un des huit cas prévus à l'article 218 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.
Article 218 de la loi organique n° 99-209 du
19 mars 1999
Sont admis à participer à la consultation les électeurs inscrits sur la liste électorale à la date de celle-ci et qui remplissent l'une des conditions suivantes : a) Avoir été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998 ; b) N'étant pas inscrits sur la liste électorale pour la consultation du 8 novembre 1998, remplir néanmoins la condition de domicile requise pour être électeur à cette consultation ; c) N'ayant pas pu être inscrits sur la liste électorale de la consultation du 8 novembre 1998 en raison du non-respect de la condition de domicile, justifier que leur absence était due à des raisons familiales, professionnelles ou médicales ;
d) Avoir eu le statut civil coutumier ou, nés en
Nouvelle-Calédonie,
e) Avoir l'un de leurs parents né en Nouvelle-Calédonie et y avoir le centre de leurs intérêts matériels et moraux ; f) Pouvoir justifier d'une durée de vingt ans de domicile continu en Nouvelle-Calédonie à la date de la consultation et au plus tard au 31 décembre 2014 ; g) Être nés avant le 1 er janvier 1989 et avoir eu son domicile en Nouvelle-Calédonie de 1988 à 1998 ; h) Être nés à compter du 1 er janvier 1989 et avoir atteint l'âge de la majorité à la date de la consultation et avoir eu un de leurs parents qui satisfaisait aux conditions pour participer à la consultation du 8 novembre 1998. Les périodes passées en dehors de la Nouvelle-Calédonie pour accomplir le service national, pour suivre des études ou une formation ou pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales ne sont pas, pour les personnes qui y étaient antérieurement domiciliées, interruptives du délai pris en considération pour apprécier la condition de domicile. |
L'inscription sur cette troisième liste fait l'objet de polémiques et de difficultés. Aujourd'hui, environ 160 000 personnes y sont inscrites. Toutefois, entre 10 000 et 22 000 personnes pourraient demander à y figurer si elles étaient inscrites sur la liste électorale générale. La question qui se posait était donc de savoir si un dispositif d'inscription d'office sur la liste électorale générale - qui n'existe actuellement en métropole que pour les électeurs atteignant l'âge de la majorité - devait être généralisé en Nouvelle-Calédonie d'ici l'organisation du référendum d'autodétermination.
Le 2 novembre dernier, sous l'égide du Premier ministre, le XVI ème comité des signataires de l'Accord de Nouméa a trouvé un consensus sur les modalités d'organisation du référendum d'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie, les partenaires estimant que « le règlement de cette question permettra de garantir la légitimité et la sincérité des résultats du scrutin ». Selon le relevé de conclusions, 10 922 natifs résidant de manière permanente en Nouvelle-Calédonie ne sont pas inscrits sur la liste électorale générale, soit 7 000 personnes de « statut civil coutumier » et 4 000 personnes de « statut civil de droit commun ». Les membres du comité des signataires ont acté, de manière exceptionnelle, l'« inscription d'office des personnes résidant en Nouvelle-Calédonie sur la LEG, préalable nécessaire à leur inscription sur la LESC ». La condition nécessaire sera « une résidence de trois ans attestée par l'inscription sur les fichiers d'assurés sociaux. » Ainsi, la durée de résidence, associée au fait d'être né en Nouvelle-Calédonie, constitue une présomption simple de détention du centre des intérêts matériels et moraux. L'inscription d'office ne sera pas pour autant automatique et devra faire l'objet d'un examen par les commissions administratives spéciales sur la base des éléments fournis par l'État.
Une période complémentaire d'inscription sur les trois listes électorales a été également été actée. Enfin, un groupe de travail spécifique, composé des représentants du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, d'une représentation des groupes politiques au congrès et, en tant que de besoin, de toute personnalité choisie pour sa compétence, sera prochainement constitué, notamment pour réfléchir au libellé de la question posée aux électeurs.
Cet accord implique de modifier la loi organique de 1999. Un avant-projet de loi organique visant à modifier la procédure de révision des listes électorales en Nouvelle-Calédonie traduisant cet accord politique est actuellement en consultation au congrès de la Nouvelle-Calédonie. Il devrait être délibéré en conseil des ministres le 6 décembre prochain. Selon les éléments recueillis par votre rapporteur, le projet de loi organique devrait être adopté au plus tard en mars 2018 pour permettre son application à la prochaine période de révision des listes électorales.
La conclusion de cet accord n'a pas mis fin aux tensions politiques qui secouent la Nouvelle-Calédonie entre indépendantistes et non-indépendantistes et au sein de chaque mouvement.
Le 23 novembre 2017, le Congrès de Nouvelle-Calédonie a rendu son avis sur l'avant-projet de loi organique dans lequel il propose plusieurs modifications.
* 9 Par exemple, le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences jusqu'alors attribuées aux provinces en matière de définition des normes de construction.
* 10 Renforcement de la transparence du processus de prise de décision, du régime des incompatibilités et inéligibilités et des garanties des élus.