D. LA RÉUNION : LES PRÉMICES D'UNE FUTURE ÉVOLUTION INSTITUTIONNELLE ?

La question institutionnelle n'a, jusqu'à présent, fait l'objet d'aucun débat aussi bien au sein de la société civile réunionnaise que parmi les élus locaux, comme l'avait constaté votre commission lors d'un déplacement en 2012 6 ( * ) .

Pourtant, lors de son déplacement en Guyane, le Président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé, à l'occasion du lancement des assises des outre-mer, le 28 octobre dernier, être prêt à procéder à des adaptations constitutionnelles pour les territoires ultramarins. Cette annonce visait en premier lieu l'alinéa 5 de l'article 73 de la Constitution selon lequel « la disposition prévue aux deux précédents alinéas [pouvoir d'habilitation des collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution à fixer elle-même les règles dans un certain nombre de matières relevant de la loi ou du règlement] n'est pas applicable au département et à la région de La Réunion ». Cette disposition, introduite à l'initiative de notre ancien collègue Jean-Paul Virapoullé lors des débats sur la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, prive La Réunion du droit d'adaptation législative ou réglementaire dont disposent les autres collectivités d'outre-mer régies par l'article 73 de la Constitution et le principe de l'assimilation législative.

Cette disposition avait été introduite car, selon notre ancien collègue, le droit d'habilitation introduit aux troisième et quatrième alinéas de l'article 73 de la Constitution ouvrait « une brèche dans le domaine législatif » ce qui, à ses yeux, pouvait préfigurer une évolution statutaire que les Réunionnais ne voulaient pas. « Nous préférons la stabilité institutionnelle et la sécurité juridique. »

Certains estiment que la suppression de cette disposition représenterait une des clés de « l'adaptation de l'émancipation économique » de La Réunion. D'autres au contraire s'y opposent, qualifiant ce débat de « stérile » et d'aucune conséquence pour le développement de l'île.

E. MAYOTTE : UNE FORTE POUSSÉE DE L'IMMIGRATION ILLÉGALE, DES INTERROGATIONS TOUJOURS PERSISTANTES SUR SON STATUT INSTITUTIONNEL

1. Les interrogations institutionnelles de Mayotte

Initialement territoire d'outre-mer, Mayotte est devenue une collectivité départementale en 2001, avant l'initiation, en 2011, du processus de départementalisation. L'achèvement du processus de départementalisation est une priorité affichée depuis 2015 avec le plan Mayotte 2025 7 ( * ) .

Bien que dénommée « Département de Mayotte », la collectivité n'est, sur le plan juridique, ni un département d'outre-mer, ni une région d'outre-mer, bien que relevant des collectivités ultramarines de l'article 73 de la Constitution. Elle constitue, depuis 2011, une forme de collectivité unique dont l'assemblée délibérante - le conseil départemental - exerce les compétences d'un département et certaines compétences d'une région d'outre-mer. C'est, avant la Guyane et la Martinique, la première collectivité unique régie par l'article 73 de la Constitution.

Toutefois, Mayotte n'exerce pas toutes les compétences d'une région d'outre-mer, plusieurs d'entre elles relevant de la compétence de l'État. Cette situation s'explique par les difficultés économiques et sociales de l'île ainsi que par la situation budgétaire des collectivités territoriales mahoraises (aussi bien le département que les communes et les syndicats intercommunaux).

Votre commission avait relevé, le 25 novembre 2015, la faiblesse relative de la dotation globale de fonctionnement dont bénéficie Mayotte en comparaison de celle des autres départements d'outre-mer. De surcroît, elle avait constaté que ce département était sous doté budgétairement alors qu'il exerce des compétences régionales, sans pour autant bénéficier de la dotation globale de fonctionnement des régions. Elle avait jugé cette situation ni équitable, ni juste, compte tenu du contexte budgétaire et financier difficile du département. C'est pourquoi elle s'était interrogée sur la prise en compte, a minima au titre de la dotation globale de fonctionnement, de la double compétence de Mayotte sur le modèle de ce qui s'applique aujourd'hui en Guyane et en Martinique. Plus globalement, votre commission dénonce les différences de traitement subies par les collectivités d'outre-mer régies par l'article 73 de la Constitution et le principe de l'assimilation législative.

2. Le problème endémique de l'immigration illégale

Mayotte subit une forte pression migratoire, principalement en provenance des Comores, plus particulièrement de l'île d'Anjouan, mais aussi de Madagascar. Le nombre d'immigrés clandestins ne fait l'objet d'aucune estimation officielle mais semble proche de 50 000 personnes, soit près d'un quart de la population, Mayotte comptant 212 600 habitants 8 ( * ) .

Le nombre de personnes ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) depuis cette île reste important même si les résultats en matière d'éloignement sont en légère baisse. Le nombre des éloignements réalisés à Mayotte en 2015 est en baisse par rapport à 2014
(- 6,1 %). Il augmente de + 26 % sur les huit premiers mois de l'année 2016. Plus de 99 % des éloignements sont à destination des Comores et moins de 1 % à destination de Madagascar.

Selon les derniers éléments recueillis par votre rapporteur, en 2015, la police aux frontières a intercepté 196 kwassas kwassas et 191 passeurs.


* 6 « Services publics, vie chère, emploi des jeunes : La Réunion à la croisée des chemins », rapport d'information n° 676 (2011-2012) de MM. Jean-Pierre Sueur, Christian Cointat et Félix Desplan, fait au nom de la commission des lois. Le rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/notice-rapport/2011/r11-676-notice.html.

* 7 Le plan Mayotte 2025, issu d'une réflexion collective entre l'État, les élus locaux et des représentants de la société civile, est un document stratégique fixant les priorités pour le développement de l'île, organisées autour de six axes en faveur de l'emploi et de la croissance.

* 8 Selon les résultats du dernier recensement effectué en 2012.

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