D. LES ENJEUX D'ACCESSIBILITÉ
1. L'effort en faveur de la mutualisation des services au public se poursuit en 2018
Le dispositif des maisons de services au public (MSAP) constitue désormais un des piliers de la politique de maintien des services publics dans tous les territoires. Le comité interministériel pour la modernisation de l'action publique du 17 juillet 2013 avait fixé un objectif de 1 000 MSAP d'ici la fin 2017, cet objectif ayant été avancé à fin 2016 en s'appuyant sur la participation de La Poste.
Au 31 décembre 2016, 1 068 MSAP étaient comptabilisées, dont 500 accueillies au sein d'un bureau de poste . La carte suivante présente la répartition territoriale des MSAP ouvertes ou en cours d'ouverture en mai 2017.
RÉPARTITION TERRITORIALE DES MAISONS DE SERVICES AU PUBLIC
Source : CGET.
En application de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), un schéma départemental d'amélioration de l'accessibilité des services au public (SDAASAP) doit être élaboré dans chaque département et arrêté par le préfet avant le 31 décembre 2017 16 ( * ) . Dans ce contexte, 60 départements ont bénéficié d'un soutien de l'État via le FNADT en vue d'animer l'élaboration de ces schémas.
Comme cela avait relevé l'an passé, ce processus a pris du retard dans plusieurs départements . D'après les informations disponibles à l'été 2017, le ministère estime que la moitié des départements devraient avoir arrêté leur schéma à l'échéance du 31 décembre 2016 et que la quasi-totalité des autres le feront au cours du premier semestre de l'année 2018.
Dans le PLF 2018, 10,7 M€ en AE et 11,4 M€ en CP sont demandés au titre de la politique d'accessibilité des services publics , contre 8 M€ en AE et 8,3 M€ en CP en 2017. Ces crédits financent trois actions :
- la participation de l'État au financement des MSAP autres que celles déployées dans des bureaux de poste (9,4 M€ en AE et CP) ;
- l'animation nationale du dispositif , assurée par une équipe placée auprès de la Caisse des dépôts, en charge de l'ingénierie de mise en place du programme, d'accompagnement au déploiement des MSAP, d'animation et d'assistance au réseau et de communication (1,3 M€ en AE et CP) ;
- les diagnostics territoriaux préalables à l'élaboration des SDAASAP, en couvrant les engagements pris antérieurement (600 K€ en CP).
FINANCEMENT DES MAISONS DE SERVICES AU PUBLIC Le mode de financement des MSAP diffère en fonction de leur portage : par les collectivités territoriales ou par La Poste. Les maisons portées par les collectivités ou associations sont financées à hauteur de 25 % par l'État via le FNADT , et de 75 % par un fonds inter-opérateurs , alimenté par Pôle Emploi, la caisse nationale des allocations familiales, la caisse nationale d'assurance vieillesse, la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, la caisse centrale de la mutualité sociale agricole, La Poste et GRDF. Les maisons portées par La Poste bénéficient d'un soutien forfaitaire de 32 K€, dont 50 % par le fonds national de péréquation territoriale compensant les coûts de la mission de service public d'aménagement du territoire confiée à La Poste, 25 % par un abattement fiscal supplémentaire sur la fiscalité locale et 25 % par le fonds inter-opérateurs . |
Source : réponses au questionnaire budgétaire.
Les crédits demandés pour 2018 sont en hausse de près de 3 M€ en AE et en CP. Votre rapporteur pour avis se félicite de cet effort en 2018, qui poursuit l'augmentation des crédits en 2017. En effet, le déploiement des MSAP contribue efficacement à l'accessibilité des services publics dans les territoires confrontés à des phénomènes de désertification administrative.
D'après les informations transmises à votre rapporteur, une charte de qualité est en cours d'élaboration en vue de distinguer les MSAP selon plusieurs catégories, en fonction des prestations offertes par ces structures. Compte tenu du volume croissant de MSAP, votre rapporteur pour avis juge cette démarche pertinente, afin d'assurer la diversité des opérateurs présents et la qualité des services proposés aux citoyens.
2. Une relance de la politique d'aménagement numérique du territoire à préciser
a) Une fracture numérique persistante
L'accès au numérique par les réseaux fixes et mobiles de communications électroniques demeure un enjeu décisif pour le développement et l'attractivité des zones rurales, aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises et les services publics. Malgré les initiatives mises en place par la précédente majorité, les inégalités d'accès demeurent très importantes selon la densité des territoires concernés .
La couverture du territoire par les réseaux mobiles constitue toujours une préoccupation majeure . À cet égard, la relance des programmes de couverture par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques n'a pas eu les effets escomptés, en se heurtant à des difficultés de déploiement des pylônes dans les territoires ruraux .
Plus fondamentalement, cette relance s'appuyait largement sur la notion de zones blanches, pourtant obsolète compte tenu de sa définition centrée sur l'absence totale de couverture mobile au niveau du centre-bourg. Comme l'a souligné le Sénat à de nombreuses reprises dans ses travaux, une révision à la hausse des ambitions en matière de couverture mobile est indispensable pour répondre aux besoins actuels et futurs des utilisateurs.
En application de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) a établi de nouvelles cartes de couverture mobile , selon plusieurs niveaux de qualité 17 ( * ) qui rendent mieux compte de la réalité de l'accès offert aux utilisateurs ( monreseaumobile.fr ).
Cet outil permet de renouveler le diagnostic des problèmes de couverture, et pourrait fonder de nouvelles exigences en matière d'obligations de déploiement. Il révèle notamment que seulement 90 % de la population et 60 % du territoire bénéficient d'une très bonne couverture en 2G .
Concernant le déploiement des réseaux fixes , la construction des boucles locales à très haut débit progresse au niveau national dans le cadre du plan France très haut débit de 2013, tout en étant caractérisée par des disparités fortes en fonction de la densité des territoires.
STRUCTURE GÉNÉRALE DU DÉPLOIEMENT DU TRÈS HAUT DÉBIT (EN MILLIONS DE LOGEMENTS ET LOCAUX)
Sources : Arcep et Agence du numérique.
S'agissant de la zone d'initiative privée , après une première phase centrée sur la zone très dense, l'effort de déploiement des opérateurs s'est progressivement déplacé vers la zone intermédiaire. Toutefois, comme l'a relevé l'Arcep dans un avis rendu à la demande du Sénat en octobre 2017, ce déploiement reste lacunaire , non seulement en zone intermédiaire, mais également dans certaines parties de la zone très dense.
Quant à la zone d'initiative publique , dans laquelle les réseaux sont établis par les collectivités territoriales ou leurs groupements avec un soutien financier de l'État, les déploiements de ces réseaux d'initiative publique (RIP) ont connu une montée en charge progressive , qui contribue directement à l'aménagement numérique dans les territoires dont la moindre densité n'a pas incité les opérateurs privés à y déployer leurs réseaux sur fonds propres.
RÉPARTITION DES ACCÈS À HAUT ET TRÈS HAUT DÉBIT (DEUXIÈME TRIMESTRE 2017)
Source : Arcep.
Toutefois, certains opérateurs ont récemment manifesté un intérêt nouveau pour certaines parties de cette zone dévolue à l'intervention publique, en déclarant parfois être prêts à doublonner les RIP par leur propre boucle locale . Revenant ainsi sur un partage établi d'après les projets de déploiement exprimés en 2011, ces stratégies risquent de remettre en cause l'équilibre économique des RIP , dans des territoires où la mutualisation d'une seule infrastructure apparaît indispensable pour assurer la viabilité des investissements.
Outre ces motifs d'inquiétude pour le déploiement du très haut débit, une fracture importante demeure en matière d'accès au haut débit . Fin 2016, plus de 10 % des lignes du réseau cuivre ne permettaient pas un accès à un débit supérieur à 3 Mbit/s. Lors d'une table ronde organisée par votre commission le 19 juillet 2017, le directeur de l'Agence du numérique a évoqué 5 millions de logements et locaux, en prenant pour référence le seuil de 8 Mbit/s.
À cet égard, l'objectif fixé par le précédent gouvernement dans le cadre du plan France très haut débit de 2013 d'assurer un haut débit de qualité (3 à 4 Mbit/s) pour tous d'ici la fin 2017 n'a fait l'objet d'aucun indicateur ni d'aucune communication spécifique quant à son avancement. L'hypothèse d'un saut technologique du haut débit de faible qualité vers le très haut débit ne s'est pas confirmée. Il en résulte un décrochage croissant pour les particuliers concernés par ce faible haut débit .
b) Le plan d'actions du Gouvernement doit encore être précisé
À l'issue de consultations et d'un appel à propositions mené pendant l'été, le Gouvernement a présenté en septembre 2017 les grandes orientations de sa stratégie d'aménagement numérique du territoire.
En matière de réseaux fixes, cette stratégie doit s'échelonner en trois objectifs successifs :
- un « bon haut débit » pour tous en 2020 , ce débit étant défini comme supérieur ou égal à 8 Mbit/s ;
- un très haut débit pour tous en 2022 , comme le prévoit déjà le plan France très haut débit, ce débit étant défini comme supérieur ou égal à 30 Mbit/s ;
- un très haut débit pour tous en 2025 , en visant un débit supérieur à 100 Mbit/s pouvant évoluer vers 1 Gbit/s, soit vraisemblablement un raccordement à 100 % en fibre optique jusqu'à l'utilisateur.
Sans préciser encore l'ensemble des ressources et moyens d'action identifiés pour atteindre ces objectifs successifs, le Gouvernement a indiqué vouloir formaliser les engagements des opérateurs en les rendant contraignants . En vue d'atteindre l'objectif de 2020, l'ensemble des technologies disponibles devraient être mobilisées (FttH, montée en débit sur cuivre, réseaux mobiles à usage fixe, réseaux radio locaux, satellites).
Sur saisine du Sénat, l'Arcep a adopté un avis le 23 octobre 2017 sur la couverture numérique des territoires , proposant des perspectives intéressantes d'action en vue de conforter la dynamique de déploiement du très haut débit, compte tenu de l'expérience acquise depuis la mise en place du plan France très haut débit en 2013.
SYNTHÈSE DE L'AVIS N° 2017-1293 DE L'ARCEP DU 23 OCTOBRE 2017 Zone d'initiative privée L'Arcep rappelle que le corollaire du partage entre zone privée et zone publique est la bonne articulation de toute initiative privée ultérieure avec les initiatives publiques existantes. Elle note que les opérateurs privés doivent très sensiblement accélérer leurs déploiements dans les zones d'initiative privée (y compris les zones très denses) pour tenir leurs engagements de couverture. Notant l'intérêt récent de Bouygues Telecom et Free pour une participation accrue aux déploiements en zone AMII, ainsi que les nouvelles ambitions de SFR, l'Arcep estime qu' un repartage « rapide et pragmatique » de la zone d'initiative privée pourrait permettre d'accélérer les déploiements . Le régulateur estime toutefois qu'il convient de « tenir compte de l'expérience tirée des précédents engagements des opérateurs », en s'appuyant sur l'article L. 33-13 du CPCE, afin de formaliser ces engagements et de les rendre juridiquement opposables . |
Zone d'initiative publique L'Arcep « s'interroge sur la crédibilité » du projet de SFR de couvrir l'intégralité du territoire en FttH d'ici 2025 , en particulier quant à la capacité industrielle d'un seul opérateur à mener un tel chantier dans un délai limité. Elle craint que le déploiement envisagé se fasse par un écrémage, en ciblant les zones les plus rentables. L'autorité recommande donc aux opérateurs privés de « tenir compte de l'existant ». Elle n'exclut pas que des opérateurs se voient confier certains déploiements non subventionnés en zone d'initiative publique, sous deux « conditions impératives » : que l'opérateur prenne des engagements de déploiements complets, juridiquement opposables en utilisant l'article L. 33-13 du CPCE ; que la collectivité territoriale porteuse du RIP donne son accord à ce projet. Modèle de déploiement des réseaux FttH À propos du principe de mutualisation des réseaux, l'avis rappelle que le législateur et le régulateur ont fait le choix de favoriser le partage des réseaux, afin d'éviter une duplication inefficace de la boucle locale optique . Outre des investissements redondants, cette duplication risque de saturer le génie civil et l'occupation du domaine public. Afin de prévenir les risques de duplication ou de préemption, l'Arcep annonce vouloir renforcer l'encadrement des modalités de déploiement. Elle envisage d'apporter des précisions ou des aménagements à la marge aux règles actuelles de complétude , avec pour objectif une arrivée rapide des réseaux dans les zones AMII. Par ailleurs, l'Arcep envisage de faire évoluer le principe de complétude, aujourd'hui appréciée à une maille technique (zone arrière du point de mutualisation) vers une maille supérieure comme la commune ou l'intercommunalité, « dans une vision plus macroscopique d'aménagement numérique du territoire ». Enfin, le régulateur évoque la possibilité de modifications législatives, avec la création d'un statut de « réseau d'aménagement numérique » , accordé sous conditions et qui permettrait au bénéficiaire de disposer de facilités opérationnelles pour déployer ce réseau, notamment un accès privilégié au génie civil et un droit donné aux copropriétés de refuser l'établissement d'autres réseaux. |
En matière de réseaux mobiles, le Gouvernement a annoncé vouloir améliorer globalement la couverture, en visant une généralisation de la 4G d'ici 2020 pour toute la population . L'effort de déploiement supplémentaire correspondant à cette ambition doit encore être précisé.
En vue d'atteindre cet objectif, le Gouvernement prévoit de s'appuyer sur un renouvellement anticipé de certaines autorisations d'utilisation de fréquences (licences mobiles) en renforçant les obligations de déploiement imposées aux opérateurs. Plusieurs contreparties sont envisagées : une baisse des redevances exigées au titre de ces licences, un plafonnement de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) pour les stations radioélectriques, et un allègement du droit de l'urbanisme pour les déploiements.
Lors de son audition par votre commission, le ministre de la cohésion des territoires a indiqué que l'Arcep avait été saisie à ce sujet, en vue de formuler des propositions au Gouvernement d'ici la fin de l'année 2017.
Si les objectifs fixés en matière d'aménagement numérique du territoire apparaissent ambitieux, votre rapporteur pour avis relève que les moyens concrets de leur mise en oeuvre restent encore à définir.
3. Une politique de la montagne modernisée par la loi du 28 décembre 2016
La loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, dite « loi montagne », a mis en place une politique dédiée aux territoires de montagne , afin de tenir compte des contraintes particulières qui s'exercent sur ces espaces, mais également de valoriser les atouts dont ils disposent.
La politique de la montagne s'adresse aux territoires classés en zone de montagne , qui permet aux communes concernées de bénéficier de bonifications de dotation et de normes spécifiques. Par ailleurs, chaque massif montagneux est défini par un périmètre auquel est associée une gouvernance spécifique, par l'intermédiaire d'un comité de massif.
Aujourd'hui, 6 000 communes bénéficient de ce zonage, regroupant 6,1 millions d'habitants .
ZONES DE MONTAGNE ET PÉRIMÈTRE DES MASSIFS
Source : CGET.
Le soutien financier de l'État à la politique de la montagne s'appuie sur les conventions interrégionales de massif , signées entre l'État, les régions et les départements pour chaque massif, avec la participation de fonds européens. Le fonctionnement de ces conventions interrégionales est analogue à celui des CPER.
Le FNADT contribue à ces conventions à hauteur de 112 M€ pour la période 2015-2020. Le tableau suivant présente la répartition des crédits contractualisés du FNADT et l'avancement de la programmation par convention interrégionale.
PROGRAMMATION DU FNADT PAR CONVENTION INTERRÉGIONALE DE MASSIF
Convention Interrégionale |
FNADT programmé en 2015, 2016 et 2017 |
FNADT contractualisé 2015-2020 |
Taux de programmation CIM 2015-2020 |
ALPES |
9,3 |
27 |
34,45 % |
JURA |
3,1 |
13 |
24 % |
MASSIF CENTRAL |
13,11 |
35 |
37,45 % |
PYRENEES |
7,95 |
22 |
36,16 % |
VOSGES |
5,8 |
15 |
38,65 % |
Source : réponses au questionnaire budgétaire.
La politique de la montagne a été profondément modifiée par la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne . La préparation de cette loi s'était appuyée sur le rapport sur l'acte II de la loi montagne, remis au Premier ministre par les députées Annie Genevard et Bernadette Laclais en septembre 2015 18 ( * ) .
Significativement enrichie par l'Assemblée nationale et le Sénat, cette loi comporte des avancées importantes pour les territoires de montagne : modernisation de la gouvernance de la montagne, précisions sur le droit à l'expérimentation, réforme de la procédure des unités touristiques nouvelles (UTN), protection accrue des travailleurs saisonniers, préservation de la compétence des communes classées en matière de tourisme, renforcement de l'accès aux soins, soutien au pastoralisme et à la filière bois, amélioration de la couverture numérique fixe et mobile. La mise en oeuvre de ce nouveau cadre législatif doit se poursuivre en 2018, par l'adoption de plusieurs textes d'application .
* 16 Décret n° 2016-402 du 4 avril 2016 pris pour l'application de l'article 26 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
* 17 Ces cartes présentent plusieurs niveaux de couverture, en fonction de l'accès au réseau mobile en extérieur et à l'intérieur des bâtiments : « très bonne couverture », « bonne couverture », « couverture limitée » et « pas de couverture ».
* 18 « Un acte II de la loi montagne : pour un pacte renouvelé de la nation avec les territoires de montagne », rapport remis au Premier ministre le 27 juillet 2015 par Mmes Annie Genevard et Bernadette Laclais.