III. L'OUVERTURE DU PATRIMOINE ARTISTIQUE ET CULTUREL À TOUS LES PUBLICS
A. LA DÉMOCRATISATION CULTURELLE, PREMIÈRE PRIORITÉ DONNÉE AUX MUSÉES ET AUX MONUMENTS NATIONAUX
1. L'inscription dans la politique d'éducation artistique et culturelle
L'un des objectifs du ministère chargé de la culture pour 2018 est d' inscrire le patrimoine au coeur de la politique d'éducation artistique et culturelle en rendant plus accessible et en faisant mieux comprendre aux publics dans leur diversité le patrimoine sous toutes ses formes. Un accent devrait être mis sur le développement de l'accès des jeunes, des familles et des publics du champ social. Une attention particulière devrait également être portée à la qualité de l'accueil des publics et à la qualité des visites. L'accueil de volontaires du service civique « citoyens de la culture » devrait être développé au sein des établissements pour favoriser l'accès de tous à la culture.
Au demeurant, les musées et les monuments nationaux sont déjà familiers des problématiques d'éducation artistique et culturelle : les opérateurs estiment avoir mobilisé 10 millions d'euros au titre de l'éducation artistique et culturelle en 2017. Fort de sa volonté de transmettre le goût du patrimoine au plus grand nombre, le CMN, en particulier, a fait de l'accueil des groupes scolaires l'une de ses priorités. Il a mis en place à cette fin des services éducatifs. Ils sont chargés d'élaborer une offre cohérente avec l'ensemble des programmes scolaires et notamment l'enseignement de l'histoire des arts. Ils produisent des ressources documentaires et pédagogiques à destination des enseignants et peuvent construire des projets adaptés aux demandes de ceux-ci. 550 000 élèves sont accueillis chaque année dans l'un des monuments gérés par le CMN à l'occasion de visites effectuées dans un cadre scolaire.
Le mouvement devrait être amplifié l'an prochain en application des nouvelles instructions. Toutefois, comme les subventions pour charges de service public sont globalisées, sans aucun fléchage, il est difficile à ce stade de connaître le montant des dépenses qui devraient être consacrées à l'éducation artistique et culturelle l'an prochain.
Les efforts en la matière ne devraient pas se limiter aux seuls opérateurs de l'État . Afin d'atteindre l'objectif fixé par le Gouvernement de faire accéder 100 % des enfants à l'éducation artistique et culturelle, le ministère chargé de la culture a en effet décidé d' inclure dans l'ensemble des dispositifs conventionnels une clause dédiée à l'éducation artistique et culturelle .
Même s'ils enregistrent une baisse en 2018 (- 2 %), à 7,4 millions d'euros, les crédits versés par l'État aux musées de France appartenant à des collectivités ou de personnes morales de droit devraient prioritairement, d'après les informations communiquées par le ministère chargé de la culture, bénéficier à l'éducation artistique et culturelle, ainsi qu'aux actions d'inventaire, de récolement, de préservation et de restauration des collections.
Les monuments historiques devraient également s'inscrire dans la démarche d'éducation artistique et culturelle. La médiation et la valorisation des chantiers de restauration des monuments historiques, qu'ils appartiennent ou non à l'État, devrait être développé. Des crédits supplémentaires seraient prévus pour financer l'activité des associations de chantiers de bénévoles en matière de monuments historiques, à l'image des chantiers « Rempart » (Réhabilitation et entretien des monuments et du patrimoine artistique). Leur action a d'ailleurs été mise en valeur à l'occasion des dernières Journées européennes du patrimoine, avec une exposition qui leur était consacrée dans le Salon des maréchaux du ministère de la culture.
2. La mise en oeuvre de nouvelles approches de démocratisation culturelle
Les questions de démocratisation culturelle ont constitué l'un des axes forts de la réflexion de la mission « musées du XXI e siècle », dont les travaux ont été présentés au mois de mars dernier. À rebours de l'image du musée comme celle d'un lieu austère, suranné et imperméable aux questions de société, elle propose de faire du musée de demain une « maison commune » , en phase avec les attentes de la population, en particulier de la jeunesse, et conçu à la fois comme un espace public et comme un véritable service culturel de proximité.
Parmi les préconisations du rapport, onze mesures ont été retenues , destinées, pour les unes, à ouvrir toujours plus le musée aux publics les plus larges et, pour les autres, à apporter aux professionnels des musées une aide concrète dans l'exercice de leurs missions.
Pour améliorer l'accueil des publics, une charte de l'accueil des groupes scolaires et des publics adolescents devrait être élaborée, de même qu' un manifeste pour un musée humaniste dont la rédaction a été confiée à Alexia Fabre. Un prix « Osez le musée » est créé pour valoriser tout établissement muséal qui a développé une approche humaniste en direction des publics du champ social. Les musées de France sont par ailleurs encouragés à signer la charte « MOM'Art » pour améliorer l'expérience de visite des enfants et des familles.
Pour soutenir les démarches de démocratisation culturelle, un nouveau label « le musée sort de ses murs » est mis en place pour reconnaître et soutenir les expériences les plus originales permettant de rapprocher les musées des publics qui ne franchissent pas spontanément leurs portes. Ce label sera décerné annuellement sur la base d'un appel à projets et donnera lieu à une participation financière du ministère.
Pour rapprocher les musées des citoyens , un prix récompensant les films les plus originaux sur les musées réalisés par les visiteurs à l'aide de leur smartphone sera désormais décerné. Les résidences de chercheurs non historiens de l'art au sein des musées seront développées pour favoriser une nouvelle lecture des collections. Tous les musées de France sont aussi incités à soutenir les initiatives d'expositions participatives avec des habitants.
Une attention particulière sera portée à la formation des personnels . Il est apparu que ces derniers avaient des attentes fortes en la matière. Des améliorations seront donc apportées en matière de formation initiale et de formation continue.
Le ministère chargé de la culture devrait également soutenir le renforcement ou l'émergence de réseaux de sociétés d'amis et communautés d'amis du musée, avec pour objectif de développer le lien entre les jeunes générations et les musées.
Enfin, la création d'un bureau de l'innovation muséale a été décidée. Sa mission consistera à relayer les initiatives originales menées par certains musées de France dans les différents domaines de la vie muséale (médiation, accueil, conservation) pour permettre à d'autres musées, le cas échéant, de les adapter.
Ces mesures ont commencé à être mises en oeuvre dès cette année . Une enveloppe de 190 000 euros a été débloquée à cette fin. En 2018, 550 000 euros devraient y être consacrés. Ce montant aurait vocation à être reconduit les années suivantes.
Dans le cadre de la stratégie pluriannuelle pour le patrimoine, la ministre de la culture, Françoise Nyssen, a également annoncé qu'un effort serait réalisé pour mieux former les professionnels du patrimoine à la médiation avec les publics.
3. Une reprise de la fréquentation à consolider
Cet objectif de démocratisation culturelle s'inscrit dans un contexte marqué par deux années consécutives de baisse de la fréquentation des établissements patrimoniaux , avec une chute évaluée à 13 % entre 2014 et 2016 au sein des établissements placés sous la tutelle de la direction générale des patrimoines, soit l'équivalent de près de 5,7 millions d'entrées.
Évolution de la fréquentation des musées nationaux, des Galeries nationales du Grand Palais et du musée du Luxembourg, ainsi que des monuments nationaux depuis 2014
Source : Ministère de la culture
Les musées et monuments nationaux ont commencé à enregistrer une chute de la fréquentation à partir de 2015 (- 4,5 %), qui s'est largement amplifiée en 2016 (- 9 %) .
Même si d'autres facteurs, tels les mouvements sociaux ou les aléas climatiques, ont probablement accentué le mouvement, ce fléchissement est largement imputable aux effets des attentats . Les chiffres du CMN en 2016 montrent que ce sont les grands sites qui en ont le plus pâti, avec une baisse particulièrement marquée pour quelques monuments emblématiques comme l'Arc-de-Triomphe (- 24 %), la Conciergerie (- 15 %), Notre-Dame (- 14 %) ou encore le Mont-Saint-Michel (- 7 %). Les deux régions les plus touchées ont été l'Île-de-France, avec une baisse globale de l'ordre de 12,6 % en 2016, et le sud-est de la France à partir de l'été 2016, suite à l'attentat de Nice. Dans le cas du CMN, le beau succès rencontré par d'autres monuments en régions, avec des chiffres globalement stables, voire en hausse, a permis de limiter les pertes de billetterie, avec une baisse de la fréquentation globale sur l'année 2016 évaluée à 6,9 %.
La baisse globale de la fréquentation serait principalement liée à la défection des touristes étrangers, à laquelle s'est ajoutée celle des publics scolaires en application des consignes ministérielles. La mission sur le « musée du XXI e siècle » observe que les Français ne se seraient pas détournés des institutions patrimoniales . Selon la dernière enquête du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CRÉDOC) consacrée aux pratiques culturelles des Français, 63 % des Français auraient visité un site patrimonial en 2016 et 44 % auraient visité un musée ou une exposition une fois dans l'année. Même s'il peut paraître faible, ce dernier chiffre a progressé de 9 % en cinq ans et chacune des catégories de musées et de lieux d'exposition testées est fréquentée davantage en 2016 qu'en 2014, signe que les actions de démocratisation culturelle menées ces dernières années portent leurs fruits .
De fait, les premiers chiffres portant sur l'année 2017 laissent apparaître une reprise progressive de la fréquentation . Elle aurait cru de 9 % au premier semestre par rapport à la même période sur l'année 2016. Hormis les expositions de la Réunion des musées nationaux-Grand Palais (RMN-GP), qui totalisent une baisse de 38 %, cette hausse concerne aussi bien les musées (+ 10 %) que les monuments nationaux (+ 13 %). Elle reste globalement insuffisante pour renouer avec les niveaux atteints en 2014, ou même en 2015, même si elle est très inégale selon les établissements et les régions. La situation resterait plus délicate en Île-de-France, même si certains sites, comme le château de Versailles, ont pratiquement retrouvé leur fréquentation de 2014.
Les conditions de sécurité offertes par les établissements patrimoniaux demeurent un élément clé pour permettre de renouer avec les niveaux de fréquentation connus par le passé . D'après les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, les mesures de sécurité renforcées dans les lieux culturels seraient maintenues en 2018. La loi de finances pour 2017 comportait en effet 4 millions d'euros de crédits supplémentaires pour assurer la sécurisation des institutions patrimoniales, qui seront maintenus en 2018. De même, l'enveloppe de 5 millions d'euros qui avait été débloquée au titre du Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR) pour la sécurisation des grands opérateurs culturels en 2017 devrait être pérennisée en 2018. Elle a été jusqu'ici d'un grand secours pour les institutions patrimoniales, qui auraient bénéficié des trois quarts des crédits.
Des efforts devraient également être faits pour promouvoir l'offre culturelle française auprès des touristes . La présentation de la « Saison culturelle » sera systématisée en début de chaque année dans l'objectif de favoriser le retour de la confiance des touristes étrangers et des professionnels du tourisme international et de mettre en valeur la diversité de l'offre culturelle française. Si l'on constate enfin cette année une reprise du tourisme asiatique, en particulier chinois, le retour des touristes américains, mais aussi japonais, tarde encore.
En revanche, la question de la fréquentation des publics scolaires reste préoccupante , d'autant plus au regard de l'objectif qui a été fixé en matière d'éducation artistique et culturelle. Ceux-ci restent moins nombreux qu'ils ne l'étaient auparavant face à la crainte, aisément compréhensible, des chefs d'établissement d'accorder des autorisations de sortie. Par ailleurs, la mise en place de la réforme des rythmes scolaires et la baisse des crédits consacrés aux transports des élèves sont d'autres facteurs qui contribuent aux baisses de fréquentation enregistrées ces dernières années. Même si l'on enregistre une reprise de la fréquentation des publics scolaires, avec une augmentation de l'ordre de 17 % par rapport à 2016 sur les trois premiers trimestres, le niveau de fréquentation resterait en deçà de près de 30 % à celui de 2014.