B. DES CRÉDITS INÉGALEMENT CONSOMMÉS

1. Des inquiétudes persistantes autour de la consommation réelle des crédits à chaque exercice budgétaire

La consommation des crédits votés en lois de finances constitue une source de préoccupation majeure des acteurs du patrimoine .

Elle se pose de manière d'autant plus aiguë que les collectivités territoriales font montre depuis plusieurs années d'un désengagement progressif dans le financement des actions culturelles, sous l'effet de la baisse des dotations. La contraction de la part des subventions et des aides versées par les collectivités territoriales, observée depuis 2010, s'est encore accentuée au cours des trois dernières années, dans un contexte marqué à la fois par des difficultés économiques et une réorganisation d'ampleur suite à la réforme territoriale. Ce phénomène est particulièrement observable dans les départements. Face à l'augmentation de leurs charges, ils n'ont eu d'autre choix que de se recentrer sur leurs compétences historiques et obligatoires. Les communes résisteraient jusqu'ici davantage, même si leurs capacités sont forcément limitées et tendent à s'essouffler. Enfin, les régions participent jusqu'ici de manière plus marginale aux dépenses patrimoniales. Leur engagement est, de surcroît, très disparate entre les unes et les autres.

La note de conjoncture sur les dépenses culturelles des collectivités territoriales 2015-2017, publiée en janvier dernier par l'Observatoire des politiques culturelles, temporise légèrement cette vision en montrant que les dépenses pour le patrimoine et les musées seraient celles qui auraient le moins fait l'objet de coupes budgétaires de la part des différents échelons de collectivités territoriales. Un quart des collectivités de l'échantillon ayant servi de base pour l'étude aurait même accru leurs crédits en faveur des musées et du patrimoine en 2016. La situation n'est pas pour autant confortable, puisque l'étude met clairement en lumière la baisse généralisée des dépenses culturelles au cours des dernières années.

Dans ce contexte, tout crédit étatique non consommé inquiète les associations comme les professionnels, au premier rang desquels ceux spécialisés dans la restauration du patrimoine. Si les chiffres relatifs à l'exécution des crédits lors des précédents exercices font en définitive apparaître de très bons taux de consommation, proches de 100 % , des différences apparaissent selon les actions . L'action 1 « Patrimoine monumental » et l'action 4 « Patrimoine archivistique et célébrations nationales » présentent systématiquement des taux de consommation de leurs crédits inférieurs à la moyenne du programme, alors que l'action 7 « Patrimoine linguistique » et surtout l'action 9 « Patrimoine archéologique » ont consommé à chaque exercice budgétaire davantage de crédits qu'il ne leur en avait été initialement octroyés.

Ainsi, un écart pouvant aller de 20 à 50 millions d'euros est constaté chaque année entre le montant des crédits votés en loi de finances initiale et le montant des crédits effectivement consommés au titre de l'action 1, qui finance notamment l'entretien et la restauration des monuments historiques.

Source : Ministère de la culture

On observe une réelle fongibilité des crédits entre les actions , comme l'autorise la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, permettant de modifier l'affectation des crédits au sein d'un même programme. Lors des précédentes exécutions, l'action 9 aurait systématiquement bénéficié de crédits en provenance de l'action 1 , même s'il semble que la tendance des montants ainsi redéployés, de l'ordre de 10 millions d'euros en 2013 et 2014, soit plutôt à la baisse. Il conviendra d'observer si cette tendance se poursuit effectivement dans les années à venir.

Votre rapporteur pour avis note que la ministre de la culture, Françoise Nyssen, a indiqué, lors de son audition devant votre commission le 22 novembre dernier, que « les crédits du patrimoine [seraient] sanctuarisés année après année, pour plus de visibilité sur les financements d'État ». Elle s'est engagée à ce qu'ils ne soient plus utilisés comme une variable d'ajustement.

Par ailleurs, l'abaissement du taux de la mise en réserve de précaution ne rassure pas pleinement les acteurs . Elle pourrait certes donner des marges de manoeuvre supplémentaires en début d'année. Mais, elle leur fait craindre en contrepartie qu'une moindre proportion de crédits soit dégelée dans le courant de l'année 2018. Elle n'empêche pas non plus les décisions d'annulation de crédits en cours d'exercice.

2. Des échos ambivalents concernant la consommation des crédits pendant l'année 2017

S'agissant de l'exécution des crédits en 2017, votre rapporteur pour avis a été informé que l'intégralité des reports, hors autorisations d'engagement non engagées a été gelée en mars 2017 pour un montant d'un peu plus de 3 millions d'euros. Il a été procédé, dans le même temps, à un premier dégel de crédits, de 7,7 millions d'euros, pour financer la participation, à hauteur de 4 millions d'euros, du ministère chargé de la culture au fonds pour le patrimoine en péril, et diverses opérations immobilières. Une annulation de 3 millions d'euros de crédits serait intervenue fin juillet au titre de la taxation interministérielle.

La crainte d'une nouvelle annulation de crédits susceptible de dépasser le montant des crédits gelés pour porter sur des « crédits frais » semble écartée. Les services du ministère chargé de la culture ont laissé entendre à votre rapporteur pour avis qu'un nouveau dégel de crédits pourrait intervenir d'ici la fin de l'année.

Comme l'illustre le tableau ci-dessus, la consommation des crédits en AE a été plutôt bonne depuis le début de l'année. Près de 82 % des crédits avaient été consommées au 31 octobre.

Il n'en est pas de même s'agissant des CP , dont le niveau de consommation n'atteint que 67 % au 31 octobre. La situation serait, par ailleurs, contrastée selon les régions . Les retards seraient particulièrement marqués dans les régions fusionnées . Des instructions auraient été données aux DRAC pour fluidifier les circuits financiers de manière à accélérer le rythme de consommation des crédits d'ici la fin de l'année.

Votre rapporteur pour avis s'était déjà inquiété l'an dernier sur la capacité des DRAC, dans les régions fusionnées, à être pleinement opérationnelles compte tenu de la nécessaire harmonisation des procédures et des méthodes de travail induite par la fusion. Les chiffres relatifs à l'année 2017 font apparaître un problème persistant, révélateur des difficultés suscitées par la mise en oeuvre de la réforme territoriale et de sa lenteur.

Cette faible consommation des crédits pourrait aussi partiellement s'expliquer par un certain attentisme des propriétaires privés de monuments historiques dans le contexte de la mise en place du prélèvement à la source.

La baisse de demandes de labellisation constatée au premier semestre de cette année par la Fondation du patrimoine (- 40 %) semble indiquer qu'un certain nombre de propriétaires auraient pu décider de reporter leurs projets de travaux, puisque les règles en vigueur n'autorisaient pas la possibilité de déduire les travaux réalisés en 2017 par les propriétaires de ces bâtiments, sauf de revenus exceptionnels 2017. L'annonce du report au 1 er janvier 2019 de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source a été trop tardive pour permettre aux propriétaires de finalement lancer leurs travaux.

Dans ces conditions, on peut s'attendre à constater le même immobilisme l'an prochain puisque l'année blanche interviendra désormais en 2018 . Le report de l'année blanche a aussi des conséquences sur les propriétaires qui se sont vus attribuer le label Fondation du patrimoine depuis 2014, les règles ne les autorisant à déduire les travaux réalisés que sur les cinq exercices fiscaux suivants. Pour remédier à ces difficultés, il pourrait être envisagé, soit de transformer le droit à déduction, pour l'année blanche, en crédit d'impôt, soit de prolonger d'une année le droit à déduction, en permettant aux propriétaires labellisés de déduire les travaux réalisés en 2018 de leurs revenus de 2019.

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