PATRIMOINES
I. UNE STABILITÉ TROMPEUSE ?
A. DES CRÉDITS GLOBALEMENT PRÉSERVÉS
1. Un début de quinquennat marqué par l'affichage de nouvelles priorités
Les priorités du programme 175 pour 2018 connaissent une certaine inflexion, avec l'apparition de nouveaux objectifs majeurs . La politique de l'État aura désormais pour tâche, d'une part, de « placer l'éducation artistique et culturelle au coeur du patrimoine » et, d'autre part, de « participer au développement des territoires ». Ces deux objectifs s'ajoutent à ceux qui figuraient traditionnellement, en particulier l'accessibilité, la sauvegarde, la protection, la mise en valeur et l'enrichissement du patrimoine ou encore l'amélioration du cadre de vie.
La volonté est de transformer les politiques patrimoniales en leviers pour l'accès du plus grand nombre à la culture et pour l'attractivité des territoires et la revitalisation des centres anciens . La valorisation des savoir-faire patrimoniaux et architecturaux français, la poursuite de la mise en oeuvre de la stratégie nationale pour l'architecture et l'articulation des politiques du patrimoine avec les politiques en faveur du tourisme devraient également figurer parmi les axes prioritaires d'intervention.
L'année 2018 a par ailleurs été désignée par l'Union européenne comme l'« année européenne du patrimoine culturel ». Cette année devrait être marquée par la mise en oeuvre de projets dans tous les États membres susceptibles « d'encourager le partage et la compréhension du patrimoine culturel de l'Europe, en tant que ressource partagée, de sensibiliser à l'histoire et aux valeurs communes, et de renforcer un sentiment d'appartenance à un espace européen commun », conformément aux objectifs fixés par la décision (UE) 2017/864 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017.
Cette année européenne coïncide avec l'annonce par le Président de la République, à l'occasion d'un discours prononcé à la Pnyx à Athènes le 7 septembre dernier, de la nécessité de bâtir une « Europe du patrimoine ». Il estime que le patrimoine peut contribuer à consolider l'identité européenne. Il a d'ailleurs proposé de lancer « des Assises du patrimoine au niveau européen » pour permettre aux États membres de coordonner leurs approches en matière de protection et de mise en valeur du patrimoine, mais aussi d'identification des biens à défendre et à se réapproprier. Cet événement devrait être l'occasion d'annoncer la mise en place d'un Erasmus pour les métiers du patrimoine destiné à développer la mobilité des professionnels travaillant dans des sites patrimoniaux, archéologiques et muséaux, publics ou privés. L'objectif est également de développer la mobilité des jeunes européens sur les chantiers patrimoniaux de bénévoles.
Le souhait affiché par la ministre chargée de la culture de faire de la refondation de l'Europe par la culture l'une des priorités de son mandat laisse à penser que la labellisation par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) des projets susceptibles d'entrer dans le cadre de cette année européenne devrait faire l'objet d'une attention particulière. L'objectif de cette labellisation sera de promouvoir le patrimoine comme élément central de la diversité culturelle et du dialogue interculturel, de valoriser les meilleures pratiques pour assurer la conservation et la sauvegarde du patrimoine et de favoriser son ouverture à un public large et diversifié.
Dans l'esprit du « Grand Tour » des Lumières, un itinéraire composé de lieux symboliques pour l'histoire de l'Europe devrait être défini pour renforcer le sentiment d'appartenance européenne . Les lieux retenus devraient également être sélectionnés pour contribuer par leur restauration et leur animation, à relancer l'attractivité des territoires et à dynamiser la vie locale.
La lutte contre le trafic illicite de biens culturels , un sujet sur lequel la France est très engagée suite aux préconisations du rapport de 2015 de Jean-Luc Martinez sur la protection du patrimoine en situation de conflit armé, devrait également être poursuivie dans un cadre européen. Une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l'importation de biens culturels, présentée par la Commission européenne en juillet dernier, est en cours de discussion. Elle vise à empêcher l'importation illicite dans l'Union européenne des biens culturels âgés de plus de deux cent cinquante ans. Si un accord est trouvé rapidement dans le cadre de la procédure de codécision, elle pourrait entrer en vigueur dès le 1 er janvier 2019. La mise en place d'un contrôle douanier à l'importation des biens culturels fait partie des pistes de réflexion privilégiées.
2. Un budget annoncé en légère progression à périmètre constant
À première vue, les crédits du programme 175 apparaissent en baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2017 , de 36,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) (- 3,8 %), pour s'établir à 927,2 millions d'euros, et de 750 000 euros en crédits de paiement (CP) (- 0,1 %), pour une enveloppe totale de 897,3 millions d'euros.
Un certain nombre des crédits inscrits jusqu'ici sur le programme sont transférés en 2018 sur le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », tels ceux destinés à compenser la gratuité d'accès aux collections permanentes des musées et monuments nationaux des personnels de l'éducation nationale, pour un montant équivalant à 4 millions d'euros. D'autres, comme ceux concernant la photographie (585 000 euros), sont transférés au programme 131 « Création », suite à la création de la délégation à la photographie au sein de la Direction générale de la création artistique.
À périmètre constant , les crédits de paiement s'établissent à 902 millions d'euros, soit une très légère progression de l'ordre de 0,4 % . Quoi qu'il en soit, le financement des nouvelles priorités assignées au programme se fera à budget constant, ce qui se traduit par des redéploiements de crédits entre les actions et au sein même de celles-ci . Jauge de la politique d'investissement, les autorisations d'engagement, en revanche, sont en baisse .
La ministre chargée de la culture met, par ailleurs, en avant le fait que « le souhait du Gouvernement de diminuer le taux de mise en réserve des crédits pour favoriser une plus grande sincérité budgétaire donnera des marges de manoeuvre aux opérateurs et aux structures aidées ». Le taux de la réserve de précaution sera abaissé à 3 % en 2018, ce qui devrait se traduire par une plus grande disponibilité de crédits en début d'exercice budgétaire. Il est prévu à ce stade que le taux de gel pour le programme 175 s'établisse à 2,39 % pour les AE et de 2,37 % pour les CP, même s'il sera effectivement confirmé ultérieurement. En revanche, la lettre-plafond ne prévoit aucun dégel automatique de la réserve de précaution.
Source : Ministère de la culture
La plupart des actions du programme sont marqués par une relative stabilité de leurs crédits, à l'exception des crédits de la politique muséale , en baisse sensible. Ce mouvement contrebalance celui intervenu l'année passée où ces crédits avaient justement enregistré parmi les plus fortes hausses.
Les crédits de l' action 1 , précédemment intitulée « Patrimoine monumental » et désormais « Monuments historiques et patrimoine monumental », connaissent une augmentation de 5,9 millions d'euros en AE (+ 1,6 %) pour permettre la création d'un fonds d'aide aux petites communes à faibles ressources , doté de 15 millions d'euros, et le financement de grands projets d'investissement au titre des monuments historiques avec le château de Fontainebleau, pour un montant de 800 000 euros, et le quadrilatère Richelieu, pour lequel 4 millions d'euros sont inscrits en CP. Ils enregistrent une baisse de 0,33 millions d'euros en crédits de paiement (- 0,1 %).
Les crédits de l' action 2 « Architecture et espaces protégés », dont l'intitulé a été modifié cette année pour faire apparaître les espaces protégés, augmentent de 520 000 euros (+ 1,6 %), notamment pour permettre la mise en oeuvre des préconisations du rapport d'Yves Dauge sur la revitalisation des centres urbains des villes petites et moyennes.
Les crédits de l' action 3 « Patrimoine des musées de France » enregistrent une baisse significative qui s'explique principalement par les échéanciers d'investissement. Le ministère met en avant le fait que « l'ajustement de certaines dotations sera pour l'essentiel compensé par la diminution du taux de gel voulue par le Gouvernement et par la capacité des établissements à diversifier leurs sources de revenus ». Les crédits de l' action 8 « Acquisitions et enrichissement des collections publiques » sont également en baisse.
Les crédits de l' action 4 « Patrimoine archivistique et célébrations nationales » augmentent par rapport à 2017 de 7,42 millions d'euros, notamment pour financer les travaux sur le site des Archives nationales de Paris (+ 8,34 millions d'euros).
Les crédits de l' action 7 « Patrimoine linguistique » sont en légère hausse (de 40 000 euros, soit + 0,9 %) pour accroître les subventions permettant aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC) de mener les actions dans ce domaine.
Les crédits de l' action 9 « Patrimoine archéologique » sont globalement stables avec une légère baisse des crédits en CP pour les projets des centres d'études et de conservation par rapport à 2017.