LES CRÉDITS HORS TITRE 2
Le programme 212 hors titre 2 regroupe les fonctions transverses de direction et de soutien mutualisés au profit du ministère des armées, correspondant aux missions portées par le secrétariat général de l'administration, notamment dans les domaines de l'immobilier, des systèmes d'information, de l'action sociale et de la communication .
Les crédits du programme 212 hors titre 2 s'élèvent pour 2018 à 2 891 M€ en autorisations d'engagement (AE) , en augmentation de 19 %, et à 2 559 M€ en crédits de paiement (CP) , également en augmentation de 19 % .
Cette hausse significative est principalement liée aux besoins de la politique immobilière (+30 % en CP). Elle concerne également les politiques de ressources humaines (+8 % en CP), d'accompagnement social et économique des restructurations (+9 % en CP) ainsi que les politiques culturelles du ministère (+45 % en CP). Les crédits de paiement pour les systèmes d'information, d'administration et de gestion connaissent en revanche, quant à eux, une diminution (-6 % en CP).
A ces crédits devraient venir s'ajouter, au cours de l'année 2018, 140 M€ en CP de ressources issues du produit des cessions immobilières . Ces recettes sont positionnées sur l'action 4 « Politique immobilière ». Elles prennent la forme d'un droit à consommer du ministère sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».
Évolution des crédits du programme 212 (hors titre 2) par actions
Source : réponses au questionnaire de vos rapporteurs pour avis
I. LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE
Les crédits de la politique immobilière, qui représentent 68 % du programme, s'élèvent à 2,1 milliards d'euros en AE, en hausse de 23 %, et à 1,7 milliards d'euros en CP, en augmentation de 30 %. Ils doivent être complétés par des recettes de cessions immobilières, évaluées à 140 M€ pour 2018.
A. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ETAT » : DES RECETTES INCERTAINES
1. Le mécanisme du CAS
a) Un mécanisme mis en place jusqu'en 2019
L'article 47 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, qui a créé le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », a prévu que les produits de cessions de biens immobiliers soient affectés au désendettement de l'État à hauteur d'un minimum de 15 %, porté à 20 % en 2012, 25 % en 2013 et 30 % à partir de 2014.
L'article 38 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 a prorogé ce dispositif jusqu'au 31 décembre 2019, conformément à la LPM 2014-2019.
Le ministère de la défense bénéficie ainsi d'un taux de retour des produits de cession de 100 % durant toute la période de la LPM 2014-2019, soit jusqu'au 31 décembre 2019.
b) Des recettes incertaines dans leur calendrier et dans leur montant
Les recettes du CAS : prévisions et réalisations
Source : réponses au questionnaire de vos rapporteurs pour avis
Depuis la gestion 2013, la LPM et la loi de finances initiale (LFI) ne présentent plus les prévisions d'encaissements des produits de cessions mais fixent des objectifs de consommation annuels en CP. Cette nouvelle stratégie vise à sécuriser l'exécution de la LPM. Cependant, l'atteinte de ces plafonds de consommation reste en partie conditionnée aux encaissements, donc au risque de décalage de calendrier.
Le montant prévisionnel de report de crédits sur 2017 (258 M€) a conduit à revoir à la hausse le montant de la consommation autorisée sur le CAS à hauteur de +100 M€ pour l'année 2017. La nouvelle cible de consommation est à 200 M€ mais cette cible ne devrait pas être atteinte, la prévision de consommation étant à ce stade de 150 M€.
En 2017, l'encaissement des produits des cessions est estimé à 90 M€, dont 12 M€ lié à des cessions intervenues avant 2017. Le montant des produits de cessions attendus au titre de l'année, estimé donc à 78 M€, concernera notamment les ventes de la caserne Saint Laurent à Lyon, de la caserne Chataux à Fontainebleau, de la caserne Philippon à Rouen, de l'ancien établissement régional du matériel de Guines à Rennes et de la partie sociale de l'Îlot Saint Germain à Paris (29 M€). Ce montant reste en partie hypothétique, tant que l'année 2017 n'est pas achevée.
De même, le montant prévisionnel de report de crédits sur 2018 (226 M€) a conduit lors des arbitrages du PLF 2018 à revoir à la hausse le montant de la consommation autorisée sur le CAS qui est passée de 100 M€ à 140 M€ pour 2018 .
Pour 2018, le produit attendu de la cession des emprises parisiennes du Val de Grâce et de l'Îlot Saint Germain (hors partie logement social) est estimé à environ 333 M€, auquel devraient s'ajouter environ 42 M€ de produit de cessions prévues en province.
Encaissements de produits de cessions en M€ |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
Total |
Emprises parisiennes |
127 |
87 |
29 |
333 |
243 |
Emprises hors Paris |
57 |
104 |
61 |
42 |
222 |
Total |
184 |
191 |
90 |
375 |
840 |
Montants prévisionnels pour 2017-2018
Source : réponses au questionnaire de vos rapporteurs pour avis
La situation du CAS « immobilier » dépendra donc fortement de la réalisation des cessions des deux emprises parisiennes.
2. Des pertes de recettes conséquentes
a) Le dispositif de décote de la loi dite « Duflot »
La loi du 18 janvier 2013 13 ( * ) , dite loi « Duflot » et le décret du 15 avril 2013 14 ( * ) pris pour son application ont introduit la possibilité d'appliquer une décote pouvant aller jusqu'à 100 % de la valeur vénale du prix des terrains cédés par l'État et ses établissements publics sur leur domaine privé quand ils sont affectés à la construction de logements, dont une partie au moins est constituée de logements locatifs sociaux. La décote est limitée à 50 % pour les logements financés en prêts locatifs sociaux et pour les logements en accession sociale à la propriété.
Les montants de décote ont représenté 24,3 M€ sur les huit opérations effectuées en 2014, 2015 et 2016 . Les taux de décote sont compris entre 27 % et 100 %.
Application du dispositif de décote de la loi dite « Duflot »
Année |
Ville |
Adresse |
Surface terrain en m2 |
Nombre de logements |
Valeur vénale en euros |
Produit de cession en euros |
% de la décote |
2014 |
Bordeaux |
Service local de psychologie appliquée Rue Joseph Brunet |
526 |
28 |
376 200 € |
148 000 € |
60% |
2014 |
Pamandzi |
Jardins de Mayotte |
1 125 000 € |
0 € |
100% |
||
2014 |
Nantes |
Caserne Melinet |
135000 |
1600 |
19 426 954 € |
6 300 000 € |
67% |
2015 |
Rodez |
Terrain dépendant de la villa Paraire Rue de la Fauvette |
1051 |
12 |
106 786 € |
66 390 € |
38% |
2015 |
Marseille (4) |
Ex DIRSEA 4 rue docteur Acquaviva |
647 |
24 |
920 000 € |
700 000 € |
27% |
2016 |
Roquebrune Cap Martin |
avenue Francois de Monléon |
50271 |
626 |
30 610 450 € |
21 427 315 € |
30% |
2016 |
Kourou |
allée des étoiles |
1788 |
17 |
909 800 € |
636 860 € |
30% |
2016 |
Toulouse |
37/39, Rue P, Keller |
2095 |
Nr |
145 000 € |
60 000 € |
59% |
Source : réponses au questionnaire de vos rapporteurs pour avis
Ce dispositif ne s'est pas encore appliqué aux cessions parisiennes réalisées, mais il le sera s'agissant de la cession de la partie centrale de l'îlot Saint-Germain , comme l'a confirmé M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration du ministère des armées, lors de son audition par votre commission :
« Pour l'îlot Saint-Germain, le Premier ministre a confirmé, le 11 septembre, la décision prise par son prédécesseur de cession de l'ilot central et de l'immeuble qui borde la rue Saint-Dominique pour réaliser des logements sociaux. Cette cession entraîne une décote très importante sur la valeur de cet immeuble. Nous avons eu des discussions assez tendues sur le sujet, puisque ce bien aurait pu être vendu pour un peu plus de 80 millions d'euros et qu'il ne le sera, in fine, que pour 29 millions, sur lesquels le ministère s'engage à payer des dépenses de désamiantage, pour 2 millions. L'idée d'obtenir des logements en contrepartie a fait l'objet de discussions serrées, et nous avons obtenu, sur le contingent à disposition du préfet et sur celui de la Ville, que 50 logements soient réservés au personnel militaire. Nous avons utilisé, pour la première fois, une disposition de la loi Duflot qui ouvre cette possibilité d'ouvrir de telles discussions. Nous ne manquerons pas d'y recourir à nouveau. » 15 ( * )
S'agissant de l'îlot Saint-Germain, la perte de recettes engendrée par l'application du dispositif de décote sera donc considérable, puisqu'elle s'élèvera à 51 millions d'euros .
Il est heureux qu'en contribuant ainsi à la réalisation de logements sociaux, la défense ait, à tout le moins, obtenu la réservation de logements pour le personnel militaire. Le nombre de logements ainsi réservés - 50 sur un programme de 250 logements - est toutefois insuffisant.
b) D'autres facteurs de diminution des recettes
Si les cessions des emprises Penthemont-Bellechasse (Paris 7 e ) et La Pépinière (Paris 8 e ) se sont déroulées dans des conditions satisfaisantes, toutes les autres cessions parisiennes récentes ont été obérées par divers facteurs de diminution des recettes.
Une décote de 20 M€ a été enregistrée lors de la cession de la caserne Reuilly (Paris 12 e ), en application d'un dispositif antérieur à la loi « Duflot ».
L'Hôtel de l'Artillerie (Immeuble Saint Thomas d'Aquin, Paris 7 e ) a été cédé de gré à gré à la Fondation nationale des sciences politiques, en raison du caractère d'intérêt général du maintien dans un arrondissement parisien d'une activité d'enseignement supérieur et de recherche. Cette cession a rapporté 87 M€, mais elle aurait pu rapporter davantage.
Les cessions d'emprises parisiennes
Emprise |
Date de cession |
Prix de cession (M€) |
Procédure |
Observations |
Caserne Reuilly (Paris - 12 e ) |
06/12/2013 |
40,0 |
Gré à gré |
Opération réalisée en application du protocole avec la Ville de Paris, d'où le choix de la procédure de gré à gré. Le prix correspond à l'évaluation domaniale (qui prend en compte la réalisation de logements sociaux), après application d'une décote de 20 M€ au titre du logement social selon dispositions de l'article L 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques, régime juridique antérieur à la loi dite DUFLOT. |
Penthemont-Bellechasse (Paris - 7e) |
27/06/2014 |
137,0 |
Appel d'offres |
Immeuble libre d'obligation de logement social. Cession réalisée à un montant supérieur à l'évaluation initiale |
La Pépinière (Paris - 8e) |
09/01/2015 |
118,5 |
Appel d'offres |
Cession réalisée à un montant supérieur à l'évaluation initiale. Un complément de prix de 19 M€ a été versé en octobre 2016 compte tenu de la reconversion confirmée en immeuble de bureaux par l'acquéreur. |
Hôtel de l'Artillerie (Immeuble de Saint-Thomas d'Aquin) (Paris - 7e) |
23/12/2016 |
87,0 |
Gré à gré |
Cession réalisée en gré à gré à la Fondation Nationale des Sciences Politiques (FNSP) |
Ilot Saint Germain (Paris - 7e) |
2017-2018 |
Non disponible |
Gré à gré au profit du bailleur choisi par la Ville de Paris pour une partie. Appel d'offres pour le reste du site. Le bâtiment dit « des jardins » demeure la propriété de l'État. |
Cession en préparation |
Val-de-Grâce (Paris - 5e) |
2018 |
Non disponible |
à définir |
Cession en préparation |
Source : réponses au questionnaire de vos rapporteurs pour avis
Par ailleurs, la fraction principale de la caserne Lourcine (Paris 13 e ) a été transférée en 2012, pour une part au centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Paris et pour une autre part à l'établissement public d'aménagement universitaire de la région Ile-de-France (pour 52 M€). Compte tenu des besoins en hébergement en Ile-de-France, notamment dans le cadre de l'opération Sentinelle, le ministère des armées conserve une partie du reliquat de l'emprise.
La caserne Gley (Paris 18 e ) a fait l'objet d'un changement d'utilisation au profit des ministères du logement et de l'intérieur.
Enfin, l'Hôtel de la Marine a été transféré au Centre des monuments nationaux (CMN) à la fin de l'année 2015. Le bâtiment sera ouvert au public à l'issue de sa restauration.
3. L'avenir du site du Val-de-Grâce
L'hôpital d'instruction des armées du Val-de-Grâce a cessé son activité le 31 juillet 2016. L'emprise qui l'accueille est composée de deux sous-ensembles : une fraction historique qui sera conservée pour y maintenir l'école du service de santé des armées, et l'ancien hôpital, qui doit être cédé, dans le cadre d'un appel à projets qui pourrait être conduit par la ville de Paris. La direction de l'immobilier de l'État étudie également, dans le cadre de cette procédure, la possibilité de mobiliser une partie de cette assiette foncière pour permettre l'accueil de services de l'État.
Le bâtiment de l'ancien hôpital du Val-de-Grâce vaut, en tout état de cause, plus de 100 M€. Il conviendra de veiller à ce que le compte d'affectation spéciale soit bien alimenté du prix de cette cession .
Ce site, de même que l'îlot Saint-Germain, héberge actuellement les militaires en mission dans le cadre de l'opération « Sentinelle ». Les deux sites fournissent actuellement 1150 places d'hébergement de première catégorie (bon à très bon). À l'issue des cessions, il est prévu de les reloger dans de nouveaux casernements au Fort de l'Est et au Fort de Nogent.
Toutefois, étant donné le contexte sécuritaire actuel, la défense peut-elle vraiment se passer de toute emprise d'envergure à l'intérieur de Paris et ne loger les militaires qu'en périphérie ?
La question du bien-fondé de la cession du Val-de-Grâce doit être posée.
* 13 Loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.
* 14 Décret n° 2013-315 du 15 avril 2013 relatif aux conditions d'aliénation des terrains du domaine privé de l'État en vue de la réalisation de programmes de construction de logements sociaux et fixant la composition et le fonctionnement de la Commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier instituée à l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques.
* 15 Audition de M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration du ministère des Armées (11 octobre 2017).