B. LE DOSSIER DES REMUNERATIONS

Le second point d'attention sur lequel vos rapporteurs souhaitent insister concerne le dossier des rémunérations qui est lourd d'enjeux pour les personnels de la défense et qui recouvre plusieurs sujets.

1. Le report de l'application du PPCR

Adopté à l'été 2015 à l'issue de négociations salariales débutées en 2014, le protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunération » (PPCR) vise à rénover la rémunération des agents publics par la revalorisation de leurs grilles indiciaires et une amélioration de leurs perspectives de carrière.

Il procède ainsi à la transformation d'une partie de leurs primes en points d'indice , en vue d'une amélioration du niveau des retraites. Cela se traduit par une minoration du montant des primes et par une augmentation de l'indice de rémunération.

Au-delà de ce rééquilibrage, le PPCR prévoit une revalorisation indiciaire consistant en une augmentation des indices de début et de fin de carrière et une amélioration des déroulements de carrière.

Dans la fonction publique le transfert primes-points a été réalisé dès 2016 pour les agents de la catégorie B, en 2017 pour ceux de la catégorie C et devait l'être en deux étapes (2017 et 2018) pour les agents de la catégorie A. Par ailleurs, une première phase de revalorisation est intervenue en 2017 pour les agents de catégorie B.

La transposition de ce protocole au personnel militaire « dans les mêmes conditions et selon le même calendrier » que pour les fonctionnaires constituait l'un des trois volets du plan d'amélioration de la condition militaire (PACM ) décidé à l'automne 2016.

Cette opération, censée permettre une augmentation de l'ordre de 3% du revenu des militaires concernés (soit l'ensemble des militaires du rang, des sous-officiers et des officiers jusqu'au grade de commandant inclus hors grade de commandant classe fonctionnelle), impliquait la transformation d'une partie des primes perçues en points d'indice, en 2017 et en 2018, et la revalorisation des grilles indiciaires entre 2018 et 2020 en échange de l'allongement de certains échelons. La transposition avait effectivement débuté pour les militaires en 2017.

L'annonce le 16 octobre dernier, par M. Gérard Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, du report d'un an, à compter du 1 er janvier 2018, de la mise en oeuvre de ce protocole pour l'ensemble des agents publics sonne donc comme une mauvaise nouvelle pour les personnels de la défense, même si l'objectif poursuivi est de permettre le financement d'une indemnité compensatrice de la hausse du taux de CSG (+1,7 % à compter du 1 er janvier 2017).

Elle l'est d'autant plus pour les personnels militaires qui subissent un an de retard dans l'application de cet accord par rapport à la fonction publique et espéraient le rattraper en 2018. Espérons qu'il ne s'agit là que d'une mesure temporaire.

L'obligation, énoncée par l'article L4123-1 du code de la défense, d'appliquer sans délai aux militaires les mesures de portée générale affectant la rémunération des fonctionnaires civils de l'Etat n'a en effet pas toujours été respectée .

Or les retards constatés à plusieurs reprises dans la transposition de mesures a été à l'origine de décalages ressentis comme inéquitables et mettant à mal la cohérence entre les rémunérations de la fonction publique et celles de la fonction militaire , comme le HCECM l'a souligné dans plusieurs de ses rapports (en particulier son 9 eme rapport thématique de 2015 12 ( * ) .

Vos rapporteurs suivront donc avec une vigilance particulière les développements ultérieurs de ce dossier. Il n'y a pas de raison que les militaires décrochent par rapport aux fonctionnaires.

2. La nouvelle politique de rémunération des militaires et la perspective de la réforme des retraites

Les militaires pourraient être aussi impactés par le chantier de la simplification des primes, dans lequel s'est lancée la direction des ressources humaines du ministère en vue d'une mise en oeuvre à l'horizon 2021.

Il s'agit de simplifier un maquis constitué de 174 primes et indemnités . Si les plus importantes sont inhérentes à la condition militaire et à ses sujétions (activités opérationnelles, mobilité, affectation dans les DOM ou à l'étranger...), beaucoup ont été créées au coup par coup pour compenser une sujétion spécifique, résoudre un problème d'attractivité ou valoriser certaines compétences. Bien souvent, leur instauration a répondu au souci de compenser la faiblesse de la rémunération indiciaire, notamment chez les militaires du rang. Il existe ainsi des primes de toutes sortes (prime atome, prime montagne, prime travail sous béton...) et comportant un nombre très variable de bénéficiaires.

Une simplification apparaît nécessaire pour rendre le système plus lisible et cohérent et permettre des gains de productivité dans la gestion des primes, dont on sait qu'elles ont été un des éléments à l'origine des difficultés lors du basculement dans Louvois.

Cette réforme devra cependant respecter au moins deux exigences. La première est de garantir l'attractivité des métiers et carrières . La seconde est de tenir compte de l'impact que pourraient avoir d'autres réformes concomitantes et notamment celle des retraites qui, comme l'a souligné le chef d'état-major des armées lors de son audition, inquiète beaucoup la communauté militaire.

Le projet de réforme des retraites

Il s'agit d'un volet du programme présidentiel qui vise à remplacer le système actuel de retraites par répartition par un système « universel et notionnel » dit de « retraites à points » censé être plus égalitaire et transparent.

Le caractère universel serait obtenu par l'application de règles communes de calcul des pensions permettant que chaque euro cotisé ouvre « le même droit à pension pour tous » (ce qui conduirait à la fin des régimes spéciaux).

Le caractère notionnel consisterait à comptabiliser les droits en points comme c'est le cas en Suède mais aussi en Italie ou en Allemagne, chaque cotisant étant doté à son entrée dans la vie active d'un compte virtuel lui permettant d'accumuler un capital de points qui sera transformé en pension lors du départ à la retraite via un coefficient de conversion.

Selon une lettre de cadrage du 6 juin 2017 sur le calendrier des réformes sociales, la rénovation du système de retraites devrait être menée en 2018, en vue d'une entrée en vigueur en 2019 . Les premières concertations ont commencé le 21 novembre 2017.

Ce nouveau dispositif s'accommodera-t-il du maintien des bonifications d'annuités dont bénéficient les militaires du fait de leurs campagnes en OPEX ou comme compensations d'un départ précoce à la retraite ? Si un tel système ne pouvait être maintenu, c'est toute la logique de flux qui permet aux armées de disposer d'un personnel militaire jeune qui serait compromise.

3. Le basculement de Louvois à Source-Solde et l'entrée en vigueur de la retenue à la source

Enfin, il y a le sujet de la bascule entre Louvois et source Solde sur lequel il nous faudra être particulièrement vigilants.

Le ministère des armées est tant bien que mal parvenu à surmonter les énormes difficultés provoquées par les dysfonctionnements de Louvois. Ainsi selon le SGA, 97 % des soldes versées en août dernier n'ont pas nécessité de corrections. A cette même date, 83 % du montant total des indus constatés depuis le début de la crise avait fait l'objet d'une notification et 64 %, soit 344 millions d'euros, avait été recouvré. Le recouvrement du solde, soit 78,5 millions d'euros, a été abandonné, les sommes concernées ne pouvant être justifiées.

Pour autant, d'autres menaces se profilent. Le chantier du basculement entre Louvois et Source-Solde s'étalera entre 2018 et 2020 ( cf infra ) et interférera, par conséquent, avec la mise en place de la retenue à la source prévue le 1 er janvier 2019. A l'évidence, le chevauchement de deux opérations très complexes démultiplie les risques. Des tests très poussés devront être conduits afin d'éviter à tout prix de reproduire le fiasco de la mise en service de Louvois, qui a été une catastrophe budgétaire et humaine.


* 12 HCECM, 9e rapport thématique, Perspectives de la condition militaire, 2015.

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