B. DES LIENS AVEC L'ÉCOSYSTÈME DE LA RECHERCHE PUBLIQUE EN RETRAIT PAR RAPPORT AUX AMBITIONS INITIALES

1. Des collaborations d'intensité inégale avec les organismes de recherche publique

Selon la convention du 2 septembre 2010, le modèle économique de France Brevets reposait notamment sur sa capacité « à nouer des partenariats de long terme avec les acteurs de la recherche et de la valorisation publique ». Les grands organismes de recherche disposant de filiales de valorisation expérimentées (CNRS 62 ( * ) , INSERM 63 ( * ) , CEA 64 ( * ) , INRA 65 ( * ) ...), des complémentarités avec France Brevets pouvaient être envisagées.

Il convient de noter que tous les organismes de recherche ne se prêtent pas de la même façon à une collaboration avec France Brevets. Par exemple, les résultats de la recherche de l'INRIA se matérialisent le plus souvent dans des logiciels, dont la protection relève du droit d'auteur. De même, l'IRSTEA a indiqué à votre rapporteur avoir pris contact avec France Brevets dès sa création, mais aucun de ses brevets n'avait retenu l'intérêt de la société, ce que l'organisme explique par la jeunesse de son portefeuille et par des marchés potentiels encore trop petits ou pas stabilisés dans leurs modèles économiques. De plus, les modalités d'intervention de France Brevets peuvent paraître inadaptées dans certaines situations particulières. C'est un des éléments portés à la connaissance de votre rapporteur par l'INRA, qui souhaite commercialiser lui-même ses brevets afin de préserver sa capacité à construire des stratégies d'innovation avec ses partenaires industriels.

Même si 24 accords-cadres ont été signés avec des organismes publics de recherche détenteurs de brevets, les collaborations concrètes apparaissent, à ce jour, relativement modestes .

Une centaine de demandes de brevets auraient été déposées sous l'impulsion de France Brevets pour ces établissements. Le CNES a fait état d'une collaboration tangible avec France Brevets. En vue de les intégrer dans une grappe, France Brevets a ainsi pu financer le dépôt, les extensions et les annuités de brevets détenus par l'organisme. À ce jour, 52 inventions auraient été prises en charge par France Brevets. Des collaborations étroites avec l'Institut Mines Telecom à Paris et en Bretagne, ainsi qu'avec l'Institut national des sciences appliquées, l'École nationale de l'aviation civile et l'Université Bretagne Sud ont également participé au dépôt de brevets. Des collaborations ponctuelles ont également pu être évoquées par l'INRIA, comme un partenariat de monétisation conclu en 2012 pour 4 familles de brevets, sans que cette démarche n'ait cependant donné de résultats concrets.

D'autres prises de contact ont cependant été moins concluantes. Par exemple, le CNRS a signé un accord avec France Brevets dès 2012, et une révision de ce contrat-cadre est actuellement en cours en vue de prendre en compte les nouvelles offres de services de France Brevets (voir III). Néanmoins, les collaborations entre les deux entités restent de l'ordre du tâtonnement : l'organisme de recherche a concédé une licence à France Brevets, mais aucune sous-licence n'a été accordée. Des échanges ont lieu entre la filiale de valorisation du CNRS et France Brevets pour identifier des domaines dans lesquels cette dernière pourrait agir. France Brevets a également noué des liens avec l'INRA dès 2012 mais, après plus d'un an d'analyse des brevets de l'organisme, la société a conclu qu'ils n'avaient pas un potentiel suffisant pour générer des flux de redevances de nature à rentabiliser les investissements. Une telle situation a également pu être constatée par le CEA.

2. Seules deux SATT se sont engagées dans une collaboration tangible avec France Brevets

Selon la convention de septembre 2010, « France Brevets s'appuiera, dans le cadre de partenariats à conclure, sur les sociétés d'accélération de transfert de technologie et les consortiums nationaux de valorisation thématiques pour l'identification de brevets des brevets, l'expertise technologique et la commercialisation, le cas échéant, et leur apportera une capacité complémentaire de valorisation ». Rappelons que France Brevets a été créée dans le cadre de la mise en place, par le PIA 1, d'un fonds national de valorisation doté d'un milliard d'euros , principalement destiné à financer les SATT, les CVT et France Brevets. À travers les SATT et les CVT, le PIA entendait renforcer la valorisation de la recherche publique , qui reposait auparavant principalement sur les filiales de valorisation des grands organismes de recherche. Les SATT, financées à hauteur de 900 millions d'euros, devaient faire ce travail au niveau local et selon une démarche adaptée aux souhaits des acteurs locaux, afin de constituer, en quelques sortes, les filiale de valorisation des universités. Leur activité comprend l'aide aux dépôts de brevets, les opérations de preuve de concept, les créations de start-up ou la monétisation de brevets. Les CVT, créés au sein des grandes alliances de recherche et dotés de 50 millions d'euros, avaient une vocation thématique d'identification des grands enjeux dans leurs domaines, mais avec un ressort territorial plus large.

France Brevets devait être complémentaire des SATT, d'une part, en complétant le travail local de ces dernières par une approche d'agrégation au niveau national et à destination d'un marché international, et des CVT, d'autre part, en s'appuyant sur leur position privilégiée pour dresser un tableau de l'état de l'art et ainsi déterminer des axes prioritaires d'investissement.

Or, les liens avec les SATT sont relativement minces . Malgré la signature, par l'ensemble des SATT, d'accords-cadres avec France Brevets, leurs relations, bien que cordiales et constructives, apparaissent trop occasionnelles et n'ont pas encore produit suffisamment de résultats tangibles. Deux « fabriques à brevets » ont été mises en place, dont une avec la SATT Ouest Valorisation , historiquement première SATT à avoir conclu un partenariat avec France Brevets. En matière de « licensing », des propositions ont été effectuées mais non retenues. France Brevets indique également nourrir une « étroite collaboration » avec la SATT Conectus et Normandie Valorisation.

Cette situation est d'autant plus paradoxale que les synergies avec les services des SATT pourraient être renforcées, dans la mesure où, comme le note notre collègue Philippe Adnot dans son rapport sur les SATT 66 ( * ) , « des juristes spécialisés ont (...) été recrutés et ont pu développer des compétences très poussées dans certains secteurs au sein des SATT. Des métiers spécifiques et potentiellement assez rares jusqu'à présent sur l'ensemble du territoire, tels que celui d'ingénieur « brevet » ont ainsi été créés ». Votre rapporteur remarque cependant que le nombre élevé de SATT comme la grande diversité de leurs modèles ne sont pas de nature à favoriser des relations étroites avec l'ensemble de celles-ci.


* 62 Via sa filiale France Innovation Scientifique et Transfert (FIST), créée en 1992, qui dispose de 46 employés et qui assure la gestion de 5 600 familles de brevets et 80 à 100 contrats de licence.

* 63 Via sa filiale INSERM transfert, créée en 2000, qui gère un portefeuille de 1500 familles de brevets.

* 64 Via sa filiale CEA Tech, créée en 1957 et qui gère dépose 600 brevets par an.

* 65 Via sa filiale INRA Transfert, créée en 2003.

* 66 Philippe Adnot, rapport d'information fait au nom de la commission des finances du Sénat, Les SATT : des structures de valorisation de la recherche publique qui doivent encore faire la preuve de leur concept, juillet 2017.

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