D. LES PRINCIPALES MESURES NOUVELLES RELATIVES AUX DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE

Le volet santé du Grand plan d'investissement

Avec l'accélération de la transition écologique et l'ancrage de la compétitivité sur l'innovation, la modernisation du système de santé constitue l'une des six priorités du plan d'investissement, dont la préfiguration a fait l'objet d'une mission confiée à Jean Pisani-Ferry, qui a rendu ses conclusions en septembre 2017.

Le volet du Plan d'investissement consacré à la transformation du système de santé et de cohésion sociale a pour but d'intégrer les nouvelles technologies et de répondre aux enjeux des territoires (accès aux soins, prévention, pertinence des prises en charge). Les leviers identifiés pour le quinquennat sont :

- la numérisation du système de santé (1 milliard d'euros) ;

- le développement des maisons de santé pluri-professionnelles et des centres de santé (400 millions d'euros) ;

- la diffusion de la recherche médicale (500 millions d'euros issus du programme d'investissement d'avenir) ;

- la modernisation et le renouvellement des équipements techniques et immobiliers hospitaliers (3 milliards d'euros).

L'assurance maladie contribuerait au financement du programme à travers une mobilisation de l'ONDAM sur le quinquennat et en particulier du fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP) et des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC).

Source : annexe 7 au présent projet de loi de financement

1. Un cadre d'expérimentations pour l'innovation dans le système de santé (article 35)
a) Un cadre juridique facilitant le déploiement de deux types d'expérimentations

Dans son rapport sur l'évolution des charges et des produits de l'Assurance maladie 87 ( * ) , la CNAMTS proposait la création d'un fonds national de soutien à la diffusion de l'innovation organisationnelle en santé et la définition d'un cadre juridique permettant de déroger au droit commun en ce qui concerne les modalités de financement et d'organisation , ou le partage de compétences entre acteurs. L'Assurance maladie recommandait également la mise en place d'un dispositif d'accompagnement des expérimentations sélectionnées par le fonds, afin que leur généralisation se déroule dans les meilleures conditions, et le déploiement d'un système d'évaluation spécifique de ces expérimentations.

Le présent article reprend la philosophie de ces propositions en permettant de lancer, pour une durée qui ne pourrait excéder cinq ans , deux types d'expérimentations :

- d'une part, visant à déployer des innovations organisationnelles , afin d'améliorer la prise en charge et le parcours des patients, l'efficience du système de santé et l'accès aux soins ;

- d'autre part, visant à promouvoir la qualité et la pertinence de la prise en charge et de la prescription des produits de santé.

Cette initiative part du constat que les nombreuses expérimentations initiées, dans le cadre des précédentes lois de financement 88 ( * ) , pâtissent d'un pilotage éclaté . La mesure proposée instaure ainsi un cadre juridique général auquel pourront être intégrées les expérimentations d'ores et déjà lancées, et permettrait de capitaliser sur les innovations les plus probantes.

Les expérimentations « organisationnelles » , avec une possibilité de déroger aux règles de financement de droit commun , pourraient ainsi faire l'objet de « test » afin d'envisager la pertinence d'un déploiement national. Trois expérimentations sont déjà envisagées :

- l'ouverture d'un intéressement collectif versé au groupement d'acteurs en sus de la tarification de droit commun, sur la base d'objectifs de qualité et de la réalisation d'économies ; cette organisation serait adaptée aux patients atteints de maladies chroniques nécessitant l'intervention de plusieurs professionnels ;

- le paiement intégré à l'épisode de soins , pour un panier de services déterminé à partir de « bonnes pratiques » ; ce mode d'organisation correspondrait aux prises en charge nécessitant une coordination ville-hôpital ;

- une rémunération collective alternative à une partie des rémunérations classiques pour les structures pluri-professionnelles, permettant de valoriser les activités de prévention.

S'agissant de la qualité et de la pertinence des prescriptions , les expérimentations pourraient prévoir des évolutions concernant les conditions de prise en charge des médicaments et produits onéreux au sein des établissements de santé, ou encore des mesures incitatives pour les professionnels de santé concernant la pertinence des prescriptions.

b) La création d'un fonds pour l'innovation du système de santé destiné à financer ces innovations

Le financement des expérimentations et leur évaluation seraient pris en charge par un fonds pour l'innovation du système de santé, géré par la CNAMTS et bénéficiant d'une dotation de l'assurance maladie. Le coût d'amorçage s'élèverait à 10 millions d'euros en 2018 , « correspondant à 30 millions d'euros de financements spécifiques, dont 20 millions d'euros se substitueront à des prises en charge classiques » 89 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis est favorable à la mise en place d'un cadre juridique visant la sécurisation et l'accélération des innovations organisationnelles en santé . Le lancement d'expérimentations portant sur l'organisation et la rémunération des actes et séjours, qui pourront concerner aussi bien les soins de ville que l'hôpital ou le secteur médico-social, est bienvenu, d'autant qu'il fait la part belle aux initiatives des professionnels et des établissements de santé .

À compter de 2019, la dotation de l'assurance maladie augmenterait mais la mesure serait autofinancée et dégagerait des économies à partir de 2020, estimées à 20 millions d'euros en 2020 et 40 millions d'euros en 2021 .

D'une part, la perspective d'un autofinancement dès 2019 apparaît très optimiste . D'autre part, si des précisions auraient été appréciées quant au chiffrage des économies attendues, un tel dispositif , qui tente de remédier à l'organisation « en silos » du système de santé, ne pourra que s'inscrire dans le cadre d'une stratégie de moyen terme sur l'ensemble des dépenses de l'assurance maladie.

2. L'amélioration de la pertinence et la qualité de soins : renforcer l'intéressement des établissements de santé à la qualité des soins (article 39)

L'article 81 de la loi de financement pour 2016 a unifié l'ensemble des dispositifs contractuels visant le recours à des soins de qualité au sein d'un contrat d'amélioration de la qualité et de l'efficience des soins (CAQES), conclu entre les établissements de santé, les agences régionales de santé (ARS) et l'assurance maladie. Ce contrat constitue le socle de l'amélioration des pratiques en matière de régulation des prescriptions de médicaments, de pertinence et de sécurité des soins.

Applicable à compter du 1 er janvier 2018, le CAQES comporte :

- un volet obligatoire , relatif à l'usage pertinent des médicaments, des produits et des prestations de soins.

- des volets additionnels facultatifs , comportant des dispositions dépendant des objectifs fixés dans le cadre du dialogue annuel entre l'ARS et l'établissement et du plan pluriannuel de gestion du risque et d'efficience du système de soins.

Le décret du 20 avril 2017 90 ( * ) a fixé les modalités d'application de ce nouveau contrat tripartite. Aux termes de l'article D. 162-16 du code de la sécurité sociale, le contrat doit comporter les modalités de détermination des sanctions et des intéressements :

- la réalisation des objectifs du contrat fait ainsi l'objet d'une évaluation annuelle par l'ARS et l'assurance maladie, qui peut donner lieu à sanction ;

- un intéressement est possible dans le cadre des engagements pris au sein des volets additionnels relatifs au transport et à pertinence des soins.

D'après les informations transmises par la direction de la sécurité sociale, le CAQES est actuellement en cours de déploiement : aucune sanction n'a été mise en oeuvre à ce jour.

Le présent article propose de créer un dispositif d'intéressement dédié et modélisé, afin de récompenser la tenue des objectifs fixés dans le contrat et ainsi, d'impulser une incitation forte vers la recherche d'une qualité des soins et des prescriptions.

En pratique, il est proposé que le fonds d'intervention régional (FIR) soit abondé chaque année des économies supplémentaires procurées par l'exécution des contrats, et péréqué par région en fonction des économies réalisées . Les ARS pourraient ainsi verser un intéressement, réparti selon des critères définis dans le CAQES, sur l'ensemble des volets.

Un établissement atteignant les objectifs fixés pourrait donc percevoir un intéressement sous la forme d'une dotation du FIR, dans la limite de 30 % des économies constatées .

Cette mesure, consistant à allouer un intéressement aux établissements de santé réalisant des économies, par exemple, sur les médicaments ou les achats groupés, constitue une avancée intéressante , permettant de faire reposer le dispositif d'intéressement sur un même vecteur, le FIR , pour l'ensemble des volets du CAQES. En outre, elle constitue un mécanisme de mobilisation plus incitatif que le dispositif de sanctions.

L'évaluation préalable du présent article précise que l'enveloppe d'amorçage serait dotée de 25 millions d'euros pour 2019 , dans le cadre de l'évaluation des CAQES 2018. Les économies attendues, qui seraient comptabilisées sur le sous-objectif établissements de santé de l'ONDAM, paraissent toutefois surévaluées : il est prévu que l'intéressement produirait 10 % des économies de maîtrise médicalisée fixées. Celles-ci s'élevant à 250 millions d'euros en 2017, le montant d'économies serait de 25 millions d'euros par an , dès 2018, première année d'effet des contrats bénéficiant de l'intéressement en 2019 - et donc, autant en 2019, déduction faite de l'enveloppe d'amorçage, puis 50 millions d'euros en 2020.

3. La modernisation du financement du système de santé : la prolongation du dispositif transitoire de financement des établissements de SSR (article 48)

L'activité de soins de suite et de réadaptation (SSR) a « pour objet de prévenir ou de réduire les conséquences fonctionnelles, physiques, cognitives, psychologiques ou sociales des déficiences et des limitations de capacité des patients et de promouvoir leur réadaptation et leur réinsertion » 91 ( * ) .

L'article 78 de la loi de financement pour 2016 a introduit un nouveau modèle de financement , commun aux secteurs public, privé non lucratif et privé lucratif, reposant sur une dotation modulée à l'activité ( DMA ) comprenant :

- une fraction fixe, fondée sur l'activité historique des établissements, leur assurant un niveau de ressources minimal ;

- une fraction tarifée à l'activité , permettant de valoriser les établissements développant leur activité tout en optimisant leurs coûts.

L'article 82 de la loi de financement pour 2017 a adapté la mise en oeuvre de la réforme du financement des établissements de SSR, en prévoyant une entrée en vigueur progressive de la réforme : une année de transition , où les modalités anciennes seraient combinées avec la dotation nouvelle, était ainsi prévue entre le 1 er mars 2017 et le 28 février 2018. Cette période transitoire devait, d'après l'évaluation préalable du présent article, permettre de finaliser les « évolutions techniques nécessaires ».

Le présent article propose une prolongation de la période transitoire, de deux ans , jusqu'au 31 décembre 2019, afin de prendre en compte ces contraintes techniques, notamment l'adaptation nécessaire des systèmes d'information.

Cet aménagement induit une charge supplémentaire pour l'exercice 2018, estimée à 5 millions d'euros par l'évaluation préalable annexée au présent projet de loi de financement.

Ce décalage de la pleine entrée en vigueur du nouveau modèle de financement des établissements de SSR n'est pas surprenant . Votre commission des finances avait souligné, lors de l'examen du projet de loi de financement pour 2016, le caractère lacunaire de l'évaluation préalable de la réforme du financement des activités de SSR. Elle avait adopté un amendement demandant au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport étudiant l'impact de la réforme, d'une part, sur l'équilibre financier des établissements de santé et, d'autre, sur les finances publiques, dans les six mois suivant l'adoption du présent projet de loi, amendement qui avait finalement été retiré.


* 87 « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses, propositions de l'Assurance maladie pour 2018 », rapport au ministre chargé de la Sécurité sociale et au Parlement sur l'évolution des charges et des produits de l'Assurance maladie au titre de 2018, 7 juillet 2017.

* 88 Parmi ces expérimentations figurent le dispositif Paerpa (Personnes âgées en risque de perte d'autonomie), prévue à l'article 48 de la loi de financement pour 2013, l'expérimentation relative à l'insuffisance rénale chronique, issue de l'article 43 de la même loi de financement, ou plus récemment, l'expérimentation visant à autoriser les pharmaciens à administrer le vaccin contre la grippe, instaurée pour trois ans par l'article 66 de la loi de financement pour 2017.

* 89 Évaluation préalable du présent article.

* 90 Décret n° 2017-584 du 20 avril 2017 fixant les modalités d'application du contrat d'amélioration de la qualité et de l'efficience des soins.

* 91 Article R. 6123-118 du code de la santé publique.

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