Panorama de la presse : une lueur d'espoir

I. PANORAMA DE LA PRESSE : UNE LUEUR D'ESPOIR ?

A. L'ÉROSION CONTINUE DU PAPIER

1. Un constat vertigineux

Chaque année, la direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture et de la communication publie une enquête détaillée sur la presse française. Les derniers résultats rendus publics portent sur l'année 2014 et ne sont guère encourageants, tant en termes de chiffre d'affaires que de diffusion.

Chiffre d'affaires - Ensemble de la presse

(en milliards d'euros)

Source : DGMIC : Enquête annuelle

La diffusion, qui s'était stabilisée à environ sept milliards d'exemplaires depuis près de vingt ans, grâce en particulier au dynamisme de la presse gratuite au début des années 2000 (2,5 milliards d'exemplaires distribués en 2007) jusqu'à son effondrement brutal, enregistre depuis 2008 une chute abyssale toutes catégories de presse confondues malgré des nuances , jusqu'à atteindre 4,3 milliards d'exemplaires en 2014. Par rapport à la seule année 2013, la baisse atteint 300 millions d'exemplaires, soit 6 % de la presse imprimée diffusée.

Diffusion totale annuelle

(en milliers d'exemplaires / an)

Source : DGMIC - Enquête presse

Les années 2015 et 2016 confirment dramatiquement la tendance observée d'une profonde crise de la presse . Les chiffres rendus publics pour 2015 par les éditeurs accusent ainsi une baisse de 3,6 % du chiffre d'affaires de la vente au numéro et de 1,1 % de celui lié aux abonnements, qui fait pourtant l'objet d'une attention toute particulière dans les efforts de développement. Avec un chiffre d'affaires global de 7,5 milliards d'euros , le secteur perd à nouveau, et pour la huitième année négative consécutive, 3 % en valeur.

La presse d'information politique et générale nationale aussi bien que locale accuse cependant une érosion moindre : l'indice, fixé à une base 100 pour l'année 2000, passe en 2014 à 73,6 pour la presse nationale et à 76,7 pour la presse locale, pour un niveau global de 61,2.

Pour autant, la presse quotidienne nationale (800 millions de chiffre d'affaires) atteint son plus bas niveau de diffusion en 2014 à 322 millions d'exemplaires, ce qui représente une perte de 50 % par rapport à 1982 . On rappellera toutefois qu'à la différence des autres catégories de presse, l'érosion de la diffusion des quotidiens, même si elle ne fut pas continue, a débuté après 1968.

Presse nationale d'information générale et politique

(en milliers d'exemplaires et en %)

Source : Enquête annuelle de la DGMIC

La presse quotidienne locale , soit six quotidiens sur dix, affiche une diminution de 3,5 % de sa diffusion en 2014 , à 1,5 milliard d'exemplaires. Le recul se poursuit en 2015, où la légère augmentation de 0,2 % des ventes par abonnement de la presse d'information politique et générale locale ne compense nullement le recul de 4,3 % des ventes au numéro.

Presse locale d'information générale et politique

(en milliers d'exemplaires et en %)

Source : Enquête annuelle de la DGMIC

L'évolution du chiffre d'affaires de la presse locale

(en millions d'euros)

Source : UPREG

La presse spécialisée grand public , avec un indice de 60,7 en 2014, accuse un recul proche de l'indice d'ensemble , tandis que la presse technique et professionnelle (44,7 d'indice en 2014) perd plus de cinquante points en raison de la concurrence, qui la touche particulièrement, des services de presse en ligne . Pour cette dernière catégorie de presse, la diminution des volumes diffusés s'est établie à 5,2 % en 2014. Certaines publications, à l'instar de la presse d'information boursière, ont même presque intégralement disparu des présentoirs.

Presse spécialisée grand public

(en milliers d'exemplaires et en %)

Source : Enquête annuelle de la DGMIC

Presse spécialisée technique et professionnelle

(en milliers d'exemplaires et en %)

Source : Enquête annuelle de la DGMIC

L'analyse des créations et des disparitions de titres depuis 2010 montre combien la fragilité du modèle économique de la presse conduit à un turn over élevé des publications .

S'agissant de la presse nationale d'information politique et générale, un seul quotidien, L'Opinion , a été créé depuis 2010. Sur les 18 nouveaux mensuels, la moitié seulement continue de paraître, tandis que sur 50 titres bimestriels ou trimestriels créés, 19 ont déjà disparu.

Pour ce qui concerne la presse locale d'information politique et générale, 75 titres locaux ont été lancés depuis 2010, mais 24 d'entre eux ont cessé leur parution. L'Echo du Roussillon , créé en février 2014 pour une diffusion quotidienne de 500 exemplaires, a même cessé son activité dès le mois de septembre de la même année.

Le succès des lancements de titres récents se révèle trop souvent éphémère pour les éditeurs qui avaient cru trouver une issue à la crise dans la multiplication de l'offre , par ailleurs difficile à gérer pour des réseaux de vente eux-mêmes en mutation .

Les données économiques à la presse sont d'autant plus inquiétantes qu' une part non négligeable du chiffre d'affaires des éditeurs est constituée des aides publiques qui ne cessent d'être renforcées, notamment au profit de la presse d'information politique et générale.

Part du chiffre d'affaires de la presse issu des aides publiques

Source : Enquête rapide Chiffres clés MCC 2014, chiffres des aides rassemblés par le Spiil

Part des aides publiques dans le chiffre d'affaires
de la presse d'information politique et générale

Source : Enquête rapide Chiffres clés MCC 2014, chiffres des aides rassemblés par le Spiil

2. Les causes multiples d'un désastre annoncé
a) Un désamour des jeunes et des annonceurs
(1) Un lectorat plus difficile à fidéliser

Selon l'étude ONE AudiPresse publiée le 22 septembre 2016, 97,6 % des Français de 18 ans et plus déclarent lire la presse chaque mois , quel que soit le support, soit 50,8 millions de lecteurs. Ils consultent en moyenne 5,5 titres différents , dont 1,3 quotidien et 4,2 magazines. Le Monde obtient l'audience la plus élevée (20,6 millions de lecteurs), suivi par 20 Minutes (20,2 millions), L'Équipe (19,6 millions) et Le Figaro (19,3 millions). Selon l'Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM), cette proportion atteint 95 %, soit 49,6 millions de lecteurs mensuels, s'agissant de la seule presse imprimée .

Si ces résultats apparaissent encourageants, il n'en demeure pas moins que, depuis 1982, la presse quotidienne nationale a perdu 30 000 lecteurs réguliers par an. Ce chiffre atteint 55 000 lecteurs réguliers pour la presse quotidienne locale. En revanche, le phénomène de réutilisation d'un titre par un autre lecteur peut être important pour certaines catégories de presse (1,9 pour la presse quotidienne régionale et jusqu'à 5,5 pour les magazines mensuels).

Les gains parfois importants de lectorat réalisés par la presse écrite quotidienne lors des périodes d'intense activité politique (élections, conflits ou événement majeur) ne se pérennisent pas . En 2007, la presse nationale d'information politique et générale avait ainsi enregistré une augmentation de 2,08 % de sa diffusion (1,8 % pour les quotidiens), puis celle-ci s'était rétractée dès l'année suivante une fois les élections passées.

Les causes de ce désamour progressif sont, pour certains éditeurs, à rechercher dans l'apparition de la presse gratuite à la fin des années 1990, qui aurait introduit l'idée selon laquelle l'information pouvait ne pas être payante, sur laquelle a ensuite surfé, à ses débuts tout du moins, la presse numérique. Mais, même si selon certaines enquêtes, les lecteurs de 20 Minutes s'informaient auparavant auprès d'un quotidien payant et si Libération juge avoir perdu bon nombre de lecteurs sous l'effet de l'apparition de la presse gratuite, des arguments contradictoires coexistent sans qu'aucune étude ne les ait sérieusement étayés . En réalité, la difficulté de la mesure de la bascule vers les gratuits tient au fait que le lectorat des deux type de presse est finalement différent. En tout état de cause, depuis 2007, la presse gratuite affiche des résultats souvent plus décevants que ceux de la presse payante, sans que cette dernière ne bénéficie d'un regain d'intérêt de la part des lecteurs, qui basculent plus volontiers vers les offres numériques.

Plus certainement, l'érosion du lectorat de la presse écrite est liée au moindre attrait des jeunes pour ce support d'information . Ainsi, selon les données de l'Association mondiale des journaux (WAN-IFRA) pour l'année 2015, les personnes de plus de 65 ans représentent 29,3 % du lectorat de la presse, contre seulement 11,6 % pour les 15-24 ans.

Déjà en 2004, un rapport de Bernard Spitz au ministre de la culture et de la communication démontrait que la lecture de la presse quotidienne d'information politique et générale par les jeunes était confrontée à un triple obstacle : le prix, ainsi qu'une distribution et un contenu inadapté à leurs attentes et à leur mode de vie . Depuis, éditeurs et pouvoirs publics ont tenté, avec un succès relatif, de rajeunir le lectorat de la presse par diverses actions.

Exemples d'actions de promotion de la lecture de la presse auprès des jeunes

Le centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information (CLEMI), rattaché à Canopé, l'opérateur de documentation pédagogique du ministère de l'éducation nationale, est chargé de l'éducation aux médias dans l'ensemble du système éducatif. Il a pour objectif d' apprendre aux élèves une pratique citoyenne des médias par le biais notamment de partenariats entre les enseignants et les professionnels de l'information.

Le CLEMI a en particulier la responsabilité de la Semaine de la presse et des médias dans l'école , dont la 28 e édition se tiendra en mars 2017. Activité d'éducation civique, elle a pour but d'aider les élèves, de la maternelle aux classes préparatoires, à comprendre le système des médias, à former leur jugement critique et à développer leur goût pour l'actualité. Cette opération est celle qui rassemble le plus d'enseignants et d'établissements au sein de l'éducation nationale.

À cette occasion, les éditeurs de presse offrent plus d'un million d'exemplaires de journaux et de magazines. Près de 1 900 médias s'inscrivent chaque année à l'opération. La Poste se charge de la préparation et de l'acheminement des 45 000 colis à destination des établissements scolaires. Le ministère de la culture et de la communication soutient également la Semaine de la presse et des médias à travers une subvention de fonctionnement d'un montant de 12 500 euros.

Par ailleurs, le club des innovateurs du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) a lancé en 2015 un appel à projet sur l'éducation aux médias et à la liberté de la presse , doté d'une enveloppe de
2 millions d'euros. L'objectif est de développer un outil modulaire, adaptable, mutualisé sous forme de « mallette numérique » mise à disposition des équipes aussi bien dans les collèges et lycées que pour le temps périscolaire.

A été retenu le projet présenté par l'association pour le développement du Journal des lycées et soutenu par Ouest-France , le groupe Bayard et La Voix du Nord . L'outil est actuellement en cours de développement et aura vocation à être diffusé sur l'ensemble du territoire . 54 établissements sont d'ores et déjà engagés dans l'Ouest de la France, tandis que La Voix du Nord fait état d'une prévision d'une vingtaine de lycées. Le projet comprend également un accompagnement par des journalistes professionnels dans les établissements scolaires ou les structures périscolaires .

Les établissements participant au projet y contribueront à hauteur de 1 000 euros. Le ministère de la culture et de la communication a abondé le financement du projet en permettant le préachat de 500 mallettes en milieu scolaire et de 500 autres pour le hors-temps scolaire, pour un effort total d'un million d'euros .

Source : ministère de la culture et de la communication

Auditionné par votre rapporteur pour avis, Louis Dreyfus, président du directoire du Monde , a estimé urgent, pour les éditeurs, de trouver un moyen d'attirer les jeunes lecteurs . Plusieurs pistes ont été explorées, comme celle d'un abonnement offert à un titre de presse quotidienne nationale pendant un an aux jeunes de moins de 18 ans : non seulement le taux de réabonnement, payant cette fois, fut quasi nul, mais la majorité avait choisi L'Équipe . Selon lui, cette expérience aurait dû être menée avec des abonnements numériques, dont le taux de réabonnement est généralement plus élevé. Il atteint 50 % pour Le Monde qui propose un abonnement numérique de six mois à 1 euro pour les jeunes : 70 % le pérennisent à l'issue de l'offre.

Votre rapporteur pour avis n'a toutefois pas partagé son pessimisme à l'égard de l'avenir de la presse imprimée , dont Louis Dreyfus a estimé que, dans quinze ou vingt ans, les publications auront toutes intégralement basculé vers le numérique. Il estime en effet, comme Silvère Magnon, directeur de la rédaction de L'Humanité , également auditionné, que la presse, comme la lecture, ressort d'une éducation et constitue un enjeu pour la démocratie. Il est donc crucial d'offrir aux jeunes un accès facilité à l'offre de presse , qu'elle soit numérique ou imprimée.

(2) Des recettes publicitaires en berne

Au-delà de la diminution du chiffre d'affaires lié à la vente (- 2,5 % en 2015) en conséquence de l'érosion continue des volumes diffusés, la perte de recettes publicitaires affiche un niveau dramatique (- 4,5 % en 2015, après une baisse de 12,5 % en 2014).

Entre 1990 et 2015, avec une diminution de moitié de leur montant, l'érosion des recettes publicitaires à réduit considérablement leur proportion dans le chiffre d'affaires de la presse, de 47,5 % à 31,5 %.

Évolution des recettes de publicité - 1990 - 2015

(En milliards d'euros - Indice base 100 année 2000)

-- Total recettes
(euros constants)

Source : ministère de la culture et de la communication

À titre d'illustration, sur un marché publicitaire de la presse à 2,5 milliards d'euros en 2015, la presse locale a bénéficié de 28,4 % des investissements, soit 718 millions d'euros, à 80 % pour de la publicité locale. En 2007, elle enregistrait encore 1,1 milliard d'euros de recettes publicitaires.

Tous médias confondus, un milliard d'euros de recettes publicitaires s'est évaporé en dix ans , soit le gain enregistré par les grandes entreprises américaines du numérique sur le même poste de revenus, indiquaient à votre rapporteur pour avis les représentants du Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPRR), analyse partagée par Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de Libération , lors de son audition.

À l'issue des États généraux de la presse écrite, le 23 janvier 2009, avait été annoncé le doublement des investissements publicitaires institutionnels de l'État en faveur de la presse , afin de faire face à la diminution des recettes publicitaires privées. Las, après un véritable effort en 2009, les investissements réalisé par le groupement d'achat d'espace (GAE), composé du service d'information du Gouvernement et de cinq établissements sous tutelle, le cadre budgétaire contraint a conduit à une diminution progressive des crédits affectés à ce poste, tandis que, depuis 2012, les investissements du GAE dans la presse sont moins élevés que sur Internet.

Face à l'érosion continue de leurs recettes commerciales et publicitaires, les éditeurs n'ont eu d'autre choix, pour se maintenir ou, à tout le moins, survivre, que d' augmenter leur prix de vente sur les quotidiens comme sur les magazines . Depuis 2009, l'évolution des prix à la consommation de l'ensemble des produits de presse diverge ainsi nettement par le haut de l'indice général des prix à la consommation. Malheureusement, dans un cercle vicieux, cette politique, que votre rapporteur pour avis déplore, réduit d'autant les ventes d'un produit devenu de plus en plus luxueux pour nos concitoyens.

Prix de vente de la presse

(Indices base 100 en 2015)

Source : INSEE

b) Des coûts spécifiques réduits au prix de lourds efforts

La politique commerciale inflationniste des éditeurs trouve également une explication dans leur difficulté à réduire certains coûts afférents à leur activité , notamment en matière de diffusion et de fabrication, sauf au prix de contreparties coûteuses, qui pèsent sur leur résultat.

Pourtant, un effort important a été réalisé, avec le soutien de l'État, pour adapter les outils d'impression à la diminution des tirages de la presse. Ainsi, les frais relatifs à l'achat de papier et à l'impression occupent une importance moindre dans le chiffre d'affaires des titres en 2015 (18,5 %) qu'en 1990 (30,6 %). L'indice « pâte à papier, papier et carton » de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) demeurant globalement stable sur la période pour la production française de pâte à papier comme pour les importations, la diminution relative du coût de l'achat de papier est la conséquence d'une moindre consommation de papier (- 27,4 % entre 2010 et 2014 environ 828 000 tonnes, dont 44 % pour la presse spécialisée grand public) en raison de la disparition de certains titres, de l'érosion des tirages et de la baisse de la pagination publicitaire.

Au-delà de l'évolution de la consommation de papier, la réduction de la part de l'impression dans le chiffre d'affaires de la presse résulte de la mise en oeuvre d'une politique ambitieuse, et parfois brutale, commune aux éditeurs et à l'État en faveur de la réduction des effectifs dans les imprimeries , dont certaines ont par ailleurs été fermées.

Le soutien de l'État à la résorption des sureffectifs observés dans les services de fabrication des journaux quotidiens (presse quotidienne nationale et presse quotidienne régionale) a pris la forme de plans de modernisation sociale.

(1) Un engagement à grands frais de l'État et des éditeurs

La loi de finances rectificative pour 2004 a institué une aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d'information politique et générale, afin de prendre en charge les allocations de pré-retraite versées aux salariés concernés, pour la partie incombant à l'État (46,4 % du total soit 187,5 millions d'euros sur la durée du plan). Outre une interdiction d'embauche dans les entreprises concernées pendant trois ans pour éviter de reconstituer les sureffectifs, le plan comprend :

- une allocation spéciale pour la presse quotidienne nationale (le « plan RECAPP »), versée aux travailleurs ayant fait l'objet d'un licenciement économique. Elle a été ouverte en 2005 (convention cadre du 30 septembre 2005 et décret du 2 septembre 2005) aux ouvriers et employés de plus de 50 ans et cadres de plus de 55 ans. 25 conventions d'entreprise ont été signées au bénéfice de 436 volontaires sur un maximum fixé à 586 ;

- une allocation spéciale pour la presse départementale et régionale (décret du 2 juin 2006), établie selon des règles similaires. 39 conventions d'entreprise ont été signées, pour 1 333 personnes ayant demandé à bénéficier du dispositif sur objectif initial de 1 800.

En pratique, l'État verse annuellement les crédits prévus à l'organisme chargé de la gestion de l'allocation - la Caisse presse de salaire garanti (CAPSAG) pour la presse parisienne et le groupe Audiens pour la presse en régions -, soit 1,6 million d'euros au titre de l'année 2017 pour 98 personnes demeurant encore dans le dispositif .

À l'issue des États généraux de la presse écrite en 2009, de nouvelles mesures de réduction d'effectifs dans les entreprises de presse ont été prises, afin de diminuer le coût de fabrication des journaux dans un contexte de crise des ventes . À cet effet, un accord a été signé le 9 novembre 2009 entre les employeurs et plusieurs syndicats professionnels pour une cible de 350 emplois. Il prévoit un dispositif appelé « IMPRIME » de congé de reconversion professionnelle de trois ans , payé entre 85 % et 75 % du salaire, à l'issue d'un licenciement, pour lequel le ministère du travail a versé 67,7 millions d'euros.

Par ailleurs, aux fins de modernisation des outils de production, l'État a mobilisé 5 millions d'euros des crédit du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) en 2011 et en 2012 pour un projet de nouvelle imprimerie en région parisienne, « Newsprint », rassemblant l'impression des suppléments du Figaro , du Monde, de Libération , des Echos et de L'Humanité , ainsi que le titre 20 Minutes . Le projet a commencé en mars 2014 et le montant d'investissement s'élève à 15,7 millions d'euros à ce jour, tous partenaires confondus.

Les plans successifs ne furent malheureusement pas suffisants et, compte tenu de la poursuite de la baisse de la diffusion imprimée, une nouvelle restructuration des sites de production s'est imposée en 2014. La presse nationale était alors imprimée sur l'ensemble du territoire dans treize imprimeries : six appartenant au groupe Riccobono (pour Le Figaro, La Croix, Libération, Paris Turf, L'Humanité, Le JDD en Île-de-France), six au groupe Amaury (pour ses titres L'Équipe, le Parisien, Aujourd'hui en France ainsi que le JDD en province) et l'imprimerie du Monde à Paris.

En juillet 2014, le Monde a annoncé son intention de fermer son imprimerie d'Ivry-sur-Seine en 2015, fragilisée par le départ de plusieurs titres ( Direct Matin Plus et Les Échos , notamment). Cette fermeture intervient dans le cadre d'une réorganisation plus vaste de l'impression de la presse quotidienne nationale, avec la fermeture également programmée de l'imprimerie d'Amaury à Saint-Ouen, soit un plan social portant à nouveau sur 205 salariés.

Un accord collectif a été signé le 17 mars 2015 avec les principaux syndicats sur un plan de filière pour la période 2015-2020 pour les imprimeries concourant à l'impression de la presse quotidienne nationale , comprenant notamment un plan d'accompagnement social dit « 3M » (modernisation, mutualisation, mutation) , fondé sur le financement de la formation et le reclassement de l'ensemble des salariés concernés.

Dans un contexte social tendu, l'État a accordé son soutien, dans la limite de 50 % des coûts du plan d'accompagnement au-delà des 48 millions d'euros pris en charge par les éditeurs de presse et sous un plafond de 8,5 millions d'euros . Cette participation, qui porte sur des actions de formation et de reconversion professionnelle , est financée prioritairement sur l'enveloppe de 4 millions d'euros correspondant au reliquat des autorisations d'engagement non utilisées au titre du dispositif IMPRIME. L'imprimerie du Monde à Ivry a finalement fermé ses portes le 5 septembre 2015, suivie un mois plus tard par celle du groupe Amaury à Saint-Ouen.

A l'occasion de ce dernier plan, il a été confirmé que les plans de modernisation sociale ont vocation à être progressivement mis en extinction, le soutien de l'État passant désormais par le FSDP . Ainsi, en 2015, sept projets liés à l'impression ont été aidés pour 2,9 millions d'euros, soit près d'un tiers des montants attribués par le Fonds stratégique.

Si votre rapporteur pour avis salue les efforts engagés depuis plusieurs années en faveur de la modernisation et de la rationalisation des outils d'impression, il rappelle combien l'emploi a souffert de ces réformes : les salariés ont payé le prix fort de la crise de la presse, aussi bien dans les imprimeries de la presse nationale que dans celles de la presse locale.

(2) L'application de la responsabilité élargie du producteur à la filière papier : la charge de trop

Les efforts réalisés sur les coûts de production seront toutefois amoindris par l' imposition du secteur à de nouvelles charges.

Concrétisation du principe du « pollueur-payeur », la notion de responsabilité élargie du producteur (REP) appliquée à la filière papier est inscrite depuis 2008 à l'article L. 541-10-1 du code de l'environnement, qui dispose « tout donneur d'ordre qui émet ou fait émettre des imprimés papiers, y compris à titre gratuit, à destination des utilisateurs finaux, contribue à la collecte, à la valorisation et à l'élimination des déchets d'imprimés papiers, ménagers et assimilés ainsi produits » .

La REP institue une contribution annuelle , mise à la charge du metteur sur le marché, calculée sur la base du tonnage de papiers émis . Pour 2016, le montant de l'éco-contribution était de 54 euros HT/tonne. Cette contribution est collectée par l'organisme Ecofolio , société privée agréée par l'État (ministères de l'écologie, de l'économie et de l'intérieur), qui la reverse sous forme de soutiens financiers aux collectivités territoriales en charge du service public de gestion des déchets.

Jusqu'à l'adoption de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les publications de presse reconnues par la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) - soit plus de 8 000 titres - étaient exonérées de cette contribution , en raison du rôle particulier que joue la presse dans l'expression du pluralisme des idées , ainsi qu'au regard des difficultés économiques qu'elle traverse. En retour, la presse s'était engagée en faveur du recyclage par d'autres moyens, notamment par la diffusion coordonnée de campagnes de sensibilisation au tri et au recyclage des papiers imprimés (convention d'engagement volontaire de la presse signée avec Ecofolio en 2013).

Bien que les arguments évoqués pour exonérer la presse de la REP soient plus que jamais valables, la loi précitée du 17 août 2015 est venue modifier le code de l'environnement pour supprimer l'exonération dont bénéficiait la presse , qui contribue désormais à la collecte, à la valorisation et à l'élimination des déchets d'imprimés papiers qu'elle produit.

Toutefois, et heureusement, la presse bénéficie d' un aménagement particulier dans la mise en oeuvre de cette nouvelle obligation , la contribution pouvant être acquittée « en tout ou partie sous forme de prestations en nature prenant la forme d'une mise à disposition d'encarts publicitaires destinés à informer le consommateur sur la nécessité de favoriser le geste de tri et le recyclage du papier ». En outre, les conditions dans lesquelles cette contribution en nature doit être apportée doivent être établies « en fonction des caractéristiques des publications » .

Une mission a été confiée au député Serge Bardy et au sénateur Gérard Miquel par la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer et la ministre de la culture et de la communication, afin de proposer des critères environnementaux permettant de déterminer la proportion dans laquelle les metteurs sur le marché peuvent verser leur contribution en nature.

Sur le fondement de leurs conclusions, le décret n° 2016-917 du 5 juillet 2016 prévoit que le montant de l'éco-contribution due annuellement par un éditeur est déterminé en fonction des tonnages de papier qu'il a mis sur le marché et qui ont été pris en charge par le service public de gestion des déchets , exception faite des invendus, qui empruntent des circuits de recyclage spécifiques, et d'une fraction des publications que l'on estime être conservées par les lecteurs ou qui emprunte un autre circuit d'élimination.

Il fixe également quatre critères permettant de déterminer la proportion dans laquelle un éditeur peut verser sa contribution sous forme de prestations en nature : la composition du papier (mesurée par le taux de fibres recyclées), la présence d'éléments perturbateurs de recyclage, l'empreinte carbone de la publication (distance parcourue entre le lieu d'achat du papier, le lieu d'impression et la zone de diffusion) et la transparence environnementale (visibilité de certaines informations environnementales dans la publication). Chacun de ces critères, lorsqu'il est satisfait, ouvre la possibilité, pour l'éditeur, de verser 25 % de sa contribution sous forme de prestation en nature.

La presse payante, dans son ensemble, devrait a priori s'acquitter annuellement d'une contribution, sous la forme financière, de 8 millions d'euros . Le reste de la contribution, versée sous forme de prestations en nature, représenterait 22 millions d'euros . La presse magazine serait la catégorie de presse la plus durement taxée, en raison des papiers et encres utilisés, des nombreux perturbateurs de recyclage, et des circuits d'impression empruntés souvent à l'étranger.

Si la publication du décret susmentionné du 5 juillet 2016 a, en partie, rassuré les éditeurs, notamment de la presse quotidienne, votre rapporteur pour avis déplore la fin d'un dispositif juste et logique d'exonération de la REP pour le secteur de la presse, déjà durement touché par une crise structurelle de son modèle .

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