B. DES EFFORTS DANS LA GESTION DE L'HÉBERGEMENT D'URGENCE QUI NE PARAISSENT PAS SUFFISANTS POUR RÉPONDRE À LA DEMANDE

1. Des crédits dédiés à l'hébergement d'urgence qui pourraient se révéler insuffisants


• Depuis plusieurs années, votre rapporteur constate une sous-budgétisation systématique des crédits dédiés à l'hébergement d'urgence. Les crédits budgétés pour 2016 n'ont pas échappé à la règle puisque le gouvernement a été conduit le 3 octobre dernier à prendre un décret d'avance pour augmenter les crédits dédiés à l'hébergement d'urgence de 84 millions d'euros afin :

- de financer 3 000 places en CAO pour en porter le nombre total à 5 000 dès 2016, permettant ainsi de faciliter le démantèlement de la « jungle » de Calais et des campements parisiens, pour un montant de 18,8 millions d'euros ;

- de financer des places supplémentaires d'hébergement d'urgence, à hauteur de 50 millions d'euros, démontrant ainsi selon le rapporteur général de la commission des finances du Sénat que le programme 177 était sous-budgété ;

- de financer la pérennisation de 2 300 places créées pendant l'hiver 2015-2016, à hauteur de 15,2 millions d'euros.

Ces ouvertures de crédit sont cependant insuffisantes pour couvrir les besoins d'hébergement d'urgence de l'année 2016 et Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable, a annoncé l'ouverture d'une enveloppe supplémentaire de 100 millions d'euros par décret d'avance.

En outre, le projet de loi de finances rectificative pour 2016 a prévu une ouverture supplémentaire de crédits :

- d'un montant de 204 millions d'euros en autorisations de paiement portant ainsi les AE du programme 177 à 1 802 millions d'euros pour 2016 ;

- d'un montant de 55 millions en crédits de paiement portant ainsi ces crédits à 1654 millions d'euros, auxquels il faut ajouter 100 millions qui seront ouverts par décret d'avance. Ainsi, ce sont 1 754 millions d'euros qui seront nécessaires pour les crédits de paiement en 2016.

Pour 2017, les crédits de l'action 2 « hébergement et logement adapté » qui représentent l'essentiel des crédits de ce programme (96 %) se répartissent de la manière suivante :

- 121,7 millions d'euros pour la veille sociale, en augmentation de 35 % ; ces crédits seront dédiés aux services d'accueil et d'orientation (SIAO) chargés de la coordination de l'action des structures contribuant à l'accueil, l'hébergement et l'accès au logement des personnes sans domicile fixe, le numéro vert 115 et les SAMU sociaux ;

- 617,8 millions d'euros pour l'hébergement d'urgence, en augmentation de 28 % ;

- 646,9 millions d'euros pour les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) en augmentation de 0,4 % ;

- 283 millions d'euros pour les dispositifs de logements adaptés, en augmentation de 23 % .

Votre rapporteur constate une augmentation des crédits de cette action de 16 %, ce dont elle se félicite. Cependant, elle note qu'une partie de cette hausse ne traduit en aucun cas l'intention du gouvernement d'y consacrer plus de moyens , mais vise à réévaluer certaines dépenses au vu des crédits consommés en 2015, tel est le cas des crédits de la veille sociale qui augmentent de 35%, ou à traduire une modification de périmètre , tel est le cas des crédits de l'allocation temporaire qui sont doublés pour atteindre 79 millions euros, l'État prenant désormais en charge la totalité de cette aide.

Malgré les efforts du gouvernement pour augmenter les crédits dédiés à l'hébergement d'urgence, votre rapporteur estime que les crédits ne seront vraisemblablement pas suffisants pour couvrir des besoins qui continuent d'augmenter, le montant de crédits de paiement étant d'ores et déjà inférieur au montant des crédits consommés en 2016.


• S'agissant des ressources affectées au Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), chargé de financer les actions d'accompagnement personnalisé de personnes reconnues prioritaires pour accéder à un logement en urgence et les actions de gestion locative adaptée de logements destinées à ces personnes, votre rapporteur s'interroge pour savoir si les réformes engagées l'an dernier sont suffisantes pour donner au FNAVDL les moyens d'assurer correctement ses missions.

En effet, le Fonds qui ne bénéficie plus de financement budgétaire dispose seulement du produit des liquidations d'astreinte prononcées et liquidées à l'encontre de l'État dans le cadre de droit au logement opposable (DALO). L'an dernier, votre rapporteur avait constaté les difficultés rencontrées par le FNAVDL pour assumer ses missions en raison d'un décalage dans la liquidation des astreintes par les juridictions. En 2015, le Fonds avait reçu 12 millions au titre des astreintes contre 20 millions en 2014. Une réforme a ainsi été adoptée lors de la loi de finances pour 2016 afin de permettre une liquidation plus régulière des astreintes. Le montant prévisionnel des astreintes à encaisser par le fonds en 2016 a été estimé à 30 millions d'euros. Votre rapporteur n'a pas eu connaissance d'éléments suffisants permettant d'apprécier si les réformes engagées l'an dernier ont eu l'effet escompté .

2. Des dispositifs de gestion qui tardent à être pleinement opérationnels

Votre rapporteur constate de nouveau que les dispositifs censés améliorer la gestion de l'hébergement d'urgence ne sont pas pleinement opérationnels. La Cour des comptes a d'ailleurs souligné dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire pour 2015 de la mission « égalité des territoires et logement », des insuffisances dans les moyens mis en place pour gérer les dispositifs d'hébergement d'urgence.

S'agissant du service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) chargé au niveau départemental de gérer l'offre et la demande de places d'hébergement d'urgence, la haute juridiction financière a relevé que les SIAO sont « trop faiblement outillés ». La gestion du SIAO par une personne morale unique prévue par la loi ALUR est en cours de déploiement, les décrets d'application n'ayant été pris qu'en novembre 2015.

En outre, votre rapporteur constate que le gouvernement a mobilisé des places d'hébergement, notamment les CAO, pour répondre à la demande de logement des migrants sans passer par le SIAO . Or, le SIAO a été conçu comme un élément essentiel pour fluidifier les parcours des personnes sans abri ou mal logées. La Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS) a redit à votre rapporteur les inconvénients d'un tel choix qui ne permet pas d'orienter les demandeurs vers les structures les mieux adaptées et ne permet pas d'anticiper la fermeture de CAO et donc les sorties de ces centres vers des dispositifs adaptés pour les personnes hébergées. Selon la FNARS, cette logique conduit à « des effets filière » et crée des tensions entre les personnes hébergées dans les CAO et celles hébergées en dehors de ces structures.

Par ailleurs, les fonctionnalités du système d'information pour les SIAO (SI-SIAO) ne sont pas encore toutes en oeuvre . Seul le volet insertion serait actif à ce stade. Le système ne permet pas donc pas aux services d'accueil téléphonique (le 115) d'orienter rapidement les personnes vers les structures les plus adaptées.

Votre rapporteur constate en outre que le gouvernement n'est pas en mesure de lui indiquer combien de demandeurs d'asile sont pris en charge dans le dispositif généraliste, l'utilisation de l'application informatique partagée par les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) n'étant pas encore généralisée.

De même, la Cour de comptes a souligné l'insuffisante prise en compte de l'étude nationale des coûts (ENC) , ne permettant pas de fait une « bonne maîtrise des coûts ». La Cour relève que les référentiels de coûts sont trop peu utilisés et n'ont aucune portée obligatoire . Les enquêtes 2014 et 2015 qui ont montré que la variation des coûts étaient liées à de multiples facteurs  (statut juridique de l'établissement CHRS/non CHRS ; statut spatial regroupé ou diffus, taille des établissements, typologies des publics accueillis, type d'accompagnement) auraient seulement vocation à contribuer au dialogue de gestion entre les établissements et l'État.

3. Une réflexion nécessaire sur la répartition des crédits au sein du programme 177

Alors que le gouvernement a fait de l'accompagnement social y compris pour les personnes hébergées à l'hôtel un des principes réaffirmés dans le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale pour 2015-2017, la répartition des crédits en fonction des dispositifs d'hébergement plutôt que des missions (abriter, accompagner...) ne permet pas d'évaluer précisément la part des crédits consacrée à cet accompagnement.

La FNARS a redit à votre rapporteur que la politique suivie en matière d'hébergement devrait évoluer afin de pouvoir distinguer les crédits consacrés à chaque mission plutôt que par dispositifs. Votre rapporteur estime qu'une telle évolution de la répartition des crédits mérite réflexion.

De même, lors de l'examen de la loi ALUR, le Parlement s'était interrogé sur la mise en oeuvre d'un statut unique pour les établissements et services de la veille sociale, de l'hébergement et de l'accompagnement et avait demandé que le gouvernement lui remette un rapport sur le sujet. Votre rapporteur s'étonne que le gouvernement n'ait toujours pas remis ce rapport au Parlement en application de l'article 32 de la loi ALUR.

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