IV. DEPUIS 2010, L'ÉVOLUTION DES COMPTES SOCIAUX TRADUIT UN AMORTISSEMENT DE LA CRISE ÉCONOMIQUE PLUTÔT QU'UNE REMISE EN ORDRE GLOBALE

Les dépenses et les recettes de la sécurité sociales sont par nature caractérisées par un effet de ciseau et un rôle contracyclique , expliquant la dégradation des comptes sociaux durant la crise économique dès 2008. Cependant, la crise est intervenue alors que les comptes sociaux affichaient un solde négatif chronique depuis le début de la décennie 2000, appelant des mesures structurelles de consolidation . Depuis 2010, l'analyse du solde du régime général de la sécurité sociale s'inscrit dans la même dynamique que l'évolution du PIB en valeur. Cette évolution parallèle souligne l'absence de consolidation structurelle d'ampleur des comptes de la sécurité sociale. La Cour des comptes 16 ( * ) évalue à 40 % la part structurelle du déficit du régime général.

Évolutions comparées du solde de l'agrégat régime général-FSV

et du PIB en valeur

Lecture : entre 2009 et 2008, le solde agrégé du régime général et du FSV s'est dégradé de 14,2 milliards d'euros et le PIB a diminué de 2,9 % en valeur.

Source : commission des finances du Sénat

Une dynamique distincte doit toutefois être définie selon les branches du régime général :

- la branche vieillesse a enregistré les effets de la réforme des retraites de 2010 17 ( * ) , permettant une amélioration notable de son solde entre 2010 et 2016 à respectivement - 8,9 milliards d'euros et + 1,1 milliard d'euros, tandis que la situation du FSV est restée dégradée des suites de la crise économique ;

- la branche famille a connu de profondes évolutions de son périmètre au détriment des familles dites aisées , en lien avec la mise en oeuvre du pacte de responsabilité ;

- la branche accidents du travail - maladies professionnelles (AT-MP) a progressivement retrouvé l'équilibre , ce qui a motivé le transfert de 0,05 point de cotisation AT-MP - soit 250 millions d'euros - vers la branche maladie en 2016 et 2017 afin d'améliorer le solde de cette dernière 18 ( * ) ;

- la branche maladie n'a pas connu de consolidation dans les mêmes proportions, alors même qu'elle représente la majorité des dépenses .

Soldes comparés entre 2010 et 2016

(en milliards d'euros)

2010

2016 (p)

Maladie

-11,6

-4,1

ATMP

-0,7

0,7

Famille

-2,7

1

Vieillesse

-8,9

1,1

Régime général

-23,9

-3,4

FSV

-4,1

-3,8

Régime général et FSV

-28

-7,1

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des annexes B à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 et au projet de loi de financement pour 2017)

De surcroît, les prestations versées par les branches famille et vieillesse ont bénéficié d'une inflation en baisse en 2015 pour la quatrième année consécutive .

Évolution de l'indice des prix à la consommation depuis 2007

Source : commission des finances du Sénat à partir des données INSEE

Au-delà des nuances mentionnées s'agissant de certaines présentations comptables, cette mise en perspective souligne que l'enjeu se concentre désormais sur la branche maladie , pour laquelle les prévisions sont entourées d'incertitudes relatives aux recettes comme aux économies à réaliser. La Cour des comptes 19 ( * ) relève que « les perspectives des prochaines années ne sont pas assurées. Aux incertitudes économiques s'ajoutent celles portant sur les économies de dépenses d'assurance maladie , eu égard aux biais importants de construction de l'ONDAM, au caractère imprécis des mesures du plan ONDAM 2015-2017, à la dynamique non maîtrisée des dépenses de soins de ville et aux nombreuses dépenses supplémentaires qui s'additionnent et devront notamment être financées à partir de 2017 » .

En outre, l'analyse des dépenses entrant dans le champ de l'ONDAM conduit à distinguer des dynamiques différentes selon les sous-objectifs . Une part importante des économies a été réalisée sur le poste des dépenses de médicament, tandis que l'ONDAM hospitalier était respecté grâce aux outils de régulation, permettant de compenser la dynamique non maîtrisée des soins de ville. Or ce pilotage n'assure pas une trajectoire durable de retour à l'équilibre . La CNAMTS soulignait ainsi en 2013 20 ( * ) que le médicament ne pouvait constituer un levier structurel d'économies . De plus, la technique d'annulations de crédits à destination des hôpitaux publics se révèle d'une portée limitée dans une analyse globale des finances publiques . En effet, lorsque les établissements ne parviennent pas à infléchir la croissance de leurs dépenses, ces mesures alimentent la dégradation de leur situation financière, obérant le respect de la trajectoire financière des ASSO. Pour 2015, le déficit agrégé des établissements publics de santé atteindrait ainsi 590 millions d'euros selon la direction générale de l'offre de soins.

Votre rapporteur pour avis s'interroge sur le caractère durable de la consolidation opérée sur la branche maladie. Il relève de surcroît l'impact limité de la réduction du déficit du point de vue de l'ensemble des finances publiques, dès lors qu'elle s'accompagne notamment d'une situation financière préoccupante des établissements publics de santé.


* 16 Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2016.

* 17 Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

* 18 Disposition de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016

* 19 Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2016.

* 20 Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses : propositions de l'Assurance Maladie pour 2014, juillet 2013.

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