II. MESURES RELATIVES AUX « NICHES SOCIALES » ET AU RECOUVREMENT
A. LE RECENTRAGE DE DEUX DISPOSITIFS D'EXONÉRATIONS DE COTISATIONS SOCIALES (ARTICLE 6)
Dans la continuité de la revue de dépenses menée début 2015 par les inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (IGAS) sur les exonérations et exemptions de charges sociales spécifiques 34 ( * ) , l'article 6 du présent projet de loi de financement vise à recentrer deux dispositifs d'exonérations de cotisations sociales pour lesquels aucun point de sortie n'est pour l'instant déterminé et ayant reçu un score nul 35 ( * ) lors de la revue de dépenses commune aux deux inspections :
- l'exonération applicable aux bassins d'emplois à redynamiser ( BER ) ;
- l'aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprises ( ACCRE ).
Introduite par l'article 130 de la loi de finances rectificative pour 2006 36 ( * ) , la mesure BER visait à favoriser l'emploi en encourageant l'implantation d'entreprises dans des zones caractérisées par des indicateurs socioéconomiques inférieurs à la moyenne nationale . Elle s'applique aujourd'hui dans un zonage limité à deux bassins d'emplois 37 ( * ) . En 2014, son coût pour les finances publiques s'est élevé à 21 millions d'euros par an pour 4 200 bénéficiaires . Une franchise de cotisations sociales patronales est appliquée en intégralité jusqu'à 1,4 SMIC, quel que soit le niveau de la rémunération.
Il est à noter que le projet de loi de financement pour 2016 prévoyait initialement une suppression complète de ce dispositif. Toutefois, en première lecture, à l'initiative de plusieurs députés du groupe Les Républicains, de la rapporteur générale du budget, Valérie Rabault, et d'autre membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, l'Assemblée nationale avait supprimé cet article.
Le dispositif proposé par le présent article ne prévoit pas de supprimer l'exonération mais d'introduire une dégressivité à partir de 1,4 SMIC, avec un point de sortie complet fixé à 2 SMIC . Ces nouvelles modalités ne s'appliqueraient qu'aux établissements s'implantant à compter du 1 er janvier 2017 dans un des deux bassins d'emplois.
Selon l'évaluation préalable annexée au présent projet de loi de financement, ces seuils correspondent à la répartition actuelle des bénéficiaires du dispositif, dans la mesure où la masse salariale concernée se concentre à près de 80 % jusqu'à 1,6 SMIC et où 10 % du coût de cette dépense sociale résulte des rémunérations supérieures à 2 SMIC. Il en est attendu un gain inférieur à 1 million d'euros au profit du budget de l'État , ce dispositif d'exonération étant compensé à la sécurité sociale.
Montant de l'exonération BER en fonction de la
rémunération
selon le droit en vigueur et selon la
modification proposée
Source : évaluation préalable annexée au présent projet de loi de financement.
Le présent article procède en outre au recentrage du dispositif d'aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprises (ACCRE). Prévue à l'article L. 161-1-1 du code de la sécurité sociale, l'ACCRE a été introduite en 1979 au bénéfice des travailleurs indépendants. Elle consiste en une exonération des cotisations d'assurance maladie, d'assurance vieillesse et d'allocations familiales la première année d'activité, ou, pour les personnes bénéficiaires du régime microsocial, au cours des trois premières années selon un mécanisme dégressif.
La mission commune de l'IGF et de l'IGAS notait que « l'ACCRE s'inscrit dans un ensemble protéiforme de dispositifs d'aide à la création d'entreprise et que sa valeur ajoutée n'a jamais été évaluée . Il a graduellement perdu son ciblage alors qu'il est coûteux et que son octroi permet de mobiliser d'autres aides » . En effet, si l'aide était initialement destinée aux demandeurs d'emploi indemnisés, près de dix catégories de bénéficiaires y sont désormais éligibles, dont les bénéficiaires du revenu de solidarité active et leurs concubins ou les salariés repreneurs de leur entreprise pendant la période de redressement. Le rapport estimait son coût à 245 millions d'euros en 2013, non compensé à la sécurité sociale .
Dans ces conditions, le présent article propose de limiter le bénéfice de l'ACCRE de la façon suivante :
- l'exonération totale de cotisations serait limitée aux revenus inférieurs à 50 % du plafond annuel de la sécurité sociale ( PASS , soit 19 308 euros) ;
- le montant de l'aide décroîtrait ensuite jusqu'à atteindre un point de sortie à l'équivalent du PASS, soit 38 616 euros .
Ces nouvelles dispositions ne s'appliqueraient qu'aux créations et reprises d'entreprises intervenant à compter du 1 er janvier 2017, de sorte que les personnes ayant commencé à bénéficier de l'aide lors de l'exercice 2016 ne seraient pas concernées.
Selon l'évaluation préalable annexée au présent projet de loi de financement, cette rationalisation de l'aide n'entraînerait aucune conséquence pour 87 % des travailleurs indépendants bénéficiaires. Seuls 2 % en perdraient le bénéfice, tandis que plus de 10 % des bénéficiaires actuels entreraient dans le champ de la dégressivité.
Montant de l'ACCRE en fonction de la rémunération
selon le droit en vigueur et selon la modification proposée
Source : évaluation préalable annexée au présent projet de loi de financement
Par ailleurs, il est prévu d'étendre un critère d'éligibilité à l'aide qui en restreint actuellement l'ouverture s'agissant des salariés ou personnes licenciées d'une entreprise soumise à une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. Le droit en vigueur limite le bénéfice de l'ACCRE dans le cas de la reprise de la seule entreprise en question. Le présent article propose de supprimer cette restriction.
La rationalisation de l'ACCRE devrait permettre un gain financier de 27 millions d'euros en année pleine, et de 15 millions d'euros en 2017 , tandis qu'un coût supplémentaire de 3 millions d'euros est attendu de l'extension des bénéficiaires potentiels. Toutefois, l'article 26 du projet de loi de finances pour 2017 prévoyant que ce dispositif serait désormais compensé par le budget de l'État, votre rapporteur pour avis critique la comptabilisation de cette mesure en surcroît de recettes pour la sécurité sociale.
À l'initiative de plusieurs députés du groupe Les Républicains, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé le dispositif prévu pour l'exonération applicables aux bassins d'emplois à redynamiser (BER), de sorte qu'il est prévu de maintenir en vigueur le droit existant. De plus, à l'initiative du député Gérard Bapt, l'Assemblée nationale a relevé le plafond retenu à 75 % du PASS , de sorte que l'exonération totale de cotisations de sécurité sociale serait totale pour les revenus jusqu'à 75 % du PASS, contre 50 % selon le texte initial. Par ailleurs, l'Assemblée nationale a complété l'extension du champ des bénéficiaires de l'ACCRE, en ajoutant les repreneurs d'une entreprise implantée dans un quartier prioritaire de la ville, contre les seuls créateurs d'entreprise en l'état actuel du droit.
* 34 Inspection générale des finances (IGF) et inspection générale des affaires sociales (IGAS), Revue de dépenses sur les exonérations et exemptions de charges sociales spécifiques, juin 2015.
* 35 Un score nul indique que « la mission estime que les résultats du dispositifs sont négatifs ».
* 36 Loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006.
* 37 Le zonage actuel ne comprend que deux bassins d'emplois : celui de la vallée de la Meuse dans les Ardennes (361 communes) et celui de Lavelanet dans l'Ariège (56 communes).