B. LE CAS DU MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNELLE DES MATÉRIELS AÉRONAUTIQUES DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

En matière de soutien des équipements aéronautiques, l'organisation de l'armée de l'air repose sur plusieurs acteurs dont le commandement des forces aériennes jouant en quelque sorte le rôle d'un maître d'ouvrage, la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense, la SIMMAD, sorte d'assistant du maître d'ouvrage ou maîtrise d'oeuvre déléguée, et le service industriel aéronautiques, comparable à un maître-d'oeuvre.

1. Les acteurs du MCO aéronautique
a) Le rôle du chef d'état-major de l'armée de l'air

La gouvernance du MCO aéronautique s'appuie désormais sur une logique de milieu qui conforte la place centrale de la SIMMAD en tant qu'intégrateur du MCO aéronautique. Dans une approche d'expertise de milieu, le chef d'état-major de l'armée de l'air (CEMAA), par délégation du chef d'état-major des armées (CEMA), se voit attribuer la responsabilité et le contrôle de la performance du MCO aéronautique (dans les limites des leviers d'actions confiés). À ce titre, le CEMAA :

- préside le comité directeur (CODIR) du MCO aéronautique et dispose d'un secrétariat permanent interarmées depuis le 1 er septembre 2014 ;

- met en cohérence les objectifs et les directives unifiés entre armées, élaborés avec les chefs d'état-major d'armée au travers d'un document annuel, le contrat unifié de gestion (CUG) ;

- établit une politique du MCO aéronautique (sur proposition de la SIMMAD et validation des armées en CODIR du MCO aéronautique).

Pour assurer cette mission, le CEMAA s'appuie sur une maîtrise d'ouvrage déléguée unique, la SIMMAD, pour tous les services clients, intégrant l'ensemble des métiers du MCO. L'organisation de la fonction MCO du milieu aéronautique a été progressivement modernisée depuis le début des années 2000 dont date la création de la SIMMAD et élargissement de son périmètre. En 2008, la création du SIAé vient compléter le dispositif.

b) La SIMMAD

La SIMMAD est donc une structure intégrée de maîtrise d'ouvrage déléguée du MCO aéronautique. C'est aussi une direction centrale du ministère de la défense relevant de l'armée de l'air, et enfin un organisme à vocation interarmées « Air ».

La SIMMAD est organisée autour d'un pôle « direction » situé à Balard et Bagneux qui assure la haute direction et les contacts avec le haut commandement des armées, les instances ministérielles et les sièges des industriels, et d'un pôle « conduite » implanté sur la Base aérienne 106 de Bordeaux-Mérignac, où vos rapporteurs se sont rendus. Ce pôle est chargé d'optimiser au quotidien la disponibilité des matériels. En annexe, le détail de l'organisation et des implantations de la SIMMAD est présenté.

En charge du MCO des matériels aéronautiques, cette structure intégrée, compétente pour les matériels aéronautiques des armées, de la gendarmerie, des douanes et de la direction générale de l'armement, fédère toutes les fonctions qui concourent :

- l'expression des besoins,

- la passation des marchés d'acquisition de rechange et de prestations de soutien,

- la gestion financière des crédits alloués, venant des budgets opérationnels de chaque donneur d'ordre,

- la réalisation de la logistique amont privilégiant le principe de l'autonomie de l'engagement en donnant des lots complets de maintenance et de pièces de rechange aux unités qui se projettent,

- et par délégation des états-majors d'armée la maîtrise d'ouvrage de la maintenance des matériels aéronautiques et de la distribution des pièces de rechange.

La SIMMAD notifie chaque année au service industriel de l'aéronautique (SIAé) une commande recouvrant l'ensemble des prestations confiées au service au profit des matériels aéronautiques des armées. Cette commande, dénommée PAR, plan annuel de réparation, fixe le plan de charges du SIAé et lui permet d'affermir la tranche conditionnelle de ses contrats.

c) Le SIAé

Le SIAé est un service de soutien à vocation interarmées relevant de l'armée de l'air. Créé le 1 er janvier 2008, il a pour mission de contribuer, en réalisant la maintenance des matériels aériens et les rénovations nécessaires, à la disponibilité des moyens aériens des forces. Maître d'oeuvre de l'Etat, il est garant de son autonomie d'action en matière de MCO aéronautique.

Le SIAé est composé d'une direction centrale et de cinq ateliers industriels de l'aéronautique (AIA), dont le détail est présenté en annexe.

Le SIAé ne bénéficie d'aucune dotation budgétaire initiale, le programme 178 supporte à titre temporaire les dépenses de soutien remboursées par le SIAé au travers de son compte de commerce intitulé « Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l'État ». Le compte de commerce doit être équilibré, les personnels du SIAé devant être intégralement payés, ainsi que les investissements par les recettes du MCO réalisé par le SIAé.

Le SIAé dispose d'une autonomie de gestion proche de celle d'un établissement public industriel et commercial. L'article 4 de la loi du 28 juillet 2015 actualisant la LPM a prévu que la déflation d'effectifs ne portera que sur les emplois financés sur les crédits de personnel du ministère de la défense, excluant explicitement les augmentations d'effectifs éventuelles du service industriel de l'aéronautique. Au vu de l'enjeu capacitaire, industriel et économique, la loi de programmation militaire permet ainsi au SIAé de recruter si nécessaire pour répondre aux besoins de maintien en condition opérationnelle des forces, accrus dans le cadre des OPEX et des contrats d'exportation récents.

Le SIAé a un rôle fondamental de liaison entre les armées et les industriels. Il paraît indispensable à vos rapporteurs pour avis que ce rôle charnière soit conservé et que l'avenir du SIAé soit garanti.

2. Une activité opérationnelle intense marquée par la suractivité et la surintensité

La SIMMAD a fait face, en 2015, a une activité opérationnelle intense 111 appareils ont été engagé en 2015 contre 89 en 2014, auxquels il convient de rajouter le groupe aéronaval qui a rejoint l'opération Chammal du 23 février au 18 avril 2015. Une deuxième campagne de 45 jours est d'ailleurs prévue pour la fin de l'année.

Au plus fort des engagements, en tenant compte à la fois des OPEX et des opérations de souveraineté en Afrique, ont été projeté en 2015 :

• 31 avions de combat, contre 19 en septembre 2014,

• 57 hélicoptères et un avion PC6, pour 47 hélicoptères et un PC6 en septembre 2014,

• 8 avions de transport soit le double des avions de transport projetés l'année dernière,

• le groupe aéronaval avec 25 appareils dont 9 Super Étendard, 12 Rafale et un E2C ou Hawkeye, avion de guet aérien avancé embarqué,

• 2 avions de soutien opérationnel, soit autant qu'en 2014,

• 12 drones, soit un nombre inchangé par rapport à 2014.

L'ouverture de nouveaux théâtres d'une superficie largement supérieure aux théâtres connus jusqu'ici ajoute une « élongation logistique supplémentaire », c'est-à-dire des distances rallongées à prendre en compte pour le transport des pièces de rechange par exemple, qu'il convient de compenser en augmentant les ressources en équipements et pièces de rechange pour soutenir l'activité des forces engagées. À titre d'exemple pour trois avions de combat projetés, ce sont cinq moteurs supplémentaires mobilisés dans les circuits logistiques qui sont nécessaires.

Outre l'agrandissement des superficies couvertes par les théâtres d'opérations, certains matériels voient leur activité croître du fait des besoins opérationnels liés aux OPEX. Les heures effectuées par un équipement en plus des prévisions d'activité sont considérées comme de la suractivité. À titre d'exemple, depuis le 1 er janvier 2015, pour l'armée de terre, le parc des Caracal a effectué 14,9 % d'heures de vol en plus de ses prévisions d'activité. Le parc des Caïman a été sursollicité à hauteur de 7,1 % et celui des Gazelle de 2,5 %. Pour l'armée de l'air, la flotte des M2000C a effectué près de 11 % d'heures de vol supplémentaire, celle des Rafale 6,2 % celle des M2000D 2,3 %.

À cela s'ajoute encore le fait que les conditions d'utilisation des matériels en opérations extérieures sont beaucoup plus contraignantes en raison d'une activité intensive qui accroît les besoins de maintenance. La surintensité est la caractéristique du contexte actuel d'engagements forts notamment lors des moments d'efforts sur un théâtre d'opérations également appelés « SURGE ». La SIMMAD en tire les conséquences en gérant les dommages de combat, les endommagements particuliers liés aux conditions d'emploi en zones sévères, les besoins d'acquisition de lots de déploiements complémentaires et en anticipant des opérations de régénération de potentiel consécutive à la suractivité. Ainsi, en 2015, à titre d'exemple, une visite de C135 a été externalisée pour soutenir la disponibilité de la flotte des ravitailleurs hypothéquée par ailleurs par de nombreux chantiers capacitaires. Des traitements préventifs de la corrosion des mirages 2000 ont été rendus nécessaires par les opérations BARKHANE et CHAMMAL. Pour l'ATL2, enfin, le nombre de lots d'autonomies a été augmenté pour tenir compte de l'éparpillement des ressources logistiques.

Pour lutter contre les conditions sévères d'emploi entraînant des dégradations que sont le sable et les chaleurs extrêmes, la SIMMAD a déclenché le déploiement d'équipes industrielles étatiques du et SIAé ou d'assistances techniques industrielles privées pour régénérer sur place le potentiel nécessaire. Ainsi trois visites de PC6 ont été réalisées directement au Burkina Faso.

3. Des résultats encourageants
a) Les orientations de développement de la performance du MCO aéronautique

Décidés lors de la tenue du comité exécutif de mai 2014, des efforts de rationalisation du MCO aéronautique ont été entrepris afin d'atteindre les niveaux d'activité nécessaires avec les ressources prévues. Ces efforts s'articulent autour de quatre axes :

- la réforme de la gouvernance du MCO ;

- la mise en oeuvre d'une chaîne logistique efficiente « Supply chain » ;

- la mise en oeuvre du projet SIMMAD « CAP 2016 » en développant l'expertise du MCO avec les grands acteurs du ministère 13 ( * ) , en réorganisant la structure et en améliorant les différents processus,

- la mise en oeuvre d'une meilleure synergie entre la DGA (direction générale de l'armement) et la SIMMAD. Il s'agit d'appliquer les conclusions d'un rapport, réalisé conjointement par l'EMA et la DGA. Elles doivent permettre une meilleure caractérisation du lien physico-financier, une approche contractuelle concertée entre l'acquisition des équipements et leur soutien en service 14 ( * ) ainsi qu'une meilleure gestion des compétences de la filière de l'acquisition du soutien.

Dans le cadre de la mise en oeuvre de son projet « CAP 2016 », la SIMMAD doit améliorer sa performance selon quatre axes, en coordination avec l'ensemble des acteurs du MCO aéronautique :

- axe 1 : le renforcement de l'expertise sur le MCO aéronautique. Cette tâche est principalement dévolue au « collège du MCO aéronautique », créé en février 2014 et coprésidé par la SIMMAD et la DGA. Elle inaugure une approche critique sur les pratiques du MCO et la prise en compte d'une vision prospective avec l'objectif d'une optimisation des concepts, des processus et des techniques du MCO ;

- axe 2 : le renforcement de la performance du MCO aéronautique. Cet axe prolonge l'action initiée fin 2013 de remise en cohérence des contrats avec les nouvelles hypothèses d'activité de la loi de programmation militaire et à l'évolution du format. Il s'agit de s'assurer que les contrats de soutien sont cohérents avec les niveaux d'activité envisagés jusqu'à fin 2019. Dans ce contexte, une cinquantaine de contrats (contrats nouveaux ou renouvellements) ont été notifiés en 2014 ;

- axe 3 : l'optimisation de l'organisation de la SIMMAD. En tirant les enseignements du fonctionnement entre le pôle direction parisien et le pôle production bordelais, de l'intégration des nouvelles fonctions que sont la gestion de bien, la fonction technique et le renforcement de la cohérence physico-financière, cette évolution recherche une meilleure lisibilité de cette organisation et une communication renforcée tant en interne qu'en externe.

- axe 4 : la modernisation des outils. La mise en place du système d'information COMP@S-ATAMS rentre dans une phase active de son développement après la validation de son bon fonctionnement. La mise en place de ce système d'information logistique constitue la démarche ultime d'interarmisation du MCO aéronautique, par le partage des données et des procédures. Ce système permettra en effet de fédérer dans une logique de bout en bout des données logistiques, techniques et contractuelles tout en s'interfaçant avec d'autres systèmes d'informations du ministère qu'ils soient financiers (CHORUS) ou techniques (SAPHIR pour le SIAé notamment).

b) La disponibilité des équipements en OPEX est-elle indéfiniment supportable ?

Pour faire face aux besoins, tout en préservant l'activité en métropole, la SIMMAD a réorganisé la logistique en retour des théâtres afin de maîtriser les délais de réparation. Par exemple, les délais de retour des moteurs en panne sont passés de 70 jours en 2013 à 18 jours en 2015 pour le moteur Makila du Caracal.

Pour les avions une organisation ad hoc intitulée « plateau d'amélioration de la disponibilité rapportée aux hélicoptères », PADRHé, a permis d'améliorer les 130 actions menées en 2015 sur l'ensemble du soutien de tous les hélicoptères. PADRHé vise notamment la réduction des délais d'immobilisation des appareils, la satisfaction du besoin technique, la dynamisation des flux logistiques, l'amélioration de la performance des structures de soutien et l'optimisation des relations avec les industriels.

Le fait que la flotte soit dispersée en micro parcs, âgés ou, au contraire, peu matures, très sensibles au théâtre d'opérations, rendait indispensable cette adaptation de la SIMMAD. Les résultats sont excellents puisqu'en 2015 le niveau de disponibilité des matériels aéronautiques des forces projetées a été maintenu à 79,2 % sur l'ensemble du périmètre de la SIMMAD, soit une hausse de 0,4 % par rapport à 2014. Alors que l'objectif de disponibilité technique opérationnelle -DTO pour 2016 pour les hélicoptères de l'armée de terre plafonne à 57 % et 55 % pour la marine.

Il convient toutefois de se demander si les limites du modèle ne se profilent pas. L'amélioration des performances du MCO aéronautique permet de préserver les équipements en métropole, mais cela se fait au prix d'un déficit organique croissant : les personnels formés sont obligés de repartir en OPEX à défaut d'avoir eu le temps de former les nouveaux équipages. Les équipages d'aéronefs basés en métropole ne parviennent pas à se qualifier faute de parvenir à accumuler un nombre d'heures suffisant. Pour répondre aux besoins des OPEX les formations à l'engagement sont très spécifiques, ce qui est le principe même de la différenciation, prévue par la LPM, mais le principe semble poussé à son maximum. La capacité de résistance des personnels navigants et non navigants projetés est mise à rude épreuve, sans parler de l'usure accrue des matériels projetés.


* 13 Création du collège du MCO aéronautique développée ci-dessous.

* 14 En cours de réalisation, par exemple, dans le cadre du marché de soutien de l'Awacs .

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