C. LE FLOU ENTRETENU SUR LES CONSÉQUENCES BUDGÉTAIRES DE L'INDEMNISATION DES INDUSTRIELS
1. Des informations contradictoires quant à la temporalité des conséquences budgétaires pour l'État
Lors de son audition par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale le 8 septembre 2015, Louis Gautier, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale a affirmé : « On dit que cette opération va impacter le budget de l'État, la COFACE bénéficiant elle-même d'une contre-garantie de la part de l'État. Cependant, cela va l'impacter non pas comme une dépense, mais comme une moindre recette, au titre des sommes excédentaires que la COFACE reverse chaque année à l'État. Cette moindre recette ne sera supportée que lorsque la revente aura été effectuée et que le sinistre aura été constaté, peut-être en 2016 ou en 2017. »
La Coface a, quant à elle, expliqué à votre rapporteur pour avis que l'essentiel des indemnités dues aux industriels correspondant aux coûts de construction des BPC et de leur batellerie, soit un montant provisoirement estimé à un milliard d'euros, sera versé avant la fin de l'année 2015 et s'imputera sans délai sur le compte de l'État. La moindre recette serait donc supportée par le budget de l'État sur l'exercice 2015.
Cette analyse est partagée par votre rapporteur pour avis et lui a été confirmée par le Gouvernement.
Il faut toutefois rappeler que l'indemnisation des frais de gardiennage, d'entretien ainsi que des frais nécessaires à la revente des navires s'effectuera pour partie en 2016.
2. Une bien réelle dégradation du solde budgétaire de l'exercice 2015
Pour bénéficier des garanties publiques gérées par la Coface, les entreprises concernées versent des primes venant abonder le compte « État » de Coface, strictement séparé de l'actif propre de cette dernière.
Les indemnités dues en cas de sinistre sont prélevées sur ce même compte qui doit conserver un encours suffisant pour couvrir les engagements souscrits par Coface pour le compte de l'État.
L'encours du compte « État » de Coface s'élevait au 31 décembre 2014 à 4,3 milliards d'euros. En cas de déficit ramenant cet encours à un niveau trop bas, l'État est appelé en garantie et abonde le compte du montant nécessaire. En cas d'excédent, un reversement peut être effectué au profit du budget général, constituant une recette non fiscale de l'État. En 2014, les garanties publiques gérées par la Coface ont été excédentaires pour la vingtième année consécutive et ont permis à l'État d'enregistrer une recette de 725 millions d'euros.
L'exportation des BPC et de leur batellerie était couverte par la Coface au titre des garanties publiques. L'indemnisation versée aux industriels français est donc prélevée sur le compte de l'État.
Alors que la loi de finances pour 2015 prévoit dans les recettes non fiscales de l'État un reversement de la Coface de 500 millions d'euros, la gestion 2015 des garanties publiques devrait, d'après les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, être déficitaire d'environ 200 millions d'euros, en raison du sinistre résultant de la rupture du contrat avec la Russie. Si les réserves constituées sont largement suffisantes pour absorber ce déficit, en revanche aucun reversement ne sera réalisé au profit de l'État.
Par rapport aux prévisions, l'indemnisation des industriels contribuera donc à aggraver le déficit budgétaire de l'État en 2015 de 500 millions d'euros.
3. Une communication préjudiciable à Coface
Bien que gérant les garanties publiques à l'exportation pour le compte de l'État, Coface n'est pas une société publique. Elle a été privatisée en 1994 avant de devenir en 2006 une filiale à 100 % de Natixis et d'effectuer en 2014 son retour à la bourse de Paris.
Dès lors, la communication du Gouvernement affirmant que les pertes subies par les industriels français du fait de la rupture du contrat d'exportation des BPC étaient couvertes par Coface, sans jamais préciser que cette indemnisation était en réalité prise en charge par l'État, a pu induire en erreur les investisseurs ou, à tout le moins introduire une certaine confusion.
Il convient ainsi de noter que l'étude d'impact du présent projet de loi présente les modalités d'indemnisation des industriels mais n'évoque à aucun moment le fait que la Coface agit pour le compte de l'État. Ceci est particulièrement préjudiciable pour une société cotée, qui fait donc appel à l'épargne publique.
Coface a ainsi été conduite, de manière répétée, à rappeler publiquement qu'elle n'intervenait dans l'affaire des Mistral que pour le compte de l'État et ne subirait aucune conséquence financière de ce fait.
La confusion entretenue par le Gouvernement était d'autant plus dommageable pour les actionnaires que, durant l'été 2015, a été annoncé le transfert à la Banque publique d'investissement (BPI) de la gestion des garanties publiques, provoquant une chute de près de 20 % du cours de l'action Coface.