II. LES BÂCHES PUBLICITAIRES : UNE DÉROGATION UTILE, MAIS ENCORE PERFECTIBLE
A. UNE DÉROGATION RÉCENTE ET UTILE
La loi de finances pour 2007, par dérogation aux règles d'affichage publicitaire édictées au nom de la protection du cadre de vie, a autorisé l'installation de bâches publicitaires lors de travaux sur des immeubles classés ou inscrits (article L. 621-29-8 du code du patrimoine). Les recettes publicitaires sont affectées au financement des travaux. Le décret d'application, publié le 30 avril 2007, précise en particulier que la surface publicitaire ne doit pas excéder la moitié de la surface de la bâche et que le contenu, comme le graphisme de l'affichage, doivent être compatibles « avec le caractère historique et artistique du monument et son environnement, sa destination et son utilisation par le public ». Ce contrôle en opportunité est lui-même tout à fait dérogatoire en matière d'affichage publicitaire, où la liberté est la règle (dans le respect des principes d'ordre public). |
Cette dérogation « bâches publicitaires sur les monuments historiques » a été utilisée une première fois en 2008, pour la réfection du Grand Palais (150 000 euros). C'est seulement à compter de 2010 que de nouveaux affichages ont eu lieu, principalement sur des bâtiments publics : l'opéra Garnier (900 000 euros), le Musée d'Orsay (720 000 euros), le Palais de justice (2,2 millions d'euros), le Louvre (960 000 euros).
Au total, entre 2010 et 2014, les recettes publicitaires atteindraient 17,5 millions d'euros, essentiellement pour Paris. Ce chiffre est à comparer à l'enveloppe de 17 à 20 millions d'euros de subventions accordés par l'Etat pour la restauration des monuments historiques : les recettes publicitaires auraient ainsi rapporté, en moyenne annuelle, le cinquième des subventions actuelles en Ile-de-France. La simple présentation de ces chiffres démontre l'utilité de cette contribution : les subventions étant calculées en déduction des recettes publicitaires, celles-ci conduisent à une redistribution à d'autres opérations d'entretien et de restauration du patrimoine. |
B. DES AMÉLIORATIONS POSSIBLES
L'affichage publicitaire sur les bâtiments inscrits ou classés contredit directement l'interdiction, énoncée à l'article L. 581-8 du code de l'environnement, d'afficher de la publicité à l'intérieur des agglomérations à moins de 100 mètres et dans un champ de visibilité des immeubles classés ou inscrits. Cette dérogation a été consentie, pour des motifs financiers, en raison du caractère temporaire de l'affichage et parce que les pouvoirs publics conserveraient un pouvoir d'opportunité sur le message lui-même. Dans les faits, cependant, plusieurs facteurs ont fragilisé le dispositif , qui sont autant de pistes de travail pour l'améliorer : |
- la durée d'affichage , pour des raisons non prévues tenant au déroulement du chantier lui-même, a tendance à s'allonger exagérément et à provoquer du mécontentement, parce qu'une durée trop longue de la publicité finit par compromettre « la destination » du bâtiment : la publicité doit rester temporaire, quitte à réduire les recettes attendues par l'opération ; |
- la continuité spatiale et le respect de certaines perspectives particulièrement symboliques : des affichages publicitaires, même temporaires, peuvent remplir des perspectives si, en se relayant d'un bâtiment à l'autre, elles atteignent une certaine continuité dans l'espace de la ville ; certaines doivent en être préservées - par exemple les berges de la Seine -, ce qui suppose un plan d'ensemble, même si les opérations ont lieu au cas par cas ; |
- la concertation avec le public et les collectivités locales , au premier chef la commune, qui énonce le règlement local d'urbanisme : des affichages occasionneront d'autant plus de protestations qu'ils seront en contradiction flagrante avec des règles énoncées localement et qu'ils seront décidés sans aucune concertation ni information préalable ; |
- l'affectation des recettes publicitaires, enfin, allant uniquement au bâtiment sur lequel la bâche est posée, ne permet pas d'autre redistribution que par le biais de la subvention. Or, nombre d'opérations sur des bâtiments privés n'ont pas vocation à être subventionnées - dans le cas d'un hôtel de luxe, par exemple, qui ne manque pas de moyens pour rénover sa façade et qui, en tout état de cause, ne choisirait pas une bâche qui l'enlaidirait, financera ses travaux par de la publicité, au détriment du cadre de vie mais au nom du patrimoine, sans retombée pour les autres bâtiments patrimoniaux. |