RECHERCHE
SECONDE PARTIE - RECHERCHE
Le budget consacré à la recherche au sein de la MIRES s'établit à 7,76 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2015, ce qui correspond à une augmentation de six millions d'euros par rapport à 2014. La sanctuarisation de l'effort en faveur de la recherche repose sur une stabilisation des moyens de fonctionnement consentis aux organismes de recherche, à hauteur de 6,49 milliards d'euros à structure constante 25 ( * ) , et une légère augmentation des crédits d'intervention de l'Agence nationale de la recherche (ANR), de l'ordre de 4,9 millions d'euros.
Toutefois, l'Assemblée nationale a adopté, en seconde délibération à l'initiative du Gouvernement, une série d'amendements destinés à réduire de 799 millions d'euros les dépenses inscrites au budget général de l'État afin de respecter les exigences d'équilibre budgétaire posées initialement par le projet de loi de finances. Des arbitrages interministériels ont réparti cette atténuation de dépenses, si bien que les crédits de la MIRES se trouvent minorés de 136 millions d'euros. Les crédits consacrés à la recherche se voient appliquer une réduction de 64,55 millions d'euros, répartie de la façon suivante :
- 35 millions d'euros d'économies sur le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », auxquelles le Gouvernement entend procéder par une actualisation des contributions de l'État au profit des organisations internationales et au moyen d'économies d'efficience attendues sur les budgets de fonctionnement des opérateurs de recherche ;
- 16,35 millions d'euros d'économies sur le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables », par la voie d'économies d'efficience sur le fonctionnement de certains opérateurs et d'une priorisation des interventions discrétionnaires ;
- 13,2 millions d'euros d'économies sur le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », par la rationalisation des interventions discrétionnaires.
Le secteur de la recherche connaît, à l'heure actuelle, une crise de confiance sans précédent dans ses perspectives d'avenir. Soumise depuis 2006 à des réformes qui ont bouleversé ses modèles de coopération scientifique, ses méthodes d'évaluation et ses systèmes de financement, la recherche publique française s'interroge sur sa capacité à faire vivre et mettre pleinement en valeur le potentiel scientifique exceptionnel de notre pays dans un contexte de concurrence internationale féroce dans l'économie globalisée de la connaissance.
La focalisation sur les enjeux d'innovation et de transfert des résultats de la recherche, encore plus justifiée par les besoins de restructuration de notre appareil industriel en ces temps de crise économique, a fait naître chez nos personnels scientifiques un certain nombre d'angoisses et de frustrations. La crainte d'une forme de court-termisme dans la définition des objectifs stratégiques nationaux de la recherche, accentuée par une montée en puissance des financements sur projet, a conduit des collectifs de chercheurs, avec un nouveau mouvement, « Sciences en marche », mis en place à l'automne 2014, à alerter les pouvoirs publics sur la nécessité d'entreprendre une réflexion sur l'avenir de l'emploi scientifique, réflexion qui devrait englober la recherche publique comme la recherche privée.
Les représentants des chercheurs réclament une nouvelle ambition pour l'emploi scientifique qui permettrait de rééquilibrer les emplois statutaires par rapport aux emplois contractuels dont ils dénoncent l'explosion, consécutive, selon eux, à la montée en puissance des financements compétitifs. Ils sollicitent des moyens supplémentaires, qu'ils évaluent à 3 000 créations de postes par an dans le secteur, et la sécurisation des parcours et carrières de l'ensemble des personnels scientifiques des unités de recherche.
Néanmoins, votre rapporteure pour avis souligne que, contrairement à une idée reçue, l'emploi scientifique continue globalement de progresser en France, la stabilisation du niveau de la masse salariale au sein des organismes de recherche n'ayant entraîné qu'une baisse limitée de l'emploi statutaire. Le problème de repli du dynamisme de l'emploi scientifique porte, de fait, essentiellement sur :
- le rétrécissement des marges de manoeuvre de nos laboratoires publics pour l'embauche de jeunes chercheurs, ingénieurs et techniciens sur des emplois statutaires, en raison d'un nombre plus faible de départs à la retraite, lié à l'achèvement de la séquence des départs en retraite des « baby boomers » alors que le nombre de doctorats continue d'augmenter ;
- la faiblesse structurelle de l'embauche de scientifiques dans la recherche privée en France, comparativement à nos principaux partenaires européens, malgré les incitations en ce sens du crédit d'impôt recherche (CIR).
Dans ces conditions, votre rapporteure pour avis estime indispensable de valoriser et d'encourager de nouvelles voies d'insertion professionnelle pour les professionnels de la recherche, en complément de l'accès à la fonction publique de l'enseignement supérieur et de la recherche : d'une part, par l'intensification des efforts en faveur de l'embauche des jeunes chercheurs et ingénieurs par des entreprises privées dans le cadre de la recherche partenariale ; et, d'autre part, par la promotion de la mobilité internationale de nos scientifiques. Il est possible de définir une politique de l'emploi scientifique intégrée, qui prenne en compte les différents enjeux découlant de la diversité de la communauté scientifique. Votre rapporteure pour avis a ainsi identifié trois principaux enjeux qui pèsent dans l'élaboration d'une stratégie cohérente en faveur de l'emploi scientifique :
- un positionnement institutionnel complexe dicté par l'indispensable interconnexion entre des organismes de recherche à caractère national et des universités impliquées dans la constitution de grands ensembles territoriaux cohérents sur le plan académique et disposant des moyens de rayonner à l'international ;
- un rééquilibrage disciplinaire rendu indispensable par la prééminence des sciences dures et exactes dans l'obtention des financements sur projet, parfois au détriment des sciences humaines et sociales ;
- une très grande variété statutaire au sein des personnels des unités de recherche, des chercheurs aux personnels administratifs, en passant par les ingénieurs et les techniciens.
I. DES MARGES DE MANoeUVRE DE PLUS EN PLUS CONTRAINTES POUR LES OPÉRATEURS DE LA RECHERCHE
A. UNE SITUATION BUDGÉTAIRE FRAGILE
À structure constante, les organismes de recherche bénéficient, en 2015, d'une sanctuarisation de leurs crédits de paiement par rapport à 2014, les évolutions des dotations étant comprises entre - 0,43 % (pour l'Institut national d'études démographiques - INED -) et + 0,30 % (pour l'Institut national de recherche en informatique et en automatique - INRIA -), exceptions faites des organismes n'ayant pas statut d'établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST), tels que l'Institut polaire français, groupement d'intérêt public soumis à une diminution de ses moyens de 0,43 %, et de l'Agence nationale de la recherche, établissement public administratif qui connaît une augmentation de sa dotation de 0,81 %.
Document disponible au format PDF.
Les principaux flux budgétaires observés sur les programmes 172 et 193 concernent :
- l'ajustement de la dotation globale de l'ANR, de 4,9 millions d'euros supplémentaires en crédits de paiement pour 2015 ;
- une économie sur les moyens de fonctionnement des organismes de recherche au titre de leur participation au redressement des comptes publics, de l'ordre de 4,2 millions d'euros.
La stabilisation des moyens consentis aux organismes de recherche, à hauteur de 6,49 milliards d'euros en 2015, ne tient pas compte de l'évolution des taux de mise en réserve applicables à ces établissements qui, s'ils continuent de déroger aux taux normés prévalant pour les autres opérateurs de l'État, pèsent toutefois lourdement sur leurs marges de manoeuvre budgétaires. Il convient d'ajouter que ces marges de manoeuvre sont d'autant plus réduites que l'Assemblée nationale a adopté en seconde délibération un amendement du Gouvernement qui conduit à la minoration des crédits de la recherche inscrits sur les programmes 172, 190 et 192 de presque 65 millions d'euros.
Jusqu'ici, à l'instar des universités, les opérateurs des programmes 172 et 193 de la MIRES ont bénéficié de taux de mise en réserve dérogatoires, inférieurs aux taux applicables aux autres opérateurs de l'État. Les organismes de recherche se sont ainsi vu appliquer des taux de mise en réserve de 0,25 % sur la masse salariale et de 2,5 % sur les autres dépenses de fonctionnement en 2012 (contre des taux pleins de 0,5 % et 5 %), puis de 0,25 % et 3 % en 2013 (contre des taux pleins de 0,5 % et 6 %) et, enfin, de 0,35 % et 4,86 % en 2014 (contre des taux pleins de 0,5 % et 7 %). C'est donc la première fois, depuis la mise en oeuvre du mécanisme de mise en réserve automatique des crédits en 2006, censé permettre un meilleur pilotage de la dépense en cours d'année, que les organismes de recherche ne bénéficient pas de taux réduits de moitié mais de taux « semi-réduits ».
Selon l'exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2015, le taux plein de mise en réserve des crédits sur le budget général de l'État devrait être porté, en 2015, à 8 % pour les dépenses hors rémunérations. Dans l'attente d'un arbitrage du Premier ministre sur les taux réduits de mise en réserve, les montants des subventions pour charges de service public ne devraient être notifiés, nets de la mise en réserve, aux organismes de recherche qu'en début d'année prochaine, au mieux à la fin de cette année. Par conséquent, les organismes de recherche préparent leurs budgets prévisionnels pour 2015 sur la base des taux de mise en réserve de droit commun, ce qui représente potentiellement des minorations notables de leurs subventions par rapport à l'année précédente : - 47,6 millions d'euros pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et - 17,4 millions d'euros pour l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Or, les organismes de recherche s'efforçant de stabiliser leur masse salariale, l'application des taux normés de mise en réserve reviendrait à contraindre considérablement les crédits disponibles pour le fonctionnement des unités de recherche.
Par conséquent, votre rapporteure pour avis plaide, au mieux, pour le retour à des taux de mise en réserve réduits de moitié, qui permettraient de redonner un peu de « souffle » aux organismes de recherche dans le fonctionnement de leurs unités de recherche (par exemple, pour le CNRS, le retour à des taux réduits de moitié permettrait de redonner 23,8 millions d'euros à ses unités de recherche), ou, à tout le moins, pour le maintien des taux réduits mis en oeuvre en 2014 (ce qui, dans le cas du CNRS, permettrait de dégager 17,7 millions d'euros supplémentaires par rapport aux taux normés). Le maintien de taux de mise en réserve dérogatoires au bénéfice des organismes de recherche est indispensable , afin qu'ils puissent présenter à leurs équipes des dotations qui ne soient pas à nouveau réduites, et d'infirmer l'impression que l'augmentation des financements contractuels vient se substituer aux subventions publiques. Il serait, par ailleurs, plus pertinent que l'arbitrage de la mise en réserve soit communiqué aux organismes avant les conseils d'administration de présentation des budgets initiaux, afin d'éviter le vote de budgets rectificatifs en cours d'exécution.
Des taux réduits de mise en réserve permettraient, du reste, d'assurer le renouvellement de l'emploi scientifique. Dans le cas du CNRS, on estime que 30 millions d'euros sont nécessaires afin de réaliser 500 embauches pour un coût unitaire de l'ETP de 60 000 euros.
Votre rapporteure pour avis constate, en outre, une stabilisation solide du niveau d'emplois au sein des organismes de recherche ayant statut d'EPST sur la période 2012-2015, voire une augmentation globale proche de 2 % par rapport à 2011.
Document disponible au format PDF.
* 25 Dotations des organismes de recherche inscrites sur le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et le programme 193 « Recherche spatiale » (pour le Centre national d'études spatiales - CNES).