LA CRÉATION
PREMIÈRE PARTIE - LE PROGRAMME 131 « CRÉATION »
I. BUDGET SANCTUARISÉ EN 2015 : UNE PROMESSE TENUE
A. DES CRÉDITS STABLES HORS INVESTISSEMENTS DANS LA PHILHARMONIE
Comme le rappelle le directeur général de la création artistique dans la présentation du projet annuel de performances pour 2015, le programme « Création » soutient la diversité et le renouvellement de l'offre culturelle à toutes les étapes de la vie d'une oeuvre : commande, création, production, diffusion et conservation. Il a donc pour vocation d'encourager la création et de favoriser la diffusion dans les domaines du spectacle vivant (action n° 1 du programme) et des arts plastiques (action n° 2 du programme).
Le budget proposé pour 2015 permet de préserver l'essentiel des crédits : comme le montre le tableau ci-avant, la légère baisse des crédits du programme n° 131 est limitée à 1,21 % en autorisations d'engagement (AE) et à 1,73 % en crédits de paiement (CP). Sont ainsi prévus 717,73 millions d'euros en autorisations d'engagement et 734,26 millions d'euros en crédits de paiement.
Mais l'analyse par action apporte un éclairage important. En isolant les crédits de l'action 1 destinés au spectacle vivant, on note que ces diminutions constituent un « effet d'optique » car elles correspondent à la fin de la phase de travaux de la Philharmonie de Paris. Comme l'a rappelé le directeur général de la création artistique à votre rapporteur pour avis, la diminution de 15 millions de CP observée sur le programme est à mettre en relation avec les 26 millions mobilisés l'an passé pour le chantier : hors Philharmonie, les crédits sont en hausse de plus de 1 %, et de 2 % hors réserve parlementaire d'après les informations transmises par le ministère de la culture et de la communication .
En outre, les crédits sont en autorisations d'engagement de l'action 2, dédiée aux arts plastiques, s'établissent à 60,65 millions d'euros en 2015 (soit une baisse de 1,63 %) tandis que les crédits de paiement connaissent une augmentation importante, de 4,6 % pour atteindre 66,38 millions d'euros environ.
Votre rapporteur pour avis se félicite du maintien des crédits en faveur de la création, comme l'avait annoncé le Premier ministre lors d'une conférence de presse organisée le 19 juin 2014.
La répartition des crédits entre spectacle vivant et arts plastiques est toujours globalement stable avec moins de 10 % dédiés à ces derniers, soit environ 667 millions d'euros pour le spectacle vivant en CP et 66 millions d'euros en CP pour les arts plastiques (soit précisément 9,89 % du montant total des crédits dédiés à la création). Ce déséquilibre , qui ne doit pas inciter à diminuer les crédits destinés au spectacle vivant, met en évidence la situation de « parent pauvre » de la culture qu'est le secteur des arts plastiques .
1. Une stratégie cohérente
Le ministère de la culture et de la communication définit cinq axes stratégiques pour le projet de loi de finances pour 2015 :
- une meilleure qualification des modes d'intervention de l'État dans le champ de la création et la modernisation des outils d'observation de sa politique . Est notamment annoncée la création d'un observatoire de la création artistique placé auprès du ministre chargé de la culture, qui doit permettre le recueil, la centralisation et l'analyse des données statistiques, économiques et sociales en provenance non seulement de l'État mais aussi des collectivités territoriales, des établissements publics et des personnes morales de droit public ou privé des secteurs concernés. Votre rapporteur pour avis se réjouit de cette annonce qui permettra une meilleure évaluation des politiques culturelles ;
- la réalisation de nouveaux équipements au service de la création et de la diffusion . L'installation de la Philharmonie de Paris au sein du parc de la Villette doit incarner cette politique de l'État. Comme l'indique le ministère de la culture et de la communication, ce projet s'inscrit dans une double perspective : développer une programmation destinée à de nouveaux publics et transmettre le patrimoine musical. D'autres investissements illustrent la volonté de l'État : ce sont, par exemple, les travaux du Théâtre national de Chaillot, destinés à rénover la salle Gémier ou encore le développement des fonds régionaux d'art contemporain (FRAC), dits « de nouvelle génération », dont le programme doit se clôturer en 2015 avec l'ouverture du FRAC Aquitaine ;
- le développement de dispositifs en faveur de la construction des professions . Dans le domaine du spectacle vivant, la priorité est donnée à la professionnalisation des entreprises et des salariés du secteur. Ainsi, en 2015 est programmé le déploiement du dispositif d'appui aux très petites entreprises du secteur (DA-TPE SV). Dans le secteur des arts plastiques, c'est la réforme du régime de sécurité sociale des artistes auteurs qui est visée ;
- la politique en faveur des métiers d'art . Votre rapporteur pour avis rappelle que l'article 22 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a permis de consacrer, au niveau législatif, la définition des métiers d'art. La rédaction, issue d'un amendement de votre commission de la culture, a souligné le rôle du ministère de la culture et de la communication dans la définition de la liste des métiers d'art : « Relèvent des métiers d'art, selon des modalités définies par décret en Conseil d'État, les personnes physiques ainsi que les dirigeants sociaux des personnes morales qui exercent, à titre principal ou secondaire, une activité indépendante de production, de création, de transformation ou de reconstitution, de réparation et de restauration du patrimoine, caractérisée par la maîtrise de gestes et de techniques en vue du travail de la matière et nécessitant un apport artistique. La liste des métiers d'art est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'artisanat et de la culture. Une section spécifique aux métiers d'art est créée au sein du répertoire des métiers ». Le ministère précise que le processus d'élaboration de ladite liste devrait aboutir en 2015 ;
- la poursuite de la politique de conservation, sauvegarde et diffusion du patrimoine culturel , l'accent étant mis sur le patrimoine chorégraphique et la transition numérique dans le secteur musical.
2. Une approche dynamique de la performance
Parallèlement à cette déclinaison d'axes stratégiques, le ministère de la culture et de la communication propose une approche particulièrement dynamique du pilotage des politiques culturelles par la définition des objectifs et indicateurs de performance du programme . Votre rapporteur pour avis note que les évolutions de la maquette de performance illustrent la volonté de rationaliser les objectifs en tenant compte des enseignements des années passées.
Trois principales modifications peuvent être soulignées :
- l'indicateur 1.2 « Place de la création dans la programmation des structures de production subventionnées », décliné, jusqu'au projet annuel de performances pour 2014, en trois sous-indicateurs, est simplifié par la suppression des deux sous-indicateurs : « Taux de création dans les institutions de répertoire » - qui ne regroupait que deux institutions du répertoire, la Comédie française et l'Opéra national de Paris - et « Taux de la création hors institutions de répertoire » ;
- l'indicateur 2.3 « Effort de conventionnement avec les structures subventionnées » est supprimé, ce taux étant désormais de 77 % avec un objectif ancré de couverture à 100 % des structures concernées ;
- l'indicateur 4.2 « Intensité de diffusion des productions » et le 4.3 « Intensité des représentations des spectacles » sont fusionnés pour tenir compte de la complémentarité des deux objectifs.
Au sein de la maquette de performance, deux objectifs méritent un commentaire, au regard des observations formulées par l'ensemble des personnes auditionnées par votre rapporteur pour avis.
Il s'agit tout d'abord de l'objectif n° 2 « Donner des bases économiques et professionnelles solides à la création » . Si votre rapporteur pour avis ne peut que souscrire à un tel objectif, il regrette que la présentation des actions du ministère de la culture et de la communication donne parfois le sentiment de négliger la création relevant du domaine des arts plastiques . La présentation même de l'objectif dans le projet annuel de performances est assez révélatrice de la priorité accordée à la création issue du spectacle vivant : « Les réalités économiques de la production de spectacles justifient la nécessité d'une aide publique en faveur des institutions et équipes, dont l'équilibre économique ne pourrait être garanti sans un apport financier extérieur. L'intervention de l'État demeure notamment nécessaire pour maintenir et développer la qualité de l'environnement de travail des artistes, exposés à la précarité dans un milieu économique et social qui n'intègre pas les particularités de ces métier s ». La répartition du budget entre les deux domaines, évoquée ci-avant, comme le cadre institutionnel (il existe un Conseil national des professions du spectacle mais pas d'équivalent pour les arts plastiques) et social (il existe un régime d'indemnisation du chômage pour les intermittents du spectacle, sans équivalent pour les artistes plasticiens), confirme cette analyse dont il conviendrait de tenir compte à l'avenir.
Les travaux de Jean-Patrick Gille, dans son rapport 1 ( * ) sur les métiers artistiques mettaient déjà en évidence les disparités entre artistes du spectacle vivant et artistes plasticiens : le revenu global médian des bénéficiaires du régime des intermittents était de 24 871 euros en 2005 et 25 901 euros en 2010, tandis que le revenu d'auteur médian des artistes visuels affiliés à la Maison des artistes était de 12 767 euros en 2005 et 14 010 2 ( * ) euros en 2010. Si votre rapporteur pour avis est conscient qu'il ne s'agit en aucun cas de transposer aux plasticiens l'ensemble des mesures existant pour les artistes du spectacle vivant, il appelle néanmoins à ne pas oublier de définir des objectifs relatifs aux bases économiques et professionnelles pour les premiers. À défaut d'un signal politique fort, les propos peu amènes des représentants du CAAP 3 ( * ) , mentionnant la « précarité endémique des artistes plasticiens » qui apparaissent comme la « cinquième roue du carrosse du budget de la culture » risquent fort de se répéter - à juste titre - dans les prochaines années.
L'objectif n° 4, « Diffuser davantage les oeuvres et les productions culturelles en France et à l'étranger » , appelle également quelques commentaires. Le Syndeac (Syndicat national des Entreprises artistiques et culturelles 4 ( * ) ) n'a pas manqué de souligner la contradiction entre cet objectif affiché d'une meilleure diffusion internationale et les moyens qui lui sont dédiés. Les crédits en faveur de l'« Action culturelle internationale » regroupés au sein de l'action n° 6 du programme n° 224 ne sont que de 6 millions d'euros depuis plusieurs années. Parallèlement, les crédits de l'Institut français, opérateur de l'action culturelle extérieure de la France créé par la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État, diminuent : ils sont de 31,3 millions d'euros en 2015, ce qui représente une baisse de 600 000 euros de la subvention du ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI).
Il convient toutefois de noter que la direction générale de la création artistique contribue à hauteur de 170 000 euros à des opérations de promotion des échanges et coopérations artistiques. En 2014 ont ainsi été soutenus les projets suivants : le festival de danse contemporaine « Danse » présentant dix-sept créations françaises dans des institutions new-yorkaises ; l'opération pluridisciplinaire « Frimas » à Montréal ; le programme « Théâtre export » permettant à des metteurs en scène français de monter un texte contemporain avec des comédiens locaux dans la langue du pays (Japon, Irak, Grèce, Croatie) ; etc.
En outre, une politique d'intervention au service des professionnels du spectacle vivant et des arts plastiques a été développée avec la signature, en août 2013, d'un protocole d'accord par le MAEDI, le ministère de la culture et de la communication et l'Institut français. Il s'agit de financer des relais spécialisés dans cinq pays :
- Allemagne (Théâtre, danse, arts plastiques),
- Royaume-Uni (arts plastiques),
- Serbie (spectacle vivant),
- Italie (spectacle vivant),
- États-Unis (spectacle vivant et arts plastiques).
Deux nouveaux relais sont en phase de préfiguration : le Chili pour le spectacle vivant et la Chine pour les arts plastiques. Cette politique représentait en 2014 un investissement de 250 000 euros pour le ministère de la culture et de la communication, dont 110 000 dédiés à l'accompagnement de coopération en spectacle vivant.
Enfin, l'action internationale de l'Office national de diffusion artistique (Onda) doit être rappelée puisqu'elle permet de soutenir de nombreux spectacles étrangers en France et des spectacles français à l'étranger. Sur les 4 millions d'euros de crédits, 3,82 sont imputés au programme n° 131 .
Les actions internationales de l'Office national de diffusion artistique (Onda) L'Onda met en oeuvre un ensemble d'actions qui concernent essentiellement le cadre européen : - les dispositifs de soutien pour encourager l'accueil de spectacles étrangers en France : garanties financières, dispositif d'aides à la tournée, soutien à la réalisation de sur-titrages, bourses de mobilité pour favoriser le déplacement de programmateurs français à l'étranger ; - les Rencontres inter-régionales de diffusion artistique (une dizaine par an, des programmateurs étrangers y sont invités) ; - les voyages de repérage : ils visent à inciter les programmateurs à découvrir les réalités artistiques d'autres pays ; - le Groupe international : composé de représentants des lieux de diffusion particulièrement engagés dans des politiques de programmation et de coproduction internationales, il se réunit trois fois par an afin de favoriser la circulation de l'information, encourager la coopération entre programmateurs et contribuer à la réalisation de tournées ; - les actions de coopération européenne : l'Onda est engagé dans de grands réseaux européens (IETM, Fonds Roberto Cimetta, Culture Action Europe) et développe des projets européens à l'instar du projet SPACE- Soutien à la mobilité en Europe pour le spectacle vivant qui a bénéficié du soutien de la Commission européenne pour une durée de cinq ans jusqu'en 2011 et qui fait l'objet d'un nouveau développement (dépôt d'un projet de coopération à grande échelle dans le cadre du programme Europe Créative). |
Source : Ministère de la culture et de la communication
Enfin, rappelons que l'indicateur mesurant la durée de l'exploitation moyenne des spectacles sur une saison et dans un même lieu, créé en 2014, est désormais inscrit dans les nouveaux contrats de performance des opérateurs et dans les conventions pluriannuelles d'objectifs des centres dramatiques nationaux et des scènes nationales .
Comme le montre le tableau ci-dessous, une augmentation de cet indicateur a été constatée au cours des trois dernières saisons. Elle laisse cependant espérer une progression plus importante pour la saison 2014-2015 en raison de l'intégration de cet objectif dans les labels.
Évolution du nombre moyen de représentations au siège par spectacle et sur une saison
* 1 Rapport d'information n° 941 « Métiers artistiques : être ou ne pas être des travailleurs comme les autres ? » de M. Jean-Patrick Gille, député, publié en avril 2013.
* 2 Ce chiffre de 2010 figure dans la mise à jour du tableau des revenus des affiliés déclarés à la maison des artistes, transmise par le ministère de la culture et de la communication et de la communication dans le cadre des réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur pour avis.
* 3 Comité des artistes auteurs plasticiens.
* 4 Le Syndeac représente plus de 370 institutions, parmi lesquelles la grande majorité des centres dramatiques nationaux, des scènes nationales, des centres chorégraphiques nationaux, de nombreuses scènes conventionnées, compagnies théâtrales et chorégraphiques, ensembles musicaux, des salles de musiques actuelles, des festivals, des lieux de production et de diffusion des arts du cirque et des arts de la rue, des entreprises travaillant dans le domaine des arts plastiques et graphiques.