II. LES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEURE POUR AVIS : LE NOUVEAU PROGRAMME DE RENOUVELLEMENT URBAIN (NPNRU) ET L'EMPLOI DES JEUNES DANS LES QUARTIERS PRIORITAIRES
A l'occasion de l'examen des crédits du programme 147 « Politique de la ville », votre rapporteure pour avis a souhaité s'intéresser plus particulièrement à deux sujets : la mise en oeuvre du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) et l'emploi des jeunes dans les quartiers prioritaires
A. LA MISE EN OEUVRE DU NOUVEAU PROGRAMME DE RENOUVELLEMENT URBAIN (NPNRU)
1. Un nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU)
La loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine prévoit la mise en oeuvre d'un nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) pour la période 2014-2024.
Ce nouveau programme national de renouvellement urbain s'inscrit dans le cadre fixé par les contrats de ville et concourt à la réalisation des objectifs définis à l'article 1 er de la loi du 21 février 2014. Comme l'a rappelé M. Nicolas Grivel 3 ( * ) , candidat au poste de directeur général de l'ANRU, lors de son audition devant la commission, « les projets doivent être globaux , c'est-à-dire traiter de rénovation urbaine autant que de transport, d'aménagement, que de développement économique et social ; enfin, il faut renforcer l'association et la participation des citoyens aux opérations de rénovation . »
Ce programme concerne en priorité les quartiers présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants , soit 200 quartiers parmi les 1 300 quartiers de la politique de la ville. La liste des 200 quartiers sera connue dans la première quinzaine de décembre selon les indications données par le Gouvernement. Lors de son audition par votre rapporteure pour avis, M. Pierre Sallenave, directeur général de l'ANRU, a regretté le retard pris dans l'élaboration de cette liste.
Les quartiers concernés par le NPNRU pourront être des quartiers déjà concernés par le premier programme de rénovation et nécessitant des interventions complémentaires, ou des quartiers qui n'ont pas encore fait l'objet d'interventions.
2. La question du financement du NPNRU
L'Agence va devoir poursuivre la mise en oeuvre du PNRU et dans le même temps lancer le NPNRU. Dans son rapport remis en juillet dernier à la Commission des finances, la Cour des comptes s'est interrogée sur la soutenabilité financière pour l'agence de la concomitance des deux programmes de rénovation.
S'agissant du PNRU, au 30 juin 2014, 397 projets de rénovation urbaine avaient fait l'objet de conventions signées. 490 zones urbaines sensibles et 3,8 millions d'habitants étaient ainsi concernés. 45 milliards d'euros, dont 11 milliards de subventions de l'ANRU ont été consacrés à ce premier programme. Chaque année, l'agence décaisse un milliard d'euros pour la mise en oeuvre du PNRU . Fin 2013, il restait 1,7 milliard d'euros à engager et environ 4 milliards à payer.
D'après les informations fournies par M. Pierre Sallenave, directeur général de l'ANRU, les sommes seront engagées à environ 85 % d'ici la fin de l'année 2014 et à 95 % l'année prochaine.
Sur les 12 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, il devrait rester entre 500 et 600 millions de fonds non utilisés , certaines opérations ayant pris du retard, n'ayant pas été engagée ou ayant coûté moins que prévu.
Pour 2013, l'ANRU a bénéficié de 999 millions d'euros pour la mise en oeuvre du PNRU qui se décomposent de la manière suivante :
- 800 millions d'Action Logement ;
- 100 millions de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) ;
- 95 millions issus du produit de la taxe locale sur les locaux à usage de bureaux, locaux commerciaux et locaux de stockage affecté à la Société du Grand Paris ;
- 4 millions versés par la Caisse des dépôts et des consignations.
La loi du 21 février 2014 prévoit que 5 milliards d'euros seront consacrés au financement du nouveau programme de renouvellement urbain par l'ANRU et ses partenaires. 20 milliards d'investissements sont attendus au total.
Le financement est sur le point d'être bouclé, ce dont se réjouit votre rapporteure pour avis . Pour la période 2015-2019, la CGLLS devrait verser 30 millions d'euros par an et la Caisse des dépôts et consignations 10 millions sur la période. La contribution d'Action Logement fixée par convention quinquennale est actuellement en cours de négociation mais elle devrait s'élever à 850 millions d'euros par an entre 2015 et 2017, avant de diminuer pour atteindre 500 millions d'euros par an en 2018 et 2019.
Lors de son audition par la commission le 5 novembre dernier, M. Nicolas Grivel a confirmé que l'entrée en vigueur du deuxième programme de rénovation n'aurait pas pour conséquence d'interrompre le premier et qu'il serait achevé conformément aux engagements pris, considérant qu'adopter une attitude contraire décrédibiliserait l'action de l'agence.
3. Préconisations de la Cour des comptes quant à la mise en oeuvre du nouveau programme de renouvellement urbain : la question des avances
L'ANRU a fait l'objet, à la demande de la Commission des finances du Sénat, d'une enquête de la Cour des comptes sur son organisation et sa gestion, dont les conclusions ont été présentées en juillet dernier. La Cour des comptes a émis 12 recommandations dont certaines concernaient la mise en oeuvre du nouveau programme de renouvellement urbain. La Cour invitait notamment l'ANRU à :
- établir un contrat d'objectifs et de performance avec l'État, prenant en compte le contexte du NPNRU ;
- remettre à plat le système d'information tant d'un point de vue informatique que procédural afin de permettre une meilleure traçabilité des interventions ;
- prévoir dans le futur règlement un temps de gestation des projets comportant une étude systématique préalable au conventionnement ; la Cour ayant en effet constaté une multiplication des avenants dans la cadre du PNRU ;
- supprimer le système des avances, la Cour ayant en effet constaté que ces avances pouvaient être utilisées à des opérations hors ANRU et que certains maîtres d'ouvrage tardaient à les rembourser et à présenter les soldes d'opérations.
Lors de son audition devant la commission des finances élargie de l'Assemblée nationale du 30 octobre 2014, M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, a précisé réfléchir à la mise en place d'un système d'acomptes qui seraient accordés uniquement lorsque les travaux commencent effectivement. Ce système demeurerait selon le ministre favorable aux maîtres d'ouvrage dans la mesure où il ne grèverait pas leur trésorerie et permettrait de les inciter à respecter les calendriers des travaux. Le ministre a également proposé que les premiers acomptes soient calculés de manière forfaitaire.
Lors de son audition par la commission, M. Nicolas Grivel a indiqué vouloir rechercher des solutions qui n'entravent pas le démarrage des travaux. Lors de son audition, Mme Catherine Arenou, première vice-présidente de l'association des maires Ville et banlieue a confirmé à votre rapporteure pour avis que, sans les avances, les villes se trouvant dans les situations les plus précaires ne pourraient pas se lancer dans un nouveau programme de rénovation.
Votre rapporteure pour avis rappelle l'importance des avances sans lesquelles rares seraient les projets de rénovation urbaine qui pourraient voir le jour . Consciente des difficultés qui ont pu être rencontrées dans leur gestion, votre rapporteure pour avis appelle à la prudence quant à une modification de ce système et est favorable à la proposition du ministre .
4. Le traitement des copropriétés dans le NPNRU
Alors que l'accent avait été mis sur le traitement des logements sociaux lors du PNRU, votre rapporteure pour avis estime que le NPNRU devra traiter beaucoup plus de copropriétés.
Actuellement, l'ANAH intervient de manière préventive et curative dans le traitement des copropriétés par le financement :
- de programme d'accompagnement des copropriétés fragiles ;
- de missions d'ingénierie pour les collectivités locales dans le cadre d'opérations programmées ;
- de mission d'expertise et d'aides à la gestion des copropriétés ;
- de travaux sur les parties communes pour certains copropriétaires à titre individuel ;
- de travaux d'office pour les collectivités lorsqu'elles prennent des mesures coercitives.
En outre, l'agence peut verser des aides aux syndicats de copropriétaires pour faciliter la prise de décision et la réalisation de travaux.
D'après les indications fournies par l'ANAH à votre rapporteure pour avis, de 2006 à 2011, l'agence est intervenue sur 245 copropriétés intégrées dans des programmes de renouvellement urbain , totalisant 30 417 logements, ce qui représente 20 % des copropriétés et 45 % des logements, aidés par l'agence. Elle a engagé à cette fin 127 millions de subvention (dont 122 millions au titre des travaux), ce qui représente 46 % des subventions engagées sur cette période.
Lors de son audition par votre rapporteure pour avis, M. Pierre Sallenave, directeur général de l'ANRU, a souligné que le dispositif d'expropriation en cas de constat de carence était peu adapté à des copropriétés dégradées dans des grands ensembles présentant à la fois des problèmes urbains et immobiliers. Il a indiqué que l'ANRU avait proposé 4 ( * ) deux options pour les copropriétés les plus en difficulté :
- une première solution consisterait à transmettre les parties communes à un maître d'ouvrage public pour une longue durée ; celui-ci réaliserait les travaux, les copropriétaires demeureraient propriétaires de leur logement et verseraient un loyer pour l'utilisation des parties communes ;
- une seconde solution consisterait à conditionner les subventions accordées par l'ANRU à l'envoi d'information sur la situation de la copropriété et à un droit d'intervention aux frais de la copropriété. Cette solution de nature contractuelle permettrait de respecter le principe du droit de propriété.
Il a ajouté que le traitement des copropriétés supposait que l'ANAH bénéficie de moyens suffisants. Votre rapporteure pour avis estime en outre que le traitement des copropriétés supposent des compétences particulières en matière d'ingénierie.
Interrogée par votre rapporteure pour avis lors de son audition par la commission le 19 novembre dernier, Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, a indiqué que le Gouvernement entendait poursuivre une politique volontariste pour accompagner et traiter les copropriétés en difficulté. Elle a également précisé que le décret déclarant d'intérêt national l'opération de requalification des copropriétés dégradées des quartiers du Chêne-Pointu et de l'Etoile du Chêne-Pointu à Clichy-sous-Bois serait pris d'ici la fin de l'année et que cette opération permettrait d'avoir un retour d'expérience utile sur ce dispositif.
Par ailleurs, votre rapporteure pour avis souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur les surcoûts liés au désamiantage pour les opérations de démolition et de réhabilitation en site habité dans les copropriétés comme dans les grands ensembles. Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, a indiqué à votre rapporteure pour avis que le surcoût entraîné par le désamiantage était estimé à 2,3 milliards d'euros rien que pour le logement social. Elle a ajouté que cette question ferait l'objet d'un plan interministériel présenté d'ici la fin de l'année.
* 3 M. Nicolas Grivel, candidat proposé aux fonctions de directeur général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) a été entendu le 5 novembre 2014 par la Commission des affaires économiques, en application des dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
* 4 Rapport les quartiers en mouvement : pour un acte 2 de la rénovation urbaine - Les contributions du CES de l'ANRU, juillet 2011, page 156 et suivantes.