B. AU-DELÀ DU CHOC D'OFFRE, LA NÉCESSITÉ DE METTRE EN PLACE UN ENVIRONNEMENT JURIDIQUE ET FISCAL STABLE ET LISIBLE

1. Des mesures de bon sens mais qui tardent à se mettre en place


• Les professionnels du secteur, ont indiqué à votre rapporteur pour avis, qu'ils étaient globalement satisfaits des mesures proposées par le Gouvernement, qu'il s'agisse de mesures financières comme de mesures techniques et juridiques mais, qu'ils s'inquiétaient des délais de mise en oeuvre de ces mesures alors que la dégradation économique du secteur se poursuit comme le montrent les chiffres présentés en introduction.

Votre rapporteur pour avis considère que les mesures proposées ne sont pas dénuées d'intérêt mais regrette cependant que le Gouvernement ait mis autant de temps pour réagir aux effets d'une crise qui dure depuis plusieurs années .


• Votre rapporteur pour avis a souhaité compléter les mesures proposées par le Gouvernement en faisant deux propositions concernant l'usufruit locatif.

L'article 13 du code général des impôts prévoit depuis 2013, que la première cession à titre onéreux d'usufruit temporaire est imposable dans la catégorie des revenus fonciers si le cédant est un contribuable soumis à l'impôt sur le revenu, et non sous le régime des plus-values immobilières. Cette disposition, introduite afin de lutter contre les montages abusifs qui visent à convertir des revenus fonciers en plus-values immobilières, affecte par ricochet la prorogation d'usufruits locatifs sociaux. Les nus-propriétaires risquent de ne pas utiliser cette possibilité, qui semble être assimilée à une cession, et de choisir une autre voie de sortie : la vente du bien, la mise en location ou la récupération du bien pour y habiter.

La cession et la prorogation de l'usufruit de logements en faveur d'un organisme HLM ou d'une SEM ne relevant pas de la logique de tels montages abusifs, votre rapporteur pour avis a proposé que la cession de l'usufruit de logements à un organisme HLM ou à une SEM ne relève pas du régime d'imposition des revenus fonciers.

Par ailleurs, pour compléter et diversifier les modes d'intervention des bailleurs sociaux et des investisseurs institutionnels dans le secteur du logement intermédiaire, votre rapporteur pour avis a proposé que l'usufruit locatif soit utilisé pour susciter une offre locative de logements intermédiaires dans les zones tendues.

Le recours à l'usufruit locatif constituerait un mode de financement supplémentaire permettant de mobiliser l'épargne, à la fois celle des particuliers et celle des investisseurs institutionnels, au service du financement de la construction de logements locatifs sociaux et intermédiaires, tout particulièrement dans les zones tendues.

Les investisseurs institutionnels peuvent actuellement bénéficier de la taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit de 10 % pour la construction de logements intermédiaires réalisés sous certaines conditions énumérées à l'article 279-0 bis A du CGI (implantation du logement en zone tendue, intégration dans un ensemble immobilier comprenant au moins 25 % de surface de logements sociaux, application d'un plafond de ressources pour la location). Afin d'attirer de nouveaux investisseurs, votre rapporteur pour avis propose d'étendre l'application de ce taux réduit lorsqu'il s'agit de cessions de droits démembrés c'est-à-dire que l'usufruitier est un bailleur social ou un organisme collecteur de la PEEC et que le nu-propriétaire est un investisseur autre, sous réserve que les conditions précitées soient respectées.

Lors de sa réunion du 19 novembre 2014, votre commission pour avis a adopté deux amendements proposés par votre rapporteur pour avis. Toutefois, en séance publique, le Sénat n'a pas suivi votre commission pour avis.

2. Des mesures ponctuelles qui ne s'insèrent pas dans le cadre d'une vision stratégique globale

Comme l'ont unanimement indiqué à votre rapporteur pour avis les représentants des professionnels de l'acte du bâtir entendus, la situation dans le secteur du bâtiment ne pourra réellement s'améliorer que si la confiance revient , ce qui suppose de la part du Gouvernement qu'il inscrive son action dans la durée permettant ainsi la mise en place d'un environnement fiscal et juridique stable et lisible . Or, pour votre rapporteur pour avis, les choix du Gouvernement ne vont pas dans ce sens.


• Votre rapporteur pour avis a ainsi constaté que plusieurs mesures proposées dans le présent projet de loi de finances ne s'inscrivaient pas dans la durée . Tel est le cas :

- de l'abattement exceptionnel de 30 % pour la détermination de l'assiette imposable des plus-values résultant de la cession des terrains à bâtir qui concerne les promesses de vente signées entre le 1 er septembre 2014 et le 31 décembre 2015 ;

- de l'exonération temporaire des droits de mutation à titre gratuit qui s'applique pour les donations entre vifs de terrains à bâtir sous condition de construction de logement, intervenues entre le 1 er janvier et le 31 décembre 2015 ;

- du crédit d'impôt pour la transition énergétique qui s'applique aux dépenses relatives à un immeuble achevé depuis plus de deux ans, payées entre le 1 er septembre 2014 et le 31 décembre 2015.


• Pour votre rapporteur pour avis, les incohérences du Gouvernement nuisent également au retour de la confiance . Ainsi, en prévoyant dans le présent projet de loi de finances un abattement exceptionnel sur les plus-values de cessions sur les terrains à bâtir, le Gouvernement a pris le contre-pied de la position qu'il avait retenue ces deux dernières années au cours desquelles il avait tenté de supprimer de tels abattements.

De même, quelques semaines après l'annonce en août du plan de relance, le Gouvernement a indiqué que le projet de loi de finances rectificative pour 2014 comporterait une mesure renforçant la taxation sur les résidences secondaires, contredisant ainsi la promesse de pause fiscale annoncée par le président de la République, M. François Hollande.

Votre rapporteur pour avis partage l'analyse de notre collègue député M. Olivier Carré, selon qui « cette taxe « week-end » n'est pas susceptible de fluidifier le marché. En effet une hausse de 20 % de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, qui pourrait s'élever dans certains cas à une centaine d'euros, n'incitera en rien à louer ces biens. Il s'agit seulement d'une taxe supplémentaire sur des logements déjà très fiscalisés ».

Enfin, dernier exemple : alors que le crédit d'impôt pour la transition énergétique est renforcé et que le Gouvernement s'engage pour une transition énergétique pour la croissance verte, celui-ci ne donne pas à l'Agence nationale pour l'habitat (Anah) chargée de mettre en oeuvre le programme « Habiter mieux » des moyens à la hauteur de ses missions.

Anah : des crédits qui ne sont pas à la hauteur des enjeux

Plusieurs missions sont confiées à l'Anah : la lutte contre la précarité énergétique ; la lutte contre l'habitat indigne et dégradé ; le traitement des copropriétés fragiles ou en difficulté ; l'adaptation des logements à la perte d'autonomie et l'amélioration des structures d'hébergement.

Or, pour mettre en oeuvre ces missions, l'Anah ne bénéficie pas de moyens à la hauteur des enjeux.

Ressources de l'agence hors opérations d'ordre budgétaire et hors aides propres des collectivités territoriales (en euros)

Source : réponse au questionnaire budgétaire

En effet, la principale ressource de l'agence provient de la vente aux enchères des quotas carbone, dont le montant est incertain comme l'a souligné la Cour des comptes en novembre 2013, en estimant qu'il s'agissait d'une « source potentielle d'instabilité financière pour l'agence, lorsque, comme en 2013, les cours de marché connaissent de fortes variations rendant très incertaines les prévisions de recettes inscrites au budget . » La sous-évaluation des recettes qui en a résulté a eu des conséquences préjudiciables conduisant l'agence faute de moyens et devant la multiplication des demandes d'aide dans le cadre du programme « Habiter mieux » à limiter l'attribution des aides aux ménages très modestes.

Le 7 octobre dernier, compte tenu du caractère incertain et fragile de cette ressource, le conseil d'administration de l'agence a autorisé une augmentation des engagements de l'agence de 45 millions d'euros. L'article 15 du projet de loi de finances prévoit d'augmenter les ressources issues de la taxe sur les logements vacants de 21 millions à 51 millions d'euros. En outre, Action Logement devrait contribuer au financement de l'Anah à hauteur de 50 millions d'euros.

Votre rapporteur pour avis considère que la fragilité des ressources de l'Anah fragilise les territoires sur les modalités de leur engagement dans des politiques pluriannuelles de résorption de l'habitat indigne, de lutte contre la précarité énergétique, de développement des loyers maîtrisés (particulièrement en zone tendue et dans les « secteurs déficitaires SRU ») ou encore d'adaptation du logement au handicap et au vieillissement. Elle regrette que le gouvernement ne soit pas en mesure de trouver une solution pérenne permettant d'assurer le financement de l'agence, et considère qu'une remise à plat des ressources de l'agence et de ses missions est inévitable.


• Enfin, pour votre rapporteur pour avis, les annonces du Gouvernement non suivies d'effet décrédibilisent son action et plus généralement celle des élus. Ainsi, on ne peut comprendre le retard pris par le Gouvernement dans la mise en oeuvre des mesures de simplification pourtant annoncées en juin dernier. Sur les cinquante mesures annoncées, seules dix ont été mises en oeuvre. Les professionnels entendus par votre rapporteur pour avis ont ainsi donné l'exemple de l'augmentation du délai de validité des permis de construire qui bien qu'annoncé en août dernier par le Premier ministre n'est toujours pas entrée en vigueur.

S'agissant de la libération du foncier d'État , le Gouvernement avait annoncé sa volonté de montrer l'exemple en cédant son patrimoine dans des conditions financières attractives. Or, votre rapporteur pour avis remarque que la Commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier (Cnauf) dont la création était prévue par l'article 3 de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, n'a été mise en place qu'en juillet dernier.

Votre rapporteur pour avis constate sur cette question qu'en réalité peu de terrains sont disponibles et que des opérateurs, tel Réseau ferré de France, sont, comme a pu en témoigner notre collègue Martial Bourquin lors de l'audition de la ministre du logement devant la commission des affaires économiques, peu enclins à brader leurs terrains, dès lors qu'ils doivent faire face par ailleurs à un budget contraint.

Enfin, votre rapporteur pour avis invite le Gouvernement à la prudence dans ses annonces , certaines d'entre elles pouvant avoir des effets désastreux sur la situation économique. Tel fut le cas de l'annonce en juillet dernier de la réforme du crédit d'impôt sur les dépenses énergétiques sans autre précision qui a conduit à une baisse très importante de l'activité des artisans, les particuliers ayant décidé de repousser la réalisation de leurs travaux dans l'attente des nouvelles mesures.

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