D. LES MESURES RELATIVES À LA PARTICIPATION DES ASSURÉS
1. L'extension aux bénéficiaires de l'aide à la complémentaire santé (ACS) du tiers payant intégral (article 29)
Les personnes dont les ressources sont inférieures à 973 euros par mois 82 ( * ) peuvent bénéficier de l'aide à la complémentaire santé (ACS). Les titulaires de cette prestation peuvent également accéder au tiers-payant, c'est-à-dire à une dispense d'avance de frais , pour la part des dépenses de soins de ville prises en charge par l'assurance maladie obligatoire (AMO).
L' article 29 du présent projet de loi de financement propose d' étendre ce mécanisme de tiers-payant à la part complémentaire des dépenses d'assurance maladie afin de lutter contre le renoncement aux soins pour des raisons financières.
Ce mécanisme de tiers-payant intégral sera coordonné par l'assurance maladie , sur le modèle du système existant pour le tiers-payant intégral des bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c). Concrètement, comme l'illustre le schéma ci-dessous, le professionnel de santé (PS) enverra à l'assurance maladie une facture unique pour la part correspondant à la couverture de base et pour la part complémentaire. La CNAMTS effectuera le paiement des deux parts au professionnel de santé. L'assurance maladie obligatoire sera ensuite remboursée de la part complémentaire par l'organisme complémentaire (OC) auprès duquel l'assuré a souscrit son contrat.
Graphique n° 6 : Système de tiers-payant intégral proposé pour les bénéficiaires de l'ACS
Source : évaluation préalable annexée au présent projet de loi de financement
L'article 29 prévoit l'entrée en vigueur de ce système le 1 er juillet 2015 . Cependant, en raison de contraintes techniques, la mise en oeuvre du tiers-payant à hauteur des garanties réelles offertes par le contrat complémentaire de l'assurée ne sera effective qu'au 1 er janvier 2016. Le coût du système de tiers-payant, pour la moitié de l'année 2015 au cours de laquelle le dispositif commence à s'appliquer, est estimé à 3 millions d'euros . Mais le coût total pour l'assurance maladie serait compris entre 12 et 18 millions d'euros en année pleine en raison de l'amélioration du taux de recours à l'ACS que pourrait entraîner le tiers-payant intégral.
Votre rapporteur pour avis comprend la préoccupation du Gouvernement d'améliorer l'accès aux soins de tous. Ce dernier a déjà pris des mesures importantes en faveur d'un meilleur accès aux soins :
- la revalorisation exceptionnelle (+ 8,3 %) des plafonds de ressources pour bénéficier de la CMU-c et de l'ACS en 2013 . Cette hausse du seuil de ressources a ainsi entraîné l'augmentation de 15 % du nombre de bénéficiaires de l'ACS en 2013 par rapport à 2012 (soit un total de 1,16 million de personnes ) ;
- l'augmentation (de 500 à 550 euros) du niveau de l'ACS pour les personnes âgées de 60 ans et plus à compter du 1 er janvier 2014.
Ces mesures vont accroître les ressources nécessaires du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie dit « fonds CMU ». En application de l'article 58-2 de la loi organique du 1 er août 2011 relative aux lois de finances (LOLF), votre commission des finances a ainsi demandé à la Cour des comptes une enquête sur le financement du fonds CMU.
Au-delà de la question de la soutenabilité du financement de l'ACS, votre rapporteur pour avis s'interroge sur l'opportunité de mettre en place un dispositif de tiers-payant intégral . Si celui-ci peut se justifier pour un public tel que celui des bénéficiaires de l'ACS, sa généralisation à l'ensemble des assurés, prévue par le projet de loi relatif à la santé, comporte des risques dont la réalisation ne saurait être écartée, au regard des informations fournies par le Gouvernement.
L'étude d'impact du projet de loi précité indique que, contrairement au système existant pour la CMU-c et proposé pour l'ACS, la mise en oeuvre du tiers payant intégral généralisé à l'ensemble de la population serait en partie confiée aux organismes complémentaires . Il s'agirait ainsi d'un modèle de tiers payant « éclaté » entre l'assurance maladie d'une part et les organismes complémentaires d'autre part. Les professionnels de santé devraient alors transmettre deux factures : l'une à la CNAMTS, l'autre à l'organisme complémentaire.
Graphique n° 7 : Système de
tiers-payant intégral proposé
pour l'ensemble des
assurés
Source : évaluation préalable annexée au présent projet de loi de financement
Le tiers-payant intégral généralisé aux 100 000 médecins libéraux, représentant chaque année environ 500 000 feuilles de soins, comporte certains inconvénients non négligeables :
- il fera peser une charge de trésorerie importante sur les médecins en cas de délais de paiement excessifs et augmentera les risques financiers pour l'assurance maladie et les organismes complémentaires en cas d'absence de droits du patient ;
- il entraînera des difficultés pour recouvrer la participation de 1 euro par acte de médecine de ville et les franchises demandées aux assurés, qui représentent au total 1,5 milliard d'euros par an . Pour le recouvrement de ces participations, le Gouvernement envisage le prélèvement direct sur le compte de l'assuré par l'assurance maladie, ce qui suppose un encadrement strict ;
- il risque de susciter des déconventionnements de la part des médecins qui ne seraient pas en mesure de mettre en oeuvre le système de tiers-payant ;
- il nécessiterait de maintenir un dispositif permettant à l'assuré de connaître les frais de soins réels dont il bénéficie afin de ne pas déresponsabiliser les patients.
Pour l'ensemble de ces raisons, votre rapporteur pour avis est défavorable à la généralisation du tiers payant intégral . Or l'extension aux bénéficiaires de l'ACS en constitue la première étape. Votre commission des finances propose donc la suppression de l'article 29 .
2. L'exonération de franchises et participations pour les bénéficiaires de l'ACS (article 29 bis)
L' article 29 bis du présent projet de loi de financement, introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, vise à exonérer des participations forfaitaires et des franchises les bénéficiaires de l'ACS à compter du 1 er juillet 2015.
La perte de recettes pour l'assurance maladie découlant de cette exonération est estimée à 20 millions d'euros en 2015 et à 38 millions d'euros en année pleine .
Si l'intention du Gouvernement de réduire les éventuels freins financiers à l'accès aux soins pour les bénéficiaires de l'ACS est louable, votre rapporteur pour avis note que cette mesure permet également d'éviter les questions techniques liées au recouvrement des franchises et des participations en cas de tiers-payant intégral.
À ce titre, cette disposition illustre parfaitement le risque que fait peser le tiers-payant sur le système de franchises et de participations.
* 82 Au 1 er juillet 2014.