B. LA RÉPONSE APPORTÉE PAR LE PROJET DE LOI

1. Une méthode de travail : la concertation en amont
a) Les assises du développement

Le projet de loi est issu d'une large concertation, les assises du développement et de la solidarité internationale, pilotées par Pascal Canfin, ancien ministre chargé du développement, en liaison avec le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, et organisées de novembre 2012 à mars 2013.

Ces assises ont réuni l'ensemble des acteurs de la coopération, État, ONG, syndicats, entreprises, collectivités territoriales, parlementaires, partenaires du Sud, afin de redéfinir les objectifs, les priorités et les moyens de l'aide au développement.

La discussion s'est organisée autour de cinq grandes problématiques :

- quelle vision du développement après 2015 ?

- comment assurer une aide transparente et efficace ?

- comment accroître la cohérence des politiques publiques en faveur du développement ?

- comment renforcer les partenariats entre l'État et les acteurs non-gouvernementaux ?

- innovations technologiques et sociales, politiques de recherche : quels enjeux pour le développement ?

Les assises ont été clôturées le 1 er mars 2013 par le Président de la République.

b) La réunion du CICID

À l'issue des assises du développement, le Premier ministre a réuni, le 31 juillet 2013, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) afin de travailler sur les résultats de la concertation.

La réunion du CICID a rassemblé 15 ministres autour de l'enjeu de redéfinition des orientations à donner à la politique de développement de la France. Cette réunion a été l'occasion d'adopter de premières priorités, notamment géographiques, ainsi que la stratégie « genre et développement » sur la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Quatre axes ont été retenus pour réorienter la politique d'aide au développement française :

- redéfinir les priorités géographiques et sectorielles ;

- améliorer la cohérence et renforcer les principes transversaux de la politique de développement ;

- assurer une meilleure coordination des acteurs ;

- améliorer l'efficacité et la transparence.

c) La forme : une loi de programmation

Ces axes ont été repris et développés au sein d'une loi d'orientation et de programmation, au sens de l'article 34 de la Constitution, déposée le 11 décembre 2013 à l'Assemblée nationale.

Cette loi marque une étape importante dans l'histoire de la politique de développement en France. Le Parlement est désormais amené à débattre des priorités et non seulement du budget de cette politique. Ainsi que l'avait alors souligné Pascal Canfin, « cette loi permet de sortir la politique de développement du monopole de l'exécutif pour passer à une logique de transparence et de contrôle démocratique » .

Le choix d'une loi de programmation permet de fixer les grands objectifs de la politique de développement à moyen terme, tout en définissant un horizon quinquennal qui assure le retour de la discussion au Parlement et une évaluation des politiques menées au cours de cette période.

2. Les nouveaux objectifs de la politique de développement
a) Clarifier et hiérarchiser les objectifs de l'aide, inscrits dans une politique de développement durable

Le présent projet de loi inscrit la politique de développement dans l'objectif général de promotion du développement durable, compris dans ses trois composantes économique, sociale et environnementale. C'est désormais une priorité transversale de l'aide au développement française.

Les objectifs de cette politique sont en outre clarifiés :

- l'article 1 er du texte énumère une liste d'objectifs qui comprennent la lutte contre la pauvreté, la réduction des inégalités, le développement économique équitable et riche en emplois, la lutte contre le changement climatique, la promotion de la paix et des droits de l'homme, la défense des libertés fondamentales, l'égalité entre les femmes et les hommes, la responsabilité sociale et environnementale, ou encore un socle de protection sociale ;

- le rapport annexé détaille les priorités transversales, sectorielles et géographiques de l'aide au développement.

Concernant le ciblage géographique, le texte s'inscrit dans un approfondissement de la logique des partenariats différenciés. La décision n° 2 du CICID du 31 juillet 2013 a fixé une cible de direction de 85 % de l'effort financier vers l'Afrique subsaharienne et les pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée. L'article 4 porte précisément sur la concentration et l'efficacité des aides.

b) Garantir la cohérence de la politique d'aide au développement

Le projet de loi affirme fortement l'objectif de cohérence de la politique d'aide au développement avec les autres politiques publiques. L'article 3 du texte, dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, énumère les politiques à prendre en compte. Ces dernières comprennent en particulier « les politiques commerciale, agricole, fiscale, migratoire, sociale ou les politiques relatives aux droits des femmes, à la recherche et à l'enseignement supérieur, à l'éducation, à la culture, à la santé, à l'environnement, à l'énergie et à la lutte contre le changement climatique, à la paix et à la sécurité, à l'économie sociale et solidaire ou aux outre-mer » .

Cette recherche de cohérence entre politiques publiques passe par l'actualisation périodique des objectifs de la politique d'aide au développement, prévue à l'article 6.

Le texte met par ailleurs l'accent sur la cohérence entre aide bilatérale et multilatérale. L'article 7 dispose que la France, dans les institutions multilatérales de développement auxquelles elle est partie prenante, défend les priorités, les objectifs et les principes de sa politique de développement, tels que définis dans la présente loi. L'enjeu de l'articulation entre les différents niveaux de l'aide, en particulier avec l'action de l'Union européenne et des Nations unies, est fondamental pour améliorer l'efficacité et l'efficience de l'aide publique au développement.

Enfin, le texte vise à améliorer la cohérence de l'action des opérateurs de l'expertise technique internationale. C'est le sens de l'article 8. Il est en effet nécessaire de rendre l'expertise plus performante. De nombreux opérateurs d'expertise internationale contribuent à la mise en oeuvre des engagements de la France. Le ministère des affaires étrangères a son propre dispositif. Une trentaine d'autres opérateurs sont rattachés à divers ministères de tutelle, opérateurs auxquels il faut ajouter plusieurs agences publiques et un secteur privé très dynamique.

La multiplicité des opérateurs français nuit toutefois à la visibilité et à l'efficacité de l'action extérieure de la France, en particulier en termes d'accès à des financements internationaux.

c) Reconnaître le rôle des acteurs non étatiques
(1) Les collectivités territoriales

Le projet de loi clarifie le cadre de l'action extérieure des collectivités territoriales. Près de 4 800 collectivités mènent aujourd'hui des actions de développement à l'étranger qui permettent d'inscrire la politique française dans une véritable approche territoriale du développement.

Ces actions de coopération décentralisée sont régies par l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales. L'objectif du projet de loi, dans son article 9, est de faire apparaître de manière implicite qu'à côté des coopérations dans le cadre des conventions expressément visées par l'article L. 1151-1, un nombre croissant d'actions d'aide au développement sont désormais menées suivant d'autres modalités, avec une large place faite aux opérations partenariales ou mutualisées, par exemple dans le cadre de réseaux généralistes ou thématiques de collectivités territoriales.

Le cadre d'action des collectivités est ainsi sécurisé juridiquement par le projet de loi.

(2) Les organisations non gouvernementales

Le rapport annexé au projet de loi reconnaît le rôle incontournable des organisations non gouvernementales et leur expérience. La collaboration avec les ONG est aujourd'hui assez restreinte dans le cadre de l'aide au développement française. 0,15 % de l'aide passait par ce canal en 2010 contre 2 % dans le reste de l'OCDE. Le rapport annexé indique que le Gouvernement s'engage à doubler cette part d'ici la fin du quinquennat. Le rapporteur pour avis au nom de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale a fait inscrire une reconnaissance du rôle spécifique des syndicats de travailleurs parmi les ONG.

(3) Le secteur privé

Les Objectifs du millénaire pour le développement ne peuvent être atteints que dans le cadre d'une croissance économique soutenue et soutenable dans les pays bénéficiaires. Dans ce contexte, le secteur privé joue un rôle central, qui rend d'autant plus importante la promotion de la responsabilité sociale et environnementale dans les entreprises.

À ce titre, l'article 5 du projet de loi dispose que la politique de développement et de solidarité internationale de la France doit prendre en compte l'exigence de la responsabilité sociale et environnementale des acteurs publics et privés. Cet article impose en outre à l'AFD d'intégrer la RSE dans son système de gouvernance et dans son plan d'orientation stratégique.

Parallèlement, le Gouvernement poursuit son travail, en concertation avec la plateforme nationale d'actions globales pour la responsabilité sociétale des multinationales, pour une meilleure responsabilisation des entreprises multinationales et des donneurs d'ordre vis-à-vis de leurs filiales et de leurs fournisseurs situés dans les pays en développement. Un an après la catastrophe du Rana-Plaza 2 ( * ) , cette réflexion sur le devoir de vigilance se doit d'aboutir rapidement.

3. Le rapport annexé

Le rapport annexé précise le cadre et les orientations de cette politique d'aide au développement rénovée. Le texte constituera une feuille de route détaillée pour les acteurs concernés, à commencer par l'AFD.

a) Un objectif de développement durable dans les pays en développement dans quatre grands domaines

Le rapport annexé revient sur les objectifs définis à l'article 1 er du projet de loi et les rassemble autour de quatre grandes finalités :

- la promotion de la paix, de la stabilité, des droits de l'Homme, de l'égalité entre les hommes et les femmes ;

- l'équité, la justice sociale et le développement humain ;

- un développement économique durable et riche en emplois ;

- la préservation de l'environnement et des biens publics mondiaux.

b) Une intervention dans dix secteurs

Dix secteurs d'intervention sont énumérés :

- santé et protection sociale ;

- agriculture et sécurité alimentaire et nutritionnelle ;

- secteur privé, secteur financier et promotion de la responsabilité sociale et environnementale ;

- développement des territoires ;

- environnement et énergie ;

- eau et assainissement ;

- gouvernance et lutte contre la corruption ;

- mobilité et migrations ;

- commerce et intégration régionale.

Ces secteurs d'intervention permettent une hiérarchisation et une meilleure organisation des objectifs, dans la mesure où le rapport précise que la France et chaque pays partenaire définiront conjointement trois secteurs de concentration de l'aide parmi les dix secteurs énumérés.

c) Des partenariats différenciés selon les pays

Le rapport annexé présente les quatre catégories de pays retenues afin de mieux concentrer et adapter l'aide apportée. La différenciation a été opérée en fonction du niveau de développement, de la géographie, de l'histoire, de la culture et de la langue des pays concernés, avec une concentration des dons vers les pays les plus pauvres et les pays en crise ou en situation de fragilité.

Les quatre catégories sont ainsi les suivantes :

- les pays les plus pauvres : ces pays sont prioritaires. Ils sont au nombre de seize, et recevront au moins la moitié des subventions de l'État. Ils comprennent le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, Djibouti, les Comores, le Ghana, la Guinée, Madagascar, le Mali, la Mauritanie, le Niger, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, le Tchad, le Togo et le Sénégal ;

- l'Afrique subsaharienne et le Sud et l'Est de la Méditerranée : cette deuxième catégorie inclut les seize pays précédemment cités. Au total, cette zone devra représenter au moins 85 % de l'effort financier de l'État ;

- les pays en crise ou fragiles : cette catégorie concerne par exemple Haïti ;

- le reste du monde : cette catégorie comprend en particulier les grands émergents.

d) Une méthode d'action fondée sur la cohérence des politiques, l'efficacité et la transparence

Enfin, le rapport annexé développe les objectifs de cohérence, d'efficacité et de transparence de l'aide au développement.

L'enjeu de concertation avec les élus et la société civile est également traité. Ces acteurs sont rassemblés dans un Conseil du développement et de la solidarité internationale qui sera présidé par le ministre chargé du développement.


* 2 Le 24 avril 2013, l'effondrement du Rana-Plaza, immeuble situé dans le faubourg Ouest de Dacca, capitale du Bangladesh, et qui abritait les ateliers de confection de diverses marques internationales de vêtements, a provoqué la mort de plus de 1 100 personnes.

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