Avis n° 264 (2013-2014) de M. Jean GERMAIN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 8 janvier 2014

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264

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 janvier 2014

AVIS

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la ville et la cohésion urbaine ,

Par M. Jean GERMAIN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Jacques Chiron, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

1337 , 1542 , 1545 , 1554 et T.A. 246

Sénat :

178 , 250 et 251 (2013-2014)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Réunie le mercredi 8 janvier 2013 sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission des finances du Sénat a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean Germain sur le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine n° 178 (2013-2014), dans le texte n° 251 (2013-2014) issu des travaux de la commission des affaires économiques.

Se concentrant sur les aspects financiers du texte (1 er , 1 er bis A, 2, 4, 5, 8, 9, 17 et 18), elle s'est félicitée de la réaffirmation, au niveau de la loi, du principe de la mobilisation prioritaire des politiques publiques de droit commun , avant de recourir aux instruments spécifiques de la politique de la ville.

Elle a également pris acte de la nouvelle géographique prioritaire et de son impact financier attendu à l'occasion du changement de zonage. Elle restera attentive aux mesures qui pourront être prises à ce sujet, notamment à l'occasion du projet de loi de finances pour 2015.

Tout en approuvant le lancement d'un nouveau programme national de renouvellement urbain , la commission considère que son financement et, plus largement, celui de l'Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU) pourrait s'avérer fragile . Il importe que les hypothèses de travail du Gouvernement se confirment et que ce nouveau programme, de même que l'achèvement du programme national de rénovation urbaine, ne connaissent pas de difficultés de mise en oeuvre en raison de problèmes financiers.

Concernant la faculté offerte à l'ANRU d'intervenir en tant que co-investisseur dans des projets de renouvellement urbain, compétence qui s'exercerait dans le cadre du nouveau programme d'investissement d'avenir, ainsi que celle de mener des actions à l'international, la commission a considéré qu'il conviendrait de suivre avec vigilance les conditions de leur exercice.

La commission s'est félicitée que la suppression de la dotation de développement urbain ait été reportée en attendant la mise en place de la nouvelle dotation « politique de la ville ». Elle a souhaité que le Parlement soit étroitement associé à la réflexion qui conduira à préciser ses contours.

Enfin, la commission a accueilli favorablement la suppression , par la commission des affaires économiques, du « malus » introduit à l'Assemblée nationale et destiné à sanctionner les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui auraient refusé de signer un contrat de ville. En effet, elle considère que ce dispositif était stigmatisant, peu utile et fragile d'un point de vue constitutionnel .

La commission des finances a adopté deux amendements, l'un rédactionnel, l'autre de précision. Elle a émis un avis favorable à l'adoption des articles dont elle s'est saisie, tels que modifiés par ses amendements.

AVANT PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi de programmation pour la ville et la rénovation urbaine offre un nouveau cadre d'intervention en faveur des quartiers défavorisés en réformant la politique de la ville.

Des résultats positifs ont, certes, pu être constatés dans plusieurs secteurs et la politique de rénovation urbaine a indéniablement porté ses fruits dans un certain nombre de quartiers. Toutefois, au cours des dernières années, les lacunes et les revers de la politique de la ville ont été mis en évidence, en particulier par les travaux de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS) 1 ( * ) et le rapport de la Cour des comptes de juillet 2012 relatif à la politique de la ville 2 ( * ) . La commission des finances du Sénat a également publié plusieurs rapports d'information à ce sujet 3 ( * ) .

Malgré des politiques volontaristes, les écarts entre les quartiers les moins favorisés et le territoire qui les entoure ne se réduisent pas, notamment en termes d'emploi et de réussite scolaire.

Annoncée dès le Conseil des ministres du 22 août 2012, cette réforme de la politique de la ville, très attendue, a fait l'objet d'une importante concertation nationale « Quartiers, engageons le changement » qui s'est déroulée entre octobre 2012 et janvier 2013. Ses principaux axes ont, ensuite, été fixés par le comité interministériel des villes (CIV) qui s'est réuni le 19 février 2013.

Présenté au Conseil des ministres du 2 août 2013, le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, sur lequel la procédure accélérée a été engagée, a été adopté par l'Assemblée nationale le 27 novembre 2013.

Saisie au fond du projet de loi, la commission des affaires économiques du Sénat a, quant à elle, établi son texte le 18 décembre dernier. Souscrivant à ses grandes orientations, elle a complété et précisé le projet de loi qui lui était soumis.

Le projet de loi propose un nouveau souffle pour la politique de la ville : un nouveau cadre d'intervention, la définition d'objectifs structurants et des outils adaptés.

En remplacement des multiples zonages qui se sont sédimentés au cours des années, une nouvelle géographie prioritaire, recentrée et unique, est proposée.

Les nouveaux contrats de ville, qui ont vocation à remplacer les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS), seront conclus au niveau intercommunal, jugé le plus adéquat pour piloter les actions menées dans le cadre de la politique de la ville. Ces contrats constituent le nouveau cadre contractuel entre l'État et les collectivités territoriales en matière de politique de la ville.

S'agissant des moyens affectés à la réussite de cette réforme, le principe de la mobilisation prioritaire des politiques publiques de droit commun à destination des quartiers de la politique de la ville est réaffirmé. En outre, parmi les outils proposés par le projet de loi, figure, en particulier, le lancement d'un nouveau programme de renouvellement urbain et la création d'une nouvelle « dotation politique de la ville », ayant vocation à remplacer l'actuelle dotation de développement urbain.

Enfin, le projet de loi, dans sa rédaction issue de l'examen par l'Assemblée nationale et des travaux de la commission des affaires économiques du Sénat, fait une large place à l'association des habitants et des acteurs locaux dans la mise en oeuvre de la politique de la ville.

Votre commission des finances s'est saisie de neuf articles :

- l'article 1 er , qui, en définissant la politique de la ville, réaffirme au niveau de la loi, la mobilisation prioritaire des politiques publiques de droit commun ;

- l'article 1 er bis A (initialement article 3) qui prévoit l'instauration de la nouvelle « dotation politique de la ville » ;

- l'article 2, relatif à la dimension urbaine de la politique de la ville, en ce qu'il prolonge le programme national de rénovation urbaine (PNRU), prévoit le lancement d'un nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) et propose de doter l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) de nouvelles compétences ;

- l'article 4 qui définit les nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville ayant vocation à remplacer les zonages actuels ;

- l'article 5 relatif aux nouveaux contrats de ville ;

- l'article 8 qui renforce le pilotage de la politique de la ville au niveau intercommunal ;

- l'article 9 relatif à la solidarité intercommunale.

Enfin, par coordination, la commission des finances s'est saisie des articles 17 et 18.

PREMIÈRE PARTIE - UN NOUVEAU SOUFFLE POUR LA POLITIQUE DE LA VILLE

I. UNE REDÉFINITION DE LA POLITIQUE DE LA VILLE (ARTICLES PREMIER ET 8)

A. UN NOUVEAU CADRE ET LA RECHERCHE D'UNE MEILLEURE ÉVALUATION

À vocation programmatique, l'article premier du projet de loi fixe tout d'abord dans son I les objectifs et les principes fondamentaux de la politique de la ville.

Ainsi, à l'issue de la première lecture à l'Assemblée nationale et suite à l'examen par la commission des affaires économiques du Sénat, le I définit la politique de la ville comme la « politique de cohésion urbaine et de solidarité, nationale et locale, envers les quartiers défavorisés . »

Ses acteurs sont l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements. Ils ont vocation à mener une action conjointe afin d'« assurer l'égalité entre les territoires, de réduire les écarts de développement entre les quartiers défavorisés et leurs unités urbaines et d'améliorer les conditions de vie de leurs habitants » .

Il est également précisé que la politique de la ville est mise en oeuvre dans le cadre de contrats de ville consacrés et définis à l'article 5 du projet de loi 4 ( * ) .

Le quatrième alinéa de l'article, tel qu'issu du texte de la commission des affaires économiques du Sénat, inscrit dans la loi le principe de la mobilisation prioritaire des politiques de droit commun , les crédits spécifiques de la politique de la ville ne devant, le cas échéant, que s'y ajouter. Le présent rapport consacre un développement spécifique à ce sujet ci-après, compte tenu de l'importance de ses implications financières 5 ( * ) .

La participation des habitants et des acteurs des quartiers est également affirmée et a été précisée au cours de l'examen parlementaire. Alors que le texte initial prévoyait que la politique de la ville s'appuyait sur les initiatives des habitants et devait favoriser leur association à la définition et la mise en oeuvre des actions conduites, l'Assemblée nationale a précisé le dispositif. Elle a ainsi indiqué que la politique de la ville s'inscrivait dans une démarche de coconstruction avec les habitants, les associations et les acteurs économiques, en s'appuyant notamment sur la mise en place de conseils-citoyens, selon des modalités définies dans les contrats de ville.

La commission des affaires économiques du Sénat a complété le texte en prévoyant que la coconstruction s'appuie également sur la co-formation . Elle a, en outre, remplacé les « conseils-citoyens » par les « coordinations citoyennes de quartiers ».

Le I de l'article premier énumère, enfin, les objectifs assignés à la politique de la ville , lesquels ont été considérablement enrichis et précisés par l'Assemblée nationale et la commission des affaires économiques : lutter contre les inégalités de tous ordres, les concentration de pauvreté et les fractures économiques, sociales, numériques et territoriales ; garantir aux habitants l'égalité réelle d'accès aux droits, à l'éducation, à la culture, aux services et aux équipements publics ; agir pour le développement économique, la création d'entreprises et l'accès à l'emploi par les politique de formation et d'insertion professionnelles ; agir pour l'amélioration de l'habitat ; développer la prévention, promouvoir l'éducation à la santé et favoriser l'accès aux soins ; garantir la tranquillité des habitants par les politiques de sécurité et de prévention de la délinquance ; favoriser la pleine intégration des quartiers dans leur unité urbaine, notamment par l'amélioration de leur accessibilité en transports en commun, de leur mixité fonctionnelle et urbaine ainsi que la mixité de leur composition sociale, en veillant à ce titre à la revitalisation et la diversification de l'offre commerciale ; favoriser le développement équilibré des territoires, la promotion de la ville durable et la lutte contre la précarité énergétique ; reconnaître et valoriser l'histoire, le patrimoine et la mémoire des quartiers ; concourir à l'égalité entre les hommes et les femmes, à la politique d'intégration et à la lutte contre les discriminations, notamment liées au lieu de résidence et à l'origine réelle ou supposée.

Enfin, le II de l'article premier instaure l' observatoire national de la politique de la ville pour « mesurer l'atteinte des objectifs de la politique de la ville [...] par rapport aux moyens mobilisés » et ayant vocation à se substituer à l'observatoire national des zones urbaines sensibles ainsi que, selon l'étude d'impact, au comité d'évaluation et de suivi de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

Votre rapporteur salue cette rationalisation des instances d'évaluation qui permet une articulation entre les volets urbain et social de la politique de la ville tout en élargissant les missions confiées à ce nouvel observatoire.

B. DES MOYENS DE DROIT COMMUN MOBILISÉS PAR PRIORITÉ

1. La confirmation dans la loi d'un principe essentiel pour la réussite de la politique de la ville

Le quatrième alinéa de l'article premier, tel qu'issu des travaux de la commission des affaires économiques, confirme, en le consacrant au niveau de la loi , le principe selon lequel les politiques de droit commun doivent prioritairement être appelées pour les actions menées dans les quartiers prioritaires, avant toute mobilisation des crédits spécifiques.

Les « instruments » propres à la politique de la ville ne doivent ainsi être mis en oeuvre que « lorsque la nature des difficultés le nécessite ».

Pour rappel, le rapport de la Cour des comptes de juillet 2012, relatif à la politique de la ville 6 ( * ) , mettait en évidence la faible mobilisation des politiques publiques dans les quartiers. Ainsi, malgré une mobilisation théoriquement prioritaire des financements de droit commun, les crédits de la politique de la ville ne devant que venir s'y ajouter afin de réduire les écarts de développement entre les quartiers, la Cour des comptes constatait que ce principe était en pratique appliqué de façon très limitée.

Elle met également en évidence, dans son rapport, sa difficile mesure, avec une « absence effective d'identification et de suivi des crédits de droit commun ». Déjà en 2007, ces difficultés d'évaluation avaient également été mises en évidence dans le rapport de votre commission des finances, suite à une enquête demandée à la Cour des comptes dans le cadre de l'article 58-2 de la LOLF, sur la gestion des crédits d'intervention de l'État au titre de la politique de la ville 7 ( * ) .

Les crédits de l'État consacrés à la politique de la ville sont, en principe, retracés dans le document de politique transversale « Ville » annexé chaque année au projet de loi de finances. Il a notamment vocation à retracer l'effort financier consacré par l'État à la politique de la ville, avec les contributions de chaque programme, pour les deux années passées et l'exercice budgétaire à venir. Pour 2014, l'ensemble des contributions était chiffré à 4,3 milliards d'euros dans le document de politique transversale.

Évaluation des crédits consacrés à la politique transversale

Exécution 2012

LFI 2013

PLF 2014

Numéro et intitulé du programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

147

Politique de la ville

495 255 514

503 568 132

503 604 867

503 687 165

492 688 099

481 400 000

135

Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

352 506

1 111 427

294 026

294 026

252 768

252 768

123

Conditions de vie outre-mer

312 454 371

258 624 472

329 407 911

273 343 914

328 828 433

299 066 404

102

Accès et retour à l'emploi

396 509 876

346 703 235

751 339 056

352 331 516

582 027 243

552 173 185

103

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

944 981

944 981

1 180 505

1 180 505

1 180 505

1 180 505

134

Développement des entreprises et du tourisme

7 842 000

7 842 000

7 300 000

7 300 000

7 000 000

7 000 000

307

Administration territoriale

29 285 958

29 285 958

29 664 244

29 664 244

30 159 883

30 159 883

148

Fonction publique

3 200 000

3 200 000

3 200 000

3 200 000

3 200 000

3 200 000

101

Accès au droit et à la justice

18 124 497

18 155 046

18 013 942

18 013 942

19 948 400

19 948 400

182

Protection judiciaire de la jeunesse

14 890 790

14 890 790

15 651 728

15 651 728

16 002 302

16 002 302

107

Administration pénitentiaire

3 206 937

3 206 937

3 576 744

3 576 744

4 044 687

4 044 687

176

Police nationale

1 423 590 098

1 433 926 618

1 513 461 322

1 501 407 830

1 507 700 892

1 520 753 050

152

Gendarmerie nationale

133 035 553

132 518 894

130 914 295

132 213 272

131 680 698

132 786 155

178

Préparation et emploi des forces

6 544 535

6 544 535

5 828 600

5 828 600

6 243 957

5 828 800

212

Soutien de la politique de la défense

347 325

347 325

480 000

480 000

480 000

480 000

140

Enseignement scolaire public du premier degré

448 580 489

448 580 489

469 676 221

469 676 221

468 759 066

468 759 066

141

Enseignement scolaire public du second degré

441 741 947

441 741 947

452 381 773

452 381 773

447 733 472

447 733 472

139

Enseignement privé du premier et du second degrés

507 581

507 581

419 458

419 458

419 458

419 458

230

Vie de l'élève

160 505 918

160 505 918

166 501 588

166 501 588

166 628 257

166 628 257

219

Sport

3 041 710

3 041 710

2 550 000

2 550 000

1 323 600

1 323 600

163

Jeunesse et vie associative

41 579 350

41 806 434

45 770 411

45 770 411

45 430 011

45 430 011

129

Coordination du travail gouvernemental

1 600 000

1 600 000

204

Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

15 900 000

16 100 000

12 090 000

12 090 000

11 440 000

11 440 000

124

Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative

29 962 126

30 527 284

42 239 857

42 239 857

36 885 933

36 885 933

Total

3 989 004 062

3 905 281 713

4 505 546 548

4 039 802 794

4 310 057 664

4 252 895 936

Source : commission des finances du Sénat d'après le document de politique transversale « Ville » annexé au projet de loi de finances pour 2014.

Pour autant, ce document est incomplet, puisqu'il ne comprend pas le montant associé à certains programmes ou actions, et parfois inexact, dans la mesure où les crédits peuvent être sujets à caution et que les méthodes de calculs sont contestées et non harmonisées. Compte tenu de ces éléments, tout exercice de comparaison est rendu difficile.

Votre rapporteur considère que la mobilisation des politiques publiques de droit commun est effectivement essentielle . Il est certain que le budget alloué chaque année par l'État au titre de la politique de la ville, qui s'établit à 505,466 millions d'euros en autorisations d'engagement et 496,178 millions d'euros en crédits de paiements dans la loi de finances pour 2014 8 ( * ) , ne peut, en aucun cas, répondre à lui seul aux besoins de ces quartiers. Il n'est que marginal comparé aux moyens dont disposent les politiques de droit commun.

2. La recherche d'une meilleure identification et territorialisation des crédits de droit commun

Le projet de loi souhaite réaffirmer la nécessité de territorialiser les politiques publiques de droit commun à destination des quartiers prioritaires au titre de la politique de la ville. Tel est l'objet de l'inscription dès l'article premier du projet de loi qui définit la politique de la ville, du principe de mobilisation prioritaire des crédits de droit commun. Il s'agit également de mieux les identifier .

Dans le même esprit, et comme le présent rapport le présentera plus amplement infra , l'article 5 du projet de loi prévoit également que les nouveaux contrats de ville , conclus à l'échelle intercommunale, puissent être signés par d'autres acteurs de la politique de la ville que le représentant de l'État, les communes et l'EPCI concernés, compte tenu des moyens qu'ils sont susceptibles de déployer.

Par ailleurs, s'agissant des crédits de l'État et suite à une circulaire du Premier ministre, en date du 30 novembre 2012, François Lamy, ministre délégué chargé de la ville, signe avec les autres ministères chargés des politiques de droit commun des conventions « d'objectifs, de méthode et de moyens », tendant à préciser les modalités de mise en oeuvre de leurs actions spécifiquement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ce dispositif répond notamment aux recommandations de la Cour des comptes dans son rapport précité de juillet 2012 sur la politique de la ville 9 ( * ) .

Ainsi, dix conventions ont d'ores et déjà été conclues à ce titre avec d'autres ministères 10 ( * ) . Elles ont permis de prévoir plusieurs actions concrètes et désormais engagées, dont notamment :

- la mobilisation d'un pourcentage déterminé d'emplois d'avenir en faveur des jeunes des quartiers prioritaires, avec 20 % en 2013, 25 % en 2014 et 30 % en 2015 ;

- le ciblage de 25 % des créations de poste dans l'éducation nationale pour les dispositifs de scolarisation des enfants à deux ans et l'initiative « plus de maîtres que de classes » ;

- la création des zones de sécurité prioritaire qui recouvrent, pour 63 des 64 premières, un quartier de la politique de la ville ;

- le désenclavement de ces zones comme critère prioritaire de sélection des projets dans le cadre de l'appel à projets « Transports collectifs et mobilité durable » lancé par le ministère délégué aux transports ;

- l'amélioration de l'offre de soins, avec le développement de centres et de maisons de santé dans les quartiers présentant un déficit.

Une convention a, par ailleurs, été signée avec Pôle emploi afin de mettre en place un service renforcé en faveur des demandeurs d'emploi des quartiers. Elle prévoit notamment que 400 des 2 000 créations de poste prévues pour 2013 à Pôle emploi soient ciblées dans les zones des quartiers prioritaires.

La convention d'objectifs et de gestion conclue entre l'État et la CNAF prévoit également que les actions des caisses d'allocations familiales soient prioritairement déclinées dans les quartiers prioritaires.

S'agissant de l'évaluation de la mobilisation des crédits de droit commun au service de la politique de la ville , le ministère délégué en charge de la ville a indiqué à votre rapporteur que, suite au rapport inter-inspections rendu en 2012 sur une meilleure identification des moyens de droit commun mobilisés dans le cadre de la politique de la ville, il oeuvrait actuellement à l'amélioration de la qualité et de la fiabilité de ce document de politique transversale pour les exercices à venir. Votre rapporteur considère que ce travail est effectivement indispensable et doit être mené dans les meilleurs délais.

Par ailleurs, un groupe de travail relatif à la territorialisation des moyens de droit commun de l'État a été constitué afin d'améliorer le recensement et le chiffrage des crédits consacrés aux quartiers prioritaires et leurs habitants au niveau régional et départemental . Il a pour objectif d'élaborer un outil de suivi commun de ces dotations qui, sans avoir vocation à recenser les moyens déployés de façon exhaustive, permettra d'identifier les lignes budgétaires des budgets opérationnels de programmes (BOP) dont le suivi semble le plus pertinent sur l'ensemble du territoire, tout en permettant aux services déconcentrés d'en ajouter en fonction des besoins identifiés. Cet outil devrait ensuite être expérimenté sur plusieurs sites tests.

Le Gouvernement indique également qu'une réflexion est actuellement menée pour établir la méthode permettant de suivre le plus finement possible les moyens de droit commun déployés à l'échelle intercommunale dans le cadre des contrats de ville .

Cette mobilisation des politiques publiques de droit commun ne concerne pas uniquement l'État. Les collectivités territoriales doivent également participer.

Les crédits consacrés à la politique de la ville par les collectivités territoriales s'avèrent actuellement difficilement identifiables, comme l'avait notamment mis en évidence le rapport précité de la Cour des comptes en juillet 2012.

L'article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit, pour les communes et EPCI ayant signé des contrats d'objectifs et de moyens relevant de la politique de la ville ou ayant bénéficié de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), la présentation d'un rapport annuel à leur assemblée délibérante « sur les actions menées en matière de développement social urbain », communément appelé « rapport DSU ».

Le 1° de l'article 8 modifie l'article du CGCT précité afin, d'une part, de limiter ce rapport aux communes ayant bénéficié de la DSU.

D'autre part, un rapport supplémentaire est prévu pour les communes et EPCI ayant signé un contrat de ville. Celui-ci porte « sur la situation de la collectivité au regard de la politique de la ville, les actions qu'elle mène sur son territoire et les orientations et programmes de nature à améliorer cette situation ». Ce rapport est présenté aux assemblées délibérantes et fait l'objet d'un débat. Le contenu et les modalités d'élaboration de ce rapport sont renvoyés à un décret en Conseil d'État.

Les communes bénéficiant de la DSU et qui signeront un contrat de ville devront donc présenter deux rapports ; c'est pourquoi, à l'initiative de son rapporteur, notre collègue Claude Dilain, la commission des affaires économiques a prévu que dans ce cas, le « rapport DSU » serait inclus dans le rapport « Politique de la ville ».

Votre rapporteur se félicite de l'introduction de cette simplification.

L'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur de sa commission des affaires économiques, a introduit un b au 1° prévoyant que les éléments de ce rapport fassent l'objet d'une consultation préalable « du ou des conseils citoyens présents sur le territoire », qui est communiquée aux conseils municipal et communautaire.

S'agissant du 2° de l'article 8, pour reprendre les termes de l'étude d'impact, il crée « l'annexe « politique de la ville » aux budgets des établissements publics de coopération intercommunale et des communes concernées par les contrats de ville » afin de permettre « le suivi des dépenses spécifiques et de droit commun des collectivités en faveur des quartiers de la politique de la ville ».

Cette annexe aurait vocation à retracer les recettes et les dépenses correspondant aux engagements pris dans le cadre des contrats de ville, quelle que soit leur origine (départementale, régionale, ou de toute autre partie au contrat). Elle devrait distinguer « les moyens qui relèvent de la politique de la ville de ceux qui relèvent du droit commun ».

Cependant, la rédaction du dispositif pourrait laisser penser qu'il ne s'agit pas d'une simple annexe au budget, mais bien d'un véritable budget annexe, comme l'a indiqué à votre rapporteur la direction générale des collectivités locales (DGCL). Votre commission des finances vous propose donc un amendement de précision , afin de s'assurer que ladite annexe ne sera pas un budget annexe.

Il convient également de préciser que deux conventions-cadres signées en 2013 par le ministre délégué à la ville avec respectivement l'association des régions de France (ARF) et l'assemblée des départements de France (ADF) prévoient notamment que les régions et les départements doivent s'engager dans les contrats de ville, territorialiser leurs politiques et flécher 10 % des fonds européens dont la gestion leur est confiée sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Votre rapporteur espère que les crédits de droit commun pourront réellement être davantage mobilisés au service de la politique de la ville et que l'évaluation qui en est faite sera, effectivement, prochainement améliorée .

II. UNE NOUVELLE GÉOGRAPHIE PRIORITAIRE RECENTRÉE (ARTICLE 4)

A. LES QUARTIERS PRIORITAIRES : POUR UNE ACTION PLUS CIBLÉE

La politique de la ville déployée depuis environ une décennie a abouti à un enchevêtrement de zones d'intervention et de dispositifs susceptibles de rendre souvent difficilement lisibles et efficaces les actions menées.

Ainsi, tout d'abord, les zones urbaines sensibles (ZUS), les zones de redynamisation urbaines (ZRU) et les zones franches urbaines (ZFU) ont été créées par l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et sont identifiées comme les quartiers les plus en difficulté 11 ( * ) .

Chacune de ces zones est, en particulier, associée à un régime spécifique, en raison notamment du bénéfice de dispositifs fiscaux favorables, d'exonérations sociales et de divers autres avantages.

Selon l'étude d'impact, le territoire national compte 751 ZUS représentant 4,4 millions d'habitants, 416 ZRU pour 2,9 millions d'habitants et 100 ZFU avec 1,3 million d'habitants.

À ces zones s'ajoutent ensuite les quartiers ciblés par des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS), mis en place à compter de 2007 en lieu et place des précédents contrats de ville et dans le cadre desquels sont déployés les crédits spécifiques de la politique de la ville. S'ils se superposent largement aux ZUS, puisque 741 d'entre elles sont présentes sur les territoires concernés, ils sont bien plus nombreux puisqu'ils concernent 2 492 quartiers qui représentaient 8,3 millions d'habitants en 2006 et dont 70 % ne sont pas classés en zone urbaine sensible 12 ( * ) .

Enfin, il convient d'y ajouter les « quartiers ANRU », qui correspondent aux quartiers retenus pour bénéficier des actions menées dans le cadre du programme national de rénovation urbaine (PNRU). S'ils sont, en principe, définis au sein des ZUS, l'article 6 de la loi précitée du 1 er août 2003 permet également d'inclure, à titre exceptionnel, des quartiers qui, sans figurer parmi les ZUS, présentent des « caractéristiques économiques et sociales analogues », après avis conforme du maire de la commune ou du président de l'EPCI compétent et accord du ministre chargé de la ville et du ministre chargé du logement.

Cette multiplication des zonages a fait l'objet de nombreuses critiques, principalement concernant leur manque de lisibilité, susceptible d'entraver leur efficacité, l'hétérogénéité des quartiers retenus ainsi que l'absence d'actualisation des listes établies lors de leur mise en place .

Comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi, « l'amélioration tout à la fois de la lisibilité, de la cohérence et de l'efficacité des actions déployées dans le cadre de la politique de la ville imposait un recentrage sur une géographie prioritaire unique , au profit de laquelle sont concentrés et articulés l'ensemble des moyens d'intervention à travers la mise en place d'un cadre contractuel rénové ».

L'article 4 du projet de loi prévoit ainsi de définir de nouveaux « quartiers prioritaires de la politique de la ville » qui auraient vocation à se substituer à la fois aux ZUS, aux ZRU et aux quartiers concernés par les CUCS (situés hors-ZUS).

Votre commission se félicite de cette nouvelle géographie prioritaire qui devrait améliorer la cohérence et l'efficacité des politiques publiques menées sur ces quartiers et leurs habitants .

Pour déterminer ces nouveaux quartiers de la politique de la ville, situés en territoire urbain, l'article 4 propose de retenir, outre un nombre minimal d'habitants, un critère unique, à savoir leur « écart de développement économique et social », apprécié au regard du revenu des habitants par rapport, non seulement au territoire national, mais également à l'unité urbaine dans laquelle ils se situent.

Un décret en Conseil d'État devrait définir les modalités concrètes d'identification de ces quartiers prioritaires, lesquels feront ensuite, eux-mêmes, l'objet d'une liste arrêtée par décret et actualisée .

François Lamy, ministre délégué chargé de la ville, a indiqué, lors de son audition devant la commission des affaires économiques, que la liste des quartiers prioritaires serait ainsi publiée avant l'été 2014.

Toutefois, l'étude d'impact du projet de loi et les informations fournies par le Gouvernement ont permis de savoir que l'identification de ces quartiers serait effectuée selon la méthode du « carroyage », élaborée par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et tendant à découper le territoire en carreaux de 200 mètres de côté en y introduisant le revenu des habitants pour définir les quartiers prioritaires. Bien entendu, un échange avec les organes déconcentrés de l'État devra s'engager, lesquels contribueront, « en lien étroit avec les élus locaux, [...] à transformer ces zones statistiques en territoires cohérents ».

Ainsi, selon la présentation de la méthodologie de la géographie prioritaire du ministère délégué à la ville, « sont identifiées comme populations à bas revenus les populations ayant des ressources inférieures à 60 % du revenu fiscal médian de référence.

« Au niveau national, ce revenu fiscal médian est de 18 750 euros annuels. Le seuil de bas revenus est de 11 250 euros.

« Afin de prendre en compte les spécificités de chaque territoire, les fractures territoriales et les formes de ségrégation sociale locales, le revenu fiscal médian national sera pondéré par le revenu fiscal médian de l'agglomération.

« [...]

« La cartographie des bas revenus correspond ainsi aux carreaux ou amas de carreaux qui accueillent une majorité de personnes à bas revenus. »

Toujours lors de son audition devant la commission des affaires économiques, François Lamy, ministre délégué, chargé de la ville, a précisé que ce critère était « totalement objectif et ne [permettait] pas de déplacer le curseur en fonction des humeurs : il couvre 80 % à 85 % des ZUS de 1996 et fait émerger des quartiers qui n'avaient pas été détectés auparavant. Les villes qui pourraient sortir du dispositif s'inquiètent, mais une centaine de villes moyennes et des territoires ruraux, dont les difficultés sociales sont proches de celles des banlieues, vont bénéficier du nouveau dispositif ».

Les territoires d'outre-mer feront l'objet d'une méthode d'identification différente tenant compte de leurs particularités et difficultés spécifiques.

Environ 1 300 quartiers prioritaires seraient ainsi définis, en remplacement des 2 492 quartiers CUCS, 751 ZUS et 416 ZRU. Il est à noter que les 100 ZFU ont, en tout état de cause, vocation à disparaître puisque le dispositif n'est, pour le moment, maintenu que jusqu'au 31 décembre 2014 13 ( * ) .

Ce critère unique semble effectivement pertinent dans la mesure où il apparaît, selon les études menées, étroitement lié aux autres indicateurs de déficit de développement économique et social d'un quartier.

Votre rapporteur se félicite, par ailleurs, de l'actualisation prévue de la liste des quartiers prioritaires tous les six ans. Elle permettra ainsi de s'assurer que la politique de la ville intervient bien là où les réalités sociales et urbaines le justifient. Pour rappel, la liste des ZUS n'a jamais été actualisée depuis leur création.

Il est à noter qu'initialement, le projet de loi prévoyait que cette actualisation serait effectuée dans l'année précédant le renouvellement des conseils municipaux, alors que la commission des affaires économiques du Sénat propose de retenir l'année de renouvellement des conseils municipaux afin de tenir compte de la date d'entrée en vigueur du présent projet de loi.

En outre, cette actualisation aurait bien lieu tous les six ans, à l'exception des territoires d'outre-mer où elle pourrait avoir lieu tous les trois ans « si la rapidité des évolutions observées le justifie ».

B. L'IMPACT FINANCIER DES CHANGEMENTS DE ZONAGE

Les conséquences de ce changement de zonage sont diverses .

Tout d'abord, les crédits spécifiques d'intervention de la politique de la ville , prévus au programme 147 de la mission « Égalité des territoires, logement et ville » seront désormais concentrés sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville. La rationalisation de la géographie prioritaire vise à assurer une plus grande efficacité de ces enveloppes jusqu'à présent répartis au sein des 2 492 « quartiers CUCS ».

Selon les informations fournies par le ministère délégué à la ville, « l e critère et la méthode retenus pour la définition de la future géographie prioritaire, et par voie de conséquence la situation sociale des quartiers, définissent par eux-mêmes les futurs quartiers, ceux qui en sortent et par là même, les crédits qui pourront être redéployés. » La réforme ne viserait pas à diminuer le budget alloué à la politique de la ville par une réduction du nombre de quartiers concernés.

Ensuite, il est procédé à une évaluation (coûts et impact au regard des objectifs assignés) de l'ensemble des avantages attachés à chaque zone actuellement existante, afin d'en déterminer le maintien ou non dans le cadre de la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville.

Comme l'indique l'étude d'impact, l'essentiel des avantages liés aux ZUS devraient être transférés vers les nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville , à l'exception de l'abattement de 30 % sur la valeur locative des locaux affectés à l'habitation issus de la transformation de locaux dont l'efficacité n'a pas été prouvée (article 1518 A ter du code général des impôts abrogé au 4° de l'article 17 du présent projet de loi).

S'agissant de l'abattement de 30 % applicable sur la taxe foncière des propriétés bâties pour les logements sociaux construits en zone urbaine sensible (ZUS), il a été prolongé d'un an jusqu'au 31 décembre 2014 dans l'attente de la mise en oeuvre de la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville par l'article 83 de la loi de finances pour 2014 14 ( * ) . Pour les années suivantes, le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que son maintien et ses modalités d'application seraient déterminés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015. Le dispositif devrait faire l'objet d'une remise à plat complète sur la base, notamment, de la dépense prévisionnelle à l'échelle des nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville et du nombre de logements sociaux présents dans leur périmètre. Le chiffre précis ne devrait être connu que lors de la fixation par décret du périmètre des quartiers prioritaires.

En tout état de cause, le périmètre des dépenses fiscales actuellement liées à ces différentes zones (ZUS, ZFU) ne sera pas modifié en cours d'année . Selon les informations fournies par le Gouvernement, le décret en Conseil d'État fixant les modalités de mise en oeuvre de la nouvelle géographie prioritaire (article 4) ne fixera pas de date d'entrée en vigueur antérieure au 1 er janvier 2015 pour ces mesures fiscales 15 ( * ) .

Le dispositif des ZFU et les avantages qui lui sont liés ont été prolongés jusqu'au 31 décembre 2014 par l'article 157 de la loi de finances pour 2012 16 ( * ) . Aussi, sauf disposition législative nouvelle, ces zones avaient vocation à disparaître à compter de 2015 .

Toutefois, le Premier ministre a saisi le Conseil économique, social et environnemental afin d' évaluer la pertinence de la suppression des dispositions fiscales liées aux ZFU et, le cas échéant, les modalités de leur éventuel maintien. L'étude d'impact précise que l'expertise sur l'efficacité de ces avantages doit « permettre d'engager une réflexion plus globale sur les instruments pertinents d'une politique territoriale d'aide à la création d'entreprises et de développement économique pour les quartiers prioritaires ».

S'agissant, enfin, des ZRU, la plupart des avantages (dépenses fiscales et exonérations sociales) ont déjà été abrogés . Le projet de loi propose de supprimer ceux qui perduraient. Ainsi en est-il de la réduction des droits de mutation pour les acquisitions de fonds de commerce et de clientèle (article 722 bis du code général des impôts modifié à cet effet par l'article 12 du présent projet de loi) et de l'exonération de charges sociales (article 131-4-2 du code de la sécurité sociale modifié par l'article 11 du présent projet de loi).

Comme l'indique l'étude d'impact du projet de loi, ces dispositions « amenées à ne plus faire naître de nouveaux droits à compter de la suppression du zonage auxquels ils sont attachés » , comme les précédents avantages ayant déjà été supprimés, « continueront à présenter un impact budgétaire en raison des droits ouverts avant l'entrée en vigueur de la loi ».

Par ailleurs, il convient de souligner que les mécanismes de péréquation « horizontale » et « verticale » entre les collectivités ne tiennent pas compte de la géographie prioritaire de la politique de la ville.

Seule la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) fait intervenir dans sa répartition - mais pas dans ses critères d'éligibilité - les zonages de la politique de la ville (ZFU et ZUS) .

En effet, selon les articles L. 2334-16 à L. 2334-18 du CGCT, l'éligibilité à cette dotation des communes (que leur population soit de 10 000 habitants ou compris entre 5 000 et 9 999 habitants) est fonction d'un indice synthétique prenant en compte :

- le potentiel financier par habitant ;

- la proportion de logements sociaux dans le total des logements de la commune ;

- la proportion du total des bénéficiaires d'aides au logement ;

- le revenu moyen par habitant.

Aussi, la géographie prioritaire de la politique de la ville n'intervient aucunement dans l'éligibilité des communes à la DSU.

En ce qui concerne sa répartition, il convient de distinguer le cas des communes nouvellement éligibles à la DSU.

En effet, depuis 2009 17 ( * ) , un système de répartition « à trois étages » a été instauré :

- les communes éligibles perçoivent une attribution au moins égale à celle de l'année précédente ;

- les communes (classées en fonction de l'indice synthétique précité) dans la première moitié bénéficient d'une dotation majorée du taux prévisionnel d'inflation ;

- les 250 premières communes de la catégorie des communes de plus de 10 000 habitants et les 30 premières communes de celle des communes de 5 000 à 9 999 habitants bénéficient de la DSU dite « cible ».

Aussi, pour les communes actuellement éligibles à la DSU, la géographie prioritaire de la politique de la ville n'intervient ni dans les conditions d'éligibilité, ni dans l'indice synthétique utilisé pour le calcul individuel des montants de DSU attribués . Par conséquent, « une commune qui serait appelée à sortir de la politique de la ville demain, ne perdrait pas en l'état le bénéfice de cette dotation 18 ( * ) ».

En revanche, la géographie prioritaire de la politique de la ville est prise en compte dans le calcul « initial » du montant de DSU dont bénéficient les communes nouvellement éligibles : selon l'article L. 2334-18-2 du CGCT, le montant « initial » de la dotation est défini en fonction de l'indice synthétique précité, de la population, de l'effort fiscal et de la proportion de population en ZUS et en ZFU .

Toutefois, il convient de souligner que l'absence de ZUS ou de ZFU n'empêche pas une commune de bénéficier de la DSU 19 ( * ) , mais le montant de DSU dont elle bénéficie est plus faible que si elle était concernée par la géographie prioritaire de la politique de la ville.

Les changements de zonage de la politique de la ville auront donc des conséquences sur les seules communes nouvellement éligibles à la DSU (en 2013, 20 communes ont bénéficié de la DSU pour la première fois). Selon les informations fournies à votre rapporteur, « il conviendra à l'occasion du projet de loi de finances pour 2015 de préciser le changement de zonage référent dans le calcul de ces entrants ».

Sans remettre en cause les montants de DSU versés aux communes actuellement éligibles, il conviendra de permettre aux communes ayant un « nouveau » quartier prioritaire de bénéficier de dispositions similaires à celles existant actuellement pour les ZUS et les ZFU.

S'agissant des territoires sortant de la géographie prioritaire de la politique de la ville, certains avantages liés au zonage précédent sont maintenus dès lors qu'ils sont effectifs au 31 décembre 2014.

Ainsi en est-il aux 2° et 3° de l'article 10 du présent projet de loi qui préservent les dispositifs applicables, notamment, aux locataires actuellement dans des ZUS et bénéficiant, lors du déploiement du nouveau zonage :

- d'une exonération de surloyer ;

- d'un possible maintien dans les lieux en cas de sous-occupation ou de ressources supérieures au plafond autorisé ou de reconduction de baux à titre dérogatoire.

En outre, un nouvel article 9 bis a été inséré par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement, tendant à prévoir un dispositif de « veille active » pour les quartiers qui relevaient d'un zonage de la politique de la ville au 31 décembre 2014 mais qui ne présentent pas les caractéristiques d'un quartier prioritaire de la politique de la ville.

Ce dispositif, applicable à compter du 1 er janvier 2015, est mis en place entre l'État et les collectivités territoriales. Les quartiers concernés par cette veille active peuvent faire l'objet d'un contrat de ville qui « définit les moyens mobilisés dans le cadre des politiques de droit commun de l'État et des collectivités territoriales afin de conforter [leur] situation ». Ils ne pourront, en revanche, plus disposer des crédits spécifiques de la politique de la ville.

Votre rapporteur se félicite de cette mesure qui a pour but de faciliter une transition vers le droit commun des quartiers qui quittent le zonage de la politique de la ville.

PREMIÈRE PARTIE
UN NOUVEAU SOUFFLE POUR LA POLITIQUE DE LA VILLE

- 25 -

Synthèse des avantages liés aux ZUS, ZFU et ZRU et modalités de traitement dans le cadre du changement de zonage

Avantage

Zonage

Bénéficiaire

Nature

Texte

Modalités de traitement envisagées

Transfert QPV

Modalités de maintien dans les territoires sortants

Observations

Exonération de surloyer

ZUS

Locataires parc social

Législative

Art. L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation

PJL Ville

Oui

Maintien au profit des locataires bénéficiaires de l'avantage au 31/12/2014

Possibilité de maintien dans les lieux en cas de sous-occupation

ZUS

Locataires parc social

Législative

Art. L. 442-3-1 du code de la construction et de l'habitation

PJL Ville

Oui

Maintien au profit des locataires bénéficiaires de l'avantage au 31/12/2014

Possibilité de maintien dans les lieux en cas de ressources supérieures au plafond autorisé

ZUS

Locataires parc social

Législative

Art. L. 482-1 du code de la construction et de l'habitation

PJL Ville

Oui

Maintien au profit des locataires bénéficiaires de l'avantage au 31/12/2014

Reconduction de bail

ZUS

Locataires parc social

Législative

Art. L. 442-3-3 du code de la construction et de l'habitation

PJL Ville

Oui

Maintien au profit des locataires bénéficiaires de l'avantage au 31/12/2014

Abattement sur la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB)

ZUS

Bailleurs

Législative

Art. 1388 bis du code général des impôts

PJL Ville / PLF

Oui

Aucune

Le PJL ville prévoit que l'abattement TFPB, s'il est reconduit, s'appliquera à compter de 2015 dans les QPV. Il n'est à ce stade, tel que prévu dans le PLF 2014, reconduit que jusqu'au 31/12/2014*. Une nouvelle prolongation au-delà de cette date sera, le cas échéant prévue dans le cadre du PLF 2015

Implantation de nouvelles pharmacies

ZUS

Pharmacies

Législative

Art. L.5125-11 du code de la santé publique

PJL Ville

Oui

Aucune

Aucun impact pour les pharmacies déjà implantées

Allocation d'une bourse au profit des étudiants en médecine en contrepartie d'un exercice ultérieur en territoire prioritaire

ZUS

Etudiants

Législative

Art. L.632-6 du code de l'éducation

PJL Ville

Oui

Aucune

La perception de la bourse dans le cadre d'un contrat d'engagement de service public est subordonnée à un exercice ultérieur, sur une durée équivalente, dans un quartier figurant sur une liste prenant notamment en compte les ZUS, mais sans caractère systématique ou exclusif.

Exonération des obligations liées à l'accueil des gens du voyage

ZUS

Communes

Législative

Art. 15 de la loi du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine

PJL Ville

Oui

Aucune

Le déploiement de la nouvelle géographie prioritaire et la sortie de certains territoires pourront être pris en compte lors de l'actualisation du schéma départemental d'accueil des gens du voyage

QPV : quartiers prioritaires de la politique de la ville

* depuis l'élaboration de ce tableau, l'article 83 de la loi de finances pour 2014 a bien reconduit le dispositif d'abattement jusqu'au 31.12.2014

Avantage

Zonage

Bénéficiaire

Nature

Texte

Modalités de traitement envisagées

Transfert QPV

Modalités de maintien dans les territoires sortants

- 26 -

PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION POUR LA VILLE ET LA COHÉSION URBAINE

Observations

Abattement de 30% sur la valeur locative des locaux affectés à l'habitation issus de la transformation de locaux

ZUS

Locataires du parc social

Législative

Art 1518 A ter du code général des impôts

PJL Ville

Non

Aucune

Suppression de l'avantage

Surclassement

ZUS

Communes comprenant une ZUS

Législative

Art. 88 de la loi du 26 janvier 1984

PJL Ville

Oui

A déterminer

La possibilité de solliciter un surclassement sera ouverte, à compter du déploiement de la nouvelle géographie prioritaire, aux communes comprenant un ou plusieurs QPV. Les avantages attachés à ce surclassement, notamment en termes de possibilités de recrutements, sont en revanche de nature réglementaire. Les modalités de maintien de ces avantages au bénéfice des territoires sortants seront par conséquent traitées, le cas échéant dans le cadre de décrets d'application

NBI accordée aux agents de la fonction publique de l'Etat

ZUS

Fonctionnaires de la FPE

Réglementaire

Décrets et arrêtés interministériels

Décret

A déterminer

A déterminer

Avantage spécifique d'ancienneté

ZUS

Fonctionnaires de la FPE

Réglementaire

Décret n° 95-313 du 21 mars 1995 + arrêtés

Décret

A déterminer

A déterminer

Droit de mutation prioritaire

ZUS

Fonctionnaires de la FPE

Réglementaire

Décret n° 95-313 du 21 mars 1995

Décret

A déterminer

A déterminer

NBI accordée aux agents de la fonction publique territoriale

ZUS

Fonctionnaires de la FPT

Réglementaire

Décret n° 2006-780 du 3 juillet 2006

Décret

A déterminer

A déterminer

Régime indemnitaire accordé aux agents contractuels de droit public de pôle emploi

ZUS

Agents contractuels de droit public de pôle emploi

Réglementaire

Décret n° 2004-386 du 28 avril 2004

Décret

A déterminer

A déterminer

Dérogation aux conditions de ressources dans les grands ensembles d'habitation

ZUS

Locataires

Réglementaire

Art R441-1-1 du code de la construction et de l'habitation

Décret

A déterminer

A déterminer

La disposition réglementaire encadrant cet avantage précise que sa mise en oeuvre est laissée à l'appréciation du préfet qui peut fixer par arrêté des règles dérogeant localement et temporairement aux conditions de ressources dans les quartiers prioritaires. Ces quartiers prioritaires sont ceux visés à l'article 1466A du CGI qui, tel que prévu dans le PJL ville, vise à compter de 2015 les QPV.

Majoration des plafonds de ressources

ZUS

Locataires

Réglementaire

Art. R 441-1-2 du code de la construction et de l'habitation

Décret

A déterminer

A déterminer

Cette majoration est prévue, le cas échéant dans les conventions de délégation de compétence entre l'Etat et les EPCI disposant d'un PLH

Avantage

Zonage

Bénéficiaire

Nature

Texte

Modalités de traitement envisagées

Transfert QPV

Modalités de maintien dans les territoires sortants

Observations

Majoration du taux de subvention du FISAC

ZUS

Commerce de proximité

Réglementaire

Décret du 30 décembre 2008 pris pour l'application de certaines dispositions de l'article L.750-1-1 du code du commerce

Décret

Refonte en cours des critères d'éligibilité et et des modalités de mise en oeuvre de ce dispositif

Subvention attachée à une opération déterminée

PREMIÈRE PARTIE
UN NOUVEAU SOUFFLE POUR LA POLITIQUE DE LA VILLE

- 27 -

Pas de caractère d'automaticité

Cumul emploi retraite

ZUS

Assurés percevant une pension de retraite

Réglementaire

Art. D.634-11-2 du code de la sécurité sociale

Décret

A déterminer

A déterminer

Réduction des droits de mutation pour les acquisitions de fonds de commerce et de clientèle

ZFU

Acquéreurs

Législative

Art. 722 bis du code général des impôts

PLF 2015 si reconduction au delà du 31 décembre 2014

A déterminer

A déterminer

Attente rapport CESE

Exonération de la cotisation économique territoriale

ZFU

Entreprises

Législative

Art. 1466 A du code général des impôts

PLF 2015 si reconduction au delà du 31 décembre 2014

A déterminer

A déterminer

Attente rapport CESE

Exonération d'impôts sur les bénéfices

ZFU

Entreprises et associations

Législative

Art 44 octies du code général des impôts

PLF 2015 si reconduction au delà du 31 décembre 2014

A déterminer

A déterminer

Attente rapport CESE

Exonérations sociales

ZFU

Entreprises et associations

Législative

Article 157 de la loi de finances pour 2012

PLF 2015 si reconduction au delà du 31 décembre 2014

A déterminer

A déterminer

Attente rapport CESE

Réduction des droits de mutation pour les acquisitions de fonds de commerce et de clientèle

ZRU

Acquéreurs

Législative

Art. 722 bis du code général des impôts

PJL Ville

Non

Non

Extinction des droits au moment de la suppression du zonage ZRU

Exonération de charges sociales

ZRU

Entreprises

Législative

Art. 131-4-2 du code de la sécurité sociale

PJL Ville

Non

Non

Extinction des droits au moment de la suppression du zonage ZRU

TVA à taux réduit

Quartiers en convention ANRU

Accédants à la propriété neuve

Législative

Art. 278 sexies du code général des impôts

PLF 2015 pour application, le cas échéant, aux quartiers concernés par le NPNRU

A déterminer

A déterminer

Dégrèvement à la taxe d'habitation pour les ménages relogés des opérations RU

Quartiers en convention ANRU

Ménages relogés dans le cadre des opérations ANRU

Législative

Art. 1414 du code général des impôts

PLF 2015 pour application, le cas échéant, aux quartiers concernés par le NPNRU

A déterminer

A déterminer

CESE : Conseil économique, social et environnemental

Source : ministère délégué à la ville

III. DE NOUVEAUX CONTRATS DE VILLE À L'ÉCHELLE INTERCOMMUNALE (ARTICLE 5)

L'article 5 du projet de loi tend à prévoir que la politique de la ville est mise en oeuvre dans le cadre de contrats de ville conclus à l'échelle intercommunale entre, d'une part, l'Etat et ses établissements publics et, d'autre part, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés.

Ces nouveaux contrats de ville ont vocation à remplacer les actuels contrats urbains de cohésion sociale (CUCS), mis en oeuvre depuis 2007. Pour rappel, 2 492 quartiers sont couverts par ces CUCS, dans lesquels vivaient 8,3 millions d'habitants en 2006.

Votre commission se félicite du choix de l'échelle intercommunale pour la conclusion et le pilotage de ces contrats de ville (cf. infra). Elle considère, en effet, qu'il s'agit du périmètre idoine pour une action coordonnée et efficace permettant également une solidarité entre les territoires. Bien entendu, le maire doit, en revanche, rester chargé de la mise en oeuvre concrète de la politique de la ville dans sa commune.

Connaissant la « même temporalité que les mandats municipaux » selon l'exposé des motifs du projet de loi, ces contrats seront conclus dans l'année de renouvellement général des conseils municipaux , pour une entrée en vigueur au 1 er janvier de l'année suivante et une durée de six ans.

Comme cela a déjà été indiqué, les contrats de ville pourront, par ailleurs, être signés par d'autres acteurs de la politique de la ville, compte tenu des moyens qu'ils déploient auprès des quartiers concernés. Ainsi en est-il notamment des régions, des départements, de la Caisse des dépots et consignations, des bailleurs sociaux, des organismes de protection sociale, des chambres consulaires et des autorités organisatrices de transport, expressément cités dans le texte proposé. Interrogé sur ce point par votre rapporteur, le ministère cite également parmi les possibles signataires le Procureur de la République, le Recteur d'académie, l'Agence régionale de la santé, Pôle emploi et la Caisse d'allocations familiales.

Les signataires des contrats de ville s'engagent ensuite à mener les actions de droit commun qui, dans le cadre de leurs compétences, concourent à la mise en oeuvre de la politique de la ville.

Les contrats de ville constituent ainsi le cadre principal de la mise en oeuvre de la politique de la ville , où figurent l'ensemble des moyens susceptibles d'être déployés ainsi que l'évaluation qui devra en être faite. Le IV de l'article 5 fixe le contenu de ces contrats dès lors qu'ils sont élaborés sur des territoires comprenant un ou plusieurs quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Cette démarche contractuelle concernera tant les crédits de droit commun que les crédits spécifiques de la politique de la ville dédiés à la fois à la cohésion sociale ou au développement urbain . Cette inclusion des crédits de droit commun est une novation par rapport aux CUCS. Une expérimentation est, toutefois, menée depuis 2011 sur 33 sites, par le biais d'avenants aux CUCS, afin de tester des solutions permettant de mobiliser plus efficacement les moyens de droit commun dans le cadre de la politique de la ville 20 ( * ) .

Les nouveaux contrats de ville fixeront les objectifs et le cadre pour la passation des conventions pluriannuelles conclues entre l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), les collectivités territoriales, les EPCI compétents et les organismes destinataires des subventions versées dans le cadre de la réalisation du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).

En outre, les contrats de ville mobiliseront les fonds européens structurels et d'investissement . Selon l'étude d'impact, « le fonds social européen (FSE) a, pour la période 2007-2013, contribué au développement des quartiers prioritaires à hauteur de 90 millions d'euros, soit 2 % de l'enveloppe nationale, quand, sur la même période, la contribution du fonds européen de développement régional (FEDER) s'est élevée à 535 millions d'euros soit 7 % de l'enveloppe nationale ».

Comme cela a déjà été indiqué, la convention-cadre conclue entre le ministre délégué à la ville et l'ARF le 13 février 2013 a prévu que « les programmes opérationnels régionaux comprendront un axe urbain pluri-fonds (FEDER-FSE) ou une initiative territoriale intégrée (ITI), au titre du volet politique de la ville pour le développement urbain intégré » et que « le volet politique de la ville [de ces programmes] représentera au minimum 10 % de l'enveloppe globale des [programmes opérationnels] régionaux . L'objectif global de 10 % sera modulé en fonction de l'importance du fait urbain et des disparités socio-urbaines observées dans chacune des régions ».

De même, dans l'accord cadre du 11 octobre 2013, conclu entre le ministre délégué à la ville et l'ADF, les départements se sont notamment engagés à « consacrer, à l'échelle nationale, au minimum 10 % de l'enveloppe globale FSE « Inclusion sociale et lutte contre la pauvreté » qui sera déléguée en gestion aux conseils généraux pour la période 2014-2020, au bénéfice des quartiers prioritaires de la politique de la ville et de leurs habitants . » Cet engagement sera traduit « dans le contrat de ville de nouvelle génération, par leur élaboration, leur signature, leur mise en oeuvre et leur suivi ».

Il convient de préciser que ces nouveaux contrats de ville ont fait l'objet d'une expérimentation sur 12 sites préfigurateurs 21 ( * ) depuis juin 2013, qui devait s'achever à la fin de cette même année. Cette préfiguration visait notamment à déterminer au mieux les besoins d'accompagnement manifestés par les acteurs locaux.

À l'initiative du rapporteur de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, l'article 5 a été complété par un paragraphe (V) qui prévoit un « malus » pour tout établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre qui n'aurait pas signé de contrat de ville alors qu'il comprend un ou plusieurs quartiers prioritaires de la politique de la ville sur son territoire .

Cette mesure a été supprimée par la commission des affaires économiques du Sénat, à juste titre selon votre commission des finances 22 ( * ) .

Enfin, il convient de préciser que l'Assemblée nationale a également complété le chapitre II du projet de loi relatif aux nouveaux contrats de ville, pour prévoir :

- l'association des habitants, des représentants des associations et des acteurs économiques à l'élaboration, la mise en oeuvre et l'évaluation des contrats de ville (article 5 bis ). Initialement, l'article 5 du projet de loi prévoyait uniquement que l'élaboration des contrats de ville ferait l'objet d'une concertation avec les habitants et des représentants des associations et des entreprises. Selon le dispositif retenu par l'Assemblée nationale, sur proposition du Gouvernement, la mise en place d'un conseil de quartier, renommé « coordination citoyenne de quartier » par la commission des affaires économiques du Sénat, doit être prévue par le contrat de ville. Leurs représentants participeront notamment à toutes les instances de pilotage du contrat de ville ;

- la conclusion d'une convention intercommunale , annexée au contrat de ville, tendant à définir, selon la rédaction retenue par la commission des affaires économiques du Sénat, « les objectifs de mixité sociale et d'équilibre entre les territoires à l'échelle intercommunale à prendre en compte pour les attributions de logements sociaux », les modalités de relogement et d'accompagnement, social prévus lors de la mise en oeuvre des projets de renouvellement urbain, ainsi que de coopération entre les bailleurs sociaux et les titulaires de droit de réservation pour la mise en oeuvre de la convention (article 5 ter ) ;

- la remise d'un rapport , dans les six mois de la promulgation de la présente loi, sur la possible création d'une fondation tendant à mobiliser des financements au profit des quartiers prioritaires pour accompagner les actions et les projets présentés par les habitants de ces territoires « en faveur de la cohésion sociale et dans le respect des valeur de liberté, d'égalité, de fraternité et de laïcité » (article 5 quater ).

DEUXIÈME PARTIE - LA POURSUITE DE LA RÉNOVATION URBAINE

Dans le cadre de la programmation pour la ville et la cohésion urbaine, le projet de loi offre une place importante à la rénovation urbaine.

L'article 2, qui modifie et complète la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, prévoit ainsi à la fois la prolongation pour deux ans du programme national pour la rénovation urbaine (PNRU), initialement prévu jusqu'à fin 2013, et le lancement d'un nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) pour la période 2014-2024.

I. LA PROLONGATION DU PNRU ET LE LANCEMENT D'UN NOUVEAU PROGRAMME NATIONAL DE RENOUVELLEMENT URBAIN

A. UNE PROROGATION DE DEUX ANS DU PNRU

En vertu du 1° et 2° de l'article 2 du projet de loi, le terme des engagements du PNRU serait porté de 2013 à 2015. En effet, des crédits restent à engager puisqu'à la fin de l'année 2013, d'après les chiffres de l'ANRU et sous réserve de la clôture comptable de l'exercice, le niveau d'engagement du PNRU devrait s'élever à 85 % des crédits prévus dans les conventions et le taux de paiement à 55 %. Pour rappel, le PNRU disposait de 12 milliards d'euros.

Il convient de préciser que la totalité des crédits est, en revanche, déjà affectée dans le cadre des conventions pluriannuelles conclues dans le cadre du PNRU. L'exposé des motifs du projet de loi indique d'ailleurs que cette prolongation devrait permettre « de sécuriser l'intégrité des conventions pluriannuelles conclues entre l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et les porteurs de projets locaux ».

Le bénéficie du PNRU est maintenu pour les quartiers qui en bénéficient à ce jour, qu'ils relèvent ou non du zonage défini par la nouvelle géographie prioritaire au plus tard le 1 er janvier 2015.

En réponse au questionnaire budgétaire adressé par votre commission des finances en vue du projet de loi de finances pour 2014, le bilan suivant, au 30 juin 2013, a été transmis par le Gouvernement :

- 397 projets de rénovation urbaine ont fait l'objet de conventions signées ;

- ces projets concernent 490 zones urbaines sensibles (ZUS) ou zones assimilées au titre de l'article 6 de la loi précitée du 1 er août 2003 et 3,8 millions d'habitants ;

- ils correspondent à un montant estimé d'investissement de 45 milliards d'euros, dont 11,7 milliards d'euros de subventions de l'ANRU ;

- ils portent sur la reconstitution de 141 000 logements sociaux, la réhabilitation de 331 000 logements sociaux, la démolition de 148 000 logements sociaux, la résidentialisation de 354 000 logements ainsi que sur le financement d'aménagements, d'équipements, de requalification d'habitat privé dégradé en quartiers anciens, de changement d'usage et de l'ingénierie.

Selon les informations fournies par le Gouvernement, ces deux années supplémentaires (2014 et 2015) devraient permettre d'achever le PNRU, avec 1,82 milliard d'euros restant à engager à la fin de l'année 2013, soit environ 900 millions d'euros en 2014 et en 2015. Pour rappel, les crédits engagés se sont élevés à 1,16 milliard d'euros en 2011 et 993 millions d'euros en 2012 et les prévisions s'établissent aux alentours de 800 millions d'euros pour 2013.

À la fin de l'année 2015, les décaissements liés au PNRU s'établiraient, quant à eux, à 74 %.

B. UN NOUVEAU PROGRAMME NATIONAL DE RENOUVELLEMENT URBAIN POUR LA PÉRIODE 2014-2024

Le comité interministériel des villes du 19 février 2013 a pris acte de la réussite du PNRU, tout en mettant en évidence ses limites, en particulier s'agissant du fait qu'il n'avait pu couvrir tous les quartiers justifiant une intervention au titre de la rénovation urbaine.

En outre, le volet social et le volet économique de la politique de la ville étaient insuffisamment pris en compte, comme l'a mis en évidence le rapport de l'ONZUS remis au ministre délégué chargé de la ville en mars 2013.

Correspondant à la dimension urbaine de la politique de la ville, un nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) 23 ( * ) est donc lancé , par l'insertion d'un nouveau chapitre II bis au sein de la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

L' article 9-1 que le projet de loi propose d'insérer dans la loi précitée du 1 er août 2003 prévoit que le nouveau PNRU soit mis en oeuvre dans le cadre fixé par les contrats de ville et qu'il concoure à la réalisation des objectifs définis par l'article 1 er du présent projet de loi en termes de politique de la ville, « par des interventions en faveur de la requalification des quartiers prioritaires de la politique de la ville ».

La liste des quartiers bénéficiant « en priorité » de ce nouveau PNRU sera arrêtée par le ministre de la ville, sur proposition de l'ANRU. Ces quartiers devront présenter les « dysfonctionnements urbains les plus importants ». Selon les informations fournies par le Gouvernement, seront ainsi notamment pris en compte l'état de dégradation de l'habitat et sa diversité (logements sociaux et privés), les dessertes en termes de transports et l'enclavement potentiel des quartiers ainsi que l'offre d'équipements et de services.

Le fonctionnement urbain de la ville sera analysé par l'ANRU pour déterminer les quartiers ayant besoin de l'aide spécifique du PNRU. Cette étude devrait être menée une fois connue la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville, fixée par décret.

L'ANRU pourra, si nécessaire, également intervenir à proximité des quartiers prioritaires, comme cela lui est déjà permis dans le cadre du PNRU, et la construction des logements locatifs sociaux financés dans le cadre du NPNRU s'effectuera dans les « unités urbaines auxquelles appartiennent les quartiers concernés par ce programme . » Cette dernière disposition, insérée par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Franck Montaugé et plusieurs de ses collègues, permet d'étendre à l'ensemble de l'unité urbaine la construction de logements sociaux financée par le PNRU, afin d'assurer leur meilleure répartition et de favoriser ainsi la mixité sociale. Votre rapporteur s'en félicite.

Les opérations susceptibles d'être menées dans le cadre de ce nouveau programme sont identiques au précédent. Elles ont toutefois été enrichies pour prévoir :

- l'articulation du NPNRU avec les actions menées par d'autres acteurs dans le domaine de la prévention des copropriétés dégradées ainsi que sa participation au traitement des copropriétés dégradées et de l'habitat indigne ;

- sa contribution à l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments et à la transition écologique des quartiers concernés.

Lors de son examen en première lecture, la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a prévu, dans un nouveau III de l'article 9-1 enrichi par un amendement présenté par notre collègue député Razzi Hammadi et le groupe socialiste, républicain et citoyen en séance publique, l'association des habitants ainsi que des représentants des associations et des acteurs économiques à la définition, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des projets de renouvellement urbain, selon les modalités prévues dans les contrats de ville. Sur proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a également ajouté la mise en place d'une « maison du projet » pour chaque projet de renouvellement urbain, dans le cadre de laquelle serait permise la « coconstruction » dudit projet.

Le coût du nouveau programme est estimé à 20 milliards d'euros. Le nouvel article 9-2, tel qu'inséré dans la loi précitée du 1 er août 2003, prévoit un financement pour l'ANRU à hauteur de 5 milliards d'euros, de ce nouveau PNRU. Il sera assuré par les recettes affectées en vertu de l'article 12 de la même loi 24 ( * ) , complétées, en vertu du 6° du présent article 2 du projet de loi, par :

- les dividendes et autres produits des participations de l'agence 25 ( * ) ;

- les concours financiers de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) ;

- les contributions issues du fonds de péréquation mentionné à l'article L. 452-1-1 du code de la construction et de l'habitation.

Selon l'étude d'impact du projet de loi, la répartition de ces 5 milliards d'euros devrait être la suivante :

- 4 milliards d'euros pour les quartiers métropolitains présentant les plus forts enjeux ;

- 500 millions d'euros pour les quartiers ultramarins présentant les plus forts enjeux, y compris en appui des politiques de droit commun concourant à la résorption de l'habitat insalubre ou informel ;

- 500 millions d'euros pour mener des opérations de renouvellement urbain dans les autres quartiers prioritaires de la politique de la ville présentant des enjeux moindres.

Cette répartition est présentée comme indicative et devra être précisée « par l'évaluation plus fine des besoins locaux », une fois fixés les quartiers prioritaires de la politique de la ville et en « s'appuyant sur des échanges avec le niveau déconcentré ».

Le reste des financements devra être couvert par d'autres investisseurs tels que les bailleurs sociaux et les collectivités territoriales.

Le nouvel article 9-3 inséré par le projet de loi étend au NPNRU deux dispositions initialement prévues pour le PNRU respectivement aux articles 8 et 9 de la loi précitée du 1 er août 2003 :

- la participation de la Caisse des dépôts et consignations à son financement par l'octroi de prêts sur fonds d'épargne ainsi que par la mobilisation de ses fonds propres ;

- la dérogation selon laquelle, pour les investissement réalisés dans le cadre de ce programme, le coût des opérations restant à la charge des collectivités territoriales, de leurs EPCI ou de leurs syndicats mixtes, après déduction des aides publiques directes ou indirectes, puisse être, le cas échéant, inférieur à 20 % du montant total prévisionnel de la dépense subventionnée.

Le nouvel article 10-3 vise à confier à l'ANRU la mise en oeuvre du nouveau PNRU, dans des conditions quasiment identiquement à celles du premier PNRU. Il prévoit toutefois d'octroyer à l'ANRU une nouvelle faculté d'intervention en tant que co-investisseur ( II de l'article).

De même, l'Assemblée nationale a inséré un nouvel article 10-4 tendant à prévoir la possibilité pour l'ANRU d'entreprendre des « actions concourant à promouvoir l'expertise française à l'international en matière de renouvellement urbain ».

Ces deux nouvelles compétences de l'ANRU (co-investissement, expertise à l'international) font l'objet de développements spécifiques dans la suite du présent rapport.

L' article 11 de la loi du 1 er août 2003 est modifié pour que les modalités de gouvernance de l'ANRU tiennent également compte du nouveau PNRU.

Enfin, il convient de mentionner le fait que la commission des affaires économiques a inséré un nouvel article 14-1 au sein de la loi du 1 er août 2003, tendant à permettre au conseil d'administration de l'ANRU de fixer des règles spécifiques au renouvellement urbain pour la construction et la réhabilitation de logements. Cette possibilité resterait encadrée par le règlement général de l'agence qui fait l'objet d'un arrêté ministériel.

Ce nouvel article mentionne également le lien entre les aides de l'ANRU, les prêts de la Caisse des dépôts et consignations et le bénéfice de l'aide personnalisée au logement (APL).

II. UN FINANCEMENT TENDU

A. LES MODALITÉS DE FINANCEMENT PRÉVUES

Le financement de l'ANRU a pu, dans le cadre de la mise en oeuvre du PNRU, paraître fragile au cours des années, et conduire à la crainte d'une « bosse » des décaissements.

Parallèlement, l'Etat s'est considérablement désengagé jusqu'à aboutir à l'absence de crédits budgétaires alloués au financement de l'ANRU. Ses principales ressources sont, en effet, désormais issues d'Action logement et de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS).

Pour financer l'ANRU, tant s'agissant de l'achèvement du PNRU que pour le NPNRU prévu pour la période 2014-2024, l'étude d'impact du projet de loi prévoit les ressources suivantes, « sans que cela ne soit limitatif » :

- les affectations issues du fonds visé à l'article L. 452-1-1 du code de la construction et de l'habitation, alimenté par la cotisation additionnelle de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) et par la surtaxe sur les plus-values de cessions immobilières instituée par l'article 70 de la loi de finances rectificative pour 2012 26 ( * ) ;

- la dotation de 30 millions d'euros par an de la CGLLS. Instaurée par l'article 5 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, cette dotation était initialement prévue pour le PNRU à compter de 2008 et jusqu'à son achèvement. Toutefois, l'article 86 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 a prolongé cette dotation pour la période de mise en oeuvre du nouveau programme, soit jusqu'en 2024. Elle est désormais prévue à l'article L. 452-1 du code de la construction et de l'habitation ;

- la contribution de l'Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL). Comme indiqué plus haut, elle est désormais indiquée parmi les sources de financement de l'ANRU à l'article 12 de la loi précitée du 1 er août 2003.

Pour rappel, la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 a supprimé le prélèvement sur le potentiel financier des bailleurs instauré par l'article 210 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011. Afin de financer le fonds de péréquation de l'article L. 452-1-1 du code de la construction et de l'habitation, l'article 70 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 a remplacé les recettes issues de ce prélèvement par la surtaxe sur les plus-values immobilières supérieures à 50 000  euros prévue à l'article 1609 nonies G du code général des impôts.

Pour 2014, conformément au décret du 27 août 2013 modifiant le décret du 12 mars 2012 27 ( * ) , la contribution d'Action logement a été fixée à 900 millions d'euros, ce qui correspond à la lettre d'engagement mutuel signée le 12 novembre 2012 entre l'Etat et l'UESL-Action logement et qui fixait à 1,2 milliard d'euros par an sa contribution aux politiques publiques du logement sur la période 2013-2015. Celle-ci s'est finalement ainsi répartie :

- 2013 : 800 millions d'euros au titre de la rénovation urbaine et 400 millions d'euros pour le fonds national d'aide au logement (FNAL) 28 ( * ) ;

- 2014 : 900 millions d'euros pour la rénovation urbaine et 300 millions d'euros pour le FNAL ;

- 2015 : 1 050 millions d'euros pour la rénovation urbaine et 150 millions d'euros pour le FNAL.

Toutefois, ce montant d'1,05 milliard d'euros pour 2015 devra être confirmé. En effet, à compter de 2015, la voie conventionnelle devrait désormais être retenue, en vertu de l'article 57 du projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) actuellement en cours d'examen, en deuxième lecture, par le Parlement 29 ( * ) .

Comme l'indique l'étude d'impact du projet de loi, suite à la lettre d'engagement mutuel précitée du 12 novembre 2013 et au courrier adressé le 14 juin 2013 par le Premier ministre à Jean-Pierre Guillon, Président du conseil de surveillance d'Action logement, la contribution d'Action logement devrait se réduire à compter de 2016. Elle devrait ainsi atteindre un niveau stable d'environ 500 millions d'euros annuels, après une période de transition entre 2016 et 2018.

Ainsi, pour les années 2016, 2017 et 2018, les montants de la contribution d'Action logement devraient être respectivement fixés à 45 %, 35 % et 25 % de la collecte brute, tout en étant plafonnés à 900 millions d'euros, 700 millions d'euros et 500 millions d'euros.

Ces montants sont annoncés sans toutefois anticiper l'issue des négociations qui seront engagées entre l'Etat et Action logement lors de la signature de la convention fixant, à compter de 2015 et pour cinq ans, la contribution de la participation des employeurs à l'effort de construction. Votre rapporteur y reviendra d'ailleurs plus loin, en évoquant les possibles difficultés de financement de l'ANRU dans l'hypothèse d'une demande supplémentaire de participation d'Action logement au titre de la mise en oeuvre de la garantie universelle des loyers (GUL).

S'agissant du fonds de péréquation prévu à l'article L. 452-1-1 du code de la construction et de l'habitation, le montant de sa contribution à l'ANRU est arrêté par une commission qui décide chaque année de son affection.

B. LA SOUTENABILITÉ FINANCIÈRE POUR L'ANRU

S'agissant de la trésorerie de l'ANRU et de sa capacité à couvrir les décaissements attendus au cours des prochaines années, votre rapporteur a obtenu les informations suivantes du Gouvernement et de l'agence.

A la fin de l'année 2012 , la trésorerie de l'ANRU s'élevait à 472 millions d'euros .

Pour l'année 2013, les prévisions de dépenses, tous programmes compris 30 ( * ) , s'élèveraient à 1 045 millions d'euros pour des ressources de 1 003 millions d'euros. La trésorerie de l'ANRU devrait alors s'élever à 430 millions d'euros à la fin de l'année 2013 .

Pour 2014 , d'après l'état prévisionnel des recettes et des dépenses présenté au conseil d'administration de l'ANRU le 27 novembre 2013, les prévisions de paiement au titre du PNRU sont estimés à 1,1 milliard d'euros, qui correspondrait à une limite de capacité administrative des maîtres d'ouvrage, au regard des années passées. En effet, les hypothèses théoriques faisaient apparaître des paiements plutôt situés entre 1,17 et 1,3 milliard d'euros (hypothèses basse et haute, avec une hypothèse médiane d'1,24 milliard d'euros). Ce montant a également été retenu car il était cohérent au regard des capacités de trésorerie de l'agence, l'état de prévision des recettes et des dépenses de l'ANRU pour 2014 indiquant même la probable nécessité d'anticiper à novembre 2014 le quatrième versement d'Action logement.

Pour le financement de l'ensemble de ces programmes, l'ANRU devrait disposer de 930 millions d'euros, issus des contributions d'Action logement (900 millions d'euros) et de la CGLLS (30 millions d'euros), le reste correspondant à la contribution de l'Etat au titre du programme relatif aux collèges dégradés.

Sa trésorerie s'élèverait ainsi à 207 millions d'euros à la fin de l'année 2014.

Pour 2015, les prévisions de l'ANRU font état d'un besoin de financement de 1,152 milliard d'euros, dont 1,1 milliard d'euros au titre du PNRU.

Elle disposerait de recettes pour un montant d'1,082 milliard d'euros, ce qui conduirait à réduire la trésorerie de l'ANRU à environ 140 millions d'euros .

Il convient de noter que ces prévisions ne tiennent pas compte de l'éventuelle contribution du fonds de péréquation de l'article L. 452-1-1 du code de la construction et de l'habitation, dans la mesure où celle-ci est annualisée et qu'une quote-part n'est affectée à l'ANRU et aux aides à la pierre qu'en fonction des besoins constatés.

Même s'il semble que l'ANRU devrait pouvoir répondre à l'ensemble des paiements attendus jusqu'en 2015, votre rapporteur constate que sa trésorerie devrait, toutefois, être nettement entamée .

Pour les années suivantes et s'agissant de l'articulation des paiements dus au titre des deux programmes de rénovation, l'étude d'impact du projet de loi explique que les décaissements de l'ANRU devraient considérablement se réduire à compter de 2016 au titre des programmes dont elle a la charge et de ses frais de fonctionnement.

Les nouveaux projets de renouvellement urbain conclus dans le cadre du NPNRU ne devraient, quant à eux, engendrer de décaissements qu'à compter de 2015, et pour des sommes faibles par analogie avec le premier programme, compte tenu du temps nécessaire pour définir les opérations et procéder à leur lancement (notamment les études préparatoires et pré-opérationnelles). En outre, les contrats de ville, préalables nécessaires à la mise en oeuvre du nouveau programme, ne seront signés qu'au cours de l'année 2014, voire en 2015.

Des paiements plus substantiels devraient ensuite intervenir à compter de 2017, voire bien après, si on se réfère à la courbe prévisionnelle présentée dans l'étude d'impact 31 ( * ) . Selon cette dernière, « la compatibilité temporelle entre la décroissance des besoins en crédits de paiement du PNRU et la montée en charge du nouveau programme national de renouvellement urbain permet ainsi d'assurer la soutenabilité de ce dernier pour l'ANRU et ses financeurs ».

Lors de ses auditions, il a été indiqué à votre rapporteur que le NPNRU avait été calibré en tenant compte du financement espéré d'Action logement autour de 500 millions d'euros annuels et que, dans cette hypothèse, l'ANRU devrait être en mesure de couvrir les décaissements attendus.

Votre rapporteur prend acte de ces éléments. Il note qu'il semble indispensable que les négociations avec Action logement permettent de garantir une contribution proche de 500 millions d'euros annuels pour permettre d'assurer les décaissements attendus à compter de 2018. A défaut, d'autres modes de financement devront être trouvés.

Votre rapporteur espère que ces hypothèses se confirmeront et que le NPNRU ne connaîtra pas de difficultés de réalisation à cause de problèmes de financement. D'après les informations fournies par le Gouvernement, il lui semble qu'en tout état de cause, une contribution équivalente à celle actuellement perçue du fonds de péréquation (70 millions d'euros) devra également être envisagée au cours des années à venir pour couvrir les besoins de l'ANRU et lui assurer une situation financière suffisamment saine.

Compte tenu des éléments fournis à votre rapporteur, il faut envisager un tarissement de la trésorerie de l'ANRU à compter de 2016. Votre rapporteur insiste sur la nécessité de parvenir à un financement qui garantisse une trésorerie suffisamment importante pour ne pas retarder les opérations engagées.

Enfin, votre rapporteur souhaite appeler l'attention sur le fait que le financement de l'ANRU pour les années à venir pourrait également être dépendant de celui de la garantie universelle des loyers (GUL), que l'article 8 du projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), actuellement en cours d'examen en deuxième lecture par l'Assemblée nationale 32 ( * ) , tend à instaurer.

Par un amendement déposé sur ce texte par le Gouvernement et adopté par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale en deuxième lecture, le dispositif proposé a été précisé et encadré. Lors de son examen, Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, a indiqué qu'après une « lente montée en charge - en effet, il ne s'appliquera qu'au moment de la signature des nouveaux baux -, le dispositif devrait ainsi atteindre un coût de 400 millions d'euros en 2019 ».

La GUL devrait être financée par une contribution d'Action logement de 160 millions d'euros et, pour le reste, sur les crédits de l'Etat, sous le bénéfice de la réduction du poids des dépenses fiscales en faveur de l'investissement locatif (anciens dispositifs « Robien » et « Scellier »). En effet, le Gouvernement souhaite que le financement actuellement assuré par Action logement au titre de la garantie des risques locatifs (GRL) soit ainsi transféré à celui de la GUL. S'élevant actuellement à environ 80 millions d'euros d'après les chiffres fournis par l'UESL, cette contribution était prévue pour atteindre 160 millions d'euros en 2016. En contrepartie, il serait prévu que les représentants des salariés et des employeurs siègent au conseil d'administration de l'agence chargée de mettre en place et d'administrer cette garantie.

Dans le cadre des négociations avec Action logement, il importe d'affirmer la stricte étanchéité entre les montants consacrés au financement de l'ANRU et ceux qui contribueront à celui de la GUL.

En outre, même si cela semble être écarté pour le moment, il pourrait être craint qu'un « dérapage » du coût de la GUL, qui ne peut pas être exclu, ne conduise, à terme, à une demande de contribution complémentaire à Action logement, avec le risque qu'il en résulte une diminution de sa participation au financement de l'ANRU.

Aussi, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, votre commission considère que le financement de l'ANRU demeure très tendu et qu'il conviendra de rester très vigilant quant aux ressources octroyées, en particulier à compter de 2016.

III. DE NOUVELLES COMPÉTENCES POUR L'ANRU QUI APPELLENT À UNE NÉCESSAIRE VIGILANCE

A. LE CO-INVESTISSEMENT, PAR DES PRISES DE PARTICIPATION DANS DES SOCIÉTÉS CONCOURANT AU RENOUVELLEMENT URBAIN

Le 4° de l'article 2 du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine prévoit notamment l'insertion d'un nouvel article 10-3 à la loi précitée du 1 er août 2003 qui confère à l'ANRU la compétence pour la mise en oeuvre du nouveau programme national de renouvellement urbain et développe ses modalités d'intervention.

Ainsi, outre l'accord de concours financiers, l'ANRU serait désormais également habilitée « à créer ou à céder des filiales, à acquérir, à étendre ou à céder des participations dans des sociétés, groupements ou organismes intervenant exclusivement dans des domaines énumérés au troisième alinéa du I de l'article 9-1 et concourant au renouvellement urbain dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville » (II du nouvel article 10-3).

L'ANRU pourrait désormais intervenir en tant que co-investisseur par des prises de participations dans des sociétés exclusivement dédiées au renouvellement urbain des quartiers, en particulier, selon l'étude d'impact du projet de loi, des sociétés civiles immobilières foncières, des sociétés par actions simplifiées pour le portage immobilier ou encore des sociétés d'investissement régional « créées par la loi SRU 33 ( * ) ».

Cette nouvelle forme d'intervention serait conforme aux orientations du Comité interministériel des villes (CIV) du 19 février 2013, qui engageait notamment à « explorer les conditions de faisabilité du passage d'un modèle « tout subvention » à un modèle combinant subvention et co-investissement pour les objets dégageant des recettes et de potentiels retours sur investissement » . Pour autant, les subventions resteraient le mode principal d'intervention de l'ANRU.

Lors de son audition par votre rapporteur, Pierre Sallenave, directeur général de l'ANRU, a expliqué que l'implication de l'Agence permettrait ainsi de rassurer et d'inciter les autres investisseurs, notamment privés.

L'étude d'impact du projet de loi met également en évidence le manque d'investissements immobiliers pour des « objets à caractère économique » (création ou restructuration de centres commerciaux, portage de locaux d'activité ou de lots de copropriétés, construction de logements locatifs pour la diversification de l'habitat, construction d'équipements tels que des maisons de santé) pourtant « potentiellement rentables financièrement et recelant de forts enjeux pour l'avenir des territoires [...] du fait d'une carence d'opérateurs aguerris à ces objets, d'un retrait des investisseurs publics existants et/ou d'un sous-dimensionnement des opérateurs existants dotés de modèles économiques inadaptés » . Ainsi, les investisseurs privés ne se seraient que très peu engagés, faute de visibilité et de partenaires publics, selon un constat partagé dans le cadre de la mise en oeuvre du premier PNRU.

Tout prise de participation ou création de filiale serait soumise à autorisation préalable de l'autorité administrative, par « arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et, pour les organismes n'ayant pas la forme de société commerciale, du ministre chargé du budget, ainsi que du ou des ministres intéressés » 34 ( * ) .

Cette possibilité de co-investissement pour l'ANRU vise ainsi à développer l'activité économique et commerciale des quartiers, conformément aux objectifs fixés dans le cadre des contrats de ville et du nouveau PNRU.

Selon les informations fournies par le ministère délégué à la ville, cette nouvelle compétence de l'ANRU serait exercée dans le cadre du nouveau programme d'investissement d'avenir (PIA2) adopté dans la loi de finances pour 2014 n° 2013-1278 du 29 décembre 2013. Elle ne concernerait, en aucun cas, la dotation de 5 milliards d'euros allouée pour le financement du NPNRU, réservée aux subventions « classiques ».

Ainsi, l'action « Ville durable et solidaire, excellence environnementale du renouvellement urbain » du programme 414 « Ville et territoires durables » (mission « Ecologie, développement et mobilité durables ») confie à l'ANRU la gestion d'une enveloppe de 250 millions d'euros de fonds propres destinés à la « diversification des fonctions dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville » (axe 2 de l'action). Le choix de cet opérateur a été effectué compte tenu de sa connaissance de la dynamique des quartiers en politique de la ville et de son réseau territorial.

Selon le projet annuel de performances pour 2014 de la mission, l'ANRU devrait ainsi être un « co-investisseur avisé et principalement minoritaire ». En outre, les opérations financées devront « présenter une ambition forte en matière de performance énergétique et environnementale, ou une innovation singulière ».

Seuls des investissements à caractère économique dans les quartiers prioritaires seraient concernés, à l'instar de pépinières d'entreprises, de locaux d'activité et espaces commerciaux et de constructions d'équipements tels que des maisons de santé.

Votre commission considère que cette nouvelle compétence de l'ANRU devra être suivie avec vigilance dans son application . En effet, le coeur d'activité de l'agence doit demeurer la mise en oeuvre du PNRU et du nouveau PNRU .

Par ailleurs, il n'appartient pas à l'ANRU de supporter des risques économiques en tant qu'investisseur, ce qui ne devrait, toutefois, pas être le cas dans les faits puisque, dans le cadre de la mise en oeuvre du PIA2, elle n'aurait que la qualité de gestionnaire de fonds du Trésor, pour le compte de l'Etat .

Il convient également de rappeler que différents acteurs interviennent déjà en tant qu'investisseurs dans la rénovation urbaine , en particulier la Caisse des dépôts et consignations et l'Etablissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA). Si, d'après l'étude d'impact, il n'est pas « toujours aisé de les mobiliser dans des secteurs souffrant d'un déficit d'image, ni de les combiner de la manière la plus efficiente », il semblerait pertinent à votre commission de trouver les moyens d'y parvenir.

Enfin, selon les informations du Gouvernement, cette action du PIA devrait être menée en parfaite articulation avec la Caisse des dépôts et consignations, compte tenu de son expertise sur les projets d'investissement et de son analyse risque-investisseur.

B. DES INTERVENTIONS AU NIVEAU INTERNATIONAL POUR PROMOUVOIR L'EXPERTISE FRANÇAISE

Lors de son examen en première lecture, la commission des affaires économique de l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement , tendant à permettre à l'ANRU d'« entreprendre des actions concourant à promouvoir l'expertise française à l'international en matière de renouvellement urbain » dans un nouvel article 10-4 inséré au sein de la loi précitée du 1 er août 2003 . Il s'agirait ainsi de permettre à l'Agence de faire bénéficier d'autres Etats de son expérience et de son expertise acquises dans le cadre du PNRU. D'après le Gouvernement, elle serait d'ailleurs déjà sollicitée par de nombreux pays étrangers (Tunisie, Mexique, Algérie, Inde, Suisse et Roumanie).

Lors de l'examen du projet de loi par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, François Lamy, ministre délégué chargé de la ville, a d'ailleurs précisé qu'une convention avait déjà été signée la semaine précédente avec l'agence de rénovation urbaine tunisienne. Il a précisé que les opérations menées à cette occasion seraient financées par l'Agence française de développement (AFD).

Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur qu'il avait « identifié la "ville durable" comme un atout français qui [devait] être mieux valorisé à l'international. C'est un enjeu de rayonnement et d'influence, notamment dans la perspective de la conférence ONU Habitat III en 2016 ; c'est aussi bien sûr un enjeu commercial. »

L'objet social de l'ANRU étant actuellement strictement défini par la loi précitée du 1 er août 2003, il n'est pas possible de répondre à ces sollicitations, une seule dérogation ayant été autorisée pour la convention avec la Tunisie précédemment citée. Il est donc proposé d'étendre son champ d'intervention à des activités internationales. Le dispositif proposé précise que l'Agence serait habilitée à participer à l'élaboration et la mise en oeuvre d'accords de coopération internationale et à réaliser des prestations de services rémunérées, par exemple en termes d'offre d'ingénierie urbaine pour des projets urbains complexes.

L'ANRU ne pourrait en aucun cas participer au financement d'opérations à l'étranger, celui-ci relevant uniquement de l'AFD. En revanche, elle pourrait intervenir à toutes les étapes du renouvellement urbain, de la conception à la réalisation des opérations (ingénierie, conduite de projets...) et être rémunérée à cet effet.

Selon les informations fournies par le Gouvernement, la rétribution de l'ANRU pourrait s'effectuer dans des conditions proches de celles résultants des prestations qu'elle assure en Nouvelle-Calédonie, dans le cadre de la labellisation de projets de renouvellement urbain, sans qu'elle ne puisse accorder de subvention sur ce territoire. Le déplacement de ses personnels serait alors pris en charge par le pays demandeur ou, éventuellement, par l'AFD.

La position de votre commission est nuancée sur cette nouvelle compétence . Certes, l'objectif est louable et, apparemment, ce dispositif ne semble finalement que valider une pratique déjà acceptée, à titre dérogatoire. Pour autant, il semble que l'exercice de cette compétence conduira à engager des dépenses supplémentaires pour l'ANRU qui, une fois encore, doit conserver pour principale activité la bonne mise en oeuvre du PNRU et du NPNRU.

Votre commission estime que ce type d'action ne devra être décidée que ponctuellement, pour des opérations ciblées et mesurées.

TROISIÈME PARTIE - LA MISE EN oeUVRE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE AU NIVEAU LOCAL

I. LA SUBSTITUTION À LA DOTATION DE DÉVELOPPEMENT URBAIN D'UNE « DOTATION POLITIQUE DE LA VILLE » (ARTICLES 1ER BIS A, 17 ET 18)

A. LES CRITIQUES ET INSUFFISANCES DE LA DOTATION DE DÉVELOPPEMENT URBAIN (DDU)

En 1991 35 ( * ) , a été créée une dotation de péréquation interne à la dotation globale de fonctionnement visant à soutenir financièrement les communes urbaines les plus fragiles : la dotation de solidarité urbaine (DSU). Son objectif, aux termes de l'article L. 2334-15 du code général des collectivités territoriales (CGCT) est « de contribuer à l'amélioration des conditions de vie dans les communes urbaines confrontées à une insuffisance de leurs ressources et supportant des charges élevées ».

La dotation de développement urbain (DDU), créée par la loi de finances pour 2009 36 ( * ) a été conçue comme un complément à la DSU . En effet, la loi de programmation pour la cohésion sociale de 2005 37 ( * ) prévoyait que le montant de la DSU augmente chaque année, entre 2005 et 2009, de 120 millions d'euros - sous réserve que la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes et de leurs groupements augmente de plus de 500 millions d'euros par an. Or, en 2009, la DSU a augmenté de 70 millions d'euros (et non de 120 millions d'euros), mais a été complétée par la création de la DDU, dotée de 50 millions d'euros.

Tout en respectant l'objectif de 120 millions d'euros d'augmentation de la péréquation, la création de la DDU a permis de répondre, en partie, aux critiques liées au saupoudrage de la DSU.

La DDU vise à soutenir les communes de la politique de la ville dans la réalisation de projets et ainsi à prendre en compte les charges supplémentaires relatives à la politique de la ville supportées par certaines communes bénéficiant des mécanismes de péréquation (DSU notamment).

Par conséquent, seule une partie des communes concernées par la politique de la ville sont éligibles à la DDU (cf. infra ), dont le versement est soumis à la validation, par le préfet de département, de projets proposés par la commune.

La dotation de développement urbain (articles L. 2334-40 et 41 du CGCT)

Seules les communes à la fois bénéficiaires de la DSU, faisant l'objet d'une opération de l'ANRU et dont plus de 20 % de la population réside en ZUS ou en ZFU sont éligibles à la DDU.

Outre ces critères de « pré-éligibilité », un indice synthétique construit à partir du potentiel financier par habitant (à hauteur de 45 %), de la proportion de bénéficiaires d'aide au logement (45 %) et du revenu moyen par habitant (10 %) permet de classer les communes. Seules les 120 premières 38 ( * ) communes de ce classement peuvent bénéficier de la DDU .

Le montant de la DDU a doublé depuis 2009, passant de 50 millions d'euros à 100 millions d'euros en 2014.

L'enveloppe de la DDU est répartie entre les départements en fonction du nombre de communes éligibles situées dans chaque département.

Le préfet de département attribue ensuite les crédits « en vue de la réalisation de projets d'investissements ou d'actions dans le domaine économique et social ».

Malgré l'augmentation progressive de la DDU, son montant demeure relativement faible , notamment au regard de la DSU (100 millions d'euros en 2014 pour la DDU contre plus de 1,5 milliard d'euros pour la DSU).

En outre, si les autorisations d'engagement (AE) sont consommées chaque année, on observe une faible consommation des crédits de paiement (CP) : 34 millions d'euros en 2012, soit un taux d'exécution de 68 %. En effet, des projets sont subventionnés alors qu'ils ne sont pas suffisamment aboutis.

Consommation des AE et CP ouverts au titre de la DDU

2009

2010

2011

2012

2013 *

2014*

2015*

2016*

Montant des AE engagées

49 994 935

49 717 152

49 360 546

47 603 450

75 000 000

75 000 000**

75 000 000

75 000 000

Montant des CP mandatés

9 944 033

22 218 748

25 577 719

33 940 277

49 285 064

58 492 841

63 118 869

66 195 194

*Pour les années 2013 à 2016, il s'agit de prévisions.

**Ce montant a été porté à 100 millions d'euros lors des débats relatifs au projet de loi de finances pour 2014.

Source : réponse au questionnaire budgétaire - projet de loi de finances pour 2014

Les conditions de « pré-éligibilité » excluent des communes pourtant concernées par la politique de la ville , mais qui bénéficient de la dotation de solidarité rurale (DSR) - et non de la DSU - ou n'ont pas signé de convention ANRU ou encore dont la population résidant en ZUS ou ZFU n'est pas suffisante.

Enfin, pour la Cour des comptes, l'utilisation de la DDU « mériterait d'être évaluée notamment au regard de son coût de gestion 39 ( * ) ». Selon les informations fournies à votre rapporteur par le Gouvernement, « on ne connaît que peu ou pas l'utilisation de cette dotation, qui dans certains cas aura pu servir à des projets ne correspondant pas à un besoin immédiat pour les habitants des quartiers de la politique de la ville ».

B. LE REMPLACEMENT DE LA DDU PAR UNE « DOTATION POLITIQUE DE LA VILLE » AUX CONTOURS ENCORE FLOUS (ARTICLE 1ER BIS A)

1. Les travaux préparatoires de la mission « Péréquation et politique de la ville »

Le rapport 40 ( * ) de notre collègue député François Pupponi « préconise la mise en oeuvre sous la forme d'une ? dotation politique de la ville ? (DPV) d'un dispositif spécifique de soutien au niveau national en faveur des territoires de la politique de la ville tels que redéfinis dans le cadre de la nouvelle géographie prioritaire ».

Plusieurs scénarios ont été envisagés s'agissant des montants, des modalités de répartition et de fonctionnement de cette nouvelle dotation.

Les propositions formulées par le rapport de la mission « Péréquation et politique de la ville »

Il est proposé de créer une dotation « visant à répondre aux charges exceptionnelles supportées par les territoires de la politique de la Ville et versée à l'EPCI ».

Cette dotation, dont pourraient bénéficier les EPCI dont une commune membre au moins dispose d'un territoire « politique de la ville », s'inscrirait dans un cadre contractuel et pluriannuel : à partir d'un diagnostic partagé associant communes, EPCI et services territoriaux de l'État, seront fixés des objectifs de résorption des inégalités constatées au sein de l'EPCI.

Si une partie des compétences ainsi financées est exercée par la commune, une clause de reversement de l'EPCI à la commune devrait être prévue.

Il reviendra ensuite aux signataires du contrat de ville de déterminer les moyens « pertinents localement pour parvenir aux objectifs nationaux fixés à cette dotation en vue d'une réduction des inégalités territoriales dans les territoires de la politique de la ville ».

Partant du principe qu'il convient de faire confiance aux communes et EPCI concernés dans le cadre des contrats pluriannuels, l'utilisation de la dotation serait libre .

Les contrats de ville étant signés pour six ans, une clause de revoyure serait prévue au bout de trois ans, l'État se réservant alors « la possibilité de suspendre sa participation financière au contrat si le rendez-vous à mi-parcours conduisait à constater le non-respect par l'EPCI ou la commune de ses engagements de réduction des inégalités ».

Dans ce cadre, le rapport propose deux scénarios possibles :

- scénario n° 1 : une dotation unique et libre d'emploi, abondée par la totalité des crédits de la DDU (75 millions d'euros), du programme 147 (333 millions d'euros) et d'un apport budgétaire complémentaire (à préciser) ;

- scénario n° 2 : la combinaison d'une dotation libre d'emploi, abondée à partir de la DDU et de la partie communale des crédits du programme 147, et d'une enveloppe de crédits du programme 147 destinés aux associations.

2. Le principe de la création d'une DPV en 2015, après remise d'un rapport au Parlement

Le présent projet de loi s'appuie sur le rapport précité de notre collègue député François Pupponi ; mais s'il pose le principe de la création d'une nouvelle « dotation politique de la ville » dont bénéficieraient les EPCI et communes signataires d'un contrat de ville (et comprenant un quartier prioritaire), ses contours ne sont pas précisément définis .

La version initiale de l'article 3 41 ( * ) du présent projet de loi prévoyait que, « pour contribuer à l'atteinte des objectifs de la politique de la ville (...), il est envisagé d'instituer une dotation budgétaire intitulée ? dotation politique de la ville? ».

À l'initiative de son rapporteur, notre collègue député François Pupponi et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé le paragraphe précité, conformément à l'engagement du ministre délégué chargé de la ville, François Lamy, de créer - et non plus d'« envisager d'instituer » - cette nouvelle dotation à partir de 2015.

Dans cette perspective, « le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1 er septembre 2014, un rapport qui prévoit les conditions dans lesquelles est instituée, à compter du 1 er janvier 2015, une dotation budgétaire intitulée ? dotation politique de la ville? » (article 1 er bis A).

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, « indépendamment de ses modalités futures de répartition et d'utilisation qu'un rapport permettra de préciser, la future dotation de la politique de la ville devra être plus clairement identifiée comme un fonds de soutien au bénéfice des territoires les plus en difficulté de la politique de la ville, qui ont structurellement moins de ressources et plus de charges. Elle devra surtout s'inscrire dans le contrat de ville au sein duquel elle sera relativement libre d'emploi : son octroi ne sera plus soumis à des appels à projet, mais répondra aux objectifs définis par les acteurs locaux, et encadré par des objectifs nationaux ».

Le rapport prévu examinera notamment les critères d'éligibilité et de répartition de cette dotation, ses conditions d'utilisation ainsi que les dispositions spécifiques applicables aux départements et collectivités d'outre-mer.

En outre, il devait s'intéresser aux moyens de garantir l'efficacité de la nouvelle dotation au niveau intercommunal . À l'initiative de notre collègue Mireille Schurch, la commission des affaires économiques a supprimé cette disposition, le rapporteur, notre collègue Claude Dilain considérant que « cela présuppose en quelque sorte des conclusions » du rapport.

Aussi, alors que cet article 1 er bis A (anciennement article 3) se contente d'identifier les principales interrogations à lever en vue de la création d'une nouvelle dotation, on peut noter que ces questions elles-mêmes ne sont pas neutres. Il s'agira non seulement de déterminer le montant de la dotation , mais aussi les catégories de bénéficiaires (communes et/ou EPCI), les critères d'éligibilité et de répartition , les modalités d'utilisation (fléchage ou utilisation libre) et de gestion (par la direction générale des collectivités locales (DGCL), comme l'actuelle DDU, ou par le ministère de la ville), etc.

Ce rapport constituera donc un cadre pour déterminer les principes de répartition d'une enveloppe qui devrait s'élever au moins à 100 millions d'euros - correspondant au montant de l'actuelle DDU - voire beaucoup plus ( cf. les scénarios proposés par le rapport de la mission « Péréquation et politique de la ville » ).

Or, si l'association du comité des finances locales et du Conseil national des villes à cette réflexion est expressément indiquée (leurs avis seront joints au rapport précité), il importe également que le Parlement soit étroitement associé à ces travaux suffisamment en amont de l'examen du projet de loi de finances pour 2015 qui devrait déterminer les modalités précises de fonctionnement de la DPV .

Selon les informations dont dispose votre rapporteur, « l'élaboration du rapport se fera notamment sur la base d'auditions et d'échanges avec les élus. Dans ce cadre, des parlementaires seront sollicités ».

Votre commission des finances vous propose un amendement rédactionnel relatif au contenu de ce rapport.

Par ailleurs, il convient de noter que le 5° de l'article 17 et le III de l'article 18 du présent projet de loi proposaient, dans le texte transmis par l'Assemblée nationale, la suppression, à partir du 1 er janvier 2015, de la DDU, en vue de son remplacement par la « dotation politique de la ville ». Votre rapporteur se félicite de la suppression de cette disposition par la commission des affaires économiques du Sénat à l'initiative de son rapporteur, notre collègue Claude Dilain : il paraît inutile et peu cohérent de supprimer la DDU tant que la DPV n'est pas créée. Cependant, la « dotation politique de la ville » a bien vocation à remplacer la DDU, et non à s'y ajouter , comme le précise un amendement du rapporteur de la commission des affaires économiques.

II. LE RENFORCEMENT DE LA DIMENSION INTERCOMMUNALE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE (ARTICLES 5, 8 ET 9)

A. UN PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE AU NIVEAU INTERCOMMUNAL (ARTICLE 8)

Le présent projet de loi prévoit que le niveau intercommunal est l'échelon pertinent pour assurer le « pilotage stratégique des contrats de ville 42 ( * ) », tandis que la mise en oeuvre de proximité relèvera des communes.

Les 3° à 7° de l'article 8 redéfinissent, dans le sens d'un élargissement, la compétence « politique de la ville » qui est par ailleurs désormais généralisée à tous les EPCI .

1. Une redéfinition de la compétence « politique de la ville »

Selon les articles L. 5215-20, L. 5216-5 et L. 5217-4 du CGCT, la compétence « politique de la ville » mise en oeuvre par les EPCI concerne d'une part les « dispositifs contractuels de développement urbain, de développement local et d'insertion économique et sociale » et d'autre part, les « dispositifs locaux de prévention de la délinquance ».

Lors de l'examen du présent projet de loi par l'Assemblée nationale, le Gouvernement a proposé d'expliciter le rôle des EPCI dans le cadre de la politique de la ville mise en oeuvre grâce aux contrats de ville et d'élargir le champ couvert par cette compétence.

Il est donc prévu que la compétence « politique de la ville » (définie aux b du 3°, b du 4°, 4° ter , a du 5°, 6° et 7° de l'article 8) regroupe :

- l'élaboration du diagnostic du territoire et de la définition des orientations du contrat de ville ;

- l'animation et la coordination des dispositifs contractuels de développement urbain, de développement local et d'insertion économique et sociale, ainsi que des dispositifs locaux de prévention de la délinquance ;

- les programmes de soutien à la mise en oeuvre des actions des communes .

Ainsi, le rôle de « pilote » dévolu à l'EPCI est renforcé et le champ de la compétence « politique de la ville », élargi . La cohérence de ce champ de compétence est également renforcée grâce à la prise en compte des orientations définies par les contrats de ville.

Néanmoins, comme le souligne l'exposé sommaire des amendements présentés par le Gouvernement, « cette définition n'induit pas la mise en oeuvre des actions prévues dans les contrats de ville, qui, elle, relève de la répartition des compétences de chacun et des choix internes au contrat de ville faits par les acteurs locaux ».

2. La généralisation de l'exercice de cette compétence à chaque catégorie d'EPCI

Les articles L. 5216-5, L. 5215-20, et L. 5217-4 du CGCT prévoient que seules les catégories les plus intégrées d'EPCI - respectivement les communautés d'agglomération, sous certaines conditions ( cf. infra ), les communautés urbaines créées après 1999 et les métropoles - exercent la compétence « politique de la ville ». En particulier, les communautés de communes ne peuvent se voir transférer cette compétence.

L'article 8 du présent projet de loi prévoit que la compétence « politique de la ville » fait partie des compétences dites « optionnelles » des communautés de communes (3°). L'exercice de cette compétence « optionnelle » est également pris en compte pour déterminer l'éligibilité de la communauté de communes à la dotation d'intercommunalité « bonifiée » (4°).

La dotation d'intercommunalité « bonifiée » des communautés de communes

L'article L. 5214-23-1 du CGCT prévoit que, sous certaines conditions démographiques, les communautés de communes (faisant application des dispositions de l'article 1609 nonies C du code général des impôts (CGI)) peuvent bénéficier d'une dotation d'intercommunalité « bonifiée » si elles exercent au moins quatre des sept compétences suivantes :

- aménagement, entretien et gestion de zones d'activité d'intérêt communautaire, actions de développement économique d'intérêt communautaire ;

- schéma de cohérence territoriale (SCoT) et schéma de secteur, zones d'aménagement concerté (ZAC) d'intérêt communautaire ;

- création ou aménagement et entretien de voirie d'intérêt communautaire ;

- politique du logement social et action en faveur du logement des personnes défavorisées, sous réserve de leur intérêt communautaire ;

- collecte de traitement des déchets ;

- construction, aménagement, entretien et gestion des équipements sportifs d'intérêt communautaire ;

- assainissement collectif et non collectif.

Cette dotation d'intercommunalité « bonifiée » est égale à 34,06 euros par habitant - contre 23,48 euros par habitant pour les autres communautés de communes faisant application des dispositions de l'article du CGI précité.

S'agissant des communautés d'agglomération (en métropole uniquement), il est prévu que la compétence « politique de la ville » n'est plus réservée aux seuls cas où « l'intérêt communautaire » est en jeu - dans les départements et collectivités d'outre-mer, l'ancienne définition de la compétence « politique de la ville » continue de s'appliquer.

Le a du 5° prévoit que les communautés urbaines existant à la date de promulgation de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, exercent cette compétence et, pour l'ensemble des communautés urbaines, la nouvelle définition de cette compétence « politique de la ville » remplace la précédente.

Enfin, à l'initiative de notre collègue, Claude Dilain, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, la nouvelle définition de la compétence « politique de la ville » s'applique également aux métropoles.

Ainsi, tous les EPCI, quelle que soit leur catégorie, pourront exercer la compétence « politique de la ville » et être associés à sa mise en oeuvre .

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté trois amendements de nos collègues députés Michel Piron et Arnaud Richard ayant obtenu un avis favorable de la commission des affaires économiques et du Gouvernement, qui prévoient explicitement que lorsque l'EPCI - qu'il s'agisse d'une communauté de commune, d'une communauté d'agglomération ou d'une communauté urbaine - comprend un ou plusieurs quartiers prioritaires et, pour une communauté de communes, exerce la compétence « politique de la ville », le projet commun de l'EPCI tient compte des objectifs en matière de cohésion sociale et urbaine (2° ter , 4° bis et 5° bis de l'article 8). En particulier, il permet de définir les orientations de l'EPCI « en matière de politique de la ville et de renforcement des solidarités entre ses communes membres ».

En effet, les articles L. 5214-1, L. 5215-1 et L. 5216-1 du CGCT prévoient respectivement que la communauté de communes, la communauté urbaine et la communauté d'agglomération associe des communes en vue d'élaborer un « projet commun » de développement et d'aménagement de leur territoire.

Il convient de noter que cette disposition n'a pas été étendue aux métropoles, l'article L. 5217-1 du CGCT, résultant de l'adoption de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles prévoyant d'ores et déjà que la métropole regroupe des communes « au sein d'un espace de solidarité pour élaborer et conduire ensemble un projet d'aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire afin d'en améliorer la cohésion et la compétitivité et de concourir à un développement durable et solidaire du territoire régional ».

L'objectif fondateur des EPCI comprenant un quartier prioritaire, incarné par leur projet commun doit donc intégrer les orientations de la politique de la ville pour permettre un pilotage efficace et cohérent de cette compétence.

B. UN « PACTE FINANCIER ET FISCAL DE SOLIDARITÉ » AU SEIN DE L'EPCI (ARTICLE 9)

Outre le pilotage désormais intercommunal de la politique de la ville, une réelle solidarité financière au sein des EPCI devra être garantie.

1. L'élargissement progressif de la dotation de solidarité communautaire (DSC)

La dotation de solidarité communautaire (DSC) constitue un moyen de renforcer la solidarité financière entre les communes membres d'un même EPCI.

Créée en 1992 43 ( * ) pour les seules communautés de ville, la dotation de solidarité communautaire correspond alors au « solde restant disponible sur le produit de la taxe professionnelle à la suite du versement des attributions de compensation et du prélèvement communautaire » et ses « critères de répartition entre les communes membres sont fixés librement par le conseil de communauté, statuant à la majorité des deux tiers ».

Outre son extension aux autres catégories d'EPCI (à fiscalité professionnelle unique), le caractère péréquateur de la DSC a été progressivement renforcé .

Ainsi, la loi du 12 juillet 1999 44 ( * ) a prévu :

- d'une part, que les communautés urbaines (catégorie créée par la loi précitée de 1999) ont l'obligation d'instituer une DSC dont les critères de répartition sont déterminés « notamment » en fonction des écarts de revenu par habitant et de potentiel fiscal ou financier 45 ( * ) par habitant ;

- d'autre part, que les autres catégories d'EPCI peuvent « instituer une dotation de solidarité communautaire dont le principe et les critères de répartition entre les communes membres (...) sont fixés par le conseil de l'établissement public de coopération intercommunale (...) en tenant compte notamment de l'importance de la population, du potentiel fiscal par habitant et de l'importance des charges de ses communes membres ».

Enfin, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales 46 ( * ) a donné un caractère péréquateur à la DSC des EPCI autres que les communautés urbaines (CU), celle-ci étant « répartie en tenant compte prioritairement » de la population et du potentiel fiscal ou financier par habitant, les autres critères étant fixés librement par le conseil.

Néanmoins, le montant de la DSC demeure fixé par le conseil communautaire (statuant à la majorité simple pour les CU, à la majorité des deux tiers pour les autres catégories d'EPCI) et il peut donc s'avérer très faible .

2. Une DSC souvent insuffisamment péréquatrice

Le rapport précité de notre collègue député François Pupponi a mis en évidence les limites du fonctionnement actuel de la DSC.

Ainsi, seules 25 % des communautés de communes (CC) à fiscalité professionnelle unique (FPU) et 68 % des communautés d'agglomération (CA) ont instauré une DSC ; 66 % des CC et 30 % des CA concernés par la politique de la ville (ayant sur leur territoire une ZUS, une ZFU ou une CUCS) n'ont pas de DSC.

Par ailleurs, il note que la DSC paraît « davantage constituer une variable d'ajustement aux pactes financiers intercommunaux qu'un réel mécanisme de péréquation au profit des communes concernées par la politique de la ville » et relève que plus le potentiel financier par habitant d'une commune est élevé, plus elle perçoit une part de DSC importante. Cette situation pourrait s'expliquer par le fait que la DSC peut être utilisée comme un moyen de convaincre une commune « riche » de rejoindre un EPCI relativement plus pauvre.

Néanmoins, on observe que plus une commune présente un revenu moyen par habitant élevé au sein de l'EPCI, moins elle perçoit de DSC. Cette tendance est particulièrement marquée pour les CU, qui ont l'obligation de fixer une répartition de la DSC fondée notamment sur l'écart de revenu par habitant.

3. Promouvoir la solidarité interne aux EPCI concernés par la politique de la ville

L'article 9 du présent projet de loi, dans sa version initiale, prévoyait d' élargir aux EPCI signataires d'un contrat de ville le régime des DSC applicable aux communautés urbaines (obligation d'instituer une DSC, dont le montant et la répartition sont fixés à la majorité simple du conseil communautaire et répartie notamment en fonction du revenu par habitant et de la richesse des communes membres).

À l'initiative de son rapporteur et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a profondément modifié la logique retenue.

Ainsi, considérant que « nombre d'intercommunalités consentent déjà un effort particulier et que la DSC n'apparaît pas forcément indispensable 47 ( * ) », notre collègue François Pupponi a proposé de remplacer l'obligation d'instituer une DSC pour les EPCI signataires d'un contrat de ville par un « pacte fiscal et financier » conclu par l'EPCI et ses communes membres.

Néanmoins, une métropole, une communauté urbaine ou un EPCI signataire d'un contrat de ville devra définir des « objectifs de péréquation et de renforcement des solidarités financières et fiscale entre ses communes membres sur la durée du contrat de ville » (2°).

Lors de la signature du contrat de ville, l'EPCI élabore donc, avec ses communes membres, un « pacte financier et fiscal de solidarité » dont l'objectif est de réduire les disparités de charges et de recettes entre communes membres.

Il est précisé que ce pacte « tient compte » de diverses relations financières existant entre l'EPCI et ses communes membres, à savoir :

- « des efforts de mutualisation des recettes et des charges déjà engagés ou envisagés à travers les transferts de compétences » ;

- « des règles d'évolution des attributions de compensation » ;

- « des politiques communautaires poursuivies à travers les fonds de concours ou la dotation de solidarité communautaire » ;

- « ainsi que des critères retenus par l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre pour répartir, le cas échéant, les prélèvements ou reversements au titre du fonds national de péréquation des ressources intercommunales » (FPIC).

L'absence d'élaboration d'un tel « pacte financier et fiscal de solidarité » dans la première année de mise en oeuvre du contrat de ville est « sanctionnée » par la création obligatoire d'une DSC « dont au moins 50 % du montant doit être réparti en fonction de critères de péréquation concourant à la réduction des disparités de potentiels financiers entre les communes ».

Par rapport aux règles relatives à la répartition de la DSC des CU, une DSC créée dans ces conditions est donc encadrée plus précisément puisque les critères péréquateurs doivent concerner 50 % du montant de la dotation. Si la détermination de ces critères est laissée à la libre appréciation de l'EPCI, un objectif est clairement fixé : il s'agit de la réduction des écarts de potentiels financiers entre communes membres.

Aussi, on peut supposer que dans une telle situation, les EPCI auront recours aux critères « habituels » de répartition : potentiel financier, revenu par habitant, proportion de logements sociaux dans chaque commune membre.

Par ailleurs, l'obligation d'instituer une DSC applicable aux CU est étendue aux métropoles (1°).

C. UN « MALUS » STIGMATISANT POUR RÉPONDRE À DES SITUATIONS PEU NOMBREUSES OPPORTUNÉMENT SUPPRIMÉ (ARTICLE 5)

1. La mise en place d'une sanction pour les EPCI qui refuseraient de s'engager dans la politique de la ville

À l'initiative de son rapporteur, François Pupponi, la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a complété l'article 5 par un V mettant en place un « malus », destiné à sanctionner les EPCI qui refuseraient de s'engager dans la politique de la ville.

Ce « malus » s'appliquerait à compter de 2016 aux EPCI comprenant sur leur territoire un ou plusieurs quartiers prioritaires de la politique de la ville et qui n'auraient pas signé de contrat de ville. Il prendrait la forme d'un prélèvement sur les douzièmes versés par l'État au titre des impositions locales. Son montant serait fixé à 5 euros par habitant de l'EPCI, mais serait plafonné à 1 % de ses dépenses réelles de fonctionnement.

Enfin, ce prélèvement viendrait abonder les crédits de l'ANRU.

2. Un « malus » qui apparaît comme stigmatisant, peu utile et fragile constitutionnellement

Votre rapporteur s'est interrogé sur les raisons de la mise en place de ce « malus ». En effet, la signature de contrats de ville ouvrira le bénéfice des crédits de la politique de la ville ; il semble donc assez peu probable qu'un EPCI souhaite se priver de ces financements.

D'après les informations qu'il a pu recueillir, ce dispositif permettrait de répondre à des situations particulières, dans lesquelles le contexte local a pu conduire des EPCI à ne pas souhaiter s'engager dans la politique de la ville.

Néanmoins, votre rapporteur considère qu'en souhaitant résoudre quelques situations spécifiques et isolées, ce dispositif jette une certaine suspicion - injustifiée - sur la volonté des intercommunalités de s'engager dans la politique de la ville .

De plus, il contredit la logique même de cette politique , qui est une politique contractuelle, basée sur la coopération entre des collectivités et structures diverses, qui poursuivent un même objectif et organisent ensemble leur action.

Votre rapporteur s'interroge également sur la conformité de ce dispositif au principe de liberté contractuelle. En effet, le Conseil constitutionnel reconnaît la valeur constitutionnelle de ce principe 48 ( * ) , y compris pour les conventions conclues par les collectivités territoriales 49 ( * ) .

En application de ce principe, le législateur ne peut apporter à la liberté contractuelle des limitations que si elles sont liées « à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi » 50 ( * ) . À cet égard, le caractère automatique du « malus » interroge particulièrement votre rapporteur.

Il rappelle également que le dispositif proposé se distingue fortement de celui mis en place par la loi dite SRU 51 ( * ) . En effet, l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation précise que lorsqu'une commune ne respecte pas ses engagements au titre de la loi SRU, « le préfet informe le maire de la commune concernée de son intention d'engager la procédure de constat de carence ». « Le maire est invité à présenter ses observations dans un délai de deux mois ». Il appartient ensuite au préfet, au vu de ces informations, et après avis motivé du comité régional de l'habitat, de prononcer la carence de la commune, « en tenant compte de l'importance de l'écart entre les objectifs et les réalisations constatées ».

Votre rapporteur souligne donc qu'il existe, dans ce cas, une procédure contradictoire avant d'aboutir à la sanction , et que son automaticité est atténuée par la possibilité de prendre en compte certains éléments.

Par conséquent, votre rapporteur se félicite que la commission des affaires économiques du Sénat ait adopté deux amendements identiques du groupe communiste, républicain et citoyen et de notre collègue Valérie Létard, supprimant cette disposition.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 8 janvier 2014, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean Germain, rapporteur pour avis, sur le projet de loi n° 178 (2013-2014) de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dans le texte n° 251 (2013-2014) adopté par la commission des affaires économiques le 18 décembre 2013 .

M. Jean Germain , rapporteur pour avis . - Ce projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, que nous examinons en procédure accélérée, propose un nouveau cadre pour l'intervention en faveur des quartiers en difficulté et défavorisés.

Ces dernières années, les lacunes et les échecs de la politique de la ville ont été mis en évidence par de nombreux rapports, en particulier celui de l'Observatoire national de la politique de la ville (ONZUS) et celui de la Cour des comptes de juillet 2012 sur une décennie de réformes de la politique de la ville. Si des résultats sont constatés dans certains secteurs et si la rénovation urbaine a progressé, les inégalités persistent dans ces quartiers, notamment en matière d'emploi, de réussite scolaire ou encore d'accès aux soins.

La nouvelle étape de la politique de la ville a fait l'objet d'une concertation nationale - sous l'appellation « Quartiers, engageons le changement » - entre octobre 2012 et janvier 2013. Le Comité interministériel des villes du 19 février 2013 en a fixé les principaux axes. Ce projet de loi, qui en résulte, a été examiné par l'Assemblée nationale les 22 et 27 novembre derniers. La commission des affaires économiques du Sénat a, quant à elle, adopté son texte le 18 décembre.

Ce projet apporte un nouveau souffle à la politique de la ville, en renouvelant son cadre d'intervention, en définissant des objectifs structurants et des outils adaptés, tout en prévoyant la participation de l'ensemble des acteurs et l'association des habitants.

Il substitue ainsi une nouvelle géographie prioritaire, « recentrée et unique », aux différents zonages accumulés depuis des années, pour plus de ciblage et d'efficacité, mais aussi pour une meilleure lisibilité de l'action publique - et pour mettre un terme au « saupoudrage » tant critiqué depuis longtemps.

De nouveaux contrats de ville remplaceront les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) à compter de 2015 ; ils seront conclus au niveau intercommunal, le plus adéquat pour piloter les actions menées dans le cadre de la politique de la ville. Ils pourront être cosignés par un plus grand nombre d'acteurs.

Enfin, parmi les outils proposés par ce texte, figurent un nouveau programme national de renouvellement urbain (PNRU) pour la période 2014-2024 et le remplacement de la dotation de développement urbain (DDU) par une nouvelle « dotation politique de la ville » (DPV).

Notre commission s'est saisie de neuf articles - 1 er , 1 er bis A (anciennement 3), 2, 4, 5, 8, 9 et, par coordination, les articles 17 et 18 - tels qu'issus des travaux de la commission des affaires économiques du Sénat.

L'article 1 er définit la politique de la ville, en fixe les objectifs, en identifie les acteurs et propose d'en améliorer l'évaluation, avec l'instauration d'un « observatoire national de la politique de la ville » ; du point de vue financier, il réaffirme le principe selon lequel les politiques publiques de droit commun doivent être prioritairement mobilisées, avant les instruments spécifiques de la politique de la ville qui ne doivent ainsi être mis en oeuvre que « lorsque la nature des difficultés le nécessite ».

Déjà affirmé à plusieurs reprises, ce principe n'est qu'insuffisamment appliqué. La mobilisation des crédits de droit commun est pourtant essentielle. Les crédits spécifiques de la politique de la ville ne sauraient répondre seuls aux besoins des quartiers et ne devraient intervenir qu'en complément des crédits de droit commun, ce qui est loin d'être toujours le cas aujourd'hui. À cet effet, onze conventions ont été signées par le ministre délégué à la ville avec d'autres ministres chargés de politiques de droit commun et Pôle emploi, afin de prévoir un ensemble d'actions concrètes à destination des quartiers prioritaires.

Ensuite, l'évaluation des crédits consacrés par l'État à la politique de la ville s'avère particulièrement insuffisante, ce que l'on constate chaque année à la lecture du document de politique transversale annexé au projet de loi de finances ; le ministère délégué à la ville nous a indiqué vouloir améliorer la qualité et la fiabilité de ce document. Ce travail me paraît indispensable et je souhaite qu'il soit réalisé dans les meilleurs délais.

Les collectivités territoriales doivent également participer à la mobilisation des politiques publiques de droit commun, alors que les crédits qu'elles consacrent à la politique de la ville s'avèrent aujourd'hui difficilement identifiables. L'article 8 de ce texte dispose que les EPCI et les communes signataires de contrats de ville devront présenter, chaque année, une annexe à leur budget relative aux moyens mis en oeuvre en faveur de la politique de la ville, quelle que soit leur origine. Sur cet article, pour lever toute ambiguïté, je vous propose un amendement précisant que ce nouveau document de suivi de la politique de la ville n'est pas un budget annexe, mais bien une simple annexe au budget.

La nouvelle géographie prioritaire, prévue à l'article 4, met fin aux divers zonages actuels : les « quartiers prioritaires de la politique de la ville » se substitueront aux zones urbaines sensibles (ZUS), aux zones de revitalisation urbaine (ZRU) et aux quartiers concernés par les CUCS. Outre un seuil minimal d'habitants, ces quartiers seront identifiés par leur « écart de développement économique et social », apprécié par un critère désormais unique : le revenu des habitants, par rapport à la moyenne nationale mais également par rapport au revenu moyen de l'unité urbaine dans laquelle ces quartiers se situent ; 1 300 quartiers prioritaires devraient ainsi être identifiés, contre près de 2 500 quartiers ciblés en CUCS aujourd'hui.

Je me félicite que le texte prévoie une actualisation de la liste des quartiers concernés, ce qui n'a pas été fait pour les zonages actuels.

Je me suis principalement intéressé dans mon rapport à l'impact financier de ce changement de zonage : les crédits spécifiques de la politique de la ville seraient désormais déployés sur les nouveaux quartiers prioritaires et l'essentiel des avantages liés aux ZUS devraient également être transférés vers ces quartiers, même si certaines modalités restent à définir - je pense en particulier à l'avenir de l'abattement de 30 % de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les logements sociaux en ZUS, qui a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2014 par la loi de finances pour 2014.

S'agissant de la péréquation, seule la dotation de solidarité urbaine (DSU) fait intervenir, mais de façon marginale, la géographie prioritaire de la politique de la ville. Ainsi, les communes nouvellement éligibles à la DSU pourraient être concernées par le changement de zonage ; le Gouvernement m'a indiqué qu'il préciserait ce point lors du prochain budget.

L'article 2 du projet de loi prolonge l'actuel PNRU pour deux ans, jusqu'en 2015, et prévoit le lancement d'un nouveau PNRU pour 2014-2024, qui bénéficiera en priorité aux quartiers présentant les « dysfonctionnements urbains les plus importants ». Ce nouveau programme bénéficierait d'un financement de 5 milliards d'euros, pour un investissement total estimé à 20 milliards d'euros, avec la participation des autres investisseurs.

Je me félicite du lancement de ce nouveau programme, mais il nous faudra rester vigilant sur son financement, en gardant à l'esprit ce qui s'est passé pour l'ANRU ces dernières années. Le Gouvernement prévoit de mobiliser le fonds de péréquation prévu à l'article L. 452-1-1 du code de la construction et de l'habitation, la dotation annuelle de 30 millions de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) et, pour la partie la plus importante, la contribution de l'Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL) - Action logement.

Cependant, la contribution d'Action logement devrait diminuer ces prochaines années et être négociée dans le cadre de sa nouvelle convention sur la participation des employeurs à l'effort de construction à compter de 2015, selon le dispositif prévu dans la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), en cours de débat. D'après les informations qui m'ont été fournies, cette contribution pourrait passer d'environ 1,05 milliard d'euros en 2015, à 500 millions annuels après une période de transition entre 2016 et 2018.

S'agissant de la soutenabilité financière de l'ANRU et des décaissements attendus au cours des prochaines années, les éléments qui m'ont été transmis pour les années 2013 à 2015 indiquent que les besoins devraient être couverts, mais que la trésorerie de l'agence devrait être sollicitée : elle passerait de 472 millions d'euros fin 2012 à environ 140 millions d'euros fin 2015. Cette prévision ne tient toutefois pas compte de l'éventuelle affectation du fonds de péréquation. Pour les années suivantes, les décaissements de l'ANRU devraient considérablement se réduire à compter de 2016.

L'étude d'impact explique que cette « compatibilité temporelle » entre l'achèvement du premier PNRU et la montée en charge du nouveau PNRU assurerait la soutenabilité de nouveau programme pour l'ANRU et ses financeurs. J'espère que ces hypothèses se confirmeront et que le nouveau PNRU ne connaîtra pas de difficultés de mise en oeuvre en raison de problèmes de financement. Il est, par ailleurs, indispensable que l'ANRU dispose d'une trésorerie toujours suffisante pour ne pas retarder les opérations.

J'appelle votre attention sur le fait que le financement de l'ANRU pourrait être affecté par celui de la garantie universelle des loyers (GUL) prévue à l'article 8 du projet de loi ALUR. En effet, il est envisagé de solliciter Action logement pour financer en partie ce nouveau dispositif, le Gouvernement souhaitant que les 160 millions d'euros annuels qu'Action logement verse à la garantie des risques locatifs (GRL) soient transférés à la GUL. Mais rien ne garantit que cette solution soit finalement retenue. Pour autant, tout « dérapage » pour le financement de la GUL pourrait entraîner une demande de contribution complémentaire à Action logement.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je considère que le financement de l'ANRU demeure très tendu et qu'il conviendra de rester très vigilant quant aux ressources octroyées, en particulier à compter de 2016.

L'article 2 confie également deux nouvelles compétences à l'ANRU.

L'agence, d'abord, pourrait désormais prendre des participations dans des sociétés exclusivement dédiées au renouvellement urbain des quartiers, pour inciter les autres investisseurs, notamment privés, à s'engager dans certains projets à caractère économique. Cette nouvelle compétence serait exercée uniquement dans le cadre du nouveau programme d'investissement d'avenir (PIA2). L'action « Ville durable et solidaire, excellence environnementale du renouvellement urbain » du programme 414 « Ville et territoires durables » confie à l'ANRU la gestion d'une enveloppe de 250 millions d'euros de fonds propres destinés à la « diversification des fonctions dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville » - l'agence a été choisie pour sa connaissance des quartiers en politique de la ville et son réseau territorial. Le Gouvernement m'a indiqué que la dotation de 5 milliards d'euros du nouveau PNRU ne pourrait pas être utilisée pour financer cette nouvelle compétence et que l'ANRU n'agirait qu'en qualité de gestionnaire de fonds du Trésor, pour le compte de l'État.

Il faudra rester très vigilant, car l'agence doit garder son coeur d'activité : la mise en oeuvre du PNRU - et il ne lui appartient pas, à mon sens, de supporter des risques économiques en tant qu'investisseur, risques dont elle paraît toutefois prémunie du fait qu'elle agirait pour le compte de l'État.

N'oublions pas, enfin, que la Caisse des dépôts et consignations et l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) investissent déjà pour la rénovation urbaine des quartiers.

Deuxième compétence nouvellement confiée à l'ANRU, par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale et à l'initiative du Gouvernement : la possibilité d'« entreprendre des actions concourant à promouvoir l'expertise française à l'international en matière de renouvellement urbain », ce pour quoi elle est déjà sollicitée - une convention a d'ailleurs déjà été signée avec l'agence de rénovation urbaine tunisienne. L'agence pourrait ainsi participer à l'élaboration et la mise en oeuvre d'accords de coopération internationale et réaliser des prestations de services rémunérées, par exemple d'ingénierie urbaine.

Je suis circonspect sur cette seconde compétence, plus encore que sur la première : il ne faudrait pas que cette action internationale se traduise par des coûts supplémentaires pour l'agence, ce qui en impose, me semble-t-il, un usage ponctuel, ciblé et mesuré.

L'article 1 er bis A prévoit la mise en place, à compter de 2015, d'une « dotation politique de la ville » (DPV), en remplacement de la dotation de développement urbain (DDU), mise en place en 2009 pour compléter la dotation de solidarité urbaine (DSU), laquelle était critiquée pour son « saupoudrage ». Or, la DDU a été à son tour critiquée en raison de son faible taux d'exécution qui montre que des projets sont subventionnés alors qu'ils ne sont pas assez avancés, de ses conditions de « pré-éligibilité », qui excluent des communes pourtant concernées par la politique de la ville mais qui bénéficient de la dotation de solidarité rurale (DSR), de son coût de gestion et, selon le Gouvernement, de sa faible transparence.

Le présent projet de loi ne définit pas précisément la future DPV. Il en pose le principe - dans la continuité des travaux de la mission « péréquation et politique de la ville » conduite par notre collègue député François Pupponi - et prévoit un rapport au Parlement, déposé avant le 1 er septembre 2014, qui servira de base à la création de cette dotation dans la loi de finances pour 2015.

Selon les informations que j'ai recueillies, la future DPV devrait se rapprocher davantage d'un fonds de soutien au bénéfice des territoires les plus en difficulté de la politique de la ville, qui ont structurellement moins de ressources et plus de charges. Elle devrait, surtout, s'inscrire dans le contrat de ville au sein duquel elle serait relativement libre d'emploi : son octroi ne serait plus soumis à des appels à projet, mais répondrait aux objectifs définis par les acteurs locaux et serait encadré par des objectifs nationaux.

Le rapport prévu examinera notamment les critères d'éligibilité et de répartition de cette dotation, ses conditions d'utilisation ainsi que les dispositions spécifiques applicables aux départements et collectivités d'outre-mer.

Aussi cet article 1 er bis A, en définissant le contenu du rapport, se contente-t-il d'identifier les principales interrogations à lever en vue de la création de cette nouvelle dotation. Mais elles devront être tranchées et il importe que le Parlement soit étroitement associé à cette réflexion.

Sur le contenu de ce rapport, je vous propose d'adopter un amendement rédactionnel.

Enfin, il convient de noter que le texte qui nous a été transmis par l'Assemblée nationale prévoyait la suppression de la DDU, sans créer concomitamment la DPV. Je me réjouis que la commission des affaires économiques du Sénat ait maintenu la DDU, afin que sa suppression n'intervienne pas avant la loi de finances pour 2015, en même temps que la création de la DPV.

L'article 8 confie à l'échelon intercommunal le pilotage stratégique des contrats de ville et leur mise en oeuvre de proximité aux communes. Par conséquent, l'exercice de cette compétence est généralisé à chaque catégorie d'EPCI.

Outre ce pilotage intercommunal de la politique de la ville, une réelle solidarité financière au sein des EPCI devra être garantie. En effet, seul un quart des communautés de communes et deux-tiers des communautés d'agglomération ont instauré une dotation de solidarité communautaire (DSC). Deux tiers des communautés de communes et près d'un tiers des communautés d'agglomération concernés par la politique de la ville n'ont pas de DSC.

Dès lors, l'article 9 vise à promouvoir la solidarité interne à ces EPCI. La rédaction initiale rendait obligatoire l'institution d'une DSC pour tous les EPCI signataires d'un contrat de ville ; nos collègues députés ont préféré rendre obligatoire, dans un délai d'un an, la conclusion d'un « pacte financier et fiscal de solidarité » pour réduire les disparités de charges et de recettes entre les communes membres. Ils ont prévu qu'en l'absence d'un tel pacte dans la première année de mise en oeuvre du contrat de ville, serait alors obligatoire une DSC « dont au moins 50 % du montant doit être réparti en fonction de critères de péréquation concourant à la réduction des disparités de potentiels financiers entre les communes ».

Enfin, à l'article 5 consacré aux nouveaux contrats de ville, l'Assemblée nationale a mis en place, à compter de 2016, un « malus » de 5 euros par habitant, sanctionnant les EPCI qui refuseraient de s'engager dans la politique de la ville. Ce « malus » me semble stigmatisant, peu utile et fragile constitutionnellement. Je me réjouis donc que la commission des affaires économiques du Sénat ait supprimé cette disposition.

Je vous propose en conséquence un avis favorable aux articles dont nous nous sommes saisis, sous réserve des deux amendements que je vous présente.

M. Philippe Marini , président . - Merci pour ce rapport très éclairant.

Monsieur le rapporteur pour avis, savez-vous quand nous connaîtrons la nouvelle « géographie prioritaire » ?

M. Philippe Dallier . - Pas avant les élections municipales...

M. Philippe Marini , président . - Certes, mais la liste sera-t-elle publiée cette année, de façon à ce que les élus sachent sur quoi tabler pour 2015 ?

La nouvelle DPV, ensuite, sera-t-elle dans l'enveloppe normée ?

Je souscris parfaitement à votre appel à la prudence sur les deux nouvelles compétences confiées à l'ANRU. Nous devons éviter à cette agence de prendre des risques inconsidérés : vous nous dîtes qu'elle pourrait prendre des participations mais que ce serait l'État, et seulement lui, qui encourrait les risques. Il faudrait en être certain, ce qui, du reste, pourrait motiver un contrôle de notre part...

M. Philippe Dallier . - Je partage la quasi-totalité des propos de notre rapporteur. Ce texte soulève peu de controverse, car les aspects les plus sensibles, comme la liste des quartiers de la géographie prioritaire, ont été reportés à plus tard, après les élections municipales ; le Sénat réclame depuis suffisamment longtemps la fin du « saupoudrage » des crédits et une nouvelle géographie prioritaire, pour que nous ne regardions pas avec espoir celle que nous annonce ce texte ; cependant, nous verrons ce qu'il en sera dans les faits - et si nos espoirs se concrétisent ou pas.

Je suis inquiet de voir la trésorerie de l'ANRU descendre à 140 millions d'euros : comment les délais de paiement, aujourd'hui déjà beaucoup trop longs, pourraient-ils ne pas s'aggraver, au-delà du raisonnable ? Comment imaginer que le passage d'un PNRU à l'autre pourrait se faire dans de bonnes conditions ? Je le sais comme maire qui termine une opération de rénovation importante, mais également comme ancien rapporteur spécial des crédits de la ville, à qui bien des élus ont dit les nombreuses difficultés liées au manque de financement de l'ANRU. L'administration a commencé par avancer des difficultés d'ordre technique, par exemple celle des logiciels comptables de l'agence, qu'il fallait adapter ; mais les logiciels ont été adaptés et les difficultés sont restées : on ne compte plus les allers-retours nécessaires pour qu'un dossier réputé financé, soit effectivement payé ! Pire, les services de l'État en sont à « gratter » une partie des enveloppes prévues, en refusant dans les avenants une fongibilité pourtant admise au départ. Un responsable de l'ANRU m'a d'ailleurs confié recourir à ce procédé pour redistribuer de l'argent entre territoires, faute de pouvoir honorer tous les engagements de l'agence...

Vous nous dites que le prochain PNRU aurait un effet de levier de quatre, puisque ses 5 milliards d'euros devraient entraîner un investissement global de 20 milliards d'euros : pour le programme actuel, on a constaté un effet de levier de trois. D'où viendra l'argent ? Cela m'inquiète...

Vous évoquez la possibilité qu'Action logement contribue à la GUL : aux dernières nouvelles, nous en étions restés au mécanisme annoncé par Cécile Duflot d'une participation de l'État, assise sur les économies résultant de la mise en extinction d'anciennes dépenses de type « Robien ». En réalité, le financement de la GUL est loin d'être fixé. Le Gouvernement devrait se garder de susciter de faux espoirs en ces temps de rigueur budgétaire aux nombreux maires qui présenteront leurs dossiers dans le cadre du nouveau PNRU.

La fusion de l'ONZUS et du comité d'évaluation et de suivi (CES) de l'ANRU me paraît, elle, une très bonne chose : la dispersion des moyens n'est plus de mise !

Le pilotage de la politique de la ville est confié à l'échelon intercommunal : il faudra adapter ce principe à la nature des territoires ! Comment, par exemple, sera-t-il appliqué en Île-de-France ? Quel sera le périmètre au sein du Grand Paris ? Faudra-t-il se caler sur les conseils de territoire ? Le texte n'en dit rien, pour contourner l'obstacle... En Seine-Saint-Denis, les quatre ou cinq conseils de territoires représenteraient des ensembles bien trop vastes pour le pilotage concret des projets et mieux vaudrait, de loin, confier la gestion aux communes, surtout celles qui ont de l'expérience en la matière...

Je suis moi aussi sceptique s'agissant des nouvelles missions de l'ANRU. Elle pourra exporter son savoir-faire : ce serait une bonne chose, à condition que ce type d'action soit rentable. Il faut être prudent, car les quatre-vingts salariés de l'agence ont bien d'autres choses à faire, vu l'ampleur des projets ; on me dit que le texte ne fera que régulariser une pratique actuelle : cela n'enlève rien à l'obligation de prudence...

Seconde compétence nouvellement confiée à l'agence, la faculté d'investir pour le compte de l'État : la Caisse des dépôts et l'EPARECA le font déjà, faut-il le prévoir pour l'ANRU ? Je ne sais pas très bien où l'on veut aller.

Enfin, il y a la controverse née de la volonté d'acteurs associatifs de « co-élaborer » et de cogérer, avec les élus locaux, les actions de la politique de la ville ; ce texte ne s'avance pas sur ce terrain aussi loin que certains l'auraient souhaité et c'est une bonne chose - car nous vivons dans une démocratie représentative et il me semble sain que les élus décident des questions aussi importantes et complexes que celles posées par la politique de la ville.

En conclusion, c'est un texte qui me semble aller dans le bon sens, mais pour en dire plus, il faudra attendre de connaître le détail des choses.

M. Philippe Marini , président . - Merci, Monsieur le shadow rapporteur pour avis, votre analyse conforte celle de Jean Germain...

M. François Marc , rapporteur général . - Je m'associe à l'appel à la vigilance sur « l'action internationale » de l'ANRU ; cependant, s'il ne s'agit que de sécuriser une pratique actuelle, je n'y vois pas d'inconvénient.

Quant à la faculté ouverte à l'agence d'intervenir en étant co-investisseur, sur laquelle je me suis interrogé, la garantie me paraît provenir du fait que les 5 milliards d'euros du PNRU ne pourront pas être utilisés à cette fin : les fonds visés sont uniquement ceux du PIA, il y a une étanchéité avec ceux du renouvellement urbain ; et dans cette compétence nouvelle, l'agence agit pour le compte de l'État, sous l'oeil notamment de la Caisse des dépôts et consignations et du Commissariat général à l'investissement : c'est rassurant. Le ministère de la ville dit que l'investissement dans les quartiers pourrait être plus vigoureux et que l'ANRU est la mieux placée pour soutenir le mouvement, qu'elle est un peu le chaînon manquant : pourquoi s'interdire son investissement, en complément des autres investisseurs publics ?

Enfin, je partage votre interrogation sur la subite amélioration de l'effet levier de l'investissement d'un PNRU à l'autre : on passerait de trois à quatre, sans bien savoir pourquoi...

M. Philippe Dallier . - C'est Noël !

M. Jean Germain , rapporteur pour avis . - Quand la liste des quartiers prioritaires sera-t-elle publiée ? Après les élections municipales, effectivement, mais probablement avant l'été, pour que les équipes fraîchement élues puissent avancer concrètement. Du reste, les agences locales d'urbanisme peuvent déjà esquisser la carte car la technique est connue : c'est celle du carroyage, consistant à découper des carreaux de territoire de 200 mètres de côté et à appliquer le critère de concentration des populations à bas revenus, c'est-à-dire dont les ressources sont inférieures à 60 % du revenu fiscal médian.

La DPV fera-t-elle partie de l'enveloppe normée ? La question n'est pas réglée ; le ministère de la ville voudrait un rattachement de ces crédits à son programme. S'agissant du montant, j'ai cru comprendre que l'on s'engageait dans des années de sobriété...

La trésorerie de l'ANRU est un vrai sujet de préoccupation pour tous ceux qui portent des projets. La pression est forte, c'est certain. Action logement a été sollicitée pour financer l'ANRU. Cet organisme a connu des difficultés financières et a su, à la suite du contrôle de la Cour des comptes, se réorganiser. Tout en prenant de nouveaux engagements pour la construction neuve, le niveau de participation d'Action logement doit être maintenu à un niveau de 500 millions d'euros à compter de 2018 pour que le financement des deux PNRU soit assuré. Or, la participation d'Action logement à la GUL ne sera peut-être pas sans incidence. Les choses ne sont pas encore fixées : l'obstacle n'est pas dirimant, mais il faut régler ce problème. J'ajoute que notre commission a demandé un contrôle de la Cour des comptes sur la gestion de l'ANRU, en application de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ; la Cour devrait rendre son rapport en juin prochain, nous y verrons alors un peu plus clair.

Je vous concède bien volontiers que l'Île-de-France est un cas à part pour la DSC - alors que l'organisation métropolitaine permet de régler les choses à Lyon et à Marseille, et que dans les autres villes et métropoles, la DSC paraît de bon sens. Il faudra donc, effectivement, articuler cette nouvelle dotation avec le Grand Paris.

Je partage votre avis sur l'importance de la démocratie représentative : les élus sont responsables, c'est à eux que la décision doit revenir, et non à des personnalités dont on ne sait jamais précisément ce qu'elles représentent.

Enfin, je suis également favorable à la plus grande prudence sur les deux compétences confiées à l'ANRU : elle ne doit pas se disperser à l'international, quand il y a tant à faire sur le territoire national - et il faut également minimiser les risques de tension avec un acteur aussi déterminant que la Caisse des dépôts, c'est une certitude.

M. Philippe Marini , président . - Nous passons à l'examen des amendements.

Article 1 er bis A

L'amendement rédactionnel n° 1 est adopté

Article 8

M. Jean Germain , rapporteur pour avis . - Avec l'amendement n° 2, je souhaite préciser que le nouveau document de suivi de la politique de la ville prévu à cet article n'est pas un budget annexe, mais bien une annexe au budget.

M. Philippe Dallier . - Les communes ont obligation de présenter un rapport sur la DSU devant leur assemblée délibérante : cet exercice est tout à fait formel, ne peut-on en supprimer l'obligation ? Ne pourrait-on supprimer cette obligation au profit de l'annexe prévue à l'article 8 ?

M. Jean Germain , rapporteur pour avis . - Le texte prévoyait un rapport DSU, un rapport « Politique de la ville » et l'annexe au budget dont nous discutons. Mais les deux premiers rapports ont été fusionnés par la commission des affaires économiques.

M. Philippe Marini , président . - L'obligation subsistera donc ?

M. Jean Germain , rapporteur pour avis . - Il y aura bien une annexe au budget, mais les deux rapports seront fusionnés.

M. Philippe Marini , président . - C'est déjà un résultat de la Haute Assemblée... où l'on voit, une fois encore et s'il en était besoin, que le cumul des mandats n'a pas que des défauts !

L'amendement n° 2 est adopté.

M. Yann Gaillard . - Je m'abstiens sur ce texte, parce que même ses défenseurs ne m'en paraissent pas convaincus...

La commission émet un avis favorable à l'adoption des articles dont elle s'est saisie, tels que modifiés par ses amendements.

AMENDEMENTS PRÉSENTÉS
PAR LA COMMISSION DES FINANCES

Article 1 er bis A

Alinéas 2 à 7

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

1° L'éligibilité à cette dotation des établissements publics de coopération intercommunale et des communes signataires d'un contrat de ville mentionné au IV de l'article 5 ;

2° Les modalités de détermination de la liste des bénéficiaires de cette dotation ;

3° Les modalités et les critères de ressources et de charges utilisés pour la répartition de cette dotation ;

4° Les objectifs et conditions d'utilisation de cette dotation, en particulier dans le cadre du contrat de ville mentionné à l'article 5 ;

5° Les dispositions spécifiques pour les départements et collectivités d'outre-mer.

Article 8

Alinéa 13, première phrase

Remplacer les mots :

, dans une annexe à leur budget,

par les mots :

un état, annexé à leur budget, retraçant

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) :

M. Philippe Sallenave, directeur général

Mme Anne Peyricot, directrice des relations institutionnelles

Assemblée des communautés de France (AdCF) :

M. Nicolas Portier, délégué général

M. Damien Denizot, responsable du club des agglos, politiques urbaines

M. Atte Oksanen, chargé des relations avec le parlement

Association des maires des grandes villes de France (AMGVF) :

M. Jean-Claude Boulard, président de la commission des finances de l'AMGVF

M. Franck Claeys, directeur économie et finances territoriales

Cabinet de M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville :

M. Sébastien Jallet, directeur adjoint de Cabinet

Mme Laurence Nion, cheffe de Cabinet, conseillère parlementaire

M. Arnaud Anantharaman, conseiller développement urbain

M. Camille Vielhescaze, conseiller territoires

Direction générale des collectivités locales (DGCL) :

Mme Françoise Taheri, sous-directrice des finances locales et de l'action économique

M. François Lafond, chef du bureau des concours financiers de l'Etat

Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL) - Action logement :

M. Eric Thuillez, directeur général unique


* 1 S'agissant du plus récent, rapport annuel de l'ONZUS, remis le 18 décembre 2013.

* 2 Rapport public thématique de la Cour des comptes, « La politique de la ville, une décennie de réformes », juillet 2012.

* 3 Cf. en particulier, le rapport n° 514 (2009-2010) de M. Philippe Dallier au nom de la commission des finances, « Politique de la ville : des instruments rénovés, un pilotage politique défaillant ».

* 4 Cf. le III de la présente première partie.

* 5 Cf. le B du présent I.

* 6 Rapport public thématique de la Cour des comptes, « La politique de la ville, une décennie de réformes », juillet 2012.

* 7 Rapport n° 71 (2006-2007) de M. Phillippe Dallier, au nom de la commission des finances du Sénat, « Politique de la ville : une efficacité entravée », sur l'enquête de la Cour des comptes relative aux crédits d'intervention de la politique de la ville.

* 8 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 9 « Établir au niveau national des conventions entre le ministère de la ville et les autres ministères, organisant les méthodes et les engagements financiers de cette mobilisation. » p. 132.

* 10 Ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, ministre des affaires sociales et de la santé, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, ministre de l'intérieur, ministre de la justice, ministre de la défense et ministre délégué aux anciens combattants, ministre de l'éducation nationale et ministre déléguée à la réussite éducative, ministre des droits des femmes, ministre délégué aux transports, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme.

* 11 Les ZUS sont ainsi caractérisées par la « présence de grands ensembles ou de quartiers d'habitat dégradé et par un déséquilibre accentué entre l'habitat et l'emploi ». Au sein de ces zones, sont identifiées des ZRU, « confrontées à des difficultés particulières », selon certains critères. Les ZFU, enfin, sont situées dans des quartiers de plus de 10 000 habitants qui apparaissent comme « particulièrement défavorisés au regard des critères pris en compte pour la détermination des ZFU » et sont déterminées en fonction des éléments « de nature à faciliter l'implantation d'entreprises ou de développement d'activités économiques ».

* 12 D'après le rapport précité de la Cour des comptes de juillet 2012 sur la politique de la ville.

* 13 Cf. le B du présent II.

* 14 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 15 L'article 18 du présent projet de loi, relatif à l'application dans le temps, prévoit, notamment, que l'article 15 du projet de loi, qui remplace le terme « zone urbaine sensible » par celui de « quartiers prioritaires de la politique de la ville » dans toutes les dispositions législatives, entre en vigueur à compter de la date fixée par le décret en Conseil d'État mentionné au I de l'article 4 et au plus tard le 1 er janvier 2015.

* 16 Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

* 17 Article 171 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

* 18 Réponse au questionnaire adressé à la direction générale des collectivités territoriales (DGCL).

* 19 En 2013, seules 372 des 731 communes de plus de 10 000 habitants éligibles à la DSU comportent une ZUS et/ou une ZFU et seules 38 des 116 communes de 5 000 à 9 999 habitants éligibles à la DSU comportent une ZUS ou une ZFU.

* 20 Circulaire du Premier ministre du 27 avril 2011.

* 21 Amiens métropole, Evry centre Essonne, Plaine commune, Rennes métropole, Lille métropole, Nîmes métropole, Grand Auch, Grand Dijon, Mulhouse Alsace agglomération, Communauté urbaine d'Arras, Toulouse métropole et Fort-de-France.

* 22 Cf. la troisième partie du présent rapport relative à la mise en oeuvre de la politique de la ville
au niveau local.

* 23 Initialement dénommé « programme national de renouvellement urbain », le texte de la commission des affaires économiques du Sénat propose de retenir « nouveau programme de renouvellement urbain », afin de mieux le distinguer du premier PNRU.

* 24 À savoir : les subventions de l'État ; les contributions de l'Union d'économie sociale du logement ; les subventions de la Caisse des dépôts et consignations ; le produit des emprunts contractés ; la rémunération de prestations de services, les produits financiers, les produits de la gestion des biens entrés dans son patrimoine ainsi que le produit de la vente des biens et droits mobiliers et immobiliers ; les dons et legs ; exceptionnellement, pour les années 2011, 2012 et 2013, une fraction du produit de la taxe locale sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage, affecté à la « Société du Grand Paris ».

* 25 Cf. infra la nouvelle compétence de l'ANRU en termes de co-investissement.

* 26 Loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 27 Décret n° 2013-777 du 27 août 2013 modifiant le décret n° 2012-353 du 12 mars 2012 relatif aux enveloppes minimales et maximales des emplois de la participation des employeurs à l'effort de construction et relatif aux clauses types applicables aux sociétés immobilières mentionnées à l'article L. 313-27 du code de la construction et de l'habitation

* 28 Les montants de la contribution exceptionnelle d'Action logement au financement des aides au logement ont été arrêtés par l'article 122 de la loi de finances pour 2014 n° 2013-1278 du 29 décembre 2014 qui modifie l'article 43 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

* 29 e) du 1° du II de l'article 57 :

« Une fraction des ressources mentionnées au premier alinéa du présent article ainsi que les produits financiers constatés sur les emplois de la participation des employeurs à l'effort de construction sont affectés au financement des investissements et des charges nécessaires au fonctionnement des organismes mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 313-18 et de l'Union des entreprises et des salariés pour le logement.

« La nature et les règles d'utilisation des emplois, les enveloppes minimales et maximales consacrées à chaque emploi ou catégorie d'emplois ainsi que le montant maximal annuel de la fraction des ressources et le montant maximal annuel affecté au financement des investissements et des charges nécessaires au fonctionnement des organismes mentionnés au douzième alinéa et de l'union sont fixés par convention conclue entre l'État et l'Union des entreprises et des salariés pour le logement . Cette convention fixe les grands axes de la répartition des enveloppes consacrées aux emplois sur les territoires. Elle est établie pour une durée de cinq ans . Elle est publiée au Journal officiel.

« La convention mentionnée au treizième alinéa détermine les modalités de règlement des différends relatifs à l'interprétation ou au respect de ses dispositions.

« Au cours de la troisième année d'application de la convention mentionnée au même alinéa, après évaluation de ses premières années d'application, une concertation est engagée entre l'État et l'union, relative aux dispositions prévues pour les deux dernières années d'application de la convention. Cette concertation peut donner lieu à un avenant à la convention.

« En l'absence de nouvelle convention, la nature et les règles d'utilisation des emplois prévues par la précédente convention demeurent applicables, ainsi que les enveloppes consacrées à chaque emploi ou catégorie d'emplois fixées par la précédente convention pour sa dernière année d'application.

« Le Parlement est informé des prévisions et de la répartition des ressources de la participation des employeurs à l'effort de construction entre chacune des catégories d'emplois ainsi que de l'état d'exécution de la convention mentionnée au présent article par un document de programmation transmis au Parlement lors du dépôt des projets de loi de finances. Ce document est déposé sur le bureau des assemblées parlementaires et distribué au moins cinq jours francs avant l'examen, par l'Assemblée nationale, en première lecture, de l'article d'équilibre du projet de loi de finances de l'année. »

* 30 Soient le PNRU mais également le programme national de rénovation des quartiers dégradés (PNRQAD) et le programme relatif aux collèges dégradés.

* 31 Cf. le graphique de l'étude d'impact p. 42 (projet de loi n° 1337 rectifié déposé à l'Assemblée nationale le 2 août 2013).

* 32 Texte n° 25 (2013-2014) tel qu'adopté par le Sénat le 26 octobre 2013.

* 33 Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

* 34 Premier alinéa de l'article 2 du décret n° 53-707 du 9 août 1953 relatif au contrôle de l'État sur les entreprises publiques nationales et certains organismes ayant un objet d'ordre économique ou social.

* 35 Loi n° 91-429 du 13 mai 1991 instituant une dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et un fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France, réformant la dotation globale de fonctionnement des communes et des départements et modifiant le code des communes.

* 36 Article 172 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

* 37 Article 135 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

* 38 L'article 95 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 a augmenté le nombre de communes bénéficiaires de 100 jusqu'en 2013 à 120.

* 39 Rapport public thématique de la Cour des comptes précité.

* 40 Rapport de la mission « Péréquation et politique de la ville », remis à M. François Lamy, ministre délégué en charge de la Ville, 19 juin 2013.

* 41 Correspondant à l'article 1 er bis A issu des travaux de la commission des affaires économiques du Sénat.

* 42 Page 29 de l'étude d'impact.

* 43 Article 94 de la loi d'orientation n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République.

* 44 Article 86 de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.

* 45 La référence au potentiel financier a été introduite par l'article 97 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 46 Article 185 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

* 47 Rapport n° 1554 fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine par François Pupponi, 14 novembre 2013.

* 48 Décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000.

* 49 Décision n° 2006-543 DC du 30 novembre 2006.

* 50 Décision n° 2012-242 QPC du 14 mai 2012.

* 51 Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

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