II. LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION ILLÉGALE
A. UNE SITUATION CONTRASTÉE ENTRE LES DIFFÉRENTS DÉPARTEMENTS
Les départements d'outre-mer présentent, en raison de leur situation économique favorable dans un ensemble régional en difficultés, une attractivité plus importante que l'Hexagone, comme en atteste les données liées à la reconduite à la frontière dans ces départements, malgré la diminution de ces dernières.
Ainsi, en 2011, 26 876 personnes ont fait l'objet d'une reconduite à la frontière en outre-mer, soit une diminution de 13,13 % par rapport à 2010. En 2012, 23 983 personnes ont été reconduites à la frontière, soit une baisse de près de 11 % par rapport à l'année précédente. D'après les informations recueillies auprès du ministère des outre-mer, au 31 août 2013, 12 944 personnes ont fait l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière.
Toutefois, les départements d'outre-mer ne sont pas soumis à la même pression migratoire.
1. Les spécificités de l'immigration illégale à Mayotte et en Guyane
Les spécificités géographiques de Mayotte et de la Guyane , en particulier leur forte proximité avec des pays au niveau de vie inférieur, y rendent la pression migratoire exceptionnellement élevée et la mise en oeuvre de toute politique de contrôle de l'immigration plus difficile. Ainsi, la Guyane représente un territoire d'attractivité économique pour les populations des États du Brésil, du Suriname et du Guyana. Le produit intérieur brut par habitant est trois à quatre fois plus élevé en Guyane qu'au Suriname ou dans l'État frontalier brésilien de l'Amapa.
Cette particularité se traduit notamment, pour ces deux départements, par :
- une proportion de ressortissants étrangers dans la population totale beaucoup plus forte qu'en métropole et dans les autres départements d'outre-mer .
En Guyane, elle atteint près de 30 % de la population soit entre 40 000 et 60 000 personnes dont 3500 à 5000 vivent en forêt et travaillent sur les sites d'orpaillage clandestin.
La situation particulière de Mayotte en matière d'immigration illégale a fait l'objet de nombreux développements dans le rapport consécutif à la mission de votre commission à laquelle a participé votre rapporteur pour avis en mars 2012 5 ( * ) . Cette île subit une forte pression migratoire en provenance principalement de l'Union des Comores, plus particulièrement de l'île d'Anjouan, et également depuis Madagascar, via les Comores. L'estimation du nombre d'immigrés clandestins à Mayotte est rendue difficile en raison de son insularité, qui ne facilite pas la surveillance des frontières. La population immigrée clandestine est estimée entre 50 000 et 60 000 personnes, soit environ un tiers de la population officielle mahoraise.
- des éloignements d'étrangers en situation irrégulière en nombre plus important.
Mayotte et la Guyane totalisent à elles-seules près de 95 % du total des reconduites. De surcroît, en 2012, les nationalités comorienne, brésilienne et surinamais, qui sont frontalières avec ces deux départements, ont représenté plus de 88 % du volume des éloignements en outre-mer.
En Guyane, le taux d'exécution des arrêtés de reconduite à la frontière y est élevé et supérieur à 97 % pour les nationalités brésilienne et surinamaise. Le nombre d'éloignements en Guyane est en légère hausse en 2012 (9 741 contre 9 410 en 2011).
À Mayotte, le nombre de personnes ayant fait l'objet d'une reconduite à la frontière demeure important malgré une diminution constante. En 2012, la baisse a été de 20,6 % contre 19,85 % en 2011. Le nombre total de personnes reconduites s'élève à 16 707 dont 3 706 mineurs contre 21 763 personnes et 5 389 mineurs en 2011. S'agissant de la lutte contre l'immigration clandestine par voie maritime, 412 embarcations de type « kwassa kwassa » ont été interceptées en 2012 à Mayotte, contre 449 en 2011, soit une baisse de 8,24 %, représentant 10 134 migrants interpellés, soit une baisse de 10,14 % par rapport à 2011. Pour mémoire, 100 embarcations avaient été interceptées en 2006, 179 en 2007, 256 en 2008, 290 en 2009, 341 en 2010 et 449 en 2011.
Reconduites à la frontière en Guyane |
|||||||
2011 |
2012 |
Évolution |
2012 |
2013
|
Évolution |
||
9 410 |
9 757 |
3,69% |
6 416 |
4 416 |
- 31,2% |
||
Brésilienne |
5 137 |
Brésilienne |
5 211 |
Brésilienne |
3 409 |
Brésilienne |
2 065 |
Surinamienne |
3 561 |
Surinamienne |
3 070 |
Surinamienne |
1 981 |
Surinamienne |
1 536 |
Guyanienne |
341 |
Guyanienne |
764 |
Guyanienne |
511 |
Guyanienne |
421 |
Haïtienne |
135 |
Haïtienne |
391 |
Haïtienne |
293 |
Haïtienne |
201 |
Chinoise |
79 |
Chinoise |
136 |
Chinoise |
82 |
Chinoise |
107 |
Source : Ministère des outre-mer
Reconduites à la frontière à Mayotte |
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2011 |
2012 |
Évolution |
2012 |
2013
|
Évolution |
||
16 374 |
13 001 |
-20,60 % |
7 514 |
6 502 |
-13,5 % |
||
Comorienne |
16 094 |
Comorienne |
12 818 |
Comorienne |
7 404 |
Comorienne |
6 461 |
Malgache |
280 |
Malgache |
181 |
Malgache |
108 |
Malgache |
41 |
Camerounaise |
1 |
Tanzanienne |
1 |
||||
Tanzanienne |
1 |
Camerounaise |
1 |
Source : Ministère des outre-mer
2. L'augmentation de la pression migratoire en Guadeloupe
La Guadeloupe est également touchée par une pression migratoire clandestine, mais sans commune mesure avec celle de la Guyane et de Mayotte. Entre 10 000 et 20 000 personnes seraient en situation irrégulière, représentant 2,5 % de la population de ce département. En 2012, malgré les contraintes législatives liées à la « directive retour » 6 ( * ) et la tendance à la baisse de la pression migratoire, les services de la police aux frontières ont interpellé 1 149 étrangers en situation irrégulière, soit une hausse de 10 % par rapport à 2011.
La population étrangère en situation irrégulière est majoritairement composée d'haïtiens, pour lesquels les mesures d'éloignement avaient été suspendues pendant plus d'une année par les autorités françaises, en raison du séisme ayant touché cette île en 2010. Ce moratoire a été levé en juin 2011 pour les ressortissants haïtiens en situation irrégulière. Toutefois, conformément aux préconisations du Haut-commissaire aux droits de l'homme et du Haut-commissaire pour les réfugiés, les reconduites ne s'appliquent pas aux personnes fragiles, avec la prise en compte de leur état de santé, de leur âge et de leur éventuel isolement dans leur pays.
La levée de ce moratoire s'est naturellement accompagnée de l'augmentation du nombre de reconduites des ressortissants haïtiens. Ainsi, en 2012, la Guadeloupe a enregistré une augmentation de 68,25 % des éloignements par rapport à 2011.
Reconduites à la frontière en Guadeloupe |
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2011 |
2012 |
Évolution |
2012 |
2013
|
Évolution |
||
211 |
355 |
68,25% |
224 |
145 |
- 35,3% |
||
Dominiquaise |
152 |
Dominiquaise |
226 |
Dominiquaise |
140 |
Dominiquaise |
90 |
Haïtienne |
39 |
Haïtienne |
89 |
Haïtienne |
65 |
Haïtienne |
39 |
Dominicaine |
6 |
Dominicaine |
26 |
Dominicaine |
14 |
Dominicaine |
10 |
Sainte-Lucienne |
4 |
Sainte-Lucienne |
5 |
Sainte-Lucienne |
4 |
Sainte-Lucienne |
1 |
Néerlandaise |
3 |
Vénézuélienne |
3 |
Jamaïquaine |
1 |
Vénézuélienne |
1 |
Source : Ministère des outre-mer
3. Une situation modérée en Martinique et à La Réunion
La Martinique et La Réunion sont beaucoup moins concernées par le phénomène d'immigration illégale.
La part des étrangers en situation irrégulière en Martinique représente environ 2 000 personnes. La pression migratoire que connaît ce département est principalement originaire de Sainte-Lucie et d'Haïti. Le nombre d'éloignements depuis la Martinique, en 2012, est en légère progression par rapport à 2011 (+ 9,90 %).
Reconduites à la frontière en Martinique |
|||||||
2011 |
2012 |
Évolution |
2012 |
2013
|
Évolution |
||
454 |
499 |
9,91% |
275 |
191 |
- 30,5% |
||
Sainte-Lucienne |
339 |
Sainte-Lucienne |
333 |
Sainte-Lucienne |
173 |
Sainte-Lucienne |
127 |
Haïtienne |
46 |
Haïtienne |
121 |
Haïtienne |
80 |
Haïtienne |
35 |
Dominiquaise |
25 |
Dominiquaise |
18 |
Vénézuélienne |
9 |
Vénézuélienne |
10 |
Vénézuélienne |
16 |
Vénézuélienne |
17 |
Dominiquaise |
7 |
Dominiquaise |
10 |
Colombienne |
6 |
Grenadienne |
4 |
Grenadienne |
3 |
Grenadienne |
3 |
Source : Ministère des outre-mer
La Réunion est, quant à elle, relativement protégée des grands flux migratoires. Aucun objectif de reconduite à la frontière n'est d'ailleurs assigné à la préfecture.
Toutefois, la libéralisation des transports aériens a contribué à ouvrir l'île sur son environnement régional immédiat (Madagascar, les Comores et Maurice) dont le niveau de vie est nettement inférieur. Le problème de l'immigration irrégulière commence à se poser désormais à La Réunion, mais dans une ampleur moindre que dans les autres départements d'outre-mer. En effet, les éloignements ne concernent que quelques dizaines d'étrangers en situation irrégulière.
Reconduites à la frontière à La Réunion |
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2011 |
2012 |
Évolution |
2012 |
2013
|
Évolution |
||
74 |
70 |
- 5,41 % |
34 |
47 |
+ 38,2 % |
||
Comorienne |
55 |
Comorienne |
49 |
Comorienne |
21 |
Comorienne |
24 |
Mauricienne |
11 |
Mauricienne |
14 |
Mauricienne |
7 |
Mauricienne |
12 |
Malgache |
5 |
Malgache |
6 |
Malgache |
6 |
Malgache |
11 |
Chinoise |
3 |
Marocaine |
1 |
Source : Ministère des outre-mer
* 5 Rapport d'information n° 675 (2011-2012) de MM. Jean-Pierre Sueur, Christian Cointat et Félix Desplan, « Mayotte : un nouveau département confronté à de lourds défis », fait au nom de la commission des lois. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2011/r11-675-notice.html.
* 6 Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables aux États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.