B. UN RÉÉQUILIBRAGE DU PARC D'HÉBERGEMENT DES DEMANDEURS D'ASILE EN FAVEUR DES CADA
Une demande d'asile étant d'autant plus rapidement traitée qu'elle est bien formulée, la réduction des délais de traitement de la demande d'asile passe également par l'amélioration de l'accompagnement des demandeurs d'asile via leur prise en charge dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) plutôt que par les dispositifs d'hébergement d'urgence.
1. Le consensus sur la nécessité d'un tel rééquilibrage
En principe, tout demandeur d'asile en procédure normale doit, tout au long de la procédure d'examen de sa demande (devant l'OFPRA et, le cas échéant, devant la CNDA), se voir proposer une place d'hébergement en centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) . Conformément à l'article L. 348-2 du code de l'action sociale et des familles, ces établissements offrent aux demandeurs une prestation complète, incluant l'accueil, l'hébergement ainsi que l'accompagnement social et administratif.
Les demandeurs d'asile en procédure normale qui n'ont pas obtenu d'hébergement en CADA sont en principe éligibles à l'allocation temporaire d'attente (ATA) ainsi qu'à un hébergement d'urgence dans une structure réservée aux demandeurs d'asile , à l'instar des demandeurs d'asile ne remplissant pas les conditions pour accéder aux CADA (demandeurs d'asile en procédure prioritaire et étrangers en attente d'une réadmission dans un autre État-membre de l'Union européenne au titre du mécanisme « Dublin II »). Faute de places cependant, ils peuvent être accueillis à l'hôtel soit au titre de l'hébergement d'urgence spécialisé financé par le programme 303, soit au titre de l'hébergement généraliste, en particulier le « 115 », financé par le programme 177 : « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables », de la mission « Égalité des territoires, logement et ville ». Ils doivent également pouvoir bénéficier du soutien administratif d'une plateforme d'accueil pour demandeurs d'asile .
Malgré le quadruplement de la capacité de places en CADA, passée de 5 282 places au 1 er janvier 2001 à 21 410 places au 31 décembre 2010, seule une minorité des demandeurs d'asile en procédure normale a accès à un hébergement en CADA, du fait de l'engorgement du dispositif. Si ceux-ci sont occupés à 98,5 % au 30 juin 2013, ils n'accueillent en réalité que 37 % de demandeurs d'asile en cours de procédure selon les prévisions actualisées pour 2013. D'autres populations ont effectivement droit à un hébergement en CADA : d'une part, les bénéficiaires de protection internationale pendant une durée de 3 mois renouvelable une fois, soit six mois, après la notification de la décision positive, et, d'autre part, les déboutés, pour une durée maximale d'un mois après la notification de la décision négative. Les gestionnaires de CADA soulignent cependant unanimement l'impossibilité d'imposer aux réfugiés et aux déboutés de quitter les CADA en l'absence de solutions alternatives de logement.
Structure de la population hébergée en CADA au 30 juin 2013
RÉGIONS |
Capacité agréée |
Places occupées |
Part de demandeurs d'asile en CADA |
Taux de présence indue de réfugiés |
Taux de présence indue de déboutés |
Alsace |
1174 |
1178 |
81,3 % |
0,9 % |
2,5 % |
Aquitaine |
734 |
726 |
92,0 % |
0,8 % |
1,2 % |
Auvergne |
537 |
524 |
85,9 % |
0,0 % |
0,0 % |
Bourgogne |
921 |
919 |
70,3 % |
4,2 % |
8,4 % |
Bretagne |
928 |
925 |
83,1 % |
0,0 % |
9,8 % |
Centre |
1281 |
1178 |
80,1 % |
1,4 % |
10,2 % |
Champagne-Ardenne |
699 |
691 |
81,9 % |
1,4 % |
10,6 % |
Franche-Comté |
540 |
535 |
73,8 % |
1,9 % |
16,6 % |
Île-de-France |
3531 |
3443 |
83,4 % |
3,1 % |
2,0 % |
Languedoc |
561 |
545 |
65,9 % |
5,0 % |
14,7 % |
Limousin |
229 |
228 |
92,5 % |
0,0 % |
0,0 % |
Lorraine |
1013 |
1026 |
69,2 % |
1,3 % |
21,6 % |
Midi |
826 |
821 |
83,4 % |
1,3 % |
5,4 % |
Nord-Pas-De-Calais |
537 |
544 |
80,1 % |
0,9 % |
9,9 % |
Basse-Normandie |
511 |
499 |
73,7 % |
0,2 % |
4,4 % |
Haute-Normandie |
940 |
919 |
73,2 % |
1,3 % |
16,4 % |
Pays de la Loire |
1173 |
1174 |
71,5 % |
3,0 % |
13,1 % |
Picardie |
919 |
890 |
75,5 % |
1,1 % |
13,6 % |
Poitou-Charentes |
440 |
446 |
82,5 % |
1,6 % |
8,1 % |
Paca |
1384 |
1397 |
64,5 % |
13,4 % |
13,2 % |
Rhône-Alpes |
2532 |
2486 |
86,9 % |
1,0 % |
1,2 % |
Total |
21410 |
21094 |
78,9 % |
2,5 % |
7,9 % |
Source : OFII
Or, ainsi que le constate le rapport des inspections générales sur l'hébergement et la prise en charge financières des demandeurs d'asile d'avril 2013 4 ( * ) , les personnes hébergées en CADA font l'objet d'un meilleur accompagnement lors de la procédure de demande d'asile et ont en conséquence davantage de chances, à situation égale, de bénéficier d'une protection internationale .
En outre, d'un point de vue budgétaire, l'hébergement en CADA est moins coûteux que l'hébergement d'urgence couplé à l'allocation temporaire d'attente . La démarche de rationalisation engagée par le secrétariat général à l'immigration et à l'intégration, à la suite de la mise en place d'un référentiel de coût en 2011-2012, a en effet abouti à réduire à 24 € par jour le coût moyen d'une place en CADA en 2014. Le coût d'une place d'hébergement d'urgence dans le dispositif déconcentré s'élevant en moyenne à 16,50 € par jour - il varie en réalité selon que l'hébergement est effectué dans une structure collective ou en hôtel - et le montant de l'ATA étant estimé à 11,37 € par jour, hors frais de dossier, ce mode de prise en charge revient en 2014 à 27,87 € par jour. Il faut en outre noter qu'à ce montant s'ajoute le coût de l'accompagnement social des demandeurs d'asile assuré par les plateformes d'accueil placées depuis le 1 er janvier 2010 sous l'égide de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui en assure la coordination et le financement. À titre indicatif, en 2012, les moyens budgétaires affectés au réseau des plateformes associatives se sont élevés à 10,8 millions d'euros, 61 % étant à la charge de l'OFII, les 3,9 millions d'euros restant ayant été financés par les crédits du Fonds européen pour les réfugiés (FER).
Pour toutes ces raisons, l'ensemble des acteurs conclut à la nécessité de rééquilibrer le parc d'hébergement des demandeurs d'asile au profit des CADA , conclusion à laquelle votre rapporteur avait déjà abouti dans son rapport l'année dernière.
2. La mise en oeuvre du plan de création de 4 000 places en CADA d'ici 2015
À l'occasion de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale des 10 et 11 décembre 2012, le Premier ministre a annoncé la création de 4 000 places en centre d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) en 2013 et 2014 , portant la capacité d'accueil totale du parc à 25 410 places. Les dernières créations de places en CADA dataient de 2010.
À cet effet, les crédits relatifs au financement du dispositif de CADA progresseront de 7,5 % en 2014 pour atteindre 213,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement. Ces crédits permettront, d'une part, de financer le parc existant composé de 23 410 places en CADA réparties sur 270 centres, auxquelles s'ajoutent 246 places de centres de transit et les 33 places du centre d'accueil et d'orientation des mineurs isolés demandeurs d'asile (CAOMIDA), soit un total de 25 689 places. Selon l'engagement pris, d'autre part, une enveloppe complémentaire de 6,3 millions d'euros sera allouée à la création des 2 000 nouvelles places en 2014.
Dans un premier temps en effet, il avait été envisagé de créer 2 000 nouvelles places dès le 1 er juillet 2013, puis 1 000 supplémentaires au 1 er décembre 2013, enfin les 1 000 restantes au cours de second semestre 2014 5 ( * ) . Ce sont finalement 2 000 places qui auront été créées en 2013 à la suite d'un premier appel à projets. Un deuxième appel à projets pour ouvrir 1 000 places en avril 2014 est en cours. Après cette deuxième tranche, une troisième sera organisée en vue d'une ouverture de places en CADA fin 2014.
Ce plan de création de 4 000 places en CADA n'est cependant qu'une première étape. En effet, le rapport des inspections générales fixe comme « objectif cible » un parc de 35 000 places en CADA à l'horizon 2019.
Parmi les critères de sélection des projets retenus par les orientations ministérielles figurent des priorités géographiques . Le Gouvernement a en effet vu dans ces créations de nouvelles places l'occasion de déconcentrer le parc existant, de manière à rééquilibrer l'offre d'hébergement sur le territoire et favoriser ainsi un système de péréquation nationale de la prise en charge des demandeurs d'asile. La quasi-totalité des projets présentés dans des territoires moins soumis aux pressions des flux, tels que la Basse-Normandie, la Champagne-Ardenne, le Limousin, et la région Poitou-Charentes, a ainsi été retenue. La sélection a également permis de retenir un nombre significatif de projets en Aquitaine, en Auvergne, en Bourgogne, en Bretagne, dans le Centre, en Languedoc-Roussillon, en Midi-Pyrénées, en Pays-de-Loire et en Provence-Alpes-Côte d'Azur.
La recherche d'une meilleure répartition sur le territoire de l'hébergement des demandeurs d'asile ne peut qu'être saluée dans un contexte de tensions grandissantes autour de la question de l'accueil des étrangers.
* 4 Rapport sur l'hébergement et la prise en charge financière des demandeurs d'asile établi par l'inspection générale des finances, l'inspection générale des affaires sociales et l'inspection générale de l'administration, avril 2013, p. 17.
* 5 Cf. addendum à la circulaire NOR INTV1239047 du 9 novembre 2012, en date du 21 janvier 2013.