E. L'ACTION AUDIOVISUELLE EXTÉRIEURE : DES AMBITIONS POUR L'AVENIR
Votre rapporteur pour avis n'est pas chargé de l'analyse des crédits dédiés à l'action audiovisuelle extérieure au titre de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, confiée à Mme Claudine Lepage, qui établit un rapport spécifique à ce secteur.
Néanmoins, France Médias Monde dispose d'une part de la contribution à l'audiovisuel public et sa situation doit donc être analysée finement dès lors que l'on souhaite travailler sur la juste répartition de son produit.
Au vu de l'analyse très complète de Mme Claudine Lepage, il apparaît que la situation de France Médias Monde et de TV5 Monde, les deux acteurs de notre action audiovisuelle extérieure, justifie pleinement les crédits prévus en leur faveur.
Votre rapporteur pour avis prend donc acte de ce constat.
F. L'INSTITUT NATIONAL DE L'AUDIOVISUEL : UN EFFORT EXCEPTIONNEL ET CIRCONSCRIT
1. Une baisse conjoncturelle des crédits compréhensible
La dotation de l'Institut national de l'audiovisuel s'élève à 69,5 millions d'euros en PLF 2014, contre 90,5 millions d'euros en LFI 2013, soit une baisse importante de 23,2 % des crédits .
Cependant, cette baisse de 21 millions d'euros correspond :
- à un prélèvement exceptionnel de 19,8 millions d'euros sur le fonds de roulement de l'Institut national de l'audiovisuel, lequel absorbera ainsi la diminution de la dotation ;
- et à une baisse de la dotation de 1,2 million d'euros , soit -1,4 %, en partie liée à la neutralisation du bénéfice du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi.
Le prélèvement sur le fonds de roulement n'est pas un acte « gratuit » de la tutelle. En effet, depuis 2008, les présidents de l'INA ont élaboré des projets pour définir des solutions à la problématique immobilière de l'entreprise.
Ce projet est, aux yeux de tous, pleinement justifié : les emprises immobilières de Bry-sur-Marne sont fortement éclatées, ce qui nuit à la fluidité de certains projets. Surtout, le « Pétasite » de l'INA, dans lequel est organisé le stockage numérique des archives, est un bâtiment qui n'est pas aux normes, et qui semble exigu pour accueillir près du quart du personnel de l'Institut (250 personnes sur les 1 000 salariés).
Bien que la légitimité du projet ne soit pas contestée sur le fond, les « errements » de l'actuelle direction dans le cadre de son projet immobilier ont fortement nuit à la réalisation du projet.
Dans le COM initial, l'État prévoyait le versement d'une dotation exceptionnelle de 55 millions d'euros pour la réalisation de l'opération, dont le coût était estimé à environ 75 millions d'euros en juillet 2010.
Néanmoins, à deux reprises, en janvier 2011, puis en janvier 2012, M. Mathieu Gallet, président de l'INA changeait de projet en proposant d'abord une relocalisation de l'ensemble des activités dans le nord de Paris, puis la construction d'un bâtiment neuf unique à Bry-sur-Marne, pour un montant de 120 millions d'euros, au minimum. Ce projet que l'on pourrait qualifier de « pharaonique » s'appuyait sur la dotation prévue de l'État de 55 millions d'euros, un puisement dans le fonds de roulement et une cession d'actifs immobiliers.
Il était en fait déraisonnable, notamment dans une période de contrainte budgétaire que nous connaissons.
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, interrogée sur ce sujet par votre rapporteur pour avis dans le cadre de son audition par la commission sur le PLF 2014 4 ( * ) , assumait au demeurant parfaitement cette analyse en déclarant que l'institut « avait un projet immobilier très ambitieux... auquel l'État aurait dû contribuer à hauteur de 55 millions d'euros. Cela n'est pas envisageable dans la période de contrainte forte des finances publiques que nous connaissons actuellement. J'ai demandé à l'INA de me soumettre un nouveau projet pour la protection des archives » .
Ce n'est donc pas l'idée de rénover les locaux de l'INA qui est mise en cause, mais bien le projet proposé par la direction.
À cet égard, votre rapporteur pour avis insiste bien sur le fait que des assurances ont été données par la ministre : « je ne conteste pas qu'il faille des locaux adaptés à la conservation des archives : j'ai demandé une mise aux normes des bâtiments actuels. Le prochain contrat d'objectifs et de moyens pour 2015-2019, dont la négociation commencera au second semestre 2014, sera l'occasion de travailler à un autre projet ».
Dans cette perspective, il n'est pas totalement illogique que l'État puise dans le fonds de réserve de l'INA, doté d'une trentaine de millions d'euros, destinés à financer ledit projet.
Mais ce prélèvement est bien exceptionnel . La ministre, lors de son audition par la commission, a indiqué que « le point de départ pour établir les dotations futures sera le niveau de 90 millions d'euros inscrits en loi de programmation budgétaire, non les 69 millions de 2014 ».
Par ailleurs, l'État participera au financement du futur prochain de rénovation, actuellement à l'étude.
2. Des sujets d'inquiétude sur le moyen terme
Outre ses fonctions traditionnelles, dans le domaine des archives et du dépôt légal, l'INA exerce des activités concurrentielles, d'exploitation commerciale des archives d'une part, et de formation professionnelle, d'autre part, qui expliquent son statut d'établissement public et commercial.
En 2013, ces recettes d'exploitation représentent ainsi 40,5 millions d'euros sur les 125,8 millions d'euros de budget global.
Or, force est de constater que des menaces fortes pèsent sur les ressources propres de l'établissement , qui baissent assez continûment, passant ainsi de 40,9 millions d'euros en 2012 à 40,5 millions d'euros en prévisionnel 2013 et 39,9 millions d'euros en estimatif 2014.
S'agissant de la commercialisation des images, de plus en plus d'archives sur lesquelles l'INA dispose de droits « tombent » aujourd'hui dans le domaine public, retirant certaines sources de revenus à l'Institut, sans qu'il ne soit capable de récupérer de nouveaux droits par ailleurs.
Comme le souligne la Cour des comptes dans un rapport de 2007 5 ( * ) , l'INA est confronté au défi d'une réduction très forte des droits qu'il est habilité à commercialiser. Initialement, en application de la loi du 7 août 1974, l'INA était intégralement substitué dans les droits et obligations des sociétés nationales de programmes (ORTF et RTF) sur tous les programmes que lesdites sociétés avaient financés ou cofinancés. Autrement dit, l'INA était titulaire de tous les droits corporels et incorporels détenus par les sociétés nationales de programmes sur leurs programmes et prenait à sa charge, le cas échéant, les autorisations des divers ayants droit (auteurs, artistes-interprètes...) et les rémunérations à leur revenir. S'agissant des droits audiovisuels, à la suite de la loi du 30 septembre 1986, TF1 a acquis rétroactivement la propriété des archives de l'ex-chaîne publique TF1 à compter du 30 juillet 1982. Puis, Antenne 2 et FR3 sont devenues rétroactivement propriétaires de leurs fictions à compter du 1 er octobre 1981. La même loi de 1986, en contribuant à la création d'un tissu de producteurs indépendants des chaînes, a également circonscrit de facto à certains genres les fonds exploitables par l'INA : actualités et magazines d'actualités, plus rarement documentaires (comme certains numéros de Thalassa), puisque l'INA n'est plus substitué dans les droits et obligations d'Antenne 2 et FR3, puis France 2 et France 3, que sur les programmes - hors fictions - financés pour plus des 2/3 du coût total de leur financement par ces chaînes publiques. Enfin, il résulte de la loi du 1 er août 2000, que, avec un effet rétroactif à compter d'août 1997, l'INA ne peut plus commercialiser que des extraits des émissions produites par France Télévisions, désormais exploitées par France Télévisions Distribution. Autrement dit, ce n'est plus une dévolution mais un simple droit d'exploitation sur certains extraits des émissions concernées, dont jouit en l'occurrence l'INA. Pour résumer, il est donc possible d'identifier 3 périodes s'agissant du régime juridique des droits détenus par l'INA sur ses archives audiovisuelles et sonores : - jusqu'en octobre 1981 et juillet 1982 : l'INA détient les droits de producteur corporels et incorporels sur tous les programmes des sociétés nationales de programmes, à savoir les émissions financées ou cofinancées par l'ORTF et la RTF, puis TF1, A2, FR3, Radio France et RFI ; - octobre 1981 - août 1997 : l'INA ne détient plus que les droits de producteur corporels et incorporels sur les émissions - hors fictions - financées ou cofinancées par A2/France2, FR3/France 3, Radio France, RFI et RFO à hauteur d'au moins 2/3 du coût total de production, soit les journaux télé/radiodiffusés et certains numéros de Thalassa ; - depuis août 1997 : l'INA ne détient plus que la maîtrise de l'exploitation sous forme d'extraits des programmes de France Télévisions, 9 mois après leur diffusion. Au total, le régime de titularité des droits de l'INA s'est considérablement amoindri, avec un double problème : - d'une part, les droits corporels et incorporels de l'INA sur les programmes les plus anciens sont des droits de producteur qui tombent dans le domaine public producteur 50 ans après la date de première diffusion, en vertu des règles du code de la propriété intellectuelle. - d'autre part, depuis 1997, l'INA est loin de détenir l'ensemble des droits de producteur sur les programmes « frais » du service public. Autrement dit, le stock commercialisable de l'INA se réduit rapidement comme l'a relevée la Cour des comptes à plusieurs reprises et encore dans son rapport de 2007 dans lequel elle souligne : « si les pouvoirs publics souhaitent que l'INA continue de prospérer dans la configuration qui est la sienne aujourd'hui, le risque important qui s'attache à la réduction des droits commercialisables doit donc être pris en compte sans tarder ». Source : Institut national de l'audiovisuel |
Votre rapporteur pour avis considère qu'une réflexion très approfondie mériterait d'être portée sur ces sujets majeurs pour l'avenir de l'INA.
Par ailleurs, s'agissant de la formation professionnelle dans le domaine de l'audiovisuel, l'INA est également l'institution publique de référence. Depuis quelques années, les parlementaires se sont cependant inquiétés que d'autres sociétés publiques, comme France Télévisions ou la société de l'audiovisuel extérieur, développent leurs propres structures et concurrencent l'INA sur ce terrain, afin d'augmenter leurs ressources.
Les pouvoirs publics ont à cet égard un rôle évident de coordination à jouer , au risque que de la valeur échappe à l'ensemble des organismes de l'audiovisuel public.
Enfin, les personnes auditionnées par votre rapporteur pour avis ont insisté sur le fait que 20 % du personnel doive partir à la retraite dans les prochaines années. Cette réalité impose à l'opérateur de mettre en place une réelle gestion des emplois et des compétences, qui n'a pas vu le jour jusqu'à présent.
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Compte tenu de ces observations, votre rapporteur pour avis propose à la commission de donner un avis favorable aux crédits consacrés à l'audiovisuel au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2014.
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La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'audiovisuel au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2014.
* 4 Le compte rendu de l'audition de Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20131111/cult.html#toc8
* 5 Cour des comptes, Situation et perspectives de l'Institut national de l'audiovisuel , 2007.