B. UN BUDGET SANS RAPPORT AVEC L'OBJECTIF AFFICHÉ
1. Des moyens à nouveau réduits et saupoudrés pour la promotion de la langue française
Malgré les engagements pris par le ministre des affaires étrangères en septembre 2012, qui avait affirmé à la conférence des ambassadeurs que « la francophonie sera une de nos priorités » , et les ambitions affichées dans ce domaine par son administration -assurer la transmission de la langue aux nouvelles générations de l'espace francophone, renforcer le statut du français comme deuxième langue la plus apprise dans le monde et conforter sa place comme langue de communication internationale-, les crédits alloués à cette politique ne semblent guère en cohérence avec les objectifs poursuivis.
En effet, les moyens budgétaires, hors dépenses de personnels, consacrés à la politique de rayonnement de la langue française sur le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » du ministère des affaires étrangères connaissent une érosion continue depuis 2011, évolution que votre rapporteur pour avis juge particulièrement peu responsable au regard des chiffres inquiétants qu'une analyse fine de la place de la langue française à l'étranger fait apparaître.
Pour mémoire, à 23,4 millions d'euros en 2011, l'enveloppe consacrée aux dépenses d'intervention a été réduite à 20,5 millions d'euros en 2012, puis à 19,7 millions d'euros en 2013, pour s'établir en 2014 à 19,3 millions d'euros. En outre, mais de façon anecdotique, 363 930 euros permettront d'assurer un soutien logistique aux actions de promotion du français.
En application de la norme gouvernementale de réduction des dépenses publiques, ces crédits se verront appliquer une nouvelle diminution, portant, en 2015, leur réduction à 13 % par rapport à leur niveau de 2012 .
Sur ce total, 5,6 millions d'euros relèvent des subventions aux Alliances françaises afin de soutenir leurs activités linguistiques et 3,5 millions d'euros sont destinés au financement des bourses d'étude et de stage, notamment les bourses « français langue étrangère » (FLE), qui permettent d'intégrer un centre de formation spécialisé en France.
Par ailleurs 4,9 millions d'euros correspondent aux autres moyens bilatéraux d'influence, c'est à dire aux subventions et aux cofinancements en matière de coopération linguistique (diversification des cursus universitaires, co-conception et mise en oeuvre de plans de formation des enseignants, achat de ressources numériques, etc.) et de diffusion de la littérature française par voie de traductions. Ces interventions ont pour caractéristiques communes d'être financièrement modestes, éparpillées et en diminution . Peuvent être cités à titre d'exemple :
- les subventions à l'Office franco-allemand de la jeunesse (OFAJ) pour l'élargissement de ses programmes à l'Europe centrale et orientale et à l'Europe du Sud (270 000 euros en 2013) ;
- les subventions à la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF) (230 000 euros) ;
- ou encore l'appui au projet francophonie du réseau scolaire international de l'Alliance israélite universelle (AIU) (140 000 euros).
S'agissant de la FIPF, votre rapporteur pour avis appelle de ses voeux un renouveau de l'association au bénéfice de nouveaux cadres moins institutionnels et la reconnaissance de son utilité, et plus généralement du corps professoral étranger, par les pouvoirs publics . De fait, si la France remercie régulièrement des enseignants étrangers en fin de carrière par les Palmes académiques, elle fait bien peu en faveur de jeunes professionnels qui ont choisi de faire découvrir notre langue en terre étrangère.
En outre, en appui au plan « Le français dans la diplomatie et la fonction publique » mis en place par l'OIF, le ministère des affaires étrangères contribue, à hauteur de 160 000 euros en 2013, à des actions de formation au français visant principalement :
- les hauts fonctionnaires des pays de l'Union européenne et voisins de l'Union qui ne sont ni membres, ni associés ou observateurs de l'OIF. Des formations et séminaires sont ainsi mis en oeuvre par les établissements du réseau culturel dans des pays tels que la Biélorussie, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, l'Islande, le Royaume-Uni, la Suède et la Turquie ;
- les hauts fonctionnaires des institutions européennes : chefs de cabinet, directeurs généraux et porte-parole de la Commission, fonctionnaires des représentations permanentes des pays de l'Union à Bruxelles ;
- les formateurs du réseau des établissements culturels en charge de ces différents publics.
Le ministère organise aussi régulièrement, en collaboration avec l'École nationale d'administration (ENA), des séminaires de préparation à la présidence du Conseil de l'Union européenne. Entre 2006 et 2012, environ 230 hauts fonctionnaires portugais, slovènes, tchèques, suédois, espagnols, hongrois, polonais, danois, chypriotes, irlandais et lituaniens en ont ainsi bénéficié. En 2013, vingt hauts fonctionnaires grecs ont également été formés et vingt hauts fonctionnaires italiens le seront en décembre en vue de la présidence italienne du Conseil de l'Union européenne au second semestre 2014.
2. Les organisations multilatérales de la francophonie et l'aide au développement : vers un désengagement de la France ?
L'effort supplémentaire de réduction des dépenses publiques demandé au ministère des affaires étrangères en 2014 implique également une diminution de 5,6 millions d'euros des crédits destinés aux organisations multilatérales de la francophonie inscrit sur l'action 5 « Coopération multilatérale » du programme 209 « Aide au développement », qui étaient pourtant restés stables depuis plusieurs années.
Dans ce cadre, seules les dépenses de fonctionnement, limitées au loyer de la Maison de la francophonie , qui abrite l'OIF, sont reconduites à l'identique à 5,5 millions d'euros .
Conformément à l'engagement pris par la France dans la convention établie avec l'OIF et signée à Québec le 18 octobre 2008, la Maison de la francophonie est mise à la disposition de l'organisation pour une durée de cinquante ans, renouvelable par accord explicite. La société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM), détenue par l'État, a acquis l'immeuble auprès de l'État pour 59 millions d'euros en septembre 2008, l'a aménagé et le loue au ministère des affaires étrangères, qui le met à la disposition de l'OIF depuis 2011.
Le loyer annuel s'établit à 5,2 millions d'euros en base 2008. Il est indexé chaque année sur l'indice national du coût de la construction. La budgétisation en autorisations d'engagement a été effectuée en 2010, à hauteur de 52 millions d'euros en loi de finances initiale.
Les dépenses d'intervention sont en revanche brutalement revues à la baisse, à 50,4 millions d'euros . Elles comprennent les contributions volontaires de la France à l'OIF (11,7 millions d'euros s'ajoutant aux 14 millions d'euros de contributions obligatoires), ainsi qu'aux opérateurs de la francophonie, fondées sur des conventions d'objectifs et de moyens. Ces crédits enregistrent une diminution de 2,86 % par rapport à 2013.
En 2014, le ministère des affaires étrangères continuera également à apporter, pour 22,5 millions d'euros, son soutien à l'agence universitaire de la francophonie (AUF), qui fédère désormais 779 établissements dans quelque 90 pays. Les crédits alloués sont notamment destinés au financement d'un réseau de campus numériques, en vue d'offrir aux étudiants et aux chercheurs des possibilités nouvelles d'échanges et d'accès aux savoirs et aux compétences.
Les crédits d'intervention bénéficieront enfin à l'Association internationale des maires francophones (AIMF) pour 1,4 million d'euros, à l'Université Senghor d'Alexandrie, plus particulièrement orientée vers l'Afrique, pour 1,6 million d'euros, ainsi qu'à l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) pour 117 000 euros.
Enfin, la France inscrit traditionnellement le soutien à la francophonie dans une logique d'aide au développement et finance, à ce titre, le fonds de solidarité prioritaire (FSP) sur le programme 209 « Aide au développement », notamment pour des projets visant à améliorer la qualité de l'enseignement du français et en français. Huit projets sont actuellement en cours pour un montant total de 9,95 millions d'euros en République démocratique du Congo, à Djibouti, au Cap-Vert, au Soudan, au Sud-Soudan, en Mauritanie, au Burundi et aux Comores. Trois autres projets nationaux devraient, en outre, prochainement démarrer au profit du Maroc, de Madagascar et du Mali.
Dans cet esprit, sera prochainement lancé un projet FSP régional « 100 000 professeurs pour l'Afrique ». Il s'agira de former, de manière directe ou indirecte, des professeurs grâce à un soutien à la formation initiale dans les départements français des universités étrangères et à l'appui à la formation continue des enseignants en exercice. Ce programme bénéficiera d'un million d'euros pour sa mise en oeuvre.
Au total, les crédits destinés au FSP atteindront 47,65 millions d'euros en 2014, contre 51,74 millions d'euros en 2013, année où l'enveloppe avait déjà diminué de 8 %.
Votre rapporteur pour avis , sans remettre en cause les liens historiques entre la promotion de la langue française et l'aide aux pays en développement, constate toutefois que le nombre de projets et programmes du FSP consacrés au soutien à la francophonie ne cesse de diminuer : il représentait ainsi 9 % des crédits en 2013, contre 19 % en 2012. À titre de comparaison, les actions en faveur de la santé des femmes et des enfants ont bénéficié de 56 % des sommes allouées.