III. CAMPUS FRANCE : LE TEMPS DE LA MATURITÉ
A. UN OPÉRATEUR RÉCENT
1. Une création tardive
Créé par le décret du 30 décembre 2011 pris en application de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 précitée, l'EPIC Campus France est placé sous la tutelle conjointe du ministre des affaires étrangères et du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .
Cette double tutelle et les mésententes persistantes qui en ont résulté expliquent en grande partie le non-respect des délais prévus par le législateur pour l'installation du nouvel opérateur , consistant au regroupement des activités du groupement d'intérêt public (GIP) CampusFrance et de l'association EGIDE et au transfert de la gestion des bourses autrefois confiée au Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS).
La mise en place de Campus France s'est déroulée en quatre étapes :
- du 1 er janvier à fin avril 2012, le GIP CampusFrance et EGIDE ont poursuivi leurs activités séparément. La dissolution de l'association est intervenue le 30 avril 2012 tandis que la convention constitutive du GIP arrivait à échéance le 28 avril 2012 ;
- du 1 er mai au 31 août 2012, l'EPIC, étant désormais opérationnel, la mise en place de sa gouvernance a été réalisée (nomination du directeur général par décret du 25 avril, puis du président du conseil d'administration par décret du Président de la République du 6 mai) malgré un périmètre de mission limité à celui des activités des deux entités fusionnées ;
- à partir du 1 er septembre 2012, Campus France a repris la totalité des activités internationales du CNOUS, conformément à l'article 8 de la loi du 27 juillet 2010. On rappellera que cette troisième phase, correspondant à l'installation effective de Campus France dans l'ensemble de son champ de compétence, aurait initialement dû être achevée le 31 décembre 2011 ;
- enfin, à compter du 1 er janvier 2013, l'EPIC a adopté une comptabilité publique concomitamment à la nomination d'un agent comptable public.
Outre un conseil d'administration de vingt-neuf membres, la gouvernance de l'opérateur comprend un conseil d'orientation de dix-neuf membres (représentants des étudiants, de la Conférence des chefs d'établissements d'enseignement supérieur et des collectivités territoriales) relatif aux modalités d'accueil des étudiants et chercheurs étrangers en France. Celui-ci ne s'est réuni pour la première fois que le 23 mai 2013. Parallèlement, le « forum Campus France », inscrit dans le décret constitutif de l'opérateur et officiellement lancé le 18 décembre 2012, rassemble 287 établissements d'enseignement supérieur autour de sept commissions thématiques, qui ont pour mission d'émettre des recommandations au conseil d'administration en vue de renforcer l'attractivité du système français.
Ainsi organisé, l'EPIC exerce ses missions selon les orientations définies conjointement par ses deux ministères de tutelle. Il permet à la France de disposer enfin, comme ses concurrents allemands et britanniques avec le Deutscher Akademischer Austausch Dienst (DAAD) et le British Council , d'un véritable opérateur au service de sa politique d'influence auprès des étudiants et chercheurs étrangers.
Trois dossiers demeurent toutefois en cours de finalisation :
- l'adoption du contrat triennal d'objectifs et de moyens de l'établissement, qui fait l'objet d'un développement spécifique dans le présent rapport ;
- la mise en place du nouvel accord d'entreprise pour l'ensemble des personnels de l'EPIC dépendant autrefois des régimes sociaux de leur entité d'origine. Les négociations entre la direction et les organisations syndicales représentatives ont abouti à la signature d'un protocole d'accord le 31 juillet dernier, qui devrait faire l'objet d'un vote lors du prochain conseil d'administration de Campus France d'ici la fin de l'année 2013 ;
- le regroupement des personnels sur le site de la Grange aux Belles dans le 10 ème arrondissement de Paris , afin de réaliser une fusion complète des services. Saisi dès sa constitution, le 16 septembre 2012, d'un projet de densification du site de la rue de la Grange aux Belles, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n'a, à ce stade, pas émis l'avis qui lui était demandé, reportant ainsi à 2013 le lancement du projet et donc à 2014 le regroupement. Une partie du personnel du site de Denfert Rochereau a cependant d'ores et déjà été transférée sur le site de la Grange aux Belles en mars dernier.
2. Un transfert d'activités sujet à débat
Outre les difficultés malheureusement inhérentes à tout projet nécessitant la collaboration de deux tutelles, les blocages au coeur des retards observés dans l'installation de Campus France sont issus des réticences du CNOUS à transférer au nouvel EPIC ses activités internationales , attitude que votre rapporteur pour avis avait déjà dénoncée dans son rapport relatif au projet de loi de finances pour 2013.
De fait, le transfert de la gestion des bourses a occasionné, pour le CNOUS, une perte annuelle de recettes . Jusqu'en 2012, le CNOUS recevait ainsi près de 2,4 millions d'euros de subvention pour charge de service publique au titre de ses activités internationales, destiné notamment à la rémunération des 25 ETP chargés de cette mission, ainsi que des frais de gestion de l'ordre de 1,5 million d'euros.
Pour mémoire, la France a accueilli, en 2012, près de 22 000 boursiers, dont 14 500 bénéficiaires de bourses du Gouvernement français (BGF) pour un total de 74 millions d'euros. Toutefois, le nombre de bourses attribuées par la France a diminué de 10 % depuis 2008 et la dotation budgétaire correspondante de 14 %.
La convention de transfert des biens, droits et obligations afférents aux activités internationales du CNOUS n'a été signée que le 21 décembre 2012 entre les deux opérateurs et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Au préalable, entre le 1 er janvier et le 31 août 2012, le CNOUS a assuré pour le compte de Campus France la mise en oeuvre des conventions conclues au titre des programmes de mobilité internationale, avant que cette charge ne soit reprise intégralement, accompagnée du transfert des moyens humains et financiers correspondants.
Par ailleurs, une convention cadre a été signée entre les deux instances le 30 mai 2012, afin de fixer les conditions dans lesquelles les CROUS s'engagent à accueillir, dans les résidences universitaires, les étudiants boursiers gérés par l'EPIC à la demande de celui-ci.
Si le transfert des BGF s'est effectué sans difficulté majeure, le processus de transfert des bourses des gouvernements étrangers (BGE) a, pour sa part, duré de nombreux mois sans être pour autant intégralement réalisé : là réside la seconde source de critiques relatives au transfert de la gestion des bourses à Campus France, critiques dont s'est largement fait l'écho le CNOUS.
De fait, Campus France n'a pas repris en l'état l'intégralité des conventions conclues par son prédécesseur 5 ( * ) . Plusieurs raisons expliquent toutefois aisément ce résultat : l'extinction progressive de certaines conventions, l'intégration de la convention avec Total dans une convention plus large, les difficultés actuelles, en raison de la situation politique de ces pays, à négocier avec la Libye et la Syrie, mais également le choix de certains partenaires, à l'instar du Chili et du Mexique, de gérer eux-mêmes leurs programmes de mobilité.
D'aucuns estiment que la désaffection de certains pays est due à l'augmentation des tarifs de gestion opérée par Campus France à l'occasion de la renégociation des conventions. Votre rapporteur pour avis n'adhère pas à cette affirmation. Il rappelle à cet égard que la fixation des frais de gestion à 80 euros en moyenne par dossier et par mois par le nouvel opérateur est fort proche du niveau antérieurement pratiqué par le ministère des affaires étrangères pour la gestion des BGF. A contrario , les montants de l'ordre de 50 euros affichés par le CNOUS, inchangés depuis 1998, ne correspondaient manifestement plus à la réalité d'un coût horaire du travail qui avait augmenté de près de 45 % sur la période.
Votre rapporteur pour avis indique également, pour s'en féliciter, que de nouvelles conventions ont été négociées par Campus France , permettant à l'EPIC de gérer à ce jour un portefeuille de 90 conventions pour un nombre annuel de boursiers allant de 1 200 (Agence nationale des bourses du Gabon) à un seul (Université de Hanoï). Les dix principales conventions représentent toutefois 80 % du nombre total de boursiers.
* 5 Selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis par le ministère des affaires étrangères, 33 conventions n'auraient pas été reprises.