EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LES DISPOSITIONS RELATIVES À L'ACTION DE GROUPE

A. UNE RÉFORME AMBITIEUSE ET NÉCESSAIRE

1. L'aboutissement d'une longue réflexion

Dès les années 1980, la question de l'institution d'une action de groupe en droit national a fait l'objet d'une multitude de rapports, à l'instar de celui du professeur Jean Calais-Auloy au nom de la commission pour la codification du droit de la consommation, de colloques et de dizaines de propositions de loi, dont aucune n'a cependant abouti.

La réflexion a été relancée en janvier 2005. À l'occasion de ses voeux aux forces vives de la Nation, Jacques Chirac, alors Président de la République, a demandé au Gouvernement de « proposer une modification de la législation pour permettre à des groupes de consommateurs et à leurs associations d'intenter des actions collectives contre des pratiques abusives rencontrées sur certains marchés » .

En 2008, la commission pour la libération de la croissance française, présidée par Jacques Attali, a préconisé l'institution d'une action de groupe dans les domaines de la consommation et de la concurrence.

En mai 2010, les sénateurs Laurent Béteille et Richard Yung ont rendu, au nom de la commission des lois du Sénat, un rapport intitulé « L'action de groupe à la française : parachever la protection des consommateurs ». Ce rapport fait le diagnostic d'une réparation insuffisante voire inexistante des dommages constatés dans le secteur de la consommation. Ils relèvent ainsi que « bien que chaque consommateur lésé dispose d'une action individuelle pour obtenir la réparation de son dommage, il est dissuadé d'agir parce que le gain n'en vaut pas les inconvénients ou que, seul, il ne parviendra pas à prouver la responsabilité de l'entreprise » .

S'inspirant des conclusions de ce rapport, le Sénat a adopté en 2011, à l'initiative de Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis au nom de la commission des lois, un dispositif d'action de groupe dans le cadre du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs. Ce texte est resté en suspens du fait du changement de majorité à la suite des élections présidentielle et législatives de 2012.

Cette longue réflexion a finalement abouti au dépôt, au printemps 2013, du projet de loi relatif à la consommation introduisant, en son article 1 er , une procédure d'action de groupe pour les litiges relevant du droit de la consommation et du droit de la concurrence.

2. Le dispositif proposé par le Gouvernement : un projet équilibré d'action de groupe « à la française »

Les articles 1 et 2 du projet de loi introduisent dans notre législation une action de groupe en matière de droit de la consommation et de la concurrence. Le dispositif reprend, pour une large part, les conclusions du rapport de Laurent Béteille et Richard Yung de décembre 2010.

Les consommateurs lésés par les pratiques frauduleuses d'un professionnel au regard des règles du droit de la consommation et du droit de la concurrence pourront désormais obtenir, de manière collective, la réparation du préjudice matériel résultant d'une atteinte à leur patrimoine. À cette fin, une des seize associations de consommateurs agréées au niveau national pourra introduire une action de groupe devant un des huit tribunaux de grande instance qui seront désignés compétents. Si le professionnel est reconnu responsable par le juge, il devra, une fois le jugement devenu définitif, procéder à des mesures de publicité afin que les consommateurs concernés puissent se manifester et obtenir une indemnisation.

Dans la mesure où les préjudices matériels individuels subis par les consommateurs sont souvent des préjudices d'un faible montant, l'absence de procédure collective efficace a longtemps fait obstacle à la juste réparation des victimes. Cette absence a favorisé la poursuite, par certaines entreprises, de comportements illégaux, représentant souvent des sommes cumulées conséquentes, et nuisant à un bon fonctionnement de l'économie.

Le dispositif encadre toutefois les risques de dérives pour les entreprises et leur garantit une sécurité juridique, notamment grâce au système de filtre des recours par les associations de consommateurs. En outre, en matière de concurrence, ne seront pas susceptibles de recours les pratiques anticoncurrentielles ayant fait l'objet d'une décision devenue définitive avant l'entrée en vigueur de la loi.

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