B. LA TAXE POIDS LOURDS ALSACIENNE (TPLA) : UNE RÉPONSE À LA TAXE POIDS LOURDS ALLEMANDE
Au 1 er janvier 2005, l'Allemagne a mis en place la Lastkraftwagen-Maut (LKW-Maut), à savoir une taxe appliquée aux poids lourds de plus de 12 tonnes circulant sur le réseau autoroutier, dont l'utilisation est traditionnellement gratuite.
Or cette initiative a conduit à un important report de trafic sur les routes alsaciennes, jusqu'à 2 000 camions par jour selon les mesures effectuées par les services de l'Etat en 2005. En effet, l'existence d'une autoroute gratuite A 35, qui traverse la région selon un axe Nord-Sud, a provoqué un fort effet d'aubaine pour les transporteurs.
En réponse à ce phénomène, notre ancien collègue député Yves Bur a proposé l'instauration d'une taxe expérimentale , équivalente à celle applicable outre-Rhin, et limitée à la seule région Alsace. Adopté contre l'avis de la commission et du Gouvernement, l'article 27 de la loi du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports 5 ( * ) introduit ainsi un nouvel article 285 septies au sein du code des douanes définissant cette taxe expérimentale : la taxe poids lourds alsacienne (TPLA) .
Bien que n'étant jamais entrée en vigueur, le principe de l'expérimentation alsacienne n'a jamais été formellement abandonné. A ce jour, il est toujours prévu que la TPLA soit mise en place le 20 avril 2013. Votre rapporteur doute cependant de l'opportunité de son lancement seulement trois mois avant celui de la taxe poids lourds nationale (TPLN) sur l'ensemble du territoire métropolitain ( cf. infra II. F.).
C. LE GRENELLE DE L'ENVIRONNEMENT : LES PRÉMICES D'UNE FISCALITÉ ÉCOLOGIQUE
Il est en réalité vite apparu que le problème identifié en Alsace ne pouvait être traité à l'échelle de cette seule région.
Le Grenelle de l'environnement a également mis en avant la nécessité d'oeuvrer au « report modal » du transport de marchandises, c'est-à-dire de faire décroître la part du transport routier au profit d'autres modes (fluvial, maritime, ferroviaire) et, en tout état de cause, de réduire le transport routier considéré comme le plus polluant.
Les travaux du Grenelle ont donc conclu à l'opportunité de créer une « éco-redevance kilométrique pour les poids lourds sur le réseau routier non concédé » (engagement n° 45). Le Gouvernement synthétise ainsi ses objectifs :
« - assurer la couverture des coûts d'usage du réseau routier non concédé par les poids lourds ;
« - réduire les impacts environnementaux en réduisant le trafic routier de marchandise, éventuellement par changement de mode, mais surtout par réduction de la demande de transport routier ;
« - financer la politique de développement intermodal des transports ;
« - dégager des ressources pour financer de nouvelles infrastructures ».
La taxe poids lourds nationale ou TPLN a été créée par l'article 153 de la loi de finances pour 2009 6 ( * ) et codifiée aux articles 269 à 283 quinquies du code des douanes.
Elle est également inscrite au VI de l'article 11 de la loi de programmation « Grenelle I » 7 ( * ) , qui fut pourtant promulguée après la loi de finances pour 2009 précitée.
VI de l'article 11 de la loi de programmation « Grenelle I » « VI. - [...] Une écotaxe sera prélevée sur les poids lourds à compter de 2011 à raison du coût d'usage du réseau routier national métropolitain non concédé et des voies des collectivités territoriales susceptibles de subir un report de trafic. Cette écotaxe aura pour objet de financer les projets d'infrastructures de transport . A cet effet, le produit de cette taxation sera affecté chaque année à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France pour la part du réseau routier national. L'Etat rétrocèdera aux collectivités territoriales le produit de la taxe correspondant aux sommes perçues pour l'usage du réseau routier dont elles sont propriétaires, déduction faite des coûts exposés y afférents. Cette redevance pourra être modulée à la hausse sur certains tronçons dans un souci de report de trafic équilibré sur des axes non congestionnés. « Cette taxe sera répercutée par les transporteurs sur les bénéficiaires de la circulation des marchandises . Par ailleurs, l'Etat étudiera des mesures à destination des transporteurs permettant d'accompagner la mise en oeuvre de la taxe et de prendre en compte son impact sur les entreprises. Par exception, des aménagements de la taxe, qu'ils soient tarifaires ou portant sur la définition du réseau taxable, seront prévus aux fins d'éviter un impact économique excessif sur les différentes régions au regard de leur éloignement des territoires de l'espace européen ». |
L'éco-taxe est établie sur le réseau national non concédé, c'est-à-dire les routes nationales et les autoroutes gratuites, ainsi que sur le réseau local susceptible de subir un report de trafic. En droit européen, elle est assimilée à un péage ou à une redevance pour service rendu et non à une taxe : elle doit refléter le coût d'usage de l'infrastructure. Pour cette raison, le réseau concédé (à péages) ne peut pas faire partie du réseau taxable.
Conformément à son objet, le produit de l'éco-taxe est reversé à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) et aux collectivités territoriales (pour la partie du réseau taxable leur appartenant).
Enfin, il convient de noter que la loi « Grenelle I » prévoit la « répercussion » de la taxe « par les transporteurs sur les bénéficiaires de la circulation des marchandises » . C'est l'objet de l'article 7 du présent projet de loi.
Cette disposition se justifie pour des raisons écologiques et économiques . Elle traduit le principe « pollueur-payeur » : le véritable utilisateur de la route n'est pas le transporteur mais son client. En outre, elle apparaît nécessaire pour éviter que la taxe ne pèse trop lourdement sur un secteur dont les marges sont déjà très faibles ( cf. infra IV).
* 5 Loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports.
* 6 Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.
* 7 Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.