B. ... PARTICULIÈREMENT ABUSIVE À L'HEURE DU DÉPLOIEMENT DU TRÈS HAUT DÉBIT POUR TOUS
Cette situation est particulièrement intolérable à l'heure où, et l'Union européenne (à sa manière), et notre pays, de façon particulièrement résolue, ont mis au sommet de leur agenda la modernisation des infrastructures numériques afin d'en améliorer les performances et les potentialités.
En France, la « feuille de route » en cours de définition doit remédier aux lacunes du programme national de très haut débit avec pour horizon d'installer solidement le déploiement du très haut débit pour tous d'ici dix ans. La technologie de référence dont être la fibre optique dont l'installation sur tout le territoire suppose des investissements qui, malgré certaines incertitudes sur le chiffrage, devraient s'élever entre vingt et trente milliards d'euros selon certains.
Ce besoin de financement devra être couvert par l'initiative privée mais aussi par des fonds publics.
Dans un tel contexte, l'absence de contribution de certaines des entreprises qui bénéficient le plus de ces équipements, alors même que leurs revenus sont appelés à progresser, notamment en absorbant une part de ceux réalisés dans les secteurs traditionnels, n'est pas acceptable.
L'instauration d'une taxation de la rente d'accès des passagers clandestins de l'économie numérique est une initiative qui, faute d'autres solutions, répond à un vrai problème.
En outre, elle est, en soi, un élément des solutions à lui apporter puisqu'aussi bien elle peut permette d'internaliser les coûts des externalités créées grâce à la contribution publique à l'installation d'infrastructures qui sont un facteur de production gratuit des bénéficiaires des investissements publics.
Il serait alors logique que ce processus d'internalisation bénéficie à ceux qui supportent ces coûts. Étant donné l'implication financière des collectivités territoriales dans l'équipement numérique du pays, et compte tenu de la nécessité d'assurer un niveau élevé de péréquation, du fait notamment du choix de « sauter » le stade où une péréquation de premier niveau aurait pu être mise en oeuvre 5 ( * ) , il convient de prévoir qu'une partie des prélèvements sur la valeur numérique vienne abonder les moyens de l'égalité numérique du territoire . A cet égard, il serait pleinement opportun que le fonds d'aménagement numérique du territoire (FANT) créé par la « loi Pintat » se voit affecter une partie substantielle des prélèvements visant à assurer la neutralité fiscale de l'économie numérique.
Votre commission relève avec satisfaction l'attention portée à cette préoccupation par l'auteur de la proposition de loi, mais veut s'étonner qu'elle ne soit pas incorporée dans ses dispositions.
Il faut cependant relever que, si elle n'apparaît pas dans son dispositif, elle se retrouve dans le rapport qui le fonde et qu'il faut citer 6 ( * ) :
L'enjeu du financement trouve un écho dans de nombreux domaines. Il concerne bien sûr celui de la culture,...
... mais aussi, avec la croissance prodigieuse du commerce électronique et des flux à hauts débits, celui des services publics et des réseaux, dont la charge pèse sur les opérateurs, les collectivités locales, l'État et, dans le futur, l'Union européenne....
Le financement des réseaux à très haut débit (THD) est assuré principalement par les opérateurs et par les autorités publiques - l'État via le Fonds pour la société numérique - et les collectivités territoriales....
... Ce financement demeure toutefois très insuffisant pour faire face à un besoin estimé à quelques 25 milliards d'euros pour assurer la couverture du territoire en THD.
De leur côté, les opérateurs se sont engagés à déployer d'ici 2020 sept milliards d'euros d'investissements. Se pose la question de la capacité à tenir ces engagements et de leur coordination avec les collectivités.
Devant l'insuffisance structurelle des moyens, outre les initiatives parlementaires déjà citées, les opérateurs souhaiteraient y voir contribuer les « Géants de l'Internet ». En effet, ceux-ci utilisent les réseaux et sollicitent une bande passante toujours croissante à l'aune de l'évolution des technologies, des services rendus et des flux vidéo, sans pour autant participer à l'effort fiscal, ni à l'effort de financement des réseaux.
Ce constat est un argument supplémentaire pour définir une nouvelle fiscalité du numérique qui inclue les géants mondiaux de l'Internet, afin de ne pas peser exclusivement sur les acteurs français.
La reprise de la rente des passagers clandestins du numérique devra être incluse dans l'équilibre du financement de l'ambition d'aménagement numérique du territoire en appoint des ressources pérennes et dynamiques qu'il faudra lui affecter.
* 5 La partition implicite du territoire qui accompagne les règles adaptées pour encadrer le déploiement du THS laisse présager que les mécanismes de péréquation résultant de l'unicité des prix des infrastructures (dans un contexte marqué par l'hétérogénéité des coûts) ne fonctionneront pas pour l'infrastructure numérique du XXI ème siècle.
* 6 Pages 36 et 37 du rapport d'information n° 614 « Une feuille de route pour une fiscalité numérique neutre et équitable » - 27 juin 2012 - commission des Finances, M. Philippe Marini.