III. UNE POLITIQUE D'ACTION SOCIALE RENFORCÉE AFIN DE RÉPONDRE AUX BESOINS DE TOUTES LES GÉNÉRATIONS DU FEU ET DES CONJOINTS SURVIVANTS

Le droit à réparation à l'égard des anciens combattants s'exerce également par une politique d'action sociale dédiée visant à aider ceux qui ont servi la France ainsi que leurs ayants droit lorsqu'ils connaissent des difficultés financières ou qu'ils doivent faire face aux effets du vieillissement. Financée par l'action « Solidarité » du programme 169, elle est mise en oeuvre à titre principal par l'Onac. Cette action porte également la subvention pour charges de service public de cet établissement public ainsi que celle de l'Institution nationale des invalides (Ini).

Le Gouvernement a décidé, en cette période où les contraintes budgétaires sont fortes, de faire un effort spécifique en direction des anciens combattants les plus démunis en augmentant de 500 000 euros par an, durant les trois prochaines années, la subvention d'action sociale versée à l'Onac. D'ici à 2015, la hausse cumulée sera donc de 3 millions d'euros. Entre 2012 et 2013, elle passera de 20,1 à 20,6 millions d'euros. Votre rapporteure salue ce geste symbolique qui devra être amplifié dès que la situation budgétaire le permettra, car la Nation ne saurait tolérer que des anciens combattants se retrouvent dans la misère.

A. L'ONAC, OPÉRATEUR DE LA SOLIDARITÉ NATIONALE ENVERS LE MONDE COMBATTANT

L'intervention de l'Onac en faveur des anciens combattants prend plusieurs formes, héritage de sa mission d'assistance aux anciens poilus et aux veuves de la Première Guerre mondiale.

C'est ainsi qu'il prend en charge les frais de voyage sur les tombes des « morts pour la France » ainsi que diverses formes d'indemnités et de pécules versés à plusieurs catégories de victimes de la Seconde Guerre mondiale, pour un montant total de 110 000 euros. Il subventionne également, à hauteur de 260 000 euros, une cinquantaine d'associations du monde combattant. Votre rapporteure s'était émue l'an dernier de la forte baisse qu'avaient subie ces crédits entre 2011 et 2012. Elle regrette donc qu'ils ne reviennent pas à leur niveau antérieur alors qu'il est indispensable d'apporter un soutien fort aux associations et aux bénévoles qui font vivre la mémoire de toutes les générations du feu.

Les aides apportées en cas de difficultés financières restent la principale traduction de l'intervention de la solidarité nationale envers les ressortissants de l'Onac, avec 18 639 cas traités en 2011 pour une dépense de 9,8 millions d'euros. Des secours d'urgence peuvent aussi être délivrés lorsque la situation l'exige.

L'Onac étant confronté au vieillissement des anciens combattants, il a mis en place une politique volontariste d'aide au maintien à domicile qui, au premier semestre 2012, a représenté près de 30 % des interventions sociales de ses services départementaux. Du fait de la croissance du nombre de ses ressortissants âgés, ce poste de dépense, qui s'est élevé à 3,1 millions d'euros en 2011 pour 10 583 cas pris en charge, devrait être amené à croître dans le futur.

Il ne faut toutefois pas oublier que huit maisons de retraite sont directement rattachées à l'Onac, avec une capacité d'accueil totale de 625 lits. Elles sont ouvertes à tous et comptaient, en 2011, 55 % de ressortissants de l'Onac parmi leurs résidents. Leur financement, d'un montant d'environ 25 millions d'euros, ne bénéficie pas d'une subvention inscrite dans les crédits de la mission mais est assuré, selon les prestations, par les personnes accueillies, le département ou l'agence régionale de santé (ARS).

En ajoutant l'aide différentielle au conjoint survivant (ADCS), ce sont plus de 18,7 millions d'euros que l'Onac a consacrés en 2011 à l'aide sociale individuelle. Il faut ajouter à cela ses fonds propres, constitués des collectes de l'oeuvre national du Bleuet de France et des excédents non consommés des exercices antérieurs. Au total, en 2012, ces crédits devraient s'élever à 21 millions d'euros.

Votre rapporteure se félicite donc que les ressources de l'Onac destinées à l'action sociale augmentent et qu'il parvienne, malgré sa réforme et la baisse de ses effectifs (trente-huit postes supprimés dans les services départementaux en 2012), à offrir un service de qualité à ceux qui en ont le plus besoin. Vigilante aux évolutions qui pourraient intervenir sur ces points dans les mois à venir, elle rappelle que les crédits non dépensés devraient être réorientés et consacrés à la revalorisation d'autres prestations destinées aux anciens combattants et à leurs ayants droits.

B. LA MODERNISATION DE L'INSTITUTION NATIONALE DES INVALIDES

L'Institution nationale des invalides est, en application de l'article L. 529 du CPMIVG, « la maison des combattants âgés, malades ou blessés au service de la patrie ». En plus de sa mission traditionnelle d'accueil, à titre permanent ou temporaire, des anciens combattants atteints d'une invalidité d'au moins 85 % ou retraités de plus de soixante ans, il dispose d'une offre de soins médico-chirurgicale centrée sur la réadaptation fonctionnelle, professionnelle et sociale des patients et conduit la politique d'études et de recherche du ministère de la défense sur l'appareillage des handicapés.

La direction de l'Ini, le ministère de la défense et le ministère de la santé ont signé en décembre 2010 un contrat d'objectifs et de performance (Cop) pour la période 2010-2013 qui définit son projet d'établissement, les orientations stratégiques de son activité ainsi que l'évolution de son projet médical. Grâce à d'importants efforts en matière de maîtrise des dépenses, les objectifs d'économies fixés par le Cop ont été dépassés tandis que son activité hospitalière se caractérise par un développement important de l'activité ambulatoire et une augmentation de la prise en charge des bénéficiaires de soins médicaux gratuits.

Avec une subvention pour charges de service public de 12,36 millions d'euros, en baisse de 300 000 euros par rapport à 2012 à cause de la suppression de cinq emplois, l'année 2013 devrait être marquée par la poursuite des investissements destinés à rationaliser l'activité et les implantations du centre médico-chirurgical et du centre des pensionnaires, dont les quatre-vingt-onze chambres accueillent les grands invalides de guerre. Votre rapporteure salue le rôle central de l'Ini dans la fourniture de soins de suite aux blessés et l'expression de la solidarité nationale envers les anciens combattants et souhaite donc qu'elle reste fidèle à cette mission.

Le rattachement à l'Ini du centre d'études et de recherches sur l'appareillage des handicapés (Cerah) depuis le 1 er janvier 2010 renforce ses capacités de recherche et améliore la cohérence de l'organisation des services à destination des personnes handicapées. Chargé de la formation des professionnels de santé sur l'utilisation des appareillages et aides techniques, de la réalisation de tels instruments particulièrement complexes et de mener des études dans ce domaine, il regroupe des personnels dont les connaissances techniques, scientifiques et médicales lui permettent d'être à la pointe de l'innovation.

Situé principalement à Woippy (Moselle), ses études récentes ont porté, d'après les informations communiquées à votre rapporteure, sur la marche de la personne amputée du membre inférieur ainsi que sur les paramètres influençant les déplacements en fauteuil roulant manuel, en partenariat avec le laboratoire de biomécanique des Arts et Métiers Paristech. Surtout, en 2011, 341 appareillages (prothèses externes ou orthèses) ont été réalisés pour 122 patients, en majorité des soldats blessés en Afghanistan, ainsi que 958 consultations médico-techniques. Le Cerah constitue donc, aujourd'hui plus que jamais, un outil indispensable à la prise en charge des besoins médicaux de ceux qui ont été blessés en servant la France.

C. MIEUX ORIENTER L'ACTION SOCIALE VERS LA QUATRIÈME GÉNÉRATION DU FEU

La professionnalisation des armées a transformé la carrière militaire, notamment en matière de durée de service. Pour les militaires du rang, comme les engagés volontaires de l'armée de terre (Evat), celle-ci peut n'être que de trois ans. Leur reconversion dans la vie civile et leur insertion sur le marché du travail doivent donc constituer une priorité pour le ministère de la défense et ses opérateurs, en reconnaissance de leur engagement pour la Nation.

De nombreuses initiatives ont déjà été prises, ce dont il convient de se féliciter. Toutefois, il est aux yeux de votre rapporteure indispensable que l'Onac mobilise plus les moyens qui sont à sa disposition dans ce sens. Celui-ci gère en effet neuf écoles de reconversion professionnelle, qui comptaient 1 841 stagiaires en 2011 pour un budget de fonctionnement d'environ 33 millions d'euros. Les travailleurs handicapés constituent 97,5 % du public accueilli, les militaires en reconversion n'étant qu'une cinquantaine.

Les formations diplômantes proposées, souvent en deux temps, de niveau V (BEP-CAP) puis de niveau IV (Bac pro), durent dans leur grande majorité vingt-quatre mois et connaissent un taux de réussite très élevé, 88,4 % pour la promotion 2009-2011 toutes spécialités et tous niveaux confondus. Quelques formations d'un niveau plus élevé, jusqu'à la licence professionnelle (niveau II), sont offertes en partenariat avec des établissements d'enseignement supérieur. Toutes les filières sont représentées, les principales étant le tertiaire (35 %), le BTP (24 %) et l'industrie (22 %).

Il n'est pas ici question de remettre en cause le rôle indispensable que jouent les écoles de reconversion de l'Onac dans l'insertion professionnelle des personnes handicapées, qui souffrent particulièrement d'un manque de qualification et d'un accès limité à la formation professionnelle. Toutefois, il est difficilement compréhensible que les militaires en fin de contrat d'engagement ne soient pas plus nombreux à profiter des services de l'Onac pour acquérir une qualification.

Conscient de cette situation, l'Onac accomplit un effort particulier envers les militaires de retour d'Opex, en leur proposant un parcours de reconversion dans l'une de ses écoles ou dans un établissement extérieur. Ainsi, en 2011, l'Onac a financé 123 aides à la reconversion professionnelle, pour un montant de 446 000 euros. Au premier semestre 2012, 153 demandes de prise en charge ont été accordées, dont 109 pour des formations ayant débuté en 2012 et 44 pour des formations ayant débuté en 2011.

Le directeur général de l'Onac a souligné devant votre rapporteure plusieurs obstacles à une augmentation forte du nombre d'anciens militaires du rang au sein de ses écoles de reconversion. Parmi les personnes handicapées qui y sont inscrites, certaines ont besoin d'un accompagnement médical, psychologique et social qui n'est pas forcément compatible avec le rythme de formation souhaité par ceux qui veulent débuter rapidement une nouvelle carrière après avoir servi dans l'armée. Les écoles de l'Onac proposent des formations diplômantes étalées sur deux ans alors que ces derniers recherchent des formations qualifiantes plus courtes, d'une durée maximale de six mois. Votre rapporteure invite donc l'Onac à réfléchir aux façons dont son offre de formation pourrait évoluer pour mieux prendre en compte les besoins de la quatrième génération du feu sans remettre en cause sa mission première en direction des personnes handicapées.

D. SORTIR LES CONJOINTS SURVIVANTS DE LA PAUVRETÉ ET RÉFLÉCHIR À LA MEILLEURE FAÇON D'AIDER LES ANCIENS COMBATTANTS LES PLUS DÉMUNIS

L'aide différentielle au conjoint survivant (ADCS), fruit des travaux d'un groupe de travail qui avait réuni en 2006 des parlementaires, des représentants du monde combattant et l'administration, a été créée par une décision du directeur général de l'Onac du 31 août 2007 afin d'apporter un complément de revenu aux conjoints survivants des ressortissants de l'Onac les plus démunis. Alors qu'un nombre croissant de veuves d'anciens combattants se retrouvaient, au décès de leur mari, avec une pension de réversion d'un montant très faible, il était devenu indispensable de prendre une mesure forte pour les éloigner de la pauvreté.

L'attribution de l'ADCS, qui vaut pour un an, se fait sur la base de quatre critères : être conjoint survivant d'un ressortissant de l'Onac, avoir au moins soixante ans, des ressources mensuelles inférieures à un plafond et résider de façon régulière et continue dans le département où la demande a été déposée. Le montant de ce plafond, initialement fixé à 550 euros, a été revalorisé à plusieurs reprises pour atteindre, depuis le 1 er avril dernier, 900 euros. Au sein du budget de l'Onac dédié à la solidarité, une dotation de 5 millions d'euros y est consacrée.

Evolution du plafond de l'ADCS depuis 2007

(en euros)

Date

1 er août 2007

1 er novembre 2007

1 er janvier 2008

1 er janvier 2010

1 er avril 2010

1 er avril 2011

1 er avril 2012

Plafond mensuel de ressources

550

681

750

800

817

834

900

Source : commission des affaires sociales

En 2011, 4 682 personnes en ont bénéficié, pour une dépense totale de 4,62 millions d'euros. Au cours du premier semestre 2012, les services de l'Onac ont d'ores et déjà instruit 5 305 dossiers dont 4 655 ont été déclarés éligibles, pour une dépense de 4,39 millions d'euros. Le nombre de bénéficiaires étant d'ores et déjà quasiment équivalent à celui de l'an dernier, il devrait encore poursuivre sa progression en 2013 ; le plafond ayant été revu à la hausse, les dépenses devraient s'accroître. Il est intéressant de noter que les années passées tous les crédits n'étaient pas consommés. Ainsi en 2012 l'ADCS est financée à hauteur de 6,42 millions d'euros, dont 1,42 million d'euros provenant des excédents des exercices antérieurs.

Cela a sans nul doute permis de revaloriser le plafond, ainsi que le précédent gouvernement s'était engagé à le faire. Il faut toutefois tendre vers un niveau plus élevé, 964 euros, qui est celui du seuil de pauvreté européen. En effet, l'ADCS ne pourra être qualifiée de réussite pleine et entière que si elle parvient à faire sortir définitivement ses bénéficiaires de la pauvreté.

Bien que votre rapporteure soit tout à fait consciente de l'état dégradé de nos finances publiques, elle estime qu'il y a là un engagement gouvernemental fort à prendre. De plus, la revalorisation des prestations sociales comme l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) permet d'augmenter mécaniquement le plafond de la même somme sans effort budgétaire supplémentaire. Il s'agit d'une allocation différentielle, qui vient verser le montant qui sépare les ressources du bénéficiaire de son plafond. Elle est donc d'un montant mensuel moyen relativement modeste, inférieure à 100 euros. Il n'est pas acceptable que des personnes âgées ne disposent pas des moyens matériels nécessaires pour vivre en toute autonomie, sans avoir à dépendre des aides d'urgence que l'Onac ou d'autres organisations peuvent leur apporter.

La situation est plus préoccupante en ce qui concerne les anciens combattants les plus démunis. Alors que l'ADCS permet d'améliorer le niveau de vie des conjoints survivants, ceux qui ont servi la France ne disposent d'aucune prestation comparable.

Le Parlement avait demandé au Gouvernement, par un amendement à la loi de finances pour 2011, de lui remettre un rapport étudiant la possibilité de créer une allocation du même type en leur faveur. Celui-ci avait conclu à la difficulté d'identifier la population concernée et à l'existence de difficultés juridiques sur ses modalités d'attribution, en particulier pour les anciens combattants issus des territoires anciennement sous souveraineté française. L'Onac envisageait néanmoins, pour un groupe de cinq mille bénéficiaires, un coût global de plus de 4,5 millions d'euros.

C'est une somme importante dans le contexte actuel. Cela ne doit pas empêcher le Gouvernement de poursuivre ses travaux préparatoires en vue de la création d'une telle allocation, en particulier sur le plan juridique, afin qu'elle puisse être mise en oeuvre dès que possible. Grâce aux économies réalisées par la baisse du nombre d'anciens combattants, il serait possible d'apporter une réponse durable à la grande précarité financière qui touche de plus en plus d'entre eux.

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