B. LE PROJET DE LOI RELATIF À LA RÉGULATION ÉCONOMIQUE OUTRE-MER, PREMIÈRE RÉPONSE AUX ATTENTES FORTES DE LA POPULATION ULTRAMARINE

Comme le soulignait la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer, dont votre rapporteur a eu l'honneur d'être le président, « la question du niveau des prix et de leur formation constitue un sujet de préoccupation majeure dans les départements d'outre-mer » 47 ( * ) .

? Depuis 2009, les outre-mer ont été secoués par de nombreux mouvements sociaux centrés autour de la problématique de la cherté de la vie :

- le début de l'année 2009 a été ainsi marqué par une grave crise sociale qui a touché les départements d'outre-mer et a notamment paralysé, pendant plusieurs semaines, les deux départements antillais ;

- la vie chère a été au coeur des préoccupations des organisations syndicales et des pouvoirs publics en Nouvelle-Calédonie en 2011 ;

- une mobilisation sociale importante a eu lieu à Wallis-et-Futuna autour de la cherté de la vie à l'automne 2011, le coût de l'énergie ayant constitué un élément central de la mobilisation ;

- Mayotte a été également secoué par une longue mobilisation contre la vie chère à l'automne 2011, marquée notamment par une grève de près de cinquante jours, centrée sur la problématique du prix des produits alimentaires et de première nécessité ;

- La Réunion a enfin connu un conflit social autour de la problématique du prix des carburants au début de l'année 2012.

La multiplication de ces conflits s'explique par le fait que, loin d'être un simple ressenti, la cherté de la vie dans les outre-mer est une réalité statistique .

S'agissant des départements d'outre-mer (DOM), l'INSEE a ainsi relevé en 2010 que :

- les revenus sont en moyenne 38 % inférieurs à ceux des ménages de l'Hexagone 48 ( * ) ;

- le niveau général moyen des prix est supérieur de 6 à 13 % selon le territoire au niveau des prix dans l'Hexagone. Les écarts de prix sont encore plus marqués pour ce qui concerne les produits alimentaires : le prix du panier de produits alimentaires métropolitain est supérieur de 33,8 % en Guadeloupe, de 36,6 % à La Réunion, de 44,6 % en Martinique et de 49 % en Guyane 49 ( * ) .

Par ailleurs, la succession de conflits sociaux centrés autour de la cherté de la vie illustrent le très maigre bilan du Comité interministériel de l'outre-mer (CIOM) . Près de trois ans après la crise de 2009, bien peu de choses ont changé et peu de réponses ont été apportées aux attentes de nos concitoyens ultramarins.

? Dans ces conditions, votre rapporteur pour avis se réjouit du dépôt rapide par le Gouvernement d'un projet de loi visant à apporter des premières réponses aux problématiques de la vie chère , conformément aux engagements pris par le Président de la République 50 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis, rapporteur de ce texte au nom de votre commission, rappelle que celui-ci constitue une « boîte à outils » à disposition des pouvoirs publics , ayant pour objectif de remettre en cause certaines positions acquises qui contribuent au phénomène de la vie chère.

Plusieurs mesures paraissent particulièrement importantes aux yeux de votre rapporteur pour avis :

- l'interdiction des clauses accordant des droits d'importation exclusifs ;

- le pouvoir d'injonction structurelle accordé à l'Autorité de la concurrence ;

- l'institution d'un « bouclier qualité prix », introduit dans le projet de loi par le Sénat, à l'initiative du Gouvernement, permet la négociation annuelle d'un accord de modération du prix global d'une liste de produits de grande consommation. En cas d'échec de la négociation, les pouvoirs publics arrêteront les modalités d'encadrement du prix de ces produits.

Votre rapporteur pour avis se réjouit que ce projet de loi , qui devrait être adopté définitivement par le Parlement très prochainement, ait donné lieu à des débats sereins et constructifs devant les deux Assemblées qui ont permis de compléter utilement le projet de loi initial.

? Pour autant, votre rapporteur pour avis souligne que ce texte ne constitue qu'une première étape . Il ne suffira pas à résoudre seul la problématique de la vie chère.

D'autres réponses devront être apportées au cours des prochains mois et des prochaines années, visant l'ensemble de la chaîne de la formation des prix ainsi que l'ensemble des secteurs économiques concernés (carburants, logement, énergie, communications électroniques...).

Un travail de réflexion et d'expertise demeure nécessaire . C'est dans cet esprit que la délégation sénatoriale à l'outre-mer, que votre rapporteur pour avis a l'honneur de présider, a lancé dès le début de l'année 2012 des travaux sur la problématique de la vie chère.

Par ailleurs, le projet de loi, même s'il comporte un volet comprenant diverses dispositions relatives aux outre-mer, n'apporte pas de réponse à l'ensemble des problématiques de ces territoires. Votre rapporteur pour avis espère donc que le Parlement pourra discuter au cours des prochains mois d'autres textes concernant les outre-mer , à l'exemple d'une loi d'orientation et de modernisation agricole, qui constitue un engagement du Président de la République 51 ( * ) .


* 47 « Les DOM, défi pour la République, chance pour la France. 100 propositions pour fonder l'avenir », Ibid., p. 15.

* 48 Cf. « Les inégalités de revenus entre les DOM et la métropole », INSEE Première, n° 1279, février 2010.

* 49 Cf. « Comparaison des prix entre les DOM et la métropole en 2010 », INSEE Première, p. 1304, juillet 2010.

* 50 Cf. engagement n° 5 pour les outre-mer : « Je lutterai sans concession contre les monopoles et les marges abusives, en renforçant les instances de contrôle et les observatoires des prix et des revenus. Je favoriserai la concurrence notamment en luttant contre les exclusivités accordées aux agents de marque et en créant en accord avec les régions les plateformes logistiques mutualisées pour la distribution alimentaire et artisanale. Je mettrai en place un « bouclier qualité-prix » grâce à des chartes entre la grande distribution et les producteurs locaux et, si nécessaire, en encadrant les prix des produits de première nécessité ».

* 51 Cf. engagement n° 8 pour les outre-mer : « J'engagerai, dans la concertation, l'élaboration d'une loi d'orientation et de modernisation agricole spécifique aux outre-mer pour accompagner leur modernisation en préservant les mécanismes européens de soutien, défendre les productions agricoles traditionnelles, et développer les cultures vivrières ».

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