III. UN FINANCEMENT DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE QUI POSE QUESTION
1. Une dépense d'aide juridictionnelle à nouveau en forte croissance
La dépense d'aide juridictionnelle est passée en euros courants de 188,05 millions d'euros en 2000 à 309,65 millions d'euros en 2010, soit une hausse de 65 % en dix ans. Elle a atteint un palier en 2007, à 324 millions d'euros, avant de décroître légèrement jusqu'à 2010.
Évolution de la dépense d'aide juridictionnelle de 2000 à 2010 (en millions d'euros )
Source : ministère de la justice et des libertés
Cette hausse de la dépense trouve son origine à la fois dans l'augmentation de la rétribution des avocats (revalorisations du barème en 2001 et 2003, hausse de 2 % en 2004 et de 8 % en 2007 de l'unité de valeur), et la croissance de la demande d'aide juridictionnelle, par l'effet des différentes réformes 19 ( * ) . Entre 2008 et 2010, en l'absence de réformes causant une hausse de la dépense d'aide juridictionnelle, la dépense effective a baissé légèrement, sous l'effet d'une utilisation accrue du dispositif permettant à l'avocat d'obtenir de l'adversaire de son client, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, le paiement de ses honoraires 20 ( * ) .
L'évolution des dotations budgétaires initiales et finales allouées à l'aide juridictionnelle, analogue à celle de la dépense effectivement constatée 21 ( * ) , fait apparaître une rupture en 2010 : pour la première fois, l'enveloppe budgétaire initialement prévue a été manifestement sous-évaluée, à 274 millions d'euros quand 310 millions d'euros ont été nécessaires, et alors même qu'en 2009, le niveau de la dépense constatée était déjà de 300 millions d'euros.
Évolution des crédits votés et des
crédits consommés
pour l'aide juridictionnelle depuis 2000
(en millions d'euros)
Source : ministère de la justice et des libertés
Les dotations ouvertes en 2011 et 2012 tentent de corriger cet écart.
Ainsi, en 2012, l'enveloppe allouée à l'aide juridictionnelle dans le projet de loi de finances est de 336,30 millions d'euros en crédit de paiement, ce qui représente une hausse de 7,7 % par rapport à 2011 (+ 24 millions d'euros), et de 22 % par rapport à 2010 (+ 62 millions d'euros).
Cette progression de la dotation est principalement due à la réforme de la garde à vue et aux nouvelles interventions des avocats dans le cadre de procédures judiciaires.
Selon l'estimation de la Chancellerie, la dépense d'aide juridictionnelle devrait s'élever en 2012 à 313,8 millions d'euros auxquels il conviendrait d'ajouter plus de 107,4 millions d'euros pour le financement des interventions des avocats, 103,8 millions pour les gardes à vue 22 ( * ) et 3,6 millions pour les médiations et compositions pénales et les procédures disciplinaires ou mesures d'isolement frappant des détenus, pour un total de 421,2 millions d'euros.
L'évolution constatée de la dotation budgétaire reste très inférieure au coût prévisible de la réforme de la garde à vue. En effet, le gouvernement a fait le choix de ne faire supporter au budget de l'État que moins de 20 % du coût de cette réforme et de faire financer le reste par une taxe spéciale directement affectée au Conseil national des barreaux.
* 19 Il en est ainsi notamment de l'amélioration du régime de l'accès à l'aide juridictionnelle pour les familles aux ressources modestes et les victimes réalisé par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, de l'institution d'une procédure de rétablissement personnel par la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, ou du transfert aux cours administratives d'appel de l'appel des décisions des tribunaux administratifs en matière de reconduite à la frontière par l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France et le décret n° 2004-789 du 29 juillet 2004.
* 20 La procédure prévue à l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique permet en effet à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle de demander au juge la condamnation de la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, au paiement d'une indemnité correspondant aux frais que son client aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. S'il est fait droit à cette demande, l'indemnité allouée par le juge est alors recouvrée par l'avocat.
* 21 La différence entre la dépense effective d'aide juridictionnelle et la dotation finale du budget d'aide juridictionnelle s'explique par les éventuelles rétablissements de crédits opérés et par le jeu de la trésorerie des caisses de règlement pécuniaire des avocats (CARPA) auxquelles est versées la subvention d'aide juridictionnelle destinée à défrayer les avocats.
* 22 Cf. la partie suivante pour le calcul de ce montant.