C. L'ALLOCATION DES RESSOURCES ENTRE ÉTABLISSEMENTS : UN SYSTÈME QUI N'A DE « SYMPA » QUE LE NOM...

Le dispositif SYMPA calcule des dotations globales qui correspondent au fonctionnement récurrent de l'établissement.

Jusqu'en 2008, la répartition des moyens ouverts par la loi de finances annuelle entre les établissements d'enseignement supérieur et de recherche se décidait avec l'aide d'un système de répartition appelé « SAN REMO » conçu une vingtaine d'années auparavant. Au fil du temps, « SAN REMO » s'est complexifié au point de le rendre peu lisible et progressivement inadapté aux évolutions (voulues ou subies) de l'enseignement supérieur.

La nécessité de refondre un système de répartition devenu obsolète s'est trouvée aussi renforcée par la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités qui dote principalement, mais pas exclusivement, les universités de l'autonomie financière. Ces dernières disposent désormais de la pleine maîtrise de leurs moyens au travers d'un budget global. Cette nouvelle responsabilité donnée aux universités exigeait donc, elle aussi, une révision de leur mode de relation financière avec l'État.

Selon le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, le système de répartition du financement des universités à la performance et à l'activité, mis en oeuvre dès 2009, est fondé sur les trois principes « vertueux » suivants :

« - le système d'allocation des moyens est simple, global et transparent ;

- le dispositif permet de financer équitablement chacune des missions de service public dévolues aux universités ;

- le financement du système universitaire valorise la performance : la culture du résultat est au coeur du système d'allocation des moyens ».

Le ministère indique ainsi que, depuis 2009, 20 % des moyens sont alloués en fonction de la performance des universités, contre 3 % auparavant, les 80 % étant dédiés au financement des activités au titre de l'exécution de missions de service public.

Toutefois, à la suite du rapport d'information du Sénat rendu en juillet 2009 par nos collègues Philippe Adnot et Jean-Léonce Dupont, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a reconnu que ce système méritait un certain nombre d'ajustements, qu'il a mises en oeuvre dès 2010 :

- le poids respectif des enveloppes licence et master a été porté à 58 % pour la licence et 42 % pour le master, contre 50 %/50 % précédemment ; cette évolution est en phase avec l'augmentation des moyens liée au plan « Réussir en licence » ;

- la situation particulière des universités de taille réduite a été prise en compte car les 10 000 premiers étudiants ont été surpondérés de 5 % ;

- la pondération des étudiants de licence, de master et d'IUFM tertiaires a été relevée, ainsi que celle des DUT, ce qui reflète mieux la charge réelle d'enseignement de ces formations ; la performance des DUT a aussi été prise en compte par l'insertion d'un indicateur de valeur ajoutée réussite en DUT ;

- le nombre de diplômés masters, indicateur de performance de la part enseignement, a pris en compte les étudiants de 2 e année des IUFM, ceux de dernière année des écoles internes d'ingénieurs et de 5 e année des filières de santé ;

- les modalités de répartition ont été ajustées pour mieux prendre en compte la charge que représentent les services interuniversitaires lorsqu'elle est assumée par une seule université ; le traitement appliqué consiste à ventiler, avant le calcul par le modèle, les moyens de référence en emplois et en crédits de ces organismes entre les différentes universités bénéficiaires des prestations ;

- la compensation des emplois lorsqu'une université dispose de moins d'emplois que ne le justifie son activité et ses performances est passée de 20 000 euros en 2009 à 25 000 euros en 2010 ;

- le surcoût induit par l'avancée statutaire que représente l'équivalence entre travaux pratiques et travaux dirigés a été financé au travers du modèle d'allocation des moyens ; une enveloppe spécifique lui a été consacrée. Son montant s'élève depuis à 45 millions d'euros au plan national.

Malgré ces ajustements, la réalité constatée sur le terrain s'écarte de la répartition vertueuse et bienveillante prônée par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Au mois de janvier 2011, la lecture des évolutions des dotations globales de fonctionnement de chaque établissement a fait apparaître des disparités dépourvues, selon les observateurs, de toute logique. Un grand nombre d'universités telles que celles de Strasbourg, de Brest ou Montpellier-III se sont vu accorder une augmentation en pratique nulle car strictement égale à l'inflation, à savoir 1,5 %, alors que d'autres, comme Toulouse-II, Bordeaux-III ou Chambéry, ont perçu des dotations en hausses respectivement de 10 %, 11,2 % et +11,8 %.

Si la répartition selon le modèle SYMPA est appelée à opérer une différenciation entre établissements sur la base d'une rétribution plus conforme à l'activité et à la performance relatives de chacun d'eux, le manque de transparence et de cohérence des critères appliqués a suscité l'incompréhension d'un nombre significatif de présidents d'université.

En outre, l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) a souligné que le mode de répartition mis en oeuvre par le système SYMPA est « sans doute encore perfectible », en particulier dès lors qu'il ne tient pas compte du lieu d'exercice réel de la recherche ou par suite de l'hétérogénéité des notations entre domaines de recherche. L'agence reconnaît que ces imperfections sont souvent gommées par des effets de moyenne, les erreurs positives compensant les erreurs négatives.

Il n'en demeure pas moins que le décompte des effectifs de « produisants » n'est pas, selon l'AERES, sans écueil. Il a pour conséquence que l'essentiel des moyens des universités provenant de la subvention pour mission de service public d'enseignement est attribué en fonction des effectifs, ce qui fait de SYMPA un système de répartition principalement à l'activité...

La note multicritères des unités de recherche, attribuée par l'AERES, détermine la part d'attribution de moyens que l'on peut considérer comme liée à la performance. L'agence souligne qu'elle est quantitativement faible.

La CPU souligne que le système SYMPA a pu fonctionner, en 2009 et 2010, dans la mesure où les dotations de fonctionnement étaient en augmentation. Néanmoins, dès lors que celles-ci stagnent depuis 2011, la répartition n'a pu déboucher principalement que sur deux grands types d'évolutions : soit une augmentation égale à l'inflation (et, donc, en pratique nulle), soit une augmentation moyenne de 3 % en faveur des établissements qui étaient jusqu'ici historiquement sous-dotés. Dès lors que les moyens de fonctionnement sont en stagnation, le modèle ne peut plus fonctionner, à moins, sauf à envisager des redéploiements entre universités.

Votre rapporteure pour avis rappelle, également, que nombreux sont les établissements qui ont investi des sommes considérables et mobilisé l'ensemble de leurs équipes d'enseignants-chercheurs afin d'élaborer des projets candidats à l'attribution des idex, dans le cadre des investissements d'avenir. Un nombre significatif de ces universités se sont vu recaler au fil des vagues de sélection, alors même qu'elles avaient fait montre d'une motivation et d'une créativité exceptionnelles . Votre rapporteure pour avis recommande donc la prise en compte du nombre d'appels à projet auxquels ont répondu les établissements, aussi bien dans leur évaluation par l'AERES que dans la répartition des moyens de fonctionnement par le système SYMPA parce que significatif de la mobilisation collective et de la dynamique de l'établissement.

Le SNESUP souligne, pour sa part, que le système SYMPA prend insuffisamment en compte l'augmentation des charges des établissements, toujours fixées à hauteur de 17 euros par m², alors qu'il estime le coût réel aujourd'hui autour de 24 euros par m².

L'ENJEU DES INÉGALITÉS TERRITORIALES
AU SEIN DU MONDE UNIVERSITAIRE SELON L'AERES

L'inégalité entre universités et territoires est une réalité du monde universitaire.

Si chaque université cherche à faire preuve d'excellence dans ses activités de formation, d'insertion professionnelle et de recherche, son développement n'a cependant pas suivi le même rythme d'un territoire à l'autre. Il y a des universités récentes et des universités anciennes, des universités de grande taille et de petites universités, des contextes socio-économiques et des dynamiques de territoire différents.

L'AERES dit ne pas observer un renforcement des inégalités entre les territoires. La Loi LRU ne les a pas non plus diminuées mécaniquement. Même si l'on admettait l'existence d'importantes différences de performance entre universités ou territoires, l'impact de ces différences serait modeste, compte tenu du faible poids que SYMPA attribue aujourd'hui à la distinction de la qualité ou à la performance.

Si l'impact sur les inégalités n'est guère visible, il apparaît en revanche, qu'utilisant leur nouvelle autonomie, les universités s'organisent avec la volonté d'atteindre des masses critiques permettant d'atténuer ou de pallier certaines difficultés en termes d'investissement ou de visibilité, mais aussi que les « grosses » universités ne sont pas toujours en pointe, des universités plus petites (comme celle de la Rochelle ou celle de Clermont, par exemple) se révélant capables de tirer parti de l'autonomie en parce que plus imaginatives.

Les investissements d'avenir, qui ont clairement pour objectif de distinguer l'excellence et de la financer, de manière à améliorer la compétitivité de l'enseignement supérieur et de la recherche français sur la scène internationale, sont plus à même de contribuer à créer des différences entre universités ou territoires.

Cela peut conduire à des spécialisations différentes par région plutôt qu'à de réels déséquilibres entre régions. Il est d'autre part possible que ces investissements induisent des phénomènes de compensation, par la mobilisation d'autres sources de financement dans des territoires ou universités qui n'auraient pas été retenus.

La poursuite du processus pourrait cependant sans doute utilement tenir compte de la cartographie des investissements d'avenir qui se dessine aujourd'hui, afin d'intégrer ces données sur le chemin conduisant à la décision. En considérant, par exemple, certains bons projets classés juste sous la barre, et sans exercer un effet de sélection territoriale source de saupoudrage, l'objectif serait alors de construire une stratégie cohérente alliant développement scientifique et développement régional.

Ces investissements portent aujourd'hui principalement sur la recherche et sa valorisation. Le risque qu'ils génèrent des inégalités en termes d'offre de formation n'est pas objectivé. Il sera cependant utile de mesurer l'impact qu'auront des projets mettant l'accent sur la formation, tels que les initiatives d'excellence, les initiatives pour le développement de formations innovantes ou les instituts hospitalo-universitaires.

La question de la qualité des infrastructures invite à distinguer les infrastructures immobilières et les infrastructures de recherche. S'agissant des premières, l'opération Campus est à même d'améliorer la qualité des installations immobilières sur de nombreux sites.

Concernant les infrastructures de recherche, il faut distinguer les moyens nationaux mutualisés (physique des particules, astronomie), éventuellement en réseau national comme en physique ou en chimie (réseaux de microscopie électronique et ionique ou de résonnance magnétique nucléaire, centrales nano...) et les moyens locaux, comme en sciences du vivant (génomique, protéomique...). La question de la génération d'éventuelles inégalités territoriales ne peut masquer la question qui se pose aussi de la qualité des très grandes infrastructures de recherche (TGIR). Une évaluation de ces TGIR est nécessaire, pour laquelle l'AERES a un rôle à jouer, en tenant compte des travaux conduits au niveau européen.

Source : Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur

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